Concrètement, elle pourrait être intégrée à la gestion de différents processus RH comme :
a. Anticipation de l’évolution de rémunération dans une approche prédictive
La rémunération prédictive en fonction de différents facteurs identifiés permet aujourd’hui de définir quelles seraient les évolutions salariales auxquelles un collaborateur pourrait prétendre dans un futur proche. Il serait ainsi possible d’envisager ces évolutions au regard des facteurs suivants :
- Les caractéristiques du collaborateur : son âge, ses études, ses compétences, son expérience, son expertise, sa fonction, son salaire actuel, etc.
- La valeur de son profil sur le marché du travail, relative notamment à son niveau d’expérience, sa localité, etc.
- La pérennité de l’entreprise et ses perspectives de croissance (évaluée à travers son chiffre d’affaires, la dynamique de son secteur d’activité, etc).
Le calcul des modalités de rémunération à partir des Analytics serait toutefois dépendant d’un travail préliminaire de collecte rigoureuse des données des collaborateurs tous grades confondus, d’une mise à jour constante du calcul de la « valeur » d’un profil et de la « pérennité et perspective de croissance » de l’entreprise. En théorie, l’intégration d’un algorithme permettant l’automatisation de ce modèle de calcul des salaires serait une solution technique envisageable en matière de rémunération prédictive.
b. Anticipation de la stratégie de GPEC
La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) prédictive repose aujourd’hui sur plusieurs piliers et permet d’anticiper au mieux les futurs besoins en termes de métiers, d’effectifs et de compétences.
La GPEC prédictive repose sur divers changements identifiés à partir de données accessibles et exploitables, dans différents domaines :
- Economiques : augmentations ou diminutions du PIB, conséquences économiques d’instabilités politiques, etc.
- Financiers : projections de croissance, stratégies d’investissement, cours du marché des matières premières, entrée ou sortie de l’entreprise en bourse, etc.
- Sociologiques : vieillissement de la population, augmentation du nombre de personnes diplômées, nouveaux rapports au travail, etc.
- Technologiques : nouvelles technologies arrivant sur le marché, accélération de la digitalisation et des nouveaux modes de travail, etc.
L’objectif de la GPEC prédictive est donc d’anticiper les compétences ou les postes manquants à la suite de ces bouleversements simultanés de différentes natures. Il s’agit dans la foulée d’adapter les ressources humaines à ces changements avant qu’ils n’aient un réel impact sur l’organisation.
c. Sécurisation du recrutement
Les coûts liés au remplacement d’un collaborateur peuvent se situer entre 30 000 et 150 000 euros en fonction du profil². Il devient donc stratégique de pouvoir retenir les talents recrutés. Ainsi, le recrutement prédictif correspond à une manière de recruter et de prédire le potentiel du candidat à occuper sa fonction sur le long terme.
Il est donc nécessaire de disposer de données issues, d’une part, des collaborateurs en poste (pour permettre un point de comparaison) et d’autre part des candidats suivant le processus de recrutement, sur les aspects suivants :
- Profil
- Parcours
- Comportement
- Caractéristiques démographiques
- Caractéristiques personnelles
Techniquement, ce mode de recrutement nécessite la possibilité d’obtenir une série d’informations à caractère personnel de la part des collaborateurs en poste et des candidats, présentes dans le CV mais ne s’y limitant pas. Il est donc nécessaire pour compléter cette approche du recrutement prédictif de collecter certaines données qualitatives, et d’en sortir un modèle prédictif capable de fournir une réponse fiable concernant le potentiel d’un candidat et ainsi de constituer une aide à la décision. Enfin, la place de cette « prédiction » au cours du choix du recrutement doit être définie de concert parmi les équipes responsables afin de rester dans une logique de complémentarité Big Data / humain.
d. Anticipation des départs
Le départ d’un collaborateur est souvent précédé de signaux faibles. L’analyse prédictive permet d’anticiper et d’agir le plus tôt possible. Certaines données pourraient rendre compte d’insatisfactions et de difficultés vécues par un collaborateur et pourraient utilisées à des fins d’anticipation d’éventuels départs. En voici quelques exemples :
- Un volume horaire élevé du collaborateur sans compensation financière immédiate et/ou significative
- Des problématiques liées au management
- Des problématiques liées au parcours professionnel, à l’entretien annuel de performance et à l’évolution salariale du collaborateur
- Un faible volume de formations non-obligatoires suivis par le collaborateur
- Un faible niveau de satisfaction des clients externes, (une clientèle « hostile »)
- Des problématiques liées à un volume conséquent d’incidents techniques voire d’accidents du travail
- Une incertitude quant à la pérennité économique de l’organisation ou du secteur
Ces données sont bien sûr à adapter en fonction de l’environnement de l’organisation mais aussi de la catégorie de poste sur laquelle l’étude est réalisée.
e. Exemple de méthodologie applicable
Les applications précédemment évoquées nécessitent donc un croisement de différentes données faisant sens afin d’obtenir une interprétation RH stratégique. Voici deux exemples permettant de mieux saisir la méthodologie à engager pour parvenir à de telles interprétations :
- Croisement de données RH et de données thématiques (économie, contexte sanitaire, contexte politique) par exemple :
- Prévision de turnover en fonction d’un contexte sanitaire particulier (COVID)
- Gestion RH de crise à la suite d’instabilités politiques et de dangers pour les collaborateurs
- Identification de conclusions sur différents phénomènes RH (taux de turnover, nombre de recrutements ayant aboutis après la période d’essai etc.) à partir des réalités opérationnelles (forte pénibilité, horaires variables etc.) sur certaines tendances RH amenées à se reproduire :
- Extrapoler sur une reproduction de phénomènes similaires en tenant compte de facteurs pouvant être corrélés avec ces tendances RH observées.
De manière hypothétique, nous pouvons imaginer le développement de cette technique prédictive par croisement de données significatives. En s’appuyant sur des réalités opérationnelles ou des éléments tangibles du quotidien des collaborateurs, il serait en effet possible de développer un modèle prédictif en amélioration continue.
3. Quelles considérations et quels risques ? La prédictibilité RH de demain : réflexions techniques et éthiques
Les Analytics RH sont encore peu développées en entreprise. Celles-ci sont encore au stade de l’implémentation de nouveau outils digitaux avec, par exemple, des SIRH ou data lake ou data warehouse. Or, l’analyse prédictive implique une certaine maturité sur le traitement de la donnée.