BSPCE & Mobilité internationale : Anticiper les enjeux fiscaux et sociaux pour les bénéficiaires et leur employeur
Dans le cadre du développement de leur entreprise à l’international, de très nombreux dirigeants et salariés clés de start-ups / scale-ups sont amenés à partir travailler hors de France pour lever des fonds, pour développer de nouveaux marchés ou encore pour répondre aux attentes des investisseurs. Ces salariés et dirigeants sont souvent bénéficiaires d’instruments d’actionnariat salarié comme les BSPCE (Bons de Souscription de Parts de Créateur d’Entreprise), actions gratuites ou stock-options. Si cette mobilité stratégique est synonyme d’opportunités, elle soulève également des enjeux fiscaux et sociaux complexes qu’il convient de connaître.
Or, si les règles françaises sont bien connues des entreprises et des bénéficiaires, en particulier l’exonération du gain de toute charges de sécurité sociale et le différé de l’imposition au jour de la cession des actions, les règles qui s’appliquent hors de France sur le gain d’exercice sont souvent méconnues.
La méconnaissance, voire l’ignorance, des conséquences fiscales et sociales de la mobilité sur les instruments d’actionnariat salarié peut générer un coût supplémentaire important pour l’entreprise et le bénéficiaire. Elle peut également entraîner des problèmes de trésorerie et une perte d’attractivité du dispositif pour le bénéficiaire. Il convient donc d’anticiper et d’informer le bénéficiaire sur les conséquences de sa mobilité.
Les BSPCE : un outil phare pour attirer et fidéliser les talents
Les BSPCE permettent aux salariés et aux dirigeants de souscrire, à un prix fixé lors de l’attribution, des actions de la société. Ils peuvent être attribués :
- Aux salariés et dirigeants soumis au régime fiscal des salariés,
- Aux membres des organes de direction des sociétés par actions (SA, SAS, SCA),
- Aux salariés et dirigeants de filiales détenues à hauteur de 75 % par la société émettrice.
Pour être éligible, la société émettrice doit notamment :
- Être immatriculée depuis moins de 15 ans,
- Être non cotée ou cotée sur un marché de petite capitalisation (< 150 M€),
- Être soumise à l’impôt sur les sociétés (IS),
- Avoir un capital détenu à au moins 25 % par des personnes physiques ou des sociétés elles-mêmes détenues majoritairement par des personnes physiques,
- Ne pas être issue d’une concentration ou reprise d’activité préexistante (sauf exceptions).
Depuis 2020, le champ d’application du dispositif a été élargi, sous conditions, aux sociétés ayant leur siège dans l’UE ou dans un État ayant conclu avec la France une convention fiscale incluant une clause d’assistance administrative, et soumises à un impôt équivalent à l’IS.
Une proposition de loi déposée le 18 mars 2025 a également souhaité renforcer le dispositif en prévoyant :
- D’ouvrir le dispositif aux entreprises de moins de 30 ans (contre 15 ans actuellement),
- D’étendre l’éligibilité aux entreprises détenues à plus de 75 % par des fonds d’investissement, dans la limite de 90 %,
- D’harmoniser le régime fiscal en appliquant le prélèvement forfaitaire unique aux plus-values dès lors que l’ancienneté des titres est supérieure à un an (au lieu de trois ans aujourd’hui).
À ce jour, cette proposition a été renvoyée en commission des finances.
Un régime fiscal français attractif… mais non exportable
En France, les BSPCE bénéficient d’un régime fiscal et social très attractif et surtout le gain d’exercice bénéficie d’un différé d’imposition jusqu’à la cession des actions sous-jacentes.
La loi de finances pour 2025 a dissocié le gain total pouvant être réalisé lors de la cession d’actions issues de BSPCE en deux catégories :
- Le gain d’exercice, correspondant à la différence entre : (i) la valeur de marché des actions sous-jacentes aux bons à la date de leur exercice et (ii) le prix d’exercice desdits bons. Ce gain d’exercice est dorénavant traité comme un avantage salarial, mais reste soumis à un régime très favorable. Il est totalement exonéré de charges de sécurité sociale, imposé à un taux réduit d’impôt sur le revenu (12,8 % ou 30 % selon l’ancienneté), et il est soumis uniquement aux prélèvements sociaux au taux de 17,2%.
- Le gain de cession, correspondant à la différence entre : (i) le prix de cession des actions sous-jacentes aux bons et (ii) la valeur réelle de ces actions au jour de l’exercice desdits bons. Ce gain est en principe imposable dans la catégorie des plus-values mobilières, sous réserve du nouveau régime applicable aux gains de management packages récemment introduit à l’article 163 bis H du CGI.
À noter que dans les faits, les bénéficiaires exercent souvent les BSPCE juste avant un évènement de liquidité, réalisant ainsi uniquement un gain d’exercice, mais ce n’est pas toujours le cas.
Or, ce régime d’imposition très avantageux est strictement français et n’a d’effet qu’en France, ou sur la part française du gain imposable en France. Il ne s’exporte pas.
Dès lors que le bénéficiaire transfère sa résidence hors de France pendant la période d’acquisition des BSCPE, le gain que le bénéficiaire peut réaliser au jour de l’exercice pourra être soumis aux régimes d’imposition des différents pays dans lequel il ou elle aura résidé et exercé son activité professionnelle pendant cette période.
L’impact du départ de France sur l’imposition du gain d’exercice
Si le bénéficiaire transfère sa résidence fiscale hors de France pendant la période d’acquisition des BSPCE, le gain réalisé au moment de l’exercice peut être soumis à la fiscalité de plusieurs pays : la France pour la part correspondant à l’activité professionnelle exercée en France, et chaque État dans lequel le bénéficiaire aura travaillé durant cette période.
En France, pour un non-résident fiscal au moment de la cession des actions (fait générateur d’imposition), le gain d’exercice est imposé par le biais d’une retenue à la source, en application de l’article 182 A ter du CGI, uniquement sur la part du gain considérée comme de source française. Les taux d’imposition restent identiques (12,8 % ou 30 % selon l’ancienneté), mais l’impôt est prélevé par l’entité qui verse au contribuable les sommes issues de la cession des titres. En fonction du montant du gain et de la situation personnelle du bénéficiaire, un impôt complémentaire peut être dû au moment du dépôt de la déclaration française des revenus de l’année de cession des actions. Par ailleurs, si le salarié est non-résident de France au moment de la cession des actions, les prélèvements sociaux de 17,2 % ne devraient plus s’appliquer.
Le gain de cession, quant à lui, est en principe imposable uniquement dans l’État de résidence fiscale au jour de la cession des actions. Si le salarié cède ses actions en tant que non-résident fiscal de France et réalise un gain de cession, ce dernier ne devrait donc pas être imposable en France.
Le gain total net après imposition peut ainsi être maximisé, sous réserve des règles fiscales applicables dans l’État d’accueil du salarié.
Des enjeux fiscaux et sociaux hors de France à anticiper
Dans la majorité des pays, le gain d’exercice est considéré comme un complément de salaire soumis aux charges de sécurité sociale et à l’impôt sur le revenu au jour de l’exercice des bons (livraison des actions), même en l’absence de cession des actions.
Or, la vente des actions sous-jacentes aux BSPCE est souvent limitée à des évènements de liquidité limitativement énumérés. Il est donc très courant qu’il y ait un décalage entre l’exercice des BSPCE et la possibilité de vendre ses actions. Si ce décalage n’a aucune conséquence fiscale et sociale en France, il peut entraîner un problème de liquidité important pour le salarié, voir une double imposition de tout ou partie du gain d’exercice (en France et dans l'autre pays).
En effet, l’obligation de payer l’impôt dès l’exercice des BSPCE, sans événement de liquidité, peut placer le salarié en grande difficulté si celui-ci ne dispose pas de la trésorerie nécessaire pour financer l’impôt étranger.
De plus, la part française du gain d’exercice reste imposable en France, mais uniquement au moment de la vente. Or, dans certains pays, en l’absence d’impôt réellement payé lors de l’exercice sur cette part française, les conventions fiscales ne permettent pas d’éviter une double imposition.
Enfin l’assujettissement du gain aux charges de sécurité sociale hors de France au jour de l’exercice peut également générer un surcoût que l’entreprise n’avait pas anticipé.
Il est donc essentiel, avant tout départ de France, d’identifier le régime fiscal et social applicable aux BSPCE dans le pays d’accueil, pendant et après la mission, de disposer d’une information complète destinée aussi bien aux bénéficiaires concernés, qu’à l’entreprise sur les conséquences éventuelles en cas d’exercice des BSPCE pendant la période d’expatriation, mais également au retour.
Une politique d’actionnariat salarié pensée à l’échelle internationale et une bonne connaissance des enjeux hors de France sont les clés pour préserver l’attractivité et assurer une gestion sereine du dispositif.