Une vue aérienne d'une tour d'observation unique en forme de spirale, entourée d'une dense forêt verte.

Start-up et subventions publiques : transformer le labyrinthe administratif en levier stratégique

Le double objectif de cet article ? Aider les start-up à avoir une vision d’ensemble des aides publiques disponibles et éviter les écueils juridiques quant à leur obtention.

Cet article a été rédigé par Anouck Juraver, avocate chez EY.


En résumé :

  • Cartographie stratégique des aides : Les start-up peuvent mobiliser une diversité de dispositifs publics (fiscaux, sociaux, subventions) en fonction de leur profil et de leurs projets.
  • Sécurisation juridique et administrative : L’obtention d’une subvention implique le respect de critères stricts, la signature de conventions et une vigilance sur les règles de cumul.
  • Approche proactive et structurée : Une demande réussie repose sur l’anticipation, la conformité, la valorisation territoriale et une préparation rigoureuse du dossier.

L’accès aux aides publiques constitue un enjeu majeur pour une start-up, tant pour sa création que pour son développement. Le droit français prévoit une pluralité de dispositifs, chacun assorti de critères d’éligibilité précis, qu’il s’agisse d’aides fiscales, sociales ou d’aides directes à l’investissement.

Les dispositifs de subvention peuvent utilement se combiner avec d’autres leviers fiscaux, comme le crédit d’impôt recherche (CIR) ou le crédit d’impôt innovation (CII). Dans le contexte actuel de développement de l’intelligence artificielle (IA), ces outils constituent des compléments stratégiques pour sécuriser le financement de projets technologiques ambitieux (lire l’article Crédit d’impôt recherche et IA : opportunités clés | EY - France)

Certes, les critères d’éligibilité aux aides publiques pour une start-up varient selon la nature de l’aide : fiscale, sociale, subvention directe, etc. Mais généralement, ils reposent sur la jeunesse de  l’entreprise, son caractère innovant, sa taille (PME), la localisation de son activité, la nature de ses dépenses – en R&D notamment –, la composition de son capital, et le respect de certaines conditions de non-cumul et de conformité aux règles européennes sur les aides d’État.

Le droit français distingue plusieurs catégories d’aides publiques à destination des start-up. Les principales ? Les aides fiscales (exonérations d’impôt sur les sociétés ou sur le revenu, exonérations de cotisations sociales) et les subventions directes. Chacune est encadrée par des critères d’éligibilité précis.

Parmi les acteurs économiques, les subventions publiques directes ciblent en priorité les start-up.

Subventions directes, un outil d’investissement à manier avec stratégie

Du fait du contexte budgétaire, les conditions d’intervention de l’État et de ses agences devraient faire l’objet d’adaptations – baisse des subventions directes au profit de mécanismes d’avances remboursables ou de prêts à taux zéro. Toutefois, les start-up restent la catégorie de bénéficiaires qui devraient le moins souffrir des coupes budgétaires.

Les collectivités territoriales restent des interlocuteurs résilients. Elles disposent de compétences spécifiques pour accorder des aides à l’investissement immobilier, à la location de terrains ou d’immeubles, ou encore des subventions à certains secteurs innovants. Concrètement, la législation encadre strictement les conditions d’attribution des aides locales. Ainsi, l’article L.1511-3 du code général des collectivités territoriales dispose :

"Dans le respect de l'article L. 4251-17, les communes, la métropole de Lyon et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre sont seuls compétents pour définir les aides ou les régimes d'aides et décider de l'octroi de ces aides sur leur territoire en matière d'investissement immobilier des entreprises et de location de terrains ou d'immeubles. (…)»

Certaines aides sont réservées à des secteurs particuliers, comme l’exploitation de salles de spectacle cinématographique ou la vente au détail de livres neufs. Par exemple, l’article L.2251-4 du code général des collectivités territoriales prévoit :

"La commune peut attribuer des subventions à des entreprises existantes ayant pour objet l'exploitation de salles de spectacle cinématographique dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. i (...)"[GT2]

Par ailleurs, la région est une courroie de distribution du Fonds européen de développement régional (Feder). Doté de 9,1 milliards d’euros (Md€) à l’échelle européenne pour la période 2021-2027, il offre diverses opportunités de subvention, en particulier pour les start-up en matière d’innovation.

L’étude des conditions d’éligibilité sur la base du besoin de financement est donc indispensable pour permettre à une start-up d’anticiper l’identification de la bonne administration.

Conventions, contrôles et conditions : ce qu’il faut savoir avant de toucher la subvention

Les subventions directes versées aux entreprises, en particulier aux start-up, sont conditionnées.

Les textes relatifs aux aides directes prévoient que leur octroi est subordonné à la conclusion d’une convention entre la collectivité et l’entreprise bénéficiaire. Ainsi, l’article L.1511-3 du code général des collectivités territoriales dispose :

"Ces aides donnent lieu à l'établissement d'une convention et sont versées soit directement à l'entreprise bénéficiaire, soit au maître d'ouvrage, public ou privé, qui en fait alors bénéficier intégralement l'entreprise."

L’article L.1611-4 du code général des collectivités territoriales dispose également que :

« Toute association, œuvre ou entreprise ayant reçu une subvention peut être soumise au contrôle des délégués de la collectivité qui l'a accordée. (…)

Il est interdit à tout groupement ou à toute association, œuvre ou entreprise ayant reçu une subvention d'en employer tout ou partie en subventions à d'autres associations, œuvres ou entreprises, sauf lorsque cela est expressément prévu dans la convention conclue entre la collectivité territoriale et l'organisme subventionné. »[GT3]

De plus, l’article L.242-2 du code des relations entre le public et l'administration prévoit également que :

               « Par dérogation à l'article L. 242-1, l'administration peut, sans condition de
délai :

1° abroger une décision créatrice de droits dont le maintien est subordonné à une condition qui n'est plus remplie ;

2° retirer une décision attribuant une subvention lorsque les conditions mises à son octroi n'ont pas été respectées. »

Le caractère créateur de droits de l'attribution d'un avantage financier, tel qu'une subvention, ne fait pas obstacle :

  • soit à ce que la décision d'attribution soit abrogée si les conditions auxquelles est subordonnée cette attribution ne sont plus remplies ;
  • soit à ce que l'autorité chargée de son exécution, constatant que ces conditions ne sont plus remplies, mette fin à cette exécution en ne versant pas le solde de la subvention. (Décision du Conseil d’État du 7 août 2008, Crédit coopératif, no 285979)

Cumuler sans dépasser : maîtriser les règles européennes des aides d’État

Les start-up sont une catégorie de bénéficiaires particulièrement sujets aux questions de cumul. Car elles peuvent bénéficier de plusieurs programmes de subventions en même temps. Il conviendra de s’assurer des possibilités de cumul au regard des cahiers des charges des dispositifs eux-mêmes, ainsi que de la réglementation européenne en matière d’aides d’État.

Exemple. En matière d’innovation, plusieurs programmes peuvent être sollicités au bénéfice d’un même projet : fonds Feder, enveloppes nationales gérées par Bpifrance ou fonds en provenance des régions.

Dans ce cadre, il convient d’opérer une double vérification. D’une part que les aides perçues pour un même projet respectent les règles de cumul en matière d’aides d’État. D’autre part que les aides sollicitées ou perçues soient toujours déclarées auprès des administrations concernées par les demandes de subvention.

Les clés d’une demande de subvention réussie

Dans ce contexte plus contraint, il est essentiel d’adopter une vision stratégique de sa candidature pour maximiser ses chances d’obtenir une subvention :

  • Cibler le dispositif le plus adapté en fonction des besoins du projet (fonds de roulement, investissements, etc.) ;
  • Analyser le cahier des charges et calculer l’aide d’État potentielle au regard de la réglementation ;
  • S’assurer d’un minimum de fonds propres pour les subventions directes à l’investissement : un candidat n’attestant pas d’une somme suffisante pour réaliser un projet d’investissement – avant subvention – peut être écarté par l’administration à ce seul motif ;
  • Anticiper les problématiques éventuelles de cumul des aides ;
  • Anticiper l’identification des partenaires dans le cadre d’une candidature sous forme de consortium (avec l’aide, également, des pôles de compétitivité ou des réseaux économiques privés) ;
  • Valoriser les bénéfices du projet pour le territoire, notamment en matière de maintien et de création d’emplois directs et indirects ;
  • Solliciter les administrations en amont du dépôt pour s’assurer de l’éligibilité de son projet, lorsque cela est possible ;
  • Anticiper l’obtention des documents administratifs demandés et soumettre une candidature complète. À noter : un délai d’un mois est requis pour certains documents (exemple : RIB). Les banques doivent respecter les procédures applicables en matière de lutte contre le blanchiment d’argent ;
  • Bien anticiper le temps nécessaire pour préparer sa candidature, variable selon la complexité du dispositif : trois mois sont généralement indispensables pour une candidature sous forme de consortium au dispositif régional ou national, dix à douze mois pour les candidatures aux dispositifs européens. 

Dans un environnement budgétaire de plus en plus contraint, les subventions publiques demeurent un levier de financement essentiel pour les start-up. À condition d’en maîtriser la complexité. Au-delà du simple soutien financier, elles traduisent la volonté des pouvoirs publics d’accompagner l’innovation, la transition écologique et la compétitivité des territoires. Mais leur obtention, comme leur gestion, suppose rigueur, anticipation et transparence.

Une start-up a donc tout intérêt à aborder les dispositifs d’aides publiques comme un véritable projet stratégique, qui mobilise à la fois ses compétences juridiques, financières et organisationnelles. Anticiper les critères, sécuriser la conformité, valoriser l’impact territorial du projet… Autant de bons réflexes pour maximiser ses chances de succès.

Bref, transformer une demande de subvention en opportunité durable relève d’une approche structurée et éclairée — celle d’entreprises qui font du financement public un levier au service de leur croissance et de leur ancrage économique.

Ce qu'il faut retenir

L’accès aux subventions publiques représente un levier stratégique pour les start-up, à condition d’en maîtriser les règles complexes. Entre critères d’éligibilité, conventions obligatoires, contrôles et réglementation européenne sur le cumul des aides, chaque étape demande rigueur et anticipation. Une approche structurée permet de transformer une demande de subvention en opportunité durable, en valorisant l’impact territorial du projet et en sécurisant sa conformité juridique et financière. Dans un contexte budgétaire contraint, les aides publiques restent un soutien essentiel à l’innovation et à la croissance des jeunes entreprises.


A propos de cet article


Articles associés

Baromètre EY du capital risque en France - 1er semestre 2025

Découvrez notre baromètre du capital-risque au 1er semestre 2025.

Les aspects juridiques de l'internationalisation des startups

Anticiper les enjeux juridiques d’une startup à l’international : données, fiscalité, IA, propriété intellectuelle, conformité réglementaire.

Crédit d’impôt recherche et IA : sécuriser vos projets innovants

Financer la R&D à l’ère de l’IA : opportunités et vigilance pour sécuriser le CIR et optimiser vos projets innovants en France.