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Premiers rapports CSRD : état des lieux de l’action climatique, niveau de maturité, et bonnes pratiques

Analyse des premiers rapports CSRD : ambitions climat, plans de transition, risques et leviers d’action pour les entreprises.


En résumé :

  • Que révèlent les premiers rapports CSRD sur les plans de transition climatique, les risques et les stratégies net zéro des entreprises ?
  • Quelles bonnes pratiques émergent de cette première vague de reporting CSRD sur les sujets climat ?
  • Quelles priorités se dessinent pour les prochaines étapes de l’action climatique du reporting CSRD ?

Avec la première année d’application de la directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), les entreprises de la vague 1 ont franchi une étape majeure vers plus de transparence, illustrée par une adoption généralisée des plans de transition climat. Cette dynamique positive s’accompagne toutefois d’un besoin accru de clarification sur les moyens opérationnels de mise en œuvre.

Notre analyse comparative porte sur 46 états de durabilité au sens de la CSRD publiés en 2025 par des entreprises européennes, couvrant huit secteurs d’activité. Nous avons revu l’ambition en matière climatique annoncée par les entreprises sur la décarbonation et les risques climat, les moyens présentés pour déployer les plans d’actions de décarbonation et d’adaptation au changement climatique ainsi que les approches pour atteindre le Net Zéro. Au-delà de l’alignement réglementaire avec les attendus de la CSRD, l’analyse interroge la crédibilité des moyens présentés par les entreprises au regard des objectifs annoncés et de l’ampleur de l’impact des risques climatiques sur les chaines de valeur des entreprises. 

Dans un contexte de nouvelles exigences réglementaires et d’attentes des investisseurs sur le climat, cette analyse met en lumière les bonnes pratiques émergentes du marché et identifie les priorités pour l’année à venir dans un contexte réglementaire en évolution marqué notamment par le projet de directive Omnibus, qui vise à ajuster certaines exigences techniques des ESRS pour faciliter leur mise en œuvre.

Des objectifs de décarbonation ambitieux annoncés par les entreprises pour lesquels la compatibilité avec la limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C reste difficile à apprécier

Une majorité d’entreprises (85%) déclarant avoir des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) “compatibles” ou "alignés" avec la limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C s’appuient sur la validation par la SBTi pour justifier la compatibilité de ces objectifs. Cependant seules 35% des entreprises utilisent le terme “compatibles”. Cela s’explique par le manque d'une définition précise de la compatibilité attendue par la CSRD, définition qui, selon nous, nécessite d’apprécier le périmètre d’émissions de GES couverts et les horizons temporels fixés des objectifs. Il convient de noter que la validation SBTi ne reflète pas nécessairement le niveau d’ambition global des entreprises vis-à-vis de l’Accord de Paris : quelques entreprises (9 %) se distinguent par une ambition couvrant l’ensemble des scopes d’émissions, illustrant des approches novatrices à suivre, à la fois sur le court terme (2030) et le long terme (2040/2050).

Une large adoption des plans de transition par les entreprises européennes est un signe encourageant malgré un manque d’information sur les éléments permettant d’apprécier l’exécution opérationnelle effective de ces plans

La majorité des entreprises (78 %) publient un plan de transition traduisant un progrès dans la transparence sur les moyens à mobiliser. Cependant, peu d’entreprises articulent clairement comment les leviers de décarbonation et les moyens financiers permettront d’atteindre les objectifs de décarbonation.

Concernant les leviers de décarbonation, la présentation des feuilles de route et leviers de décarbonation est incomplète avec seules 22% des entreprises publiant un plan de transition communiquant sur la contribution des leviers à l’atteinte de l’intégralité de l’objectif de décarbonation déclaré. Par ailleurs, le lien avec l’évolution du portefeuille de produits et services de l’entreprise et les nouveaux modèles de circularité dans les leviers de décarbonation est rarement expliqué, ce qui soulève la question de l’intégration du plan de transition climat dans la stratégie globale de l’entreprise portant sur la temporalité du plan stratégique et au-delà.

Malgré des plans de transition affichant des objectifs dans l’horizon temporel du business plan des entreprises, la visibilité sur les ressources financières reste limitée, ce qui souligne l’importance d’un travail d’intégration dans la planification financière des entreprises. Ces résultats ne sont pas surprenants dans un contexte économique qui met à l’épreuve les capacités d’investissements des entreprises, comme l’indique la dernière enquête d’EY auprès des PDG d’entreprises ( CEOs grapple with trade and tariff uncertainty but imperatives for dealmaking remain | EY - Global ). Il est à noter que l’information sur les futures capex et opex du plan de transition peut être difficile à identifier faute de définitions précises des projets contribuant à la décarbonation, de règles d’allocation des capex sur la décarbonation et d’outils permettant ce nouveau reporting.

Une prise de conscience généralisée de l’impact du climat sur les chaines de valeur des entreprises mais une publication limitée sur les impacts opérationnels et financiers à moyen et long terme

Les entreprises intensifient leurs efforts d'analyse de résilience : 98% ont initié une évaluation de l'exposition aux risques climatiques et 61% déclarent avoir mené des analyses d'impact des risques qualitatives ou financières. Cela reflète la prise de conscience de la vulnérabilité des entreprises exposées à des risques climatiques croissants (températures extrêmes et canicules, inondations, tempêtes, sécheresses, etc.) susceptibles d’affecter leur modèle économique, leur chaîne logistique, leurs infrastructures et leurs salariés. Malgré la prise de conscience des entreprises sur l’importance de planifier des actions d’adaptation, la communication sur les impacts et les plans d’adaptation reste majoritairement qualitative, mais des premiers exemples d’estimations financières émergent, ouvrant la voie à des pratiques plus robustes. Nous notons quelques exemples d’entreprises (13%) publiant des estimations d’impacts financiers illustrant de possibles approches de communication sur un sujet sensible et émergeant.

Net Zéro et compensation carbone : Des stratégies encore timides face à des prévisions de marché en croissance

Les entreprises s’engagent sur la voie du Net Zéro. 81% d’entre elles envisagent le recours aux crédits carbone, et un peu plus d’un tiers en utilise déjà. Toutefois, les volumes restent marginaux, représentant moins de 2% de leurs émissions pour la grande majorité. A ce jour, les crédits carbone utilisés concernent principalement des émissions évitées, issues par exemple de projets d’efficacité énergétique ou de déforestation évitée (81% des volumes de crédits carbone publiés). Dans un contexte d’évolution des règles de la SBTi sur le Net Zéro, un renforcement des stratégies de compensation carbone est attendu dans les prochaines années, ainsi qu’une réorientation du marché vers des crédits d’absorption de carbone c’est-à-dire de carbone absorbé depuis l’atmosphère.

Conclusion

L’analyse des premiers états de durabilité au sens de la CSRD présente des signaux encourageants et met en évidence une mobilisation croissante des entreprises autour de l’action climatique. 78% ont publié un plan de transition au sens de la directive CSRD et la plupart reconnaissent l’importance stratégique d’une trajectoire alignée avec l’objectif 1,5 °C. Si des avancées notables apparaissent dans la formalisation de trajectoires et d’objectifs, la traduction opérationnelle reste encore incomplète, qu’il s’agisse de l’évaluation financière, de l’articulation entre risques climatiques et stratégies d’adaptation, ou de l’intégration du climat dans la gouvernance.

Pour transformer les plans de transition en véritables outils de pilotage stratégique, cinq chantiers sont identifiés – définition de trajectoires claires, déclinaison opérationnelle en actions, priorisation des investissements, renforcement de la résilience et intégration dans la gouvernance.

Dans le domaine du climat, plusieurs jalons réglementaires et diplomatiques sont à suivre d’ici la fin 2025. Au niveau national, les entreprises devront surveiller les suites données au troisième Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC-3), publié en mars 2025, qui fixe les priorités d’adaptation pour les années à venir, notamment en matière de résilience et de planification territoriale. A l’international, des rendez-vous structurants comme la Climate Week de New York et la COP30 viendront rythmer l’agenda climatique mondial.

Par ailleurs, dans le prolongement de la stratégie Global Gateway de l’Union européenne, un nouveau cadre de coopération bilatérale a été lancé avec l’Afrique du Sud : le Clean Trade and Investment Partnership (CTIP). Ce partenariat vise à renforcer les liens économiques et industriels autour des technologies propres, des matières premières critiques et de la transition énergétique, avec une attention particulière portée à l’hydrogène vert. Il s’agit du premier accord bilatéral de ce genre dans le cadre de cette stratégie.

Pour découvrir l’ensemble des enseignements, les bonnes pratiques identifiées et les recommandations pour renforcer l’intégration stratégique du climat, accédez au replay de notre webcast « Au regard des premières publications CSRD, où en sont les entreprises dans leur action climatique ? » en vous inscrivant ICI.

Ce qu'il faut retenir

Avec l’entrée en vigueur de la directive CSRD, les entreprises amorcent une nouvelle ère de transparence sur l’action climatique. Pourtant, notre analyse de 46 rapports publiés en 2025 révèle que les plans de transition réellement structurés restent rares. Si 78 % des entreprises publient un plan, peu articulent clairement ambition, leviers opérationnels et financement. Cinq leviers clés émergent pour transformer ces plans en outils de pilotage stratégique : trajectoires claires, actions concrètes, investissements ciblés, résilience renforcée et gouvernance intégrée.

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