6 min de temps de lecture 8 mars 2021
Catherine Beauvillain: favoriser le développement de l’entrepreneuriat par les femmes

Catherine Beauvillain : favoriser le développement de l’entrepreneuriat par les femmes

Par EY Alumni

Building a better working world

Le réseau Alumni d’EY en France offre à ses près de 10 000 membres des occasions d’élargir leurs opportunités et expériences futures tout en nourrissant les liens qu’ils ont tissés avec EY.

6 min de temps de lecture 8 mars 2021
Expertises associées Alumni

« J’ai appris énormément chez EY, notamment à structurer mon travail et mieux comprendre les rouages de l’entreprise ».

Vous présidez la délégation des Hauts-de-Seine de l’association Femmes Chefs d’Entreprises. Comment est née cette association et quel est son objet ?

L’association des Femmes Chefs d’Entreprises a été créée par Yvonne-Edmond Foinant en 1945, après la guerre. FCE est la seule association qui accompagne le développement des entreprises déjà créées et dirigées par des femmes. Nous les aidons aussi à accéder aux mandats socio-économiques (CCI, prud’hommes, tribunal de commerce, CESE, CPAM, logements sociaux, ...)

FCE France, c’est 60 délégations, 2 000 adhérentes, 50 000 emplois, et 500 mandats.

Quel est votre rôle au sein de FCE 92 et quelles actions menez-vous ?

J’anime le bureau composé de 7 adhérentes. Nous organisons un événement par mois sous forme de conférence, d’échanges d’expériences ou d’atelier de travail. Nous avons aussi noué des partenariats avec des institutions et entreprises locales. Par exemple, le 8 mars, nous organisons un événement en présentiel avec la CPME 92 et le CESE sur les femmes et l’entrepreneuriat.

Je relaie aussi les offres de mandats socio-économiques proposées par les organisations patronales qui rencontrent parfois des difficultés pour trouver les bonnes compétences tout en respectant les quotas. Les FCE sont un vivier de femmes engagées et compétentes.

Les inégalités femmes-hommes subsistent toujours en matière d'entrepreneuriat. Quelles sont les raisons de ce blocage ? Pourquoi encore si peu d'entrepreneures et de cheffes d’entreprise ?

Les femmes représentent seulement 30 % des entrepreneurs. Les raisons de ce déséquilibre sont multiples. En premier lieu, reviennent encore aujourd’hui les stéréotypes de genre et la connotation très masculine de l’entrepreneuriat dans l’inconscient collectif. Les role models de femmes entrepreneures sont trop peu nombreux et trop peu médiatisés pour que les jeunes femmes puissent se projeter.

En second lieu, les femmes sont ambitieuses mais ont plus de difficultés que les hommes à se sentir légitimes et ont une plus grande aversion au risque. Elles n’empruntent généralement que ce dont elles ont besoin et limitent par conséquence le développement de leurs entreprises.

Enfin, l’articulation des temps de vie les amène souvent à renoncer à leur propre formation et à la constitution d’un réseau. Les tâches domestiques et parentales reposent encore essentiellement sur les femmes.

Quelles sont, selon vous et vos retours d’expériences, les actions à mener pour répondre efficacement à ce déséquilibre ?

Il faut encourager les jeunes femmes à entreprendre et les accompagner. Tous les ans, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, nos adhérentes en partenariat avec 100 000 Entrepreneurs se mobilisent pour témoigner de leur expérience et de leur joie d’entreprendre auprès des lycéens. Cela permet aux jeunes, filles et garçons, de découvrir l’entrepreneuriat et de constater que ce n’est pas réservé aux hommes. L’idéal serait bien sûr de les sensibiliser dès le plus jeune âge.

Il faut également faciliter l’accès au financement des projets portés par des femmes notamment en identifiant les biais cognitifs qui induisent des refus non objectifs. Nous réfléchissons par exemple avec la BPI à la mise en place de statistiques genrées sur l’octroi des financements.

La délégation aux droits des femmes et à l’égalité du CESE a identifié quelques pistes dont celle de proposer aux médias et à la presse économique une charte d’engagement volontaire en faveur de la visibilité des entrepreneures et celle d’appliquer le principe de l’éga-conditionnalité aux aides publiques, cad les conditionner au respect de l’égalité dans la gouvernance des entreprises. Le CESE pointe aussi la nécessité d’harmoniser par le haut les différents statuts d’entrepreneures en matière de protection et notamment le congé maternité.

Vous êtes, depuis de nombreuses années, très investie dans l’écosystème entrepreneurial, notamment dans la transmission des PME et ETI et dans la prévention et la régulation des conflits entre associés et/ou dirigeants. Pouvez-vous revenir sur votre parcours ?

J’ai démarré ma carrière aux Etats-Unis et rejoint EY Lille à mon retour en France. En 1994, j’ai eu la chance de rencontrer André Mulliez qui avait créé Nord Entreprendre. Il a accepté de dupliquer son concept et j’ai créé Seine Estuaire Entreprendre au Havre – devenu Réseau Entreprendre Seine Estuaire - avec le soutien d’entrepreneurs havrais. En 1997, nous étions 5 associations et André nous a embarqués dans la fabuleuse aventure de la naissance de Réseau Entreprendre. Il m’a inoculé le virus de la création d’entreprise. En 2001, j’ai créé une société de conseil et en 2007 j’ai repris un groupe de PME. J’y ai réalisé quelques opérations de croissance externe et de cession et j’ai cédé le groupe en 2015. Depuis j’ai créé avec deux associés Symphonie Finance, un cabinet de fusion-acquisition. Aujourd’hui nous sommes 7 associés. Nous avons tous été chefs d’entreprises, c’est notre marque de fabrique, notre ADN.

Au cours de ces différentes expériences, j’ai pu constater à plusieurs reprises que les conflits au plus haut niveau de l’entreprise pouvaient entraver le bon fonctionnement de celle-ci et avaient des répercussions sur l’ensemble de l’écosystème. N’ayant pas toujours eu les clés pour agir dans les situations de crise, je me suis formée à la médiation et me suis spécialisée dans la prévention et la régulation des conflits entre associés et/ou dirigeants.

Vous avez également investi dans une start-up menée par une femme. Vous l’avez accompagnée jusqu'à sa levée de fonds de 8 M€ en février 2020. Une expérience difficile, encourageante ?

En 2017, j’ai croisé la route de Véra Kempf, une jeune femme de 27 ans, pleine d’enthousiasme qui projetait de créer ce qui allait devenir LA marketplace internationale de l’art. Séduite par ses valeurs et son authenticité, curieuse de découvrir un business model purement numérique et rassurée par l’équipe et les compétences qu’elle avait rassemblées autour d’elle, j’ai décidé de lui faire confiance et d’investir dans ce qui n’était alors qu’un projet. Dès la création de la société j’ai rejoint le Board car Véra souhaitait ne pas être la seule femme et pensait qu’il était rassurant pour ses salarié.e.s de savoir que les décisions stratégiques étaient prises par un organe mixte.

Aujourd’hui, je suis ravie d’avoir suivi mon intuition et cédé à mon coup de cœur. C’est une merveilleuse expérience et Singulart est une très belle entreprise qui a une croissance exponentielle.

Il existe également un manque de mixité évident en matière d’actionnariat et d’investissement. Pensez-vous que le fait d’avoir plus de femmes investisseuses serait un bon moyen de soutenir les entrepreneures ?

Oui bien sûr, plus de femmes qui investissent et plus de femmes dans les comités d’investissement apportent un regard différent et complémentaire à celui des hommes. C’est une richesse pour les entreprises. Les femmes représentent 80 % des décisions d’achat des consommateurs finaux. Comment les entreprises pourraient-elles se passer de leur regard ? Leur présence à tous les niveaux de l’entreprise est un facteur de performance.

Que retenez-vous de votre passage chez EY ? Pourquoi ce choix d’orientation après EY ?

J’ai appris énormément chez EY, notamment à structurer mon travail et mieux comprendre les rouages de l’entreprise. Je me souviens de mon premier audit d’acquisition où j’avais Jean-Pierre Letartre - devenu Président d’EY France en 2008 - comme directeur de mission. Il avait beaucoup de recul et m’a permis de comprendre le sens de mon travail. Il était déjà très engagé dans l’écosystème entrepreneurial de la région. Je découvrais ce monde qui me semblait passionnant.

Après un passage de deux ans dans une entreprise industrielle américaine, j’étais en quête de sens et c’est ainsi que j’ai rejoint le Réseau Entreprendre. Accompagner les chefs d’entreprises aux moments clés de leur vie d’entrepreneur est aujourd’hui encore une grande source de sens et de satisfaction pour moi. J’aime voir les hommes et les femmes se réaliser grâce à l’émergence d’un projet. C’est aussi une façon d’œuvrer pour la pérennité des entreprises françaises. La transmission des savoir-faire est primordiale. On le mesure aujourd’hui plus que jamais avec les enjeux de souveraineté nationale.

A l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, quel message souhaitez-vous faire passer ?

J’ai envie de vous partager un message d’Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU « La vie des femmes est peut-être l’un des baromètres les plus précis de la santé de la société dans son ensemble. La façon dont la société traite la moitié de sa population est révélatrice de la façon dont elle traitera les autres. »

Ce qu'il faut retenir

Catherine Beauvillain revient sur son parcours entrepreneurial et les actions qu’elle mène en tant que présidente de l’association Femmes Chefs d’Entreprises des Hauts-de-Seine pour répondre aux inégalités femmes-hommes en matière d’entrepreneuriat.

A propos de cet article

Par EY Alumni

Building a better working world

Le réseau Alumni d’EY en France offre à ses près de 10 000 membres des occasions d’élargir leurs opportunités et expériences futures tout en nourrissant les liens qu’ils ont tissés avec EY.

Related topics Alumni