4 min de temps de lecture 13 déc. 2021
Alice Loriot : à la fois, entrepreneure viticole et manager Audit chez EY

Alice Loriot : à la fois, entrepreneure viticole et manager Audit chez EY

Par EY Alumni

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Le réseau Alumni d’EY en France offre à ses près de 10 000 membres des occasions d’élargir leurs opportunités et expériences futures tout en nourrissant les liens qu’ils ont tissés avec EY.

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Mon poste à mi-temps chez EY m’a permis de concilier mes deux emplois et de tester notre manière de travailler ensemble avec mon frère.


Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre parcours, notamment les raisons pour lesquelles vous avez quitté EY puis êtes revenue ?

Après 7 ans chez EY, j’ai eu l’opportunité de rejoindre la direction financière d’une start-up de marketing digital en pleine expansion en 2014. J’étais très emballée à l’idée de comprendre les enjeux auxquels l’entreprise allait être confrontée et puis il y avait ce côté entrepreneurial qui me motivait énormément.

J’avais eu l’occasion d’expérimenter l’entrepreneuriat avec EY en mettant en place la première structure du GSS en Inde et en recrutant les équipes, en 2010 et 2011. EY m’a aussi permis d’accompagner des porteurs de projet avec la Fondation. Cela m’avait beaucoup plu.

Et en 2017, j’ai eu un déclic ! Je suis originaire d’une famille viticole et j’ai eu envie de revenir aux sources. J’ai donc décidé de rejoindre mon frère au domaine. Pour autant, je n’ai pas souhaité travailler à plein temps avec lui, le domaine ne le nécessitant pas. J’avais besoin de rester ancrée à Paris, et de retrouver l’univers de la finance. C’est ainsi que j’ai décidé de revenir chez EY en 2019 sur un poste à mi-temps. Cela m’a permis de concilier mes deux emplois et c’était également un bon moyen de tester notre manière de travailler ensemble avec mon frère.

Aujourd’hui vous menez de front vos missions chez EY et la gestion de l’entreprise familiale avec votre frère depuis 2017. Comment conciliez-vous les deux et pourquoi ce choix ?

La clé de la réussite, c’est une bonne organisation et une bonne communication avec les équipes. Mon frère et les équipes EY connaissent mon emploi du temps. Même si ce sont deux activités aux antipodes, il est essentiel de bien les séparer en restant flexible lorsqu’il y a des urgences.

Mon activité au domaine s’est un peu accélérée ces derniers temps et je remercie EY d’avoir accepté de baisser mon mi-temps à 40 %. On s’est mis d’accord sur la typologie des missions que je pouvais assurer dans ce contexte. Grâce à cette flexibilité accordée par EY, le soutien et l’intérêt que me portent mes collègues dans mes turpitudes champenoises, il est plus facile de gérer mes deux professions.

Quel a été pour vous l’élément déclencheur vers votre métier d’entrepreneure ?

Dans ma famille, nous sommes entrepreneurs depuis des générations. On peut dire que la culture entrepreneuriale est en moi. Et bien sûr mon métier de conseil m’a permis de gérer des projets de A à Z. En parallèle, j’ai beaucoup d’amis entrepreneurs et c’est tellement nourrissant de croiser la route de ces personnes qui se réalisent, qui osent et prennent parfois des risques que j’ai eu envie de sauter le pas moi aussi.

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur l’histoire de votre maison de champagne ?

Notre maison de Champagne Loriot-Pagel est une maison indépendante et familiale qui date de 1858. Nous sommes la 6e génération avec mon frère. Le grand-père de mon arrière-grand-père a commencé à planter de la vigne à une époque où seuls les négociants produisaient du Champagne. Malheureusement, au début du 20e siècle, la crise du phylloxera a ravagé tout le vignoble. Mon aïeul ne s’est pas découragé pour autant. Il a replanté des plants de vigne plus résistants, il les a structurés et a installé le premier pressoir dans le village. A la fin des années 20, mon arrière-grand-père a senti qu’il y avait un marché à prendre, que le Champagne avait de l’avenir et qu’il n’était plus réservé à la haute bourgeoisie et aux grands événements. Depuis 1929, nous élaborons notre propre champagne de A à Z, nous produisons nos raisins, nous vinifions et commercialisons sous notre nom 60 000 bouteilles chaque année, avec 7 cuvées. Nous travaillons essentiellement le Meunier, le cépage typique de la Champagne et de notre terroir. C’est un cépage fruité, rond, souple et joyeux, qui nous ressemble.

Mon frère est sur le domaine depuis 2005. Il gère toute la partie technique et je l’accompagne sur l’aspect administratif, commercial, mais aussi sur la partie production. Notre métier dépend beaucoup des aléas climatiques et de la nature, qui impacte nos récoltes, et donc, la quantité de « matière première » disponible. Cela nous amène à faire certains choix par rapport aux millésimes, aux cuvées…  Il faut savoir que la bouteille qui est dégustée aujourd’hui a été produite il y a plus de 5 ans. C’est la particularité de la maison, nos cuvées ont un vieillissement assez long.

Comment gérez-vous votre activité par rapport à la crise sanitaire ?

La crise sanitaire a mondialement impacté le marché du champagne. Globalement, les ventes ont reculé de près de 20 % dues à la baisse des exportations, à l’absence de touristes et de célébrations notamment en France, mais les aides de l’Etat nous ont permis de ne pas avoir une pression financière trop importante.

Le cœur de notre clientèle est historique, elle date de mes grands-parents, mais aujourd’hui 50 % de notre production est exportée aux Etats-Unis, en Russie, en Scandinavie, en Italie et en Australie. Ces marchés s’intéressent de plus en plus aux Champagnes identitaires et de terroir, ceux des vignerons qui travaillent la vigne avec rigueur et passion.

Malgré cette perte d’activité due à la crise, la partie production ne s’est pas arrêtée et nous n’avons pas connu le chômage partiel car il fallait continuer à travailler la vigne et les vins. La vigne que l’on travaille aujourd’hui produira les bouteilles de demain. Nous avons ralenti nos investissements, mais nous avons continué à nous développer en achetant des équipements quand le besoin s’en faisait sentir afin d’avoir un outil de travail suffisamment performant par rapport à notre production. 

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre activité aujourd’hui ?

En 2020, nous avions rentré un très beau millésime nous permettant de relativiser la baisse momentanée d’activité. En 2021 nous avons dû faire face à un nouveau challenge ! En début d’année, les ventes ont bien repris, à des niveaux d’avant crise mais les importantes précipitations et les maladies dans les vignes cet été ont conduit à une baisse de récolte de 40 %. A chaque année ses aléas !

Les caractéristiques principales mises en avant quand on parle d’entreprises familiales sont généralement la pérennité, le savoir-faire de plusieurs générations, une gestion prudente, une envie d’innover, le respect de l’environnement. Etes-vous d’accord avec cela ?

Oui tout à fait et je rajouterais à cela la résilience, la prise de recul et surtout l’optimisme. Dans une entreprise familiale, la capacité à rebondir est la clé. Nous avons traversé des crises et des aléas mais quand on regarde l’histoire de notre Maison, nous avons toujours réussi à surmonter ces difficultés. Nous n’avons d’ailleurs pas d’autres choix que d’y aller, faire face, agir, en se souvenant du chemin parcouru par nos ancêtres.

L’entente familiale est fondamentale, en particulier quand on passe le flambeau à une nouvelle génération. Il faut avoir cette envie du collectif et la volonté d’aller dans le même sens. Nous sommes une famille très soudée, avec les mêmes valeurs du travail, insufflées par mes parents.

Quand mon frère a repris l’entreprise en 2005, il était complètement en phase avec mon père et ils ont continué de travailler ensemble pendant 15 ans. Pour que la transmission se passe bien, il faut que la génération qui laisse la place comprenne aussi les choix et les idées de la génération qui suit et accepte que l’exploitation viticole ne soit plus la même qu’il y a 20 ans. A l’inverse, la génération qui reprend doit garder en tête tout le travail qui a été fait par les générations précédentes et ne pas tout renier en se disant avec arrogance « je vais faire mieux ».

Au sens plus large, l’une des principales difficultés des entreprises familiales est la ressource financière. Pour des raisons patrimoniales, il est difficile d’ouvrir le capital aux investisseurs externes, d’autant plus s’ils sont dans une logique de dividendes et de retour sur investissement. Nous souhaitons rester aux rênes de l’entreprise, et innover avec sens sans partir dans des projets farfelus. La gestion financière à long terme est fondamentale pour rester indépendant et assurer la pérennité de notre entreprise.

Quels sont vos projets à moyen/long terme et les enjeux majeurs à venir ?

Le principal enjeu c’est le changement climatique. Il ne faut pas oublier que pour faire un bon Champagne il faut des bons raisins. Il faut donc être attentifs à tous les micro-changements que l’on voit aujourd’hui et qui vont s’intensifier dans les années à venir. Des recherches sont faites par des institutions pour identifier les cépages qui résisteront demain au changement climatique. A notre échelle, que ce soit dans la gestion quotidienne ou dans nos choix d’investissements à plus long terme, on se pose la question des conséquences de nos décisions et on privilégie toutes les solutions qui ont un impact minime voire neutre sur l’environnement et sur notre terroir. Nous sommes certifiés Haute Valeur Environnementale de niveau 3 et Viticulture Durable en Champagne. A titre d’exemple, nous avons diminué la taille des étiquettes sur nos bouteilles pour réduire papiers et colles, on récupère les eaux de pluie pour nettoyer les équipements. Chaque année, on fait des analyses de sol pour vérifier la richesse en nutriments de nos vignes, on laboure pour aérer la terre.

Si vous aviez un conseil à donner à un jeune qui souhaite s’engager dans l’entreprise familiale ?

Il faut être fier de ce qu’ont fait nos ancêtres. Il faut rester humble quant au travail déjà fourni par les générations passées et optimiste car la vie d’une entreprise familiale est jonchée d’aventures plus ou moins faciles, et où le personnel et le professionnel se trouvent constamment entremêlés. Charge à nous de développer l’activité en y mettant nos propres convictions et en s’engageant pleinement chaque fois que nécessaire.

Quelles sont vos autres passions ?

Ma fille est née en février dernier et occupe une grande partie du peu de temps libre qu’il me reste entre mes deux activités ! Sinon je me suis lancée dans la course à pied et dans la rénovation d’une maison !

Ce qu'il faut retenir

Alice nous décrit son parcours atypique, à la fois entrepreneure viticole et manager Audit chez EY et la façon dont elle a mené de front ses deux activités. Elle revient sur l’histoire de sa famille, les valeurs du travail insufflées par ses parents. Selon elle, l’essentiel est de rester optimiste et humble quant au travail déjà fourni par les générations passées car la vie d’une entreprise familiale est jonchée d’aventures plus ou moins faciles. Charge à nous de développer l’activité en y mettant nos propres convictions et en s’engageant pleinement chaque fois que nécessaire.

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