De grands moyens financiers sont nécessaires pour faire face aux changements effrayants qui menacent notre planète.
"De grands moyens financiers sont nécessaires pour faire face aux changements effrayants qui menacent notre planète. C'est pourquoi l'Europe a été parmi les premiers à se concentrer sur la finance durable" déclarait Vladis Dombrovskis, Vice-président de la Commission européenne, lors d’une conférence de presse sur la finance durable, le 21 avril dernier.
À cette date, la Commission européenne a adopté un ensemble de mesures visant à mieux orienter les investissements vers des activités durables dans l’ensemble de l’Union européenne. Notamment, un acte délégué relatif au climat dans la taxonomie verte européenne et une proposition de directive sur la publication d’informations de durabilité par les entreprises : la CSRD (Corporate Sustainable Reporting Directive), qui a vocation à remplacer la NRFD (Non-Financial Reporting Directive). Ces deux réglementations dessinent les contours d’une nouvelle économie, au sein de laquelle l’ensemble des capitaux humains et environnementaux seront mesurés et intégrés à la gestion d’entreprise au même titre que les capitaux financiers.
La CSRD : standardiser l’information extra- financière pour la mettre au même niveau d’exigence que l’information financière
Principes et objectifs
La NFRD, mise en place en 2014 n’a pas permis de rendre l’information extra-financière pertinente, fiable et comparable. Il subsiste toujours une multitude de standards de reporting et des modalités de transposition différentes de la NFRD au sein des États membres de l’UE qui génèrent de la confusion et de la complexité aussi bien pour les émetteurs que pour les acteurs financiers. C’est pourquoi la Commission européenne a décidé de mettre l’information extra-financière au même niveau d’exigence que l’information financière, en la normalisant grâce à la CSRD.
Contenu et entreprises concernées
Le principal changement au sein de la nouvelle proposition de CSRD concerne précisément la standardisation : alors que la directive actuelle laisse les entreprises choisir et définir les informations pertinentes à publier, certaines deviendront obligatoires et seront normées pour être comparables.
L’EFRAG aura pour attribution d’établir des définitions normalisées des informations RSE obligatoires à reporter pour l’entreprise (enjeux, KPIs), ce qui laissera moins de liberté aux émetteurs dans le choix des informations publiées. En mettant en place ses propres standards, l’UE affiche également une volonté de souveraineté et sa vision d’un capitalisme humaniste.
Ensuite, le périmètre d’application de la CSRD sera étendu à toutes les entreprises cotées ou non cotées de plus de 250 salariés, alors que la NFRD ne concernait auparavant que celles de plus de 500 salariés. Les PME de moins de 250 salariés seront aussi intégrées dans le dispositif avec une mise en place progressive pendant 3 ans, et des règles de reporting plus simples.
La seconde évolution notable est la numérisation. Les entreprises devront étiqueter (tagging) toutes leurs données pour permettre leur stockage automatisé dans la base européenne en ligne. Si cela représente une charge supplémentaire de travail au départ, cela devrait ensuite permettre de s’affranchir de répondre à tous les questionnaires des agences de notation.
Enfin, tout comme les états financiers, les informations extra- financières seront auditées par les commissaires aux comptes, avec l’appui d’experts.
Calendrier et perspectives
Cette révision de la directive représente un alignement européen sur les pratiques françaises. Si jusqu’ici les entreprises françaises ont parfois été pénalisées par une exigence de reporting plus complet, elles auront moins d’efforts d’adaptation à réaliser que leurs concurrentes européennes, étant déjà bien avancées en matière de reporting RSE.
Les standards établis par l’EFRAG seront en consultation publique au printemps 2022 pour une sortie des actes délégués en octobre de la même année et une application pour l’exercice 2023. De manière plus immédiate, la taxonomie verte européenne viendra s’appliquer aux entreprises concernées dès l’exercice 2021.
La taxonomie verte européenne : orienter les financements vers la transition écologique
Principes et objectifs
La taxonomie verte européenne vise à définir un langage commun au sein de l’Union européenne sur la durabilité des activités et des investissements. Elle pose l’ensemble des critères définissant les activités compatibles avec l’ambition de l’Europe d’atteindre la neutralité carbone.
Concrètement, dès 2022, les sociétés devront communiquer la part de leur chiffre d’affaires et de leurs investissements correspondant à des activités classifiées comme durables.
Contenu et entreprises concernées
Les premiers concernés seront les acteurs des marchés financiers, qui devront fournir des informations sur la manière et la mesure selon laquelle leurs produits financiers soutiennent les activités économiques répondant aux critères de durabilité environnementale de la taxonomie.
Ensuite, pour répondre aux besoins des investisseurs, les entreprises soumises aux exigences de la DPEF (Déclaration de Performance Extra-Financière) devront aussi fournir la part de leur chiffre d’affaires et de leurs investissements verts. Puisqu’elles doivent contribuer à la part verte des investisseurs, ces informations pourraient conditionner l’accès des entreprises aux financements.
La taxonomie identifie des activités vertes selon six objectifs environnementaux : l’atténuation du changement climatique et l’adaptation à ce dernier, l’utilisation durable et la protection de l’eau et des ressources marines, la transition vers une économie circulaire, la prévention et le contrôle de la pollution, la protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes. En avril 2021, la Commission a adopté le premier acte délégué concernant les deux premiers objectifs liés au climat. Un autre acte délégué concernant les critères techniques pour les autres objectifs environnementaux devrait être publié l’année prochaine.
Pour le moment, 13 secteurs et une centaine de sous-secteurs sont éligibles à la taxonomie pour les deux premiers critères liés au climat, dont la production, l’énergie, le transport, la gestion de l’eau et des déchets ou encore la construction et le bâtiment. Cela couvre 40 % des entreprises cotées et laisse pour le moment en dehors du champ de nombreux secteurs, comme l’agriculture ou le luxe, qui ne pourront pas se prévaloir de financements verts alignés avec la taxonomie.
À partir de l’exercice 2022, et pour les objectifs dont les critères auront pu être définis, les entreprises devront publier leur chiffre d’affaires, leurs Capex et leurs Opex alignés sur la taxonomie verte. L’Acte Délégué relatif à l’article 8 de la taxonomie, à paraître en juillet 2021, définira les méthodes de calcul de leurs parts vertes.
La publication annuelle de ces KPIs liés aux activités durables donnera ainsi aux investisseurs et au public les clés pour comprendre la trajectoire des entreprises vers la durabilité.