L’investissement en France pourrait chuter en 2020 de 35 à 50%, de manière diverse selon les secteurs.
Marc Lhermitte
Associé EY Consulting, Responsable du programme Attractivité
Si l’on suit les résultats de cette enquête, combinés aux estimations de la CNUCED et de Trendeo, l’investissement en France pourrait chuter, en 2020 de 35 à 50%, de manière diverse selon les secteurs.
L’Europe sera-t-elle plus ou moins attractive en matière d’investissement dans un monde post-COVID-19 ?

Les multinationales sont plus réservées vis-à-vis de la modification rapide et structurelle de leurs supply chains et donc de la relocalisation
33% des dirigeants internationaux interrogés en octobre n’envisagent pas de changement majeur de leurs supply chains (ils n’étaient que 2% en avril). Sujet phare des premiers mois de la crise, la relocalisation des activités industrielles ne séduit que 24% des dirigeants, contre 37% en avril.
Les entreprises sont également moins enclines à envisager une relocalisation à la périphérie de l’UE ou en Afrique du Nord (37% contre 83% en avril).
Avec le redémarrage rapide de l’Asie, les entreprises internationales envisagent moins favorablement des projets coûteux et risqués de relocalisation en Europe. Sans écarter toute possibilité de « rapatriement » de fonctions critiques dans certains secteurs (santé, agro-alimentaire, énergie, mobilité, …), cette dynamique exigera la mise en place de dispositifs incitatifs et de réduction des risques pour relocaliser massivement des emplois et des capitaux sur le continent.
Malgré le regain d’optimisme des investisseurs étrangers, l’Europe doit sécuriser et crédibiliser son environnement économique
L’Europe est encore au milieu du gué
D’après notre enquête d’octobre, près de 3 fois plus des dirigeants étrangers estiment que l’Europe sera une terre d’accueil favorable à l’investissement après la crise (21% contre 8% en avril).
Malgré un démarrage poussif, la détermination et l’action européennes ont été perçues comme un véritable pilier de stabilité et de crédibilité dans un environnement global complexe.
Sans surprise, les pays qui ont lancé les plans de relance les plus ambitieux et les plus crédibles sont ceux qui, historiquement, séduisent le plus les investisseurs.
Sans surprise, les pays qui ont lancé les plans de relance les plus ambitieux et les plus crédibles sont ceux qui, historiquement, séduisent le plus les investisseurs. C’est le cas de l’Allemagne, de la France et du Royaume-Uni, ce qui conforte leur attractivité.
Aucun pays (à commencer par la France) ne sort vainqueur ou perdant de cette 1ère phase de crise, pour le moment, mais la compétition de la relance sera d’abord une compétition pour la reprise.
Notons que le Royaume-Uni, malgré le Brexit, conserve une position assez forte dans le radar des investisseurs internationaux.
Certes, chaque pays a la responsabilité de gérer, à son niveau, la lutte contre la pandémie. Mais seule l’action collective, à l’échelle européenne, peut garantir un redémarrage réel de l’attractivité du continent dans les prochains mois.
Pour convaincre les investisseurs internationaux, priorité aux mesures immédiates de soutien à l’activité
Pour les investisseurs internationaux, les plans de soutien économique nationaux, très attendus en avril, ne sont plus le facteur primordial dans leurs projets d’implantation (N°1 pour 80% des décideurs en avril, contre N°9 pour 32% en octobre).
Au-delà du soutien massif des Etats, les dirigeants interrogés attirent l’attention des décideurs européens sur le besoin d’indispensables mesures de court-terme sur les sujets suivants :
- La sécurité sanitaire et l’anticipation des crises futures (54%)
- La dynamique des marchés domestiques (52%)
- La liquidité des marchés financiers et l’accès au capital (51%)
- La vitesse de l’adoption numérique par les consommateurs et citoyens (50%)
La technologie et le changement climatique restent les facteurs déterminants pour les dirigeants internationaux, mais l’inclusion sociale et les enjeux géopolitiques gagnent du terrain
Le sentiment des dirigeants est partagé sur le climat mondial de l’investissement à 3 ans
Pour les 3 prochaines années, 41% des dirigeants s’attendent à une succession de zones de turbulences en fonctions des éventuels contraintes sanitaires et reconfinements (contre 55% en avril 2020).
Mais aujourd’hui, l’heure semble plus à l’optimisme, avec un nombre égal de dirigeants (41% contre 24% en avril) qui estiment qu’un retour à la normale pour les investissements peut s’envisager une fois que les économies européennes auront redémarré.
En parallèle, légèrement moins de dirigeants estiment que le climat des affaires mondial va vers une forte dégradation dans les 36 prochains mois (17% contre 21%).
Le climat et la technologie restent les priorités n°1 et 2 des investisseurs internationaux
Pour préparer l’avenir, les priorités stratégiques des investisseurs n’ont pas varié malgré la crise : la transformation digitale permettant de rester au plus près des clients (63%) et l’engagement dans la lutte contre le changement climatique (60%) restent largement plébiscités.
Après avoir constaté les impacts concrets de la crise dans les différents pays européens, les enjeux sociaux sont désormais dans le radar des dirigeants internationaux (pour 61% d’entre eux).
Malgré la retombée de l’enthousiasme observé en avril (51% en avril contre 82% en octobre), l’adoption de technologies d’automatisation reste une priorité pour les dirigeants internationaux, dans une perspective de réduction des coûts.
Les dirigeants interrogés affichent une appréhension beaucoup plus élevée quant aux tensions géopolitiques mondiales (21% contre 3% en avril) : la situation politique aux Etats-Unis, les agendas internationaux de la Turquie, de la Russie, de la Chine notamment contribuent à cette inquiétude.
Dans ce climat complexe, les dirigeants internationaux attendent des gouvernements qu’ils contribuent – davantage encore que par le passé – à la stabilité de l’environnement économique (43% contre 25% en avril).
Parmi les tendances suivantes, laquelle, selon vous, devrait s'accélérer le plus au cours des trois prochaines années en conséquence de la crise du COVID-19 ?

Ce qu'il faut retenir
Un fort recul de l’investissement international en Europe semble inévitable. Les entreprises internationales passent au crible la rentabilité financière et commerciale de leurs projets de développement, de lignes de production, de centres de recherche ou de business services.
L’investissement en France pourrait chuter, en 2020 de 35 à 50%. Cependant, la détermination et l’action européennes ont été perçues comme un véritable pilier de stabilité et de crédibilité dans un environnement global complexe. Au-delà du soutien massif des Etats, les dirigeants interrogés ont besoin d’indispensables mesures de court-terme.