8 min de temps de lecture 7 juin 2021
À l’apogée de la crise, la France conserve sa première place en Europe
Baromètre de l’Attractivité de la France 2021

Au plus fort de la crise, la France a conservé sa première place européenne face au Royaume-Uni et à l’Allemagne

Auteurs
Marc Lhermitte

Associé, EY Consulting

#FDI | #Europe | #globaleconomics | #creativeindustries | #innovation | #geopolitics | #publicprivate

Eric Fourel

Président d'EY en France

Éric œuvre pour l’intégration de son expertise au cœur de la réalité économique.

8 min de temps de lecture 7 juin 2021

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La France a conservé sa première place en défendant sa crédibilité économique et en maintenant la confiance au plus fort de la crise.

En résumé
  • La France a accueilli 985 projets d’IDE en 2020, contre 975 au Royaume-Uni et 930 en Allemagne
  • Ce nombre baisse de 18 % par rapport à 2019, contre 13 % au niveau européen
  • 44 % des dirigeants interrogés jugent le plan de relance français plus performant que les autres

L’investissement international subit les contrecoups de la crise en Europe, dans les mêmes proportions qu’au moment de la crise de 2008

  • L’avis de Christophe Lecourtier et Pascal Cagni, Business France

    Jamais l’environnement fiscal n’a été plus favorable à l’investissement industriel.

     

    Pascal Cagni
    Chairman
    Business France

     

    Christophe Lecourtier
    Directeur Général
    Business France

    Malgré la crise, la France est restée la première destination européenne des IDE en 2020. Quels commentaires vous inspirent cette performance ?

    Quand on est au premier rang pour la seconde année consécutive, la performance ne peut être le fruit du hasard. Des raisons de fond l’expliquent. Nos atouts sont solides et de mieux en mieux identifiés par les investisseurs étrangers : la France est reconnue pour la qualité de ses infrastructures, le potentiel de son marché, le niveau de formation et la productivité de ses salariés. En outre, les investisseurs savent gré au chef et de l’Etat et au Gouvernement de mener à bien depuis quatre ans des réformes majeures qui consolident ces atouts et répondent aux enjeux économiques du futur : création d’un environnement social mieux adapté et plus prévisible, simplification de la vie des entreprises, baisse conséquente de leurs impôts, investissement massif dans la transition écologique, les technologies de rupture et les compétences d’avenir. Enfin, cette performance peut se lire aussi comme une reconnaissance, tant des efforts considérables faits dès le début de la pandémie pour soutenir les entreprises – 470 Mds€ – que de la qualité et de l’ampleur du plan de relance adopté – 100 Mds€.

    Dans l’industrie, elle conserve également la première place. Pourtant, l’image de notre secteur manufacturier est souvent ternie par des délocalisations, des fermetures d’usines. Comment expliquer ce décalage ?  

    Comme toutes les économies avancées, la France a connu une désindustrialisation, due non seulement aux conditions salariales plus favorables offertes ailleurs mais encore aux gains de productivité rapides et à l’évolution des modes de consommation, tournés davantage vers les services. Il n’en demeure pas moins que notre pays dispose de facteurs favorables au développement industriel et qui séduisent les investisseurs : présence de filières et de grands donneurs d’ordre, savoir-faire, taille et richesse du marché national, infrastructures de transports, population disponible et qualifiée, foncier abordable, etc. Selon notre baromètre de l’attractivité, plus des deux tiers des dirigeants plébiscitent la qualité de la main d’œuvre et du management, l’automatisation de l’outil de production ou encore la montée en gamme des produits. Par ailleurs, depuis plus d’une décennie, les pouvoirs publics ont pris des mesures fortes en faveur de l’amélioration de la compétitivité. Les allègements de charges sociales ont réduit sensiblement le coût du travail et les impôts pesant sur les entreprises font l’objet de baisses tous azimuts : jamais l’environnement fiscal n’a été plus favorable à l’investissement industriel. Enfin, notre pays affiche une volonté déterminée de se réindustrialiser. Le Gouvernement a lancé, là encore, de nombreuses initiatives, avec la French Fab, la création des 120 Territoires d’industrie, dotés de facilités d’implantation, et les dispositions du plan de relance visant à soutenir plusieurs filières industrielles et à relocaliser des activités en France. Nous devrions ainsi pouvoir conforter notre première place en Europe et, surtout, augmenter significativement le nombre de projets industriels étrangers, car si nous occupons la première place, il est encore inférieur à ce que nos atouts laissent espérer.

    L’effet Brexit est encore limité. La France peut-elle profiter d’un rapatriement sur le continent de certaines activités, notamment industrielles ?  

    En raison du Brexit, près des deux-tiers des dirigeants d’entreprise revoient leur stratégie d’implantation au profit d’un pays de l’Union européenne afin d’avoir une présence au sein du marché unique. L’Allemagne et la France sont les pays les plus souvent retenus à ce titre. Une quarantaine de projets d’investissement recensés dans nos bilans 2019 et 2020 sont liés au Brexit. Ils proviennent principalement des États-Unis, du Royaume-Uni, du Japon et du Canada. Une moitié correspond à des relocalisations d’une partie des activités depuis Londres, surtout des services financiers, l’autre au renforcement de sites déjà présents en France. S’agissant des activités industrielles, on constate ces dernières années une augmentation des investissements britanniques en France, avec notamment de nombreuses reprises de sites en difficulté, telles que celle du site Smart à Hambach, en région Grand Est, par le groupe Ineos Automotive, en vue de fabriquer un véhicule tout-terrain. Par ailleurs, dans certains secteurs industriels, la production est très intégrée entre le Royaume-Uni et l’Union européenne ; nul doute que le Brexit aura un impact significatif sur ces chaînes de production, mais bien malin qui peut en présager l’ampleur.

    Afin de sécuriser les chaînes de valeur, peut-on espérer des relocalisations massives ?

    Des relocalisations, oui. Massives ? C’est difficile à pronostiquer au vu du nombre de facteurs en jeu. De fait, la crise a révélé la fragilité des chaînes de valeur mondiales et l’importance de la localisation de certaines activités stratégiques sur le territoire national. C’est pourquoi le Gouvernement a intégré au plan de relance un dispositif de financement pour redévelopper des productions en France dans des secteurs jugés cruciaux : santé, agroalimentaire, électronique, intrants essentiels de l’industrie et applications industrielles de la 5G. Le bilan est d’ores et déjà encourageant puisque 273 projets ont été retenus à ce jour, qui vont bénéficier d’un financement public de 462 M€. Deux exemples : le projet « Elecmif » de Probent Technology, qui vise à créer une ligne de production dernier cri pour internaliser la fabrication en série de cartes électroniques aujourd’hui réalisée à l’étranger, et le projet lancé par l’ETI Forezienne, qui souhaite produire en France les lames de scie circulaires nécessaires au développement de notre filière bois.

    La pandémie a accéléré les transitions (numérique, environnementales, inclusion…). La France a-t-elle la capacité de jouer les premiers rôles dans ces domaines ?

    Le plan France Relance traduit une ambition en ce sens, fondée sur des atouts structurels qui l’accréditent. Il investit dans tout ce qui fera l’économie et les emplois de demain, en accélérant la conversion écologique, en développant la production industrielle, en stimulant l’innovation technologique et en redoublant d’effort sur la formation professionnelle. Il finance des investissements exceptionnels dans des filières industrielles et des technologies d’avenir : le numérique, les industries de santé, les énergies décarbonées, l’agriculture responsable, les transports durables. L’objectif n’est pas seulement de conforter nos filières d’excellence, mais aussi d’en créer de nouvelles : dans les biotechnologies, les énergies renouvelables, le calcul quantique, la cybersécurité, le traitement des déchets, la France vise un leadership européen, voire mondial. Et elle compte aussi sur des alliances intra-européennes pour concrétiser ses ambitions.

    Comment les équipes de Business France peuvent-elles faciliter cette prise de leadership ?  

    Business France et les autres acteurs publics du développement international des territoires ont décidé de renforcer leur coopération pour promouvoir l’attractivité française, prospecter davantage d’investisseurs, notamment dans les domaines clefs de l’économie du futur, et mieux accompagner leur implantation et leur essor en France. Le 26 février dernier, nous avons lancé officiellement la Team France Invest : cette « équipe de France de l’attractivité » réunit notre agence et les agences régionales de développement ainsi que tous les acteurs publics de l’attractivité (Régions, ministères et les services déconcentrés d’autres agences, notamment l’Agence nationale de la cohésion des territoires, Bpifrance et la Banque des territoires). La Team France Invest s’appuiera sur un guichet unique virtuel proposé aux investisseurs étrangers et, opérationnel à l’été, visant à partager les informations, être plus réactifs et mieux coordonner nos actions. La promotion internationale, quant à elle, a déjà commencé, avec l’élaboration d’une cartographie des atouts des Régions pour valoriser le dynamisme économique et les facteurs d’attractivité de leurs territoires : c’est pour notre pays une « nouvelle frontière ». C’est dire si nous sommes déterminés à pérenniser et à fortifier notre leadership dans l’investissement étranger en Europe.

En 2020, l’Europe enregistre 5 578 projets d’implantation, soit une baisse de 13 % des implantations ou des extensions internationales par rapport à 2019. Une chute importante, d’une amplitude comparable à celle observée après la crise financière de 2008 (- 11 %).


Les incertitudes et les impacts de la crise économique, ainsi que les atermoiements des négociations sur le Brexit (qui ont perduré jusqu’à la fin 2020) ont contribué à cette forte diminution des investissements en Europe. Dans l’adversité, le Vieux Continent a pourtant fait preuve d’une résilience remarquable en matière de projets greenfield, avec une baisse de ces derniers de 15 % selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED). En comparaison, ces projets ont diminué de 29 % en Amérique du Nord et de 38 % en Asie.

Le continent asiatique a particulièrement subi l’attentisme des investisseurs internationaux, nourri par les réflexions sous-jacentes sur la réorganisation des chaînes mondiales. Il est trop tôt pour considérer ce coup de frein comme un véritable point d’inflexion, même si quelques indices laissent penser que la régionalisation des supply chains et l’accent porté à la diversification des fournisseurs semblent devenir des marqueurs forts de la nouvelle géoéconomie mondiale.

Au terme d’une âpre bataille en 2020 pour garder la confiance des investisseurs, la France est parvenue à conserver sa 1re place européenne

Entre le 1er janvier et le 31 décembre 2020, 985 annonces d’investissements étrangers ont été enregistrées sur le territoire français, provenant d’entreprises européennes et non-européennes, soit 18 % de moins qu’en 2019. Malgré cette diminution, plus forte que la moyenne européenne, la France maintient ainsi sa 1re position pour la deuxième année consécutive, suivie par le Royaume-Uni (975 projets) et l’Allemagne (930). Le trio de tête reste identique à celui de l’année passée. Si la crise ne semble pas avoir fondamentalement changé la donne en matière d’attractivité, les écarts entre la France et ses rivaux historiques se réduisent toutefois fortement.

  • Le point de vue de Philippe Waechter, Ostrum

    Le modèle de globalisation qui prévalait s’est, au moins partiellement, enrayé avec la nécessité pour chaque gouvernement de régler ses déséquilibres internes.

     

    Philippe Waechter
    Directeur de la Recherche Économique
    chez Ostrum Asset Management

    La crise a-t-elle rebattu les cartes de l’attractivité ? En d’autres termes, les dégâts provoqués par la crise ont-ils sapé les fondamentaux des principales économies européennes (qualité de la main d’œuvre, taille du marché, infrastructures, niveau des étudiants…).

    Oui, la crise sanitaire a bouleversé la macroéconomie globale. Le modèle de globalisation qui prévalait s'est, au moins partiellement, enrayé avec la nécessité pour chaque gouvernement de régler ses déséquilibres internes. Le modèle est aussi tiraillé par l'accentuation des tensions internationales réduisant le caractère coopératif des relations. C'est le cas des relations sino-américaines, mais aussi du positionnement de l'Europe avec ces deux grandes puissances. C'est aussi un équilibre qui change puisque les banques centrales n'ont plus le même pouvoir pour infléchir le cycle économique.  Elles sont entrées dans cette crise en étant déjà très accommodantes et se sont mises, de fait, au service des besoins des gouvernements qui sortent renforcés de la crise actuelle. Enfin, la pandémie n'a pas touché tous les pays de la même façon, ni au même moment. Cela a provoqué un déphasage de cycle car les réponses ont été différenciées.

    Le deuxième point est que cette crise va avoir de la persistance. Cette situation a deux dimensions. La première est que la politique économique va devoir être très active dans la durée pour limiter l'impact sur le marché du travail. La seconde dimension porte sur les conséquences quant à la structure de la production. Certains secteurs d'activité ont été affectés par cette crise sanitaire et ne retrouveront pas leur allure antérieure. D'autres bénéficieront des bouleversements observés, notamment dans les domaines comme la convergence écologique. Il y aura donc la nécessité de transférer des ressources entre ces différents secteurs avec à la clé des besoins en formation considérables. Dans cette recomposition de la croissance potentielle des économies, il faudra aussi trouver les incitations pour que le marché du travail reste dynamique alors que la population vieillit avec un nombre de retraités croissant.

    L'Europe fait face à ses différentes dimensions. Sa fragilité dans cet environnement dominé par les USA et la Chine est son incapacité à disposer d'une croissance plus autonome et plus réactive. Elle n'aurait pas à attendre les impulsions en provenance de Chine et des USA. Le plan de relance présenté il y a un an par Ursula Van der Leyen est une réponse, mais elle ne s'inscrit que dans la durée et ne permet pas d'effacer rapidement les traces du choc sanitaire.

    L'Europe est riche avec de nombreuses ressources, c'est ce qui a porté son attractivité. Maintenant, alors que l'évolution des revenus est plus lente qu'aux USA et parce que le monde est moins coopératif, les gouvernements européens doivent trouver des solutions. Un marché intérieur plus autonome pour que les entreprises puissent développer leur activité partout où elles le souhaitent et sans contrainte serait une solution. C'est ce qui a fait la force de l'économie américaine, celle plus récemment de l'économie chinoise mais qui est encore un frein à une dynamique homogène en Europe. L'économie a changé pendant cette crise sanitaire, l'Europe doit en tenir compte pour rester attractive. L'enjeu est de taille. 

    La nature et l’envergure des plans de relance nationaux peuvent-ils modifier les comportements et les décisions des investisseurs internationaux ?

    Oui, très directement. Les trois plans américains en témoignent. Le premier plan a eu pour objectif d'effacer l'impact du choc sanitaire, le second pour restaurer la productivité américaine et le troisième pour l'éducation et la lutte contre les inégalités. S'ils sont menés à bien, la forme de l'économie américaine en sera bouleversée. Mais cela indique aussi que les enjeux locaux sont devenus plus importants que les défis internationaux de la globalisation. La Chine se développe aussi très rapidement dans le prolongement de ce qui était fait avant la crise notamment avec une intervention toujours importante de l'État dans l'économie. En 2020, cette économie s'est aussi resserrée sur son marché intérieur. C'est sur cette dimension que l'Europe doit être agile et active pour maintenir son attractivité.

    Le projet fiscal de Joe Biden est-il de nature à remettre en cause celui de Singapour sur Tamise que le Royaume-Uni pourrait mettre en place ?

    Oui, très clairement car les européens ne sont pas opposés à généraliser les mesures prises par le nouveau président américain. L'objectif de la réforme fiscale aux États-Unis est de taxer les entreprises américaines internationales à hauteur de 21%. Cela éliminerait de fait l'attrait des paradis fiscaux pour les entreprises américaines. La position de la Maison Blanche valide les discussions déjà avancées au sein des pays de l'OCDE mais qui étaient bloquées par Washington. Désormais, les pays développés ont la possibilité d'instaurer collectivement cette réforme fiscale et de très fortement limiter les possibilités d'optimisation et d'évasion fiscale. Le Singapour sur la Tamise pourrait être très difficile à mettre en œuvre.

    L’attractivité de la France a-t-elle pâti de de la crise ? En d’autres termes, peut-elle rester la première destination des IDE industriels et espérer jouer un rôle moteur dans les secteurs d’avenir comme le numérique et la transition énergétique ?

    L'économie française a plutôt bien tenu le choc en 2020 concernant les investissements étrangers, bien que le nombre d'opérations ait reculé. Elle dispose toujours de deux atouts structurels majeurs pour séduire les investisseurs internationaux.

    Le premier est sa position géographique dans l'Europe. C'est un élément clé pour les entreprises du monde entier qui veulent accéder au marché européen. Associé à cela, la France dispose d'infrastructures efficaces, autoroutes et train notamment, pour faciliter les transferts de production vers le vieux continent. Ce paramètre n'a pas changé avec la crise et cela donne un avantage comparatif.

    Le deuxième facteur est que l'économie française est très diversifiée. De la sorte, les entreprises du reste du monde peuvent s'insérer dans le tissu industriel français. Cet aspect est un excellent complément à la position géographique de la France.

    Ces deux éléments sont des facteurs d'attraction importants de l'économie française vis-à-vis des entreprises étrangères. Dans la France d'après crise, il y a cependant trois sources de fragilité quant à l'allure des flux d'investissements étrangers.

    Le premier est le ralentissement relatif de la croissance en zone Euro. On observe dans les projections macroéconomiques que l'Europe est un peu en retard par rapport à la Chine et aux USA. Cet aspect est important car il conditionne la capacité à créer des revenus et à faire de l'Europe une zone où il faut être investi.

    Le second point est la concurrence qui se renforce entre les pays européens après cette crise. Chacun a envie de relocaliser la production de certains secteurs sur son territoire pour être moins dépendant et engendrer une nouvelle dynamique plus robuste. Dans le même temps, les entreprises qui veulent s'implanter en Europe ne vont pas s'éparpiller et peuvent avoir la tentation de produire dans un lieu unique. La concurrence européenne pourrait être rude.

    Le troisième point est la spécialisation sectorielle de l'économie française. Elle doit être dans les secteurs porteurs, ceux qui feront l'économie de demain. Le numérique et la transition énergétique font partie de ceux-ci. Le gouvernement ne doit pas ménager sa peine pour favoriser ses secteurs tout en sachant que le déficit extérieur français est important et que pour le réduire il sera nécessaire de faciliter les flux d'investissement vers la France.  

    L'économie française dispose d'avantages structurels importants mais elle doit maintenant s'adapter à l'économie qui se construit après la crise sanitaire. Elle ne ressemble plus à celle d'avant et la mutation de son tissu productif doit être rapide pour saisir toutes les opportunités.

Le ralentissement a été plus marqué en France que chez ses principaux concurrents

Le nombre de projets d’investissements étrangers enregistrés en France a diminué de 18 % en 2020, soit une réduction plus forte que celle du Royaume-Uni (- 12 %) et de l’Allemagne (- 4 %). Comment l’expliquer, en faisant par hypothèse abstraction de l’impact de la gestion sanitaire sur la confiance ?

La « dépendance » à l’Europe, ou la moindre ouverture de la France au reste du monde que ses concurrents expliquent une partie de ce décalage : 60 % des projets ayant atterri en France sont européens (contre 41 % pour le Royaume-Uni). Seuls 8 % proviennent de pays émergents ou en développement, moins sévèrement touchés par la crise en 2020. En comparaison, 17 % des IDE viennent de pays en développement ou émergents au Royaume-Uni, et 25 % en Allemagne.

Notons une baisse des investissements chinois en France. Passé de 31 à 46 entre 2018 et 2019, le nombre de projets ne s’est élevé qu’à 28 en 2020 alors qu’il n’a cessé d’augmenter en Allemagne et au Royaume-Uni. Un faisceau d’éléments économiques, notamment sectoriels, et diplomatiques - sur la question de la souveraineté - pourrait expliquer cette légère baisse. Il faudra attendre l’évolution prochaine des investissements chinois en France pour commencer à formuler des hypothèses robustes sur ce point.

Le Royaume-Uni a également subi une chute importante du nombre de projets d’investissement (12 %), mais elle a été plus limitée qu’en France. Et hormis la crise sanitaire, l’importance des coûts de sortie et l’incertitude de la teneur réelle de l’accord sur le Brexit qui n’a été finalisé qu’en fin d’année 2020 ont notamment favorisé l’attentisme.

Dans le même temps, la conjoncture macro-économique (baisse de la livre, chute de la valorisation de certaines entreprises britanniques) a pu offrir des opportunités d’investissement inattendues. Enfin, le positionnement sectoriel britannique a amorti le choc : 31 % des IDE concernent les secteurs technologiques, moins touchés par la crise, alors qu’ils représentent seulement 15 % des projets annoncés en France.

Il sera sans doute intéressant de scruter l’effet de l’accord du Brexit sur l’évolution des IDE au Royaume-Uni en 2021, notamment sur les implantations industrielles, puisque le pays ne sera pas soumis à des droits de douane à l’export vers l’Union européenne.

Quant à l’Allemagne, sa meilleure gestion de la crise sanitaire en 2020, qui lui a permis d’imposer des mesures moins strictes qu’en France, a contribué à une résilience économique (- 5,4 % de PIB, vs. - 9 % pour la France1). Cela a permis au pays de préserver une grande partie de son capital confiance tout en évitant davantage qu’en France les reports et les annulations massives de projets. La moindre dépendance de l’Allemagne à des secteurs très touchés par la crise (aéronautique et tourisme principalement) contribue aussi à expliquer cette résilience, tandis que la reprise économique de la Chine — un des premiers partenaires à l’export de l’Allemagne — a amorti le choc.

La part du top 3 européen dans le total des investissements internationaux augmente néanmoins, passant de 51 % à 53 % des investissements étrangers, traduisant l’effet de valeur refuge que ces pays leaders peuvent prendre aux yeux des investisseurs en temps de crise.

À l’exception de la Pologne (+ 10 %) et de la Turquie (+ 18 %), aucun pays du top 10 européen n’a enregistré d’augmentation des projets d’IDE en 2020. Au regard des autres pays européens, ces deux pays ont été relativement épargnés par la crise, avec une baisse du PIB de 3,4 % en Pologne, et une croissance de 1,2 % en Turquie2, la première tirant bénéfice de la compétitivité-coût de son économie et de ses partenariats étroits avec l’Allemagne, tandis que la seconde tire sa croissance d’une relance monétaire massive, au prix d’une inflation très significative (+ 15 %).

En France, les mesures de soutien et le plan de relance ont été jugés crédibles et ont sans doute soutenu l’attractivité du pays en 2020

Alors que la sortie de la crise sanitaire devient enfin une hypothèse crédible, la France peut se féliciter d’avoir conservé la confiance des investisseurs et sa crédibilité économique : son image connaît une amélioration relative, confirmant la tendance déjà observée en 2019. 43 % des dirigeants interrogés dans le cadre de notre enquête estiment que l’attractivité de la France a légèrement progressé en 2020. Pour 42 % d’entre eux, elle s’est stabilisée.

Alors que la sortie de la crise sanitaire devient enfin une hypothèse crédible, la France peut se féliciter d’avoir conservé la confiance des investisseurs et sa crédibilité économique : son image connaît une amélioration relative, confirmant la tendance déjà observée en 2019. 43 % des dirigeants interrogés dans le cadre de notre enquête estiment que l’attractivité de la France a légèrement progressé en 2020. Pour 42 % d’entre eux, elle s’est stabilisée.

Les dirigeants ont été rassurés par la rapidité de réaction de l’exécutif. Le choix des mesures d’accompagnement et leur maintien au fur et à mesure que la crise se prolongeait ont inspiré confiance. Les prêts garantis par l’État (PGE), les dispositifs d’activité partielle et d’activité partielle de longue durée (APLD) semblent notamment avoir été bien reçus.

Par ailleurs, 44 % des dirigeants internationaux interrogés jugent le plan de relance français plus performant que celui de la plupart des autres pays. Un résultat positif, puisque 10 % d’entre eux seulement émettent un avis contraire. Il convient aussi de rappeler que 44 % des répondants trouvent le plan de relance français ni plus ni moins performant que celui des autres pays — ce qui illustre aussi la réactivité européenne en la matière. La plupart des répondants (82 %) s’estiment aussi suffisamment informés sur « France Relance ».

Les dirigeants des secteurs industriels (automobile, aéronautique, immobilier) et des services financiers sont les plus nombreux à juger le plan français plus performant que les autres. À l’inverse, seuls 29 % des répondants des services aux entreprises sont de cet avis.

Il est toutefois prématuré de conclure que ces différentes perceptions ont eu des conséquences concrètes sur l’attractivité. La bonne exécution des différents plans sera donc déterminante pour lancer la dynamique de relance propre à chaque pays et pour insuffler un retour de la confiance chez les investisseurs étrangers. Par ailleurs, il est également trop tôt pour savoir si l’envergure différenciée de ces plans de relance sera de taille à concurrencer les fondamentaux des économies européennes et leur capacité à offrir des perspectives convaincantes aux investisseurs sur les sujets post-crise (environnement, inclusion, énergie).

Les investisseurs étrangers ont annoncé environ 30 000 créations d’emplois en 2020 en France, mais l’effet volume est moins puissant que dans certains pays européens

Les investissements étrangers sont à l’origine de 30 558 créations d’emplois en France en 2020, un nombre en forte diminution par rapport à 2018 et 2019.

Néanmoins, le nombre moyen d’emplois par projet connaît une légère hausse par rapport à 2019, passant de 31 à 34. En comparaison, les pays proposant des coûts salariaux plus compétitifs ainsi que nos deux principaux concurrents, le Royaume-Uni et l'Allemagne, parviennent à tirer un meilleur effet « valeur » sur l’emploi, bien qu’ils subissent eux aussi une baisse importante des projets d’implantations.

Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes et Hauts-de-France restent les territoires les plus attractifs

Malgré la crise, la tête du classement européen des régions reste inchangée, même si les écarts se resserrent. Le Grand Londres (383 projets, - 29 % par rapport à 2019), l’Île-de-France (288, - 18 %) et la Rhénanie-du-Nord-Westphalie (286, + 4 %) restent les régions les plus attractives pour les investissements étrangers.

L’Île-de-France conserve donc la tête du classement régional français, devant l’Auvergne-Rhône-Alpes (9e région européenne, 126 projets) et les Hauts-de-France (15e , 100 projets).

Pour ces trois premières régions françaises, qui occupaient déjà le haut du podium en 2018 et 2019, la baisse des investissements étrangers est comparable à celle observée à l’échelon national (- 18 %).

Alors que le Grand Est (+ 7 % d’investissements étrangers par rapport à 2019), la Normandie (+ 7 %) et les Pays de la Loire (+ 10 %) résistent à la crise, l’Occitanie (- 31 %), avec sa forte dépendance à l’industrie aéronautique, est davantage affectée.

  • METHODOLOGIE

    Les enquêtes auprès des investisseurs

    Une enquête auprès de 200 dirigeants d’entreprises à capitaux étrangers, menée en mars

    La perception et les attentes des décideurs internationaux en matière d’attractivité pour la France ont été recueillies au travers d’une enquête en ligne auprès de 200 décideurs internationaux du 1er au 31 mars 2021. Les dirigeants impliqués dans les décisions d’investissement étrangers ont été interrogés dans 27 pays, en anglais. La structure de l’échantillon est représentative des investissements internationaux, qu’il s’agisse de leur origine géographique (en grande partie issue de l’Union européenne), de leur origine sectorielle, ou de la taille des entreprises.

    Une enquête auprès de 550 dirigeants d’entreprises à capitaux étrangers, menée entre le 22 mars et le 9 avril 2021

    Pour intégrer la perception et les attentes des décideurs internationaux face à la crise de la Covid-19 sur l’ensemble du continent européen, une deuxième enquête, en ligne, a été conduite auprès de 550 dirigeants internationaux du 22 mars au 9 avril 2021. Les dirigeants ont été interrogés dans 27 pays, en anglais. Tout comme la première enquête réalisée, la structure de l’échantillon est représentative des investissements internationaux.

    Le recensement des implantations internationales en France et en Europe

    Depuis 1997, l’EY European Investment Monitor (EIM) recense le nombre de projets d’investisseurs étrangers dans une quarantaine de pays européens, y compris en Russie et en Turquie. Le recensement prend en compte les annonces publiques et fermes d’investissements porteurs de créations d’emplois et les vérifie.

    Ces flux d’implantation et d’extension se situent dans une très grande variété d’activités et de secteurs, mais en excluent certains dont la logique d’implantation relève de facteurs d’attractivité, certes intéressants, mais structurellement différents des implantations industrielles, décisionnelles ou technologiques (tels que les hôtels, les surfaces de ventes ou de restauration). D’autres méthodes peuvent être utilisées pour le recensement de ce type de projets. Ainsi, celle de Business France intègre, en plus des emplois créés, les emplois maintenus par les investisseurs étrangers en France, ainsi que les créations et les sauvegardes d’emplois projetés sur 3 ans ; à l’inverse, l’EY European Investment Monitor se concentre sur les données au démarrage des projets, et ce de la même manière dans tous les pays européens (44 en 2020). Globalement, les tests de qualité et les croisements réalisés auprès des entreprises pour la constitution de la base de données de l’EIM permettent de garantir un niveau d’exhaustivité et de comparabilité unique en Europe.

    Principales sources

    EY (Knowledge, EYQ, FDI Center of Excellence), BPI, Business France, FMI, FT, INSEE, JLL, McKinsey, OCDE, OCO, OFCE, Oxford Economics, Trendeo, UNCTAD.  

Ce qu'il faut retenir

Tout comme en 2008, l’investissement international subit les contrecoups de la crise en Europe.

Malgré un ralentissement plus marqué en France que chez ses principaux concurrents, la France est parvenue à garder sa 1ère place européenne en 2020, sans doute grâce aux mesures de soutien et au plan de relance, qui ont été jugés crédibles et qui ont consolidé l’attractivité du pays.

Environ 30 000 créations d’emplois ont été annoncées par les investisseurs étrangers en 2020 en France.

L’Île-de-France, l’Auvergne-Rhône-Alpes et les Hauts-de-France restent les territoires les plus attractifs.

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Marc Lhermitte

Associé, EY Consulting

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Eric Fourel

Président d'EY en France

Éric œuvre pour l’intégration de son expertise au cœur de la réalité économique.