Communiqués ESMA et AMF
L’ESMA a publié dès le 14 mars un communiqué sur l’Ukraine suivi d’un second, beaucoup plus détaillé, le 13 mai dernier. L’AMF a spécifiquement relayé ces communiqués en France.
Les régulateurs y appellent plus particulièrement les groupes ayant une exposition géographique ou liée à leur(s) activité(s) (e.g. secteurs de l’énergie ou de l’agriculture) :
- à décrire l’impact de l’invasion sur leurs états financiers ou à expliquer clairement les raisons de l’absence d’impact dans les comptes présentés ;
- à veiller au strict respect des obligations de communication immédiate de toute information susceptible d’avoir un impact significatif sur le cours des instruments cotés de capital ou de dette de l’entreprise, en application du règlement UE Abus de Marché.
Une affaire de processus
L’identification et le traitement des enjeux comptables doivent :
- s’appuyer sur le processus interne mis en place pour recenser et piloter les risques ;
- refléter les faits et circonstances jusqu’à la date de publication des comptes (ce qui nécessite d’adapter le cas échéant les procédures de clôture des comptes),
- suivre une démarche systématique pour prendre en compte l’ensemble des impacts potentiels qu’il s’agisse d’enjeux bilanciels, mais aussi, par exemple, d’impacts sur les engagements hors bilan (donnés ou reçus) ou la liquidité (e.g. contrats de dette, cessions de créance, appels de marge).
Quelques points d’attention particuliers
Comme pour la pandémie de Covid-19, faute de pouvoir recenser et présenter l’ensemble des conséquences de la situation géopolitique et économique actuelle, il n’est pas approprié de présenter séparément au compte de résultat certaines de ces conséquences. Seuls les éléments de résultat qui ont pu être classés à bon droit par le passé comme non courants peuvent continuer à l’être, quand bien même ils seraient liés aux circonstances actuelles.
La qualité des informations en annexe est également essentielle, en vue notamment d’éviter que des pertes significatives n’aient à devoir être comptabilisées à l’avenir sans qu’aucune information préalable sur l’exposition à ces risques n’ait été signalée dans les comptes qui auront été publiés lors des clôtures précédentes.
1. Dépréciation des actifs non financiers
L’estimation de la valeur recouvrable de ces actifs (immobilisations corporelles et incorporelles, y compris goodwill, titres mis en équivalence et stocks) doit à la fois :
- refléter les décisions stratégiques les plus récentes prises par le groupe en matière d’abandon, cession, suspension d’activités ou d’arrêt d’investissements ;
- prendre en compte les incertitudes liées à la situation, par exemple à travers l’utilisation de scénarios multiples ou la prise en compte d’une prime de risque.
L’annexe devra inclure des informations concernant :
- les principales révisions d’hypothèses opérationnelles et financières intervenues depuis les derniers tests mis en œuvre ;
- les hypothèses clés (le cas échéant nouvellement identifiées) et la sensibilité des valeurs comptables à celles-ci.
2. Consolidation des entités en Russie ou en Biélorussie :
Il faut souligner à ce titre que :
- l’existence de restrictions à la capacité de prendre certaines décisions clés doit être prise en compte dans l’évaluation du contrôle, mais n’est pas en elle-même conclusive ;
- des restrictions sur l’utilisation de la trésorerie d’une filiale n’emportent pas la perte de contrôle.
L’ensemble des faits et circonstances doit être pris en compte dans cet examen avant de conclure éventuellement à la perte du contrôle, du contrôle conjoint ou d’une influence notable, y compris en cas de cession lorsque la cession est assortie de clauses particulières.
Rappelons que :
- en l’absence de perte de contrôle, une entité doit continuer à être consolidée, même si elle fait des pertes ;
- une perte de contrôle entraîne la déconsolidation et la comptabilisation d’un résultat de déconsolidation et le recyclage de l’OCI recyclable, tandis qu’une éventuelle reprise du contrôle conduirait à comptabiliser une acquisition et à évaluer un nouveau goodwill.
3. Couvertures d’assurance
Sauf clause contraire, la guerre est en général exclue des couvertures d’assurance dommages. Il est également fréquent que les assurances crédit prévoient des clauses d’inéligibilité en cas de perte liée à un conflit armé. La rédaction des éventuelles clauses d’exclusion est dans ce contexte particulièrement importante, l’exclusion des seules « conséquences directes » étant plus limitée par exemple que l’exclusion des « conséquences directes et indirectes ».
4. Présentation des décisions de vente ou d’abandon d’activités
- L’application de la norme IFRS 5 nécessite une disponibilité immédiate à la vente et la démonstration de la haute probabilité d’une cession dans les 12 mois, ce qui peut poser des difficultés particulières du fait du contexte de sanctions ;
- Les activités abandonnées ne doivent pas être présentées séparément au bilan, mais doivent être reclassées au compte de résultat dans la période d’abandon (y compris dans les comparatifs) si les critères de taille de l’activité abandonnée sont remplis.
5. Autres enjeux
Les circonstances actuelles sont également susceptibles d’avoir des impacts sur de nombreuses autres estimations clés ou facteurs de risques des groupes, parmi lesquels :
- La recouvrabilité des impôts différés actifs
- L’estimation des pertes de crédit attendues relatives aux créances, prêts et « actifs contrat » IFRS 15 et du risque sur la mise en œuvre des garanties reçues : rappelons à ce sujet qu’il n’est pas approprié de ne comptabiliser des dépréciations qu’à hauteur d’un risque apprécié sur une base nette, sauf unicité de la contrepartie et existence d’accords de compensation
- Le maintien des relations de couvertures de transactions futures
- Les risques de liquidité, notamment pour les groupes actifs sur les marchés à terme qui sont exposés à des appels de marge
- Les risques liés à un manquement à la stricte application des différentes sanctions internationales qui sont édictées par de nombreuses parties prenantes, parfois complexes et évolutives.