5 min de temps de lecture 13 janv. 2022
Garde républicaine Matignon

Les 5 piliers de la future politique de transformation publique

Auteurs
Guéric Jacquet

Associé, EY-Parthenon, secteur public, France

Au service des dirigeants publics pour construire des transformations d’ampleur à fort impact.

Olivier Bouet

Directeur, Consulting, Secteur Public, France

Après dix années en cabinets ministériels, administrations d’Etat et collectivités, Olivier met ses compétences et son expérience au service des grands projets de transformation de la sphère publique.

5 min de temps de lecture 13 janv. 2022

Il est nécessaire d’imaginer un plan de transformation publique ambitieux pour le prochain quinquennat, articulé autour d’une nouvelle impulsion et de 5 grands piliers.

En résumé :

  • L’importance de la transformation publique a connu de nombreuses initiatives en 2017 mais elles ont été freinées par la pandémie
  • La crise sanitaire et économique a limité les résultats des réformes ; les réductions de postes d’agents publics ont été reportées, le déficit s’est accru pendant la pandémie, etc
  • Il est aujourd’hui nécessaire d’imaginer un nouveau plan de transformation ambitieux pour le prochain quinquennat, articulé autour d’une nouvelle impulsion et de 5 grands piliers

L’ importance de la transformation publique est revenue depuis plusieurs mois au cœur du débat et s’invite dans les conversations des Français à l’approche de l’élection présidentielle : comment améliorer la relation entre l’Etat et les collectivités locales ? Comment simplifier le millefeuille administratif ? Moderniser le système de santé ? Ou encore : quel est le nombre optimal d’agents publics pour assurer les missions de l’Etat ? Ces questions sont sur toutes les lèvres dans un contexte où 81 % des Français se disent également inquiets vis-à-vis de l’explosion de la dette publique (sondage IFOP-EY-Acteurs Publics, novembre 2022).

Depuis 2017, les initiatives en ce domaine, pourtant, ont été fortes : lancement d’une démarche inédite via le CAP 2022 et la refonte des politiques publiques, financement de réformes structurelles via un fonds interministériel de 1 Md€, lancement d’une stratégie globale de transformation publique, portage au plus haut niveau de l’Etat... Cela s’est traduit à la fois par la mise en place de réformes d’ampleur (prélèvement à la source, maisons France Service, réforme de l’ENA, mise en place du droit à l’erreur) mais aussi par une appréciation positive historique des services publics, plébiscités par plus de 51 % des Français en 2020 (Institut Paul Delouvrier).

Pourtant, la crise sanitaire et économique a limité les résultats des réformes : les réductions de postes d’agents publics ont été reportées, le déficit s’est accru pendant la pandémie et des difficultés dans l’exécution des politiques publiques de proximité ont été mises en lumière. Ce n’est pas pour autant une exception française : tous les programmes de réforme de l’Etat se sont réadaptés aux nouveaux enjeux sanitaires. Après une crise sans précédent qui a remis en cause la manière de gérer l’action publique (gestion de crise, télétravail des administrations, mise en place de plans de relance, articulation entre Etat et collectivités locales…), il est nécessaire d’imaginer un nouveau plan de transformation ambitieux pour le prochain quinquennat, articulé autour d’une nouvelle impulsion et de 5 grands piliers.

1. Une grande politique de simplification et de dérégulation des normes

En sortie de crise, l’Etat est appelé à changer de paradigme pour simplifier la vie des Français. La création d’une mission gouvernementale de simplification du stock de lois, de règlements et de dispositifs irait dans le bon sens : par exemple en réécrivant les codes existants, ou en pilotant la suppression annuelle, par les ministères, de 10 % des normes afférentes à leurs domaines d’intervention. Chaque administration pourrait également gérer un guichet de réclamation des absurdités administratives de son périmètre d’intervention, en s’engageant à traiter les demandes dans un délai contraint.

2. Une transformation digitale massive et qui touche le cœur de métier

Selon nos analyses, pour 3 Mds€ investis sur 5 ans, un ROI significatif de 12 Mds€ de gains de productivité annuels peut être espéré. Au-delà de l’impact majeur que le numérique a sur les grands métiers de la Fonction publique, les gains de productivité issus du recours aux nouvelles technologies représentent potentiellement en cible environ 150 000 ETP, si le programme touche à la fois les fonctions de back office (RH, IT, finance) et le cœur de métier (enseignement, police, justice…) à l’instar des entreprises privées qui ont engagé ces transformations massives.

3. L’extension de la dynamique de transformation publique à toutes les fonctions publiques

Après une décennie de réforme de l’administration, il est prioritaire d’inclure les opérateurs de l’Etat dans l’effort collectif de rationalisation, ou le lancement de nouveaux programmes de mutualisation entre l’Etat et les collectivités, sur le modèle des centres de service partagés de fonctions support. D’ailleurs, lorsqu’on interroge les Français sur les dépenses qui pourraient baisser, ils citent pour 50 % d’entre eux la masse salariale et les effectifs des collectivités¹, se rendant compte que ceux-ci ont atteint 1,9 millions d’employés en 2020, soit +65 % en 15 ans, même si elles ont intégré de nouvelles missions liées à la décentralisation.

4. Un nouveau mode de délivrance des services publics par les entreprises et les associations pour réallouer des moyens vers les priorités de politique publique

Réinterroger le périmètre d’intervention de la puissance publique nécessite l’acceptation d’un nouveau mode de délivrance des services publics, par les entreprises et les associations, là où certains acteurs produisent des services de meilleure qualité et à moindre coût (via l’externalisation de fonctions administratives et de contrôle). Transférer 2 points de PIB du coût de production des services publics vers les entreprises pourrait représenter jusqu’à 50 Mds€, somme pouvant être mise au service de la croissance économique à qualité de service égale, et à la réallocation de crédits publics vers les priorités gouvernementales.

5. Un investissement massif dans les RH pour redonner des perspectives de formation et de carrière aux agents publics

La formation, et parfois la requalification, des agents et managers est devenu un enjeu majeur et un facteur-clé de succès des transformations publiques. En effet, un agent public reçoit en moyenne 30 heures de formation continue par an là où un actif du secteur privé en reçoit 2,5 fois plus. C’est pourquoi il est désormais urgent d’accélérer le programme de formation dédié aux usages numériques, pour que chaque agent et chaque manager réussisse le tournant de la révolution digitale, mais aussi de construire un plan de reconversion/formation pour préparer les agents aux métiers et compétences de demain.

Ce programme de travail très ambitieux ne sera rendu possible que si plusieurs conditions du succès sont remplies :

  • Piloter au plus haut niveau de l’Etat un dispositif d’exception pour engager rapidement des réformes structurelles ;
  • Systématiser l’évaluation des réformes engagées pour savoir arrêter ce qui ne marche pas ;
  • Faire le choix d’une transformation structurelle en profondeur sur quelques sujets clés plutôt qu’une intervention marginale sur des sujets trop divers ;
  • Se doter des compétences à la hauteur des réformes annoncées, en renforçant les capacités de transformation des équipes ministérielles et territoriales en matière de pilotage de projets complexes.

Ce qu'il faut retenir

L’importance de la transformation publique a connu certaines initiatives depuis 2017 qui ont été freinées par la pandémie. Il est aujourd’hui nécessaire d’imaginer un nouveau plan de transformation ambitieux pour le prochain quinquennat, articulé autour d’une nouvelle impulsion et de 5 grands piliers :

  1. Une grande politique de simplification et de dérégulation des normes
  2. Une transformation digitale massive et qui touche le cœur de métier
  3. L’extension de la dynamique de transformation publique à toutes les fonctions publiques
  4. Un nouveau mode de délivrance des services publics par les entreprises et les associations pour réallouer des moyens vers les priorités de politique publique
  5. Un investissement massif dans les RH pour redonner des perspectives de formation et de carrière aux agents publics.

A propos de cet article

Auteurs
Guéric Jacquet

Associé, EY-Parthenon, secteur public, France

Au service des dirigeants publics pour construire des transformations d’ampleur à fort impact.

Olivier Bouet

Directeur, Consulting, Secteur Public, France

Après dix années en cabinets ministériels, administrations d’Etat et collectivités, Olivier met ses compétences et son expérience au service des grands projets de transformation de la sphère publique.