… et est venue mettre en lumière les faiblesses d’un modèle déjà à bout de souffle.
Le modèle de l’EHPAD attire de moins en moins les Français.
Vieillissement
83%des Français souhaitent vieillir à domicile
Attractivité des EHPAD
56%des Français ont une mauvaise image des EHPAD
En raison du souhait croissant de vouloir vieillir chez soi et de la mauvaise image dont ils souffraient déjà avant la crise, les EHPAD sont confrontés à une baisse d’attractivité auprès des personnes âgées et de leurs familles. Au-delà de ces éléments, la solution d’hébergement est souvent écartée pour des raisons financières : alors que le niveau de vie médian des retraités s’élève à 1 830 € par mois, le prix moyen d’une chambre individuelle en hébergement permanent en EHPAD s’élève, quant à lui, à 1 977 euros par mois. A terme, la crise sanitaire risque donc de peser lourd sur l’attractivité de ces établissements.
Un problème d’attractivité professionnelle
Les tensions observées sur les ressources humaines pendant la crise (difficultés à recruter et remplacements avec des personnels non qualifiés, travail supplémentaire du fait du confinement des résidents en chambre individuelle…) viennent souligner le manque d’attractivité professionnelle dont souffrent les EHPAD. Plusieurs raisons sont notables : conditions et organisation du travail, difficultés relationnelles avec les familles, manque de reconnaissance, manque de soutien et de cohésion interne entre les professionnels, manque de temps pour les échanges avec les personnes accueillies, inadéquation formation-emploi…
Un équilibre économique et financier qui questionne la viabilité du modèle
Des établissements en difficulté
55,4%des EHPAD ont été en situation de déficit en 2017 et/ou en 2018
Au-delà de son impact sur l’attractivité du modèle, la crise risque de peser sur la situation financière d’établissements qui connaissaient déjà certaines difficultés. Ainsi, 55,4% des EHPAD ont été en situation de déficit en 2017 et/ou en 2018, dont 23,6 % pendant ces deux années consécutives. Au plus fort de la crise, le Ministère (représenté par la Direction Générale de la Cohésion Sociale) a œuvré rapidement en produisant des ordonnances, puis des instructions, garantissant le maintien du niveau de financement public à son niveau prévisionnel pour l’ensemble des ESSMS. Bien que ces mesures aient été efficaces, des pertes financières seront inévitablement constatées en EHPAD : les nouvelles admissions ayant été rendues exceptionnelles, voire impossibles, une baisse du taux d’occupation, et donc des recettes d’hébergement, est à prévoir.
La menace qui pèse sur l’équilibre économique et financier de ces établissements doit donc être prise très au sérieux et nécessite qu’un plan d’urgence soit adopté en faveur des établissements pour personnes âgées dépendantes.
Faire de la crise une opportunité pour intensifier les démarches de transformation de l’offre à destination des personnes âgées
A court terme : un plan d’urgence pour consolider et repositionner le modèle de l’EHPAD
S’il semble difficilement imaginable que les formules alternatives (soins à domicile, habitats inclusifs…), bien que plus proches des attentes des personnes âgées, prennent entièrement le pas sur le fonctionnement traditionnel des EHPAD, une évolution et un repositionnement du modèle semblent toutefois nécessaires. De nombreux acteurs territoriaux ont déjà pensé à des pistes de transformation (notamment au travers des Schémas départementaux d’organisation de l’offre), dont l’objectif final est d’améliorer l’accompagnement des personnes âgées et de fluidifier leur parcours.
La crise a mis en exergue le rôle essentiel que jouent les EHPAD et les services d’intervention à domicile dans la cohésion sociale et territoriale, mais également la nécessité de renouveler un modèle à bout de souffle.
Jessica Chamba,
Directrice Associée, secteur de la Santé, France
Les pistes suivantes semblent particulièrement pertinentes : le positionnement de l’EHPAD comme acteur ressource sur le territoire, l’évolution des EHPAD en plateformes de services, la poursuite des démarches de coopération et de rapprochement entre structures, le renforcement de l’attractivité professionnelle des métiers, etc.
La crise a mis en exergue le rôle essentiel que jouent les EHPAD et les services d’intervention à domicile dans la cohésion sociale et territoriale (en particulier dans le soutien aux aidants), mais également la nécessité de renouveler et consolider le modèle de l’EHPAD qui arrive aujourd’hui à bout de souffle. La sortie de crise est ainsi un moment propice pour les Conseils Départementaux et les ARS pour mettre en œuvre les plans de transformation de l’offre identifiés au niveau territorial, avec le soutien des acteurs nationaux (DGCS, CNSA…).
Au regard des enseignements que chaque acteur public aura pu tirer de la crise, l’actualisation puis l’accélération et la mise en œuvre concrète des actions de transformation prévues au niveau territorial sont devenues indispensables. De nouveaux schémas d’investissement doivent être définis, avec des enjeux forts de priorisation des investissements en fonction de critères partagés (par exemple : les projets qui permettent une plus grande fluidité des parcours, une diversification de l’offre et un soutien du volet domiciliaire, l’optimisation des moyens, le degré de revalorisation et de diversification des carrières…).
En parallèle, la loi Grand Âge et Autonomie, très attendue, devra être à la hauteur des transformations nécessaires. Initialement prévue fin décembre 2019, puis au printemps 2020, la loi Grand Âge devra être encore plus ambitieuse et devra tirer de nombreux enseignements de la crise traversée afin de réellement s’adapter au nouveau contexte dans lequel évoluent les établissements et services. L’Etat doit se donner les moyens de réussir cette réforme : le virage domiciliaire, la fluidification des parcours, le décloisonnement des modes de financement, la reconnaissance du 5ème risque… autant de sujets d’ampleur qui devront être traités avec un regard renouvelé.
Acteurs du champ du Grand Âge, le temps est venu d’enclencher les projets de transformation de l’offre, en recherchant ensemble les solutions les plus adaptées et en favorisant le « travailler ensemble ». Le domicile ne doit plus être opposé aux établissements : il n’y aura pas de grands vainqueurs au sortir de la crise, mais seulement des perdants, si les acteurs du secteur ne collaborent pas.
L’Etat et les collectivités locales devront jouer leur rôle de pilote et de financeur, mais cette transformation ne se fera pas si les différents acteurs concernés ne contribuent pas à la recherche et à la mise en œuvre des solutions les plus adaptées à leurs réalités territoriales. Agir aujourd’hui est une nécessité pour accompagner dignement nos aînés !
Ce qu'il faut retenir
La crise du COVID-19 a mis les EHPAD au cœur d’une tourmente sanitaire et médiatique et est venue mettre en lumière les faiblesses d’un modèle déjà à bout de souffle. Il est temps de faire de la crise une opportunité pour intensifier les démarches de transformation de l’offre à destination des personnes âgées.