9 min de temps de lecture 28 févr. 2024
barrage d’eau

Accélérer la transformation en période d'incertitude : un impératif pour les CEOs ?

Auteurs
Nicolas Debeuf

Associé, EY-Parthenon, Transactions Stratégie & Exécution, France

Aurélie Saulnier

Associée, EY-Parthenon, Transactions Stratégie & Exécution, Co-Lead France

9 min de temps de lecture 28 févr. 2024

L’édition de janvier 2024 du CEO Outlook Pulse coïncide avec l’accélération des transformations amorcées par les dirigeants. Découvrez notre point de vue.

En résumé :

  • Les dirigeants considèrent qu’une transformation de leurs entreprises est impérative si ces dernières veulent s’adapter, de manière organique ou non, à la nouvelle réalité du marché.
  • Les CEOs et dirigeants de fonds d’investissement seraient prêts à revoir leurs objectifs de croissance à la baisse, dans un contexte d’inflation et de taux d’intérêt à la hausse, si cela implique davantage de certitude pour le futur.
  • Les gestionnaires de fonds de private equity (PE) et les CEOs des grands groupes sont très optimistes pour les fusions-acquisitions en 2024, notamment en raison du retour des megadeals (transactions supérieures à 10 milliards de dollars) dans un environnement transactionnel plus dynamique.

La transformation est clairement à l’ordre du jour de l’agenda 2024 des CEOs. En effet, la vaste majorité d’entre eux (95%) prévoit de maintenir ou d’accélérer leur métamorphose en 2024. La proportion (58%) de ceux désirant aller plus vite a même triplé ces six derniers mois. Réalistes, mais résolument optimistes quant à leurs performances et plus confiants dans l'environnement macroéconomique et géopolitique actuel, les dirigeants estiment qu'il est temps pour leurs entreprises de se réinventer.

Bien qu’ils anticipent un contexte de croissance faible et aucun retour à des taux d’intérêt extrêmement faibles sur le court terme, les CEOs pensent pouvoir exploiter tout le potentiel de l’intelligence artificielle (IA) et des opérations financières pour dynamiser la croissance et améliorer la rentabilité de leurs entreprises. Mais la transformation organique d’une entreprise ne fait pas tout et il s’agit également de revoir la composition de leurs portefeuilles d’activités. Cela tombe à pic, puisque lorsqu’on sonde les dirigeants de fonds d’investissement ils indiquent souhaiter passer à la vitesse supérieure en termes d’acquisition de business délaissés par les grands groupes dans le cadre de carve-out. Un partenariat qui pourrait profiter à toutes les parties.

CEOs et gestionnaires de fonds de PE font par ailleurs preuve d’un même enthousiasme pour les perspectives des fusions et acquisitions en 2024. Une large majorité d’entre eux s’attendent en effet à un retour des megadeals (transactions supérieures à 10 milliards de dollars), à l’heure où le marché de la transaction retrouve enfin des couleurs après une année 2023 bien morose.

Passage pour la faune vu d'en haut
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Chapitre 1

L’heure est à la transformation

Les CEOs adoptent une approche holistique de leurs opérations

Tout indique que les dirigeants abordent le futur dans un état d’esprit aussi positif que proactif : plus de la moitié d’entre eux (58%) déclarent leur intention d’accélérer la transformation de leur portefeuille d’activités dans les 12 prochains mois, alors même qu’ils n’étaient que 21% dans notre sondage de juillet 2023. Ajoutez à cela un autre tiers (37%) déterminé à maintenir la bonne tendance des derniers mois et vous avez la recette pour une forte évolution, organique ou non, du monde de l’entreprise en 2024. Les quelques 5% d’entreprises sans plan de transformation vont devoir faire preuve d’autant de souplesse que de robustesse si elles veulent non seulement maintenir leur rang, mais bel et bien survivre.

C’est en Amérique, et notamment aux États-Unis, que les CEOs sont les plus susceptibles de vouloir accélérer la transformation de leur entreprise (60%), devant l’Asie (58%) et l’Europe (55%). Si on se focalise sur la France, on constate que deux tiers des dirigeants souhaitent mettre l’accent sur ce processus (soit 8 points au-dessus de la moyenne au niveau mondial). 

Les pressions externes incluent notamment l’impact continu de la technologie, ainsi que la réaction à l’émergence de nouveaux concurrents. En effet, le rythme effréné des nouvelles avancées technologiques ne cesse de redessiner le paysage économique. Si une entreprise ne peut s’adapter aux innovations, une autre le fera à sa place. Il est donc impératif de pouvoir exploiter le potentiel des nouvelles technologies pour rationaliser les processus, réduire les coûts et gagner en efficacité.

Parmi les entreprises désireuses de transformer leur portefeuille d’activités, une part importante (31% en moyenne et 38% en France) souhaite profiter des conditions actuelles de marché, tout en reconnaissant que les multiples de transactions ont diminué au cours de l'année écoulée, passant de 9,9 fois l’EV/EBITDA en 2022 à 8,9 en 2023, selon l’analyse EY des données de Dealogic.

L’activisme est un autre défi à relever pour les CEOs. Le phénomène a battu de nouveaux records en 2023, en particulier en Europe et en Asie, où un nombre exceptionnel de nouvelles campagnes ont eu lieu. Il ne fait aucun doute que les activistes examineront de très près les plans de transformation à venir, avec la ferme intention de passer à la vitesse supérieure en 2024. La pression sera donc sur les épaules des dirigeants, qui devront planifier leurs ambitions de manière à remporter l’adhésion des activistes les plus engagés, ou bien suffisamment rassurer le reste des actionnaires pour éviter de potentielles contestations.

Vue aérienne d'un terrain de tenis au bord de la fôret
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Chapitre 2

2024, retour en force des dealmakers ?

Les CEOs et dirigeants de fonds d’investissement prévoient une résurgence des megadeals

L’année 2023 aura été marquée par le plus faible niveau de transactions de M&A enregistré ces dix dernières années, soit environ 3,000 milliards de dollars. Ce chiffre ne raconte toutefois pas toute l’histoire : en y regardant de plus près, on constate effectivement qu’après un départ en douceur, les choses se sont améliorées aussi bien en termes de volume que de valeur, notamment au dernier trimestre.

1,005 milliards de dollars de transactions ont ainsi été réalisées au quatrième trimestre 2023, ce qui en soi parait remarquable. Durant cette période, deux mois ont dépassé les 300 milliards, dont décembre (356 milliards). L’élan étant essentiel en matière de M&A, il est à souhaiter que ce momentum continue en 2024.

L’Amérique du Nord reste la région la plus attrayante pour les activités de M&A, avec un total de 1,500 milliards de dollars de transactions annoncé en 2023, soit peu ou prou le même ordre de grandeur qu’en 2022. L’Amérique du Nord représentait 50% de la valeur globale des deals. À l’inverse, la région EMEIA (Europe, Moyen Orient, Inde et Afrique) a fini par tomber à 28% en 2023.

L’atténuation des incertitudes en matière de politique et de croissance a marqué le retour à des transactions plus importantes lors du dernier trimestre, pour le plus grand bonheur du marché : 14 acquisitions de plus de 10 milliards de dollars annoncées, soit le plus haut niveau atteint depuis le troisième trimestre 2021, lorsque le boom M&A post-pandémie battait son plein. La tendance devrait se poursuivre, puisque les trois quarts des CEOs et une proportion similaire de dirigeants de fonds d’investissement (71%) prévoient une hausse des megadeals avec le rebond du marché M&A.

Enfin, plus d’un tiers (36%) des dirigeants prévoient activement de procéder à une acquisition au cours des 12 prochains mois, en ligne avec le sondage d’octobre 2023. Un signe encourageant pour 2024. Selon notre sondage, près de 30% des investissements devraient se diriger vers l’Europe au cours des 12 prochains mois. Au sein de l’Union Européenne (UE), la France est sur la 2e marche du podium après l’Allemagne avec 17% des cibles situées dans l’hexagone selon les sondés (vs. 32% pour l’Allemagne).

Les îles de la baie de Clew
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Chapitre 3

Les étoiles sont alignées pour doper les cessions

Les opérations à la vente vont stimuler à la fois les entreprises et les fonds de PE

Les gestionnaires de fonds de PE seront appelés à aider les dirigeants d’entreprises à accélérer leurs plans de cession. Ils auront fort à faire, car près d’un tiers (29%) des CEOs prévoient de vendre des actifs au cours des douze prochains mois, et 16% d’entre eux souhaitent utiliser le fruit de ces ventes pour financer leurs initiatives de transformation.

Une vaste majorité des dirigeants de fonds d’investissement (70%) estime que les grandes entreprises accélèreront leurs activités de cession en 2024. Cela pourrait représenter une opportunité pour les entreprises disposant de capacités de restructuration importantes.

Plusieurs zones géographiques sont ciblées en priorité, en premier lieu desquelles la Chine. Les cessions d’actifs concerneront probablement surtout les secteurs à haut niveau de disruption, tels que l’industrie, le secteur bancaire, la santé et les technologies.

Il semble globalement accepté, parmi les CEOs, que les cessions sont un excellent moyen d’orienter leur portefeuille et leurs opérations vers l’avenir, de manière à poser les bases de la croissance.

En outre, les cessions permettent de réallouer du capital à des initiatives plus stratégiques, telles que la transformation.

Dans ce contexte, les dirigeants doivent impérativement établir la marche à suivre pour leur entreprise : quelles actions permettront de gagner en compétitivité dans les 12 mois à venir, et au-delà ?

La voie est toute tracée pour leur permettre de mieux collaborer avec les dirigeants de fonds de PE. Les acheteurs et vendeurs les mieux préparés seront ceux qui retireront le plus de valeur, mais le sondage prouve qu’il y a encore de la marge de manœuvre pour exécuter les processus de cessions.

Il n’est pas facile de séparer des activités, surtout lorsqu’elles ont longtemps fait partie d’une organisation plus large et qu’elles sont interdépendantes. Le vendeur et l’acquéreur doivent donc bien s’entendre sur la meilleure façon de maximiser la valeur de l’actif rendu autonome.

Pour réussir la scission, il est essentiel de présenter dès le départ un récit clair sur le potentiel de valorisation. Cela implique une collaboration étroite entre la direction et les autres acteurs concernés, les plaçant au cœur du processus dès le début. De la même manière, Il est également crucial que l'acheteur réussi engage le dialogue avec les parties prenantes existantes afin de protéger les parts de marché et les clients une fois que la séparation est finalisée.

Conclusion

Ces dix dernières années ont montré que les processus de cession n’ont cessé de gagner en complexité, les vendeurs souhaitant tirer le plus de valeur possible de la transaction. Depuis la stratégie et la planification de la séparation jusqu’à la bien plus complexe séparation fonctionnelle et IT, en passant par la planification financière et fiscale, il est clair que les entreprises examinent chaque séparation avec une approche holistique. Autant de domaines clés que les équipes dirigeantes devront gérer, aidés par une robuste équipe de gestion de projet.

En cette période d'incertitude économique et de forte volatilité des marchés, de nombreuses entreprises chercheront à redessiner leur portefeuille en 2024. Qu'il s'agisse de se délester d'actifs sous-performants, de mobiliser des capitaux pour réinvestir dans de nouvelles technologies ou de se recentrer sur le cœur de métier, l'année à venir promet d'être intéressante pour les vendeurs entrant sur le marché. Enfin, la France est attractive, avec 17% des cibles potentielles identifiées par les CEOs situées dans la zone UE et localisées dans l'hexagone.

Méthodologie

Deux études comparatives ont été effectuées au nom d’EY en décembre 2023 et janvier 2024 par FT Longitude, département recherche et contenu marketing du groupe Financial Times :

  1. Sondage anonyme effectué en ligne auprès d’un échantillon de 1,200 CEOs de grandes entreprises du monde entier, afin de dégager les principales tendances et évolutions affectant les grands groupes mondiaux ainsi que leurs attentes en matière de croissance et de création de valeur. Les personnes interrogées opèrent dans les cinq secteurs d’activité suivants : Santé et bien de consommation; Services financiers; Industrie et énergie; Infrastructures; Technologies, médias et moyens de communication. Le chiffre d’affaires mondial annuel des entreprises interrogées se décomposait comme suit : moins de 500 millions de dollars (19%), $500m-$1M (19%), $1M-$45M (30%) et plus de 50 milliards de dollars (32%).

  2. Sondage anonyme en ligne auprès de 300 dirigeants de fonds d’investissement (private equity), représentant la perspective propre à ce secteur en matière d’acquisition et restructuration d’entreprises. Les actifs sous gestion des organisations interrogées se décomposaient comme suit : moins de 1 milliard de dollars (15%), $1M-$10M (40%), $10M-$50M (25%) et plus de 50 milliards de dollars (20%).

Dans chacun de ces sondages, les personnes interrogées représentaient 21 pays (Etats-Unis, Canada, Mexique, Brésil, France, Allemagne, Belgique, Luxembourg, Pays-Bas, Italie, Danemark, Finlande, Norvège, Suède, Royaume-Uni, Australie, Chine, Inde, Japon, Singapour et Corée du Sud).

Ce qu'il faut retenir

Les dirigeants d’entreprises cherchent à être proactifs dans la transformation de leurs entreprises pour une croissance plus rapide.

A propos de cet article

Auteurs
Nicolas Debeuf

Associé, EY-Parthenon, Transactions Stratégie & Exécution, France

Aurélie Saulnier

Associée, EY-Parthenon, Transactions Stratégie & Exécution, Co-Lead France