Parer les risques de réduction massive de l'emploi en jouant sur la flexibilité et la fiscalité
Entre 2017 et 2019 (année qui confirmait cette tendance), la France s’affirmait comme la première destination des investissements étrangers industriels en Europe. En dépit de vingt ans de destruction d’emplois et de délocalisations, les entreprises à capitaux étrangers réinvestissaient les bassins industriels de l’Hexagone. En février 2020, l’optimisme était de mise : 72% des dirigeants interrogés étaient confiants dans l’avenir de l’industrie en France.
Dans un contexte incertain, 75% des dirigeants nous disent que leurs investissements en 2020 et 2021 vont se réduire, afin de préserver les marges de l’entreprise en période de crise. Et que leurs projets s’articuleront autour d’investissements dans des technologies et processus d’automatisation. Dans l’industrie et les services supports, cela signifie moins d’emplois par projet et peut-être des restructurations.
Pour convaincre, la France doit mettre en place des mesures d’incitation sur le coût de l’emploi. Dans l’industrie, la réduction des impôts de production est une piste qu’il faut considérer pour redonner quelques marges de manœuvre aux ETI et groupes qui décideraient de maintenir de la production en France, voire de relocaliser certaines activités implantées ailleurs. Parmi ces impôts – 200 taxes diverses au total – figurent notamment la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et la Cotisation foncière des entreprises (CFE). Au total, le produit de ces impôts représente le double de l’impôt sur les sociétés (IS) chaque année pour l’Etat, soit plus de 70 milliards d’euros. Des impôts dont l’impact négatif sur l’industrie ont notamment été signalés par une étude réalisée par le Conseil d’analyse économique (CAE) chargé de conseiller Matignon. Par ailleurs, certains secteurs vont avoir besoin de main d’œuvre supplémentaire, quand d’autres auront besoin de réduire leurs effectifs. On peut alors imaginer d’adapter les dispositifs réglementaires pour faciliter le prêt de main d’œuvre interentreprises, une forme de bourse du travail à l’échelle de bassins d’emplois.
Enfin, les dirigeants d’entreprises internationales ont généralement salué l’adaptabilité et la réactivité de l’Etat au début de la crise, avec des mesures telle que l’activité partielle ou les prêts garantis par l’Etat. Au niveau de leurs sièges, cette flexibilité a été remarquée et ils souhaiteraient que l’Etat parvienne à la conserver dans la période d’ajustement des effectifs qui va s’ouvrir, pour un temps donné.
Affirmer la France comme un hub technologique résilient et incontournable en Europe
Plus qu’une démondialisation, nous nous dirigeons vers une régionalisation des investissements, avec son corollaire, la compétition entre pays, régions et villes pour attirer et conserver les investissements à forte valeur ajoutée. Celle-ci sera portée ou freinée par leur spécialisation et leur leadership sectoriel et technologique, la dynamique de leurs marchés, les compétences disponibles et leurs investissements. Parmi les nouveaux avantages concurrentiels figurent la santé, l’intelligence artificielle, la robotique, les technologies de fabrication avancée ou encore les énergies renouvelables. La France, ses filières, ses leaders technologiques, ses structures académiques et ses compétences doivent ensemble s’inscrire dans cette nouvelle cartographie mondiale qui va tirer une très grande partie des investissements internationaux lors des années 2020-2025.
Mais les entreprises qui agissent dans ces secteurs, en particulier les PME et les ETI qui appartiennent aux secteurs stratégiques et ou/désormais prioritaires notamment dans l’industrie et la santé vont avoir besoin de reconstituer leurs fonds propres car les besoins d’investissements seront importants. Il faudra créer les conditions d’une ingénierie financière forte, par exemple sous la forme de fonds régionaux qui pourraient intervenir sur le long terme, pour alléger le poids de la dette, et leur permettre de reconstituer leurs forces pour rester compétitives.