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Enjeux des reportings extra financiers en Tunisie


Comment mieux se préparer au monde de demain ?

Crise sanitaire, tensions sociales, catastrophes naturelles, changement climatique, la nécessité de se remettre en question et de transformer à la fois les modèles économiques et sociaux ne s’est jamais autant fait ressentir.

C’est ainsi que le développement durable occupe une place grandissante au sein de la sphère économique mondiale et que les acteurs publics et privés de l’écosystème s’orientent de manière exponentielle vers les activités durables, la transition écologique et les finances vertes.

47% des sociétés SBF120* ont formulé une « raison d’être » fondée sur les enjeux de développement durable voir 15% l’ont inscrite au niveau de leurs statuts

En pratique, on observe que cette prise de conscience des enjeux sociaux et environnementaux se manifeste à tous les niveaux de l’entreprise, y inclus ses organes de gouvernance et son Assemblée Générale.

En 2022, 84% des entreprises SBF120 ont publié leur mode de gouvernance RSE ( 55% de manière détaillée) au niveau de leurs rapports de gestion

La durabilité n’est plus à la marge, elle devient centrale…

C’est maintenant ou jamais, que nos entreprises ont tout intérêt à adopter une démarche socialement responsable qui tient compte des trois piliers du développement durable : Economique, Social et Environnemental.

En d’autres termes, les entreprises devraient penser à :

  • Développer leur croissance et leur efficacité économique, à travers des modes de production et de consommation durables (Pilier économique)

  • tout en protégeant l’environnement : Préserver, améliorer et valoriser l’environnement et les ressources naturelles sur le long terme, en maintenant les grands équilibres écologiques, en réduisant les risques et en prévenant les impacts environnementaux (Pilier environnemental)

  • et en répondant aux besoins humains, à des objectifs d’équité sociale, en favorisant la participation de tous les groupes sociaux sur les questions de santé, logement, consommation, éducation, emploi, culture... (Pilier social)

C’est ce qu’on appelle la RSE ou Responsabilité Sociétale des Entreprises.

Les Boards s’intéressent de plus en plus à la RSE : 78% des entreprises du CAC40** et 70% du SBF120 disposent d’un comité traitant de la RSE.

Les raisons pour lesquelles vous devriez intégrer des objectifs de développement durable dans votre business et engager une démarche RSE… 
Pourquoi ?
 

Booster la croissance…

Il est dans l’intérêt de tout type d’entreprises d’avoir des communautés plus résilientes et prospères, un accès fiable aux ressources naturelles et une équipe instruite et en bonne santé pouvant enrichir leur capital humain.

C’est en contribuant à la réalisation de ces objectifs et en créant une valeur partagée que les entreprises pourront s’assurer de leur capacité à générer de la valeur pour les actionnaires sur le long terme.

Sur plus de 2 000 études menées depuis 1970, 63% ont établi un lien positif entre les performances ESG de l’entreprise et ses performances financières

Bien qu’il semble parfois compliqué de mesurer de manière précise les impacts d’une stratégie RSE en termes de rentabilité et de performance, les retombées positives de la prise en compte des critères extra-financiers sur le rendement ont été bel et bien démontrées par pas mal d’études menées dans le monde. En effet, investir dans des acteurs porteurs de solutions aux grands enjeux de société de demain, c'est miser sur les grandes tendances en matière de thème d'investissement.

Selon un rapport de la Business & Sustainable Development Commission, les modèles commerciaux durables liés aux Objectifs de Développement Durable pourraient ouvrir des opportunités économiques d’une valeur pouvant aller jusqu’à 12 milliards de milliards de dollars et créer jusqu’à 380 millions d’emplois supplémentaires d’ici 2030


Maîtriser les risques…

Les entreprises ne seront peut-être plus capables de continuer à créer du capital à long terme si cela érode le capital naturel, social, financier et industriel à un autre endroit.  

Sachant que chaque objectif de développement présente déjà un risque qui pose des défis aux entreprises et à la société. Ces risques ne feront probablement que continuer à s’accroître s’ils ne sont pas maîtrisés.

La Responsabilité Sociétale des Entreprises « RSE » constitue ainsi un outil précieux qui permet de gagner en résilience et d’orienter la stratégie sur les enjeux d’aujourd’hui et de demain : Une entreprise qui prend en compte les enjeux économiques, sociaux et environnementaux aura une vision bien plus large de son domaine, gagnera en visibilité sur les risques du métier qui peuvent surgir et pourra ainsi mieux faire face aux crises et chocs externes.

Attirer des capitaux…

Les investisseurs prêtent de plus en plus attention aux risques environnementaux, sociaux et économiques lorsqu’ils prennent des décisions d’investissement.

Ils utilisent un grand panel d’informations non financières à toutes les étapes de leur prise de décision d’investissement.

Les entreprises qui s’engagent publiquement à respecter les principes de durabilité, qui associent leurs priorités stratégiques aux Objectifs de Développement Durable (ODD) et qui évaluent, communiquent et rapportent leurs progrès en matière de RSE, envoient un message fort aux investisseurs quant à leur capacité à gérer les risques sociaux et environnementaux et à créer des avantages concurrentiels sur la base de leurs performances en la matière. 

Selon la troisième enquête menée par EY auprès des investisseurs, les facteurs les plus susceptibles d’influencer les décisions des investisseurs sont la faiblesse de la gouvernance d’entreprise, les mauvaises performances environnementales, la rareté des ressources, le changement climatique et les risques liés aux droits de l’Homme


Devancer les évolutions règlementaires….

Mettre en place une démarche RSE, permettrait, à ce titre, de devancer les règlementations de plus en plus strictes sur les risques sociaux et environnementaux, atténuer les contraintes futures et éviter de supporter des coûts d’éventuelles sanctions ou de réorganisation de l’activité suite aux évolutions législatives inévitables.

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Votre démarche RSE s’invite dans la finance avec l’ESG…

Concept très lié à la RSE, le terme ESG constitue plutôt une notion liée à la communauté financière. Cette appellation internationale désigne les critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG) qui permettent une analyse extra-financière d’une entreprise.

Autrement dit, grâce à ces critères qui reposent également sur les trois piliers du Développement Durable, les investisseurs, banques et autres bailleurs de fonds, peuvent mesurer et évaluer la performance RSE d’une entreprise vis-à-vis de l’environnement et de leurs parties prenantes (salariés, partenaires, fournisseurs, sous-traitants, clients et autres).

Ces critères constituent les piliers du reporting extra financier qui relève initialement d’une démarche volontaire de la part des entreprises mais qui est en train de basculer vers un système normé. En effet, les nouvelles réglementations portées par l’Union Européenne (UE) et par l’Autorité des Marchés Financiers aux Etats Unis (Security Exchange Commission « SEC ») vont accélérer cette interconnexion entre finance et RSE partout dans le monde.

Aperçu sur les lignes directrices de la directive de l’UE appelée CSRD « Corporate Sustainbaility Reporting Directive » …

Fraichement adoptée au niveau Européen (Juin 2022), la nouvelle Directive CSRD vient d’imposer à plus de 50 000 entreprises Européennes, des nouvelles modalités de reporting extra-financier. Elle a pour objectif de normaliser l’information extra-financière au niveau de l’Union Européenne et d’induire une forte connectivité des états financiers et extra-financiers.

La CSRD vise à mettre le reporting de durabilité au même niveau de qualité que l’information financière. Ainsi, la période et le périmètre de reporting extra-financier sont alignés sur ceux en vigueur pour les états financiers, et la publication sera réalisée dans une section spécifique du rapport de gestion.

La CSRD place également le reporting de durabilité sous la responsabilité de la gouvernance de l’entreprise au même niveau que l’information financière. L’une des évolutions majeures apportées par cette directive est aussi l’obligation, partout en Europe, de faire vérifier les informations extra-financières par le Commissaire aux Comptes (ou un tiers indépendant), délivrant une assurance d’abord limitée, puis raisonnable dans quelques années.

L’IFRS Foundation, de son côté, a décidé en 2021 de créer l’International Sustainability Standard Board (ISSB), une deuxième jambe à côté de l’IASB (qui a développé les normes IFRS depuis 20 ans). L’ISSB a mis en consultation en mai 2022 deux projets de standards sur les informations relatives à la durabilité : l’un sur les règles générales et l’autre sur le climat.

L’Europe, mais aussi le reste du monde

La directive n’affecte pas uniquement les Entreprises Européennes. Les entreprises non Européennes ayant un chiffre d’affaires annuel supérieur à 150 millions d’euros sur le marché de l’UE, et celles ayant au moins une filiale ou une succursale dans l’UE, devront s’y soumettre. Les filiales de ces groupes, devront également communiquer sur la démarche RSE de leur maison mère.


Situation en Tunisie…

En décembre 2021, le CMF et la BVMT ont publié un guide prévoyant les premières directives de l’information extra-financière destinées aux sociétés cotées. Ce guide de reporting explique les concepts de base et l’utilité de la démarche RSE et propose une matrice d’indicateurs ESG.

Bien qu’il ait étayé des recommandations pratiques, ce guide laisse toujours aux entreprises une marge de manœuvre pour définir leurs propres objectifs et leurs indicateurs clés de performance (KPIs) tenant compte de leurs spécificités et leurs secteurs d’activités.


Alors comment se préparer ?   

A notre avis, cinq mesures que les entreprises Tunisiennes devraient prendre à présent…

1.     Identifier les objectifs, les prioriser et s'engager

Les entreprises devraient commencer par :

  • Identifier les liens directs et indirects (risques et opportunités à long terme) qui existent entre les aspects sociaux, environnementaux et de gouvernance et leurs activités ;

  • Prioriser les enjeux identifiés et fixer les objectifs ;

  • S’engager publiquement pour atteindre les objectifs fixés.

En 2021, 80% des entreprises SBF120 ont formalisé une stratégie, une démarche ou une feuille de route RSE (ou développement durable) pluriannuelle sur un horizon de 3 à 5 ans… 

Des ambitions à plus long terme ont été également présentées, notamment en matière climatique (horizon 2030, 2040 ou 2050)

2.     Aligner la stratégie et les modes opératoires avec les objectifs de durabilité fixés

En s’inscrivant dans une stratégie de durabilité, et pour pouvoir atteindre les objectifs fixés, il est important que les entreprises pensent à une certaine rationalisation de leurs pratiques actuelles et de leurs modes de gestion afin de les rendre plus respectueux vis-à-vis de la planète.

Elles doivent envisager, entre autres, d’identifier les pistes d’amélioration/adaptation sur les sujets suivants :

  • Les produits et services ;

  • Les modèles commerciaux ;

  • Les chaines d’approvisionnement ;

  • L’innovation et la R&D;

En 2022, 97% de ces entreprises ont publié des objectifs de réduction de leurs émissions de GES et 60% publient un engagement "net zéro"

63% des entreprises objet de notre enquête ont opté pour l’émission de « Sustainable bonds » (obligations durables)

3.     Décliner les orientations stratégiques en un plan d’action

L’étape la plus concrète serait de traduire toute la démarche décrite ci-dessus en actions opérationnelles. Plusieurs types d’actions d’ordre environnemental, social et de gouvernance peuvent être mises en place, mais gardons à l’esprit qu’il ne sera jamais question de déployer une démarche RSE d’un seul coup.

Cela signifie que la hiérarchisation des actions au regard des priorités de l’entreprise et des attentes de ses parties prenantes serait une étape essentielle.

Pour pouvoir être mises en œuvre, prendre de l’ampleur et, in fine, atteindre les objectifs, ces actions devraient être pertinentes pour l’entreprise, réalisables et avoir un impact transformateur.

4.     Mesurer et évaluer

Dans une dynamique d’amélioration continue, de suivi et de pilotage de la performance extra financière il serait primordial d’associer à chaque action, un indicateur clé de performance tout en assurant qu’il soit SMART (Spécifique, Mesurable, Atteignable, Réaliste et Timely).

A ce stade, la difficulté réside dans le choix des indicateurs et dans la mesure de l’impact réel de chaque action. Cela impose un travail sur la donnée requise, le plus souvent non financière, allant de sa collecte à son exploitation.

5.     Rapporter et communiquer

La communication de la stratégie RSE se fait à plusieurs niveaux. Tout d’abord, en interne, pour embarquer les équipes et gagner leur confiance, puis, une communication avec la communauté s’impose.

Raconter une démarche RSE peut sembler comme un exercice simple, mais en réalité, pour pouvoir en parler de manière précise, juste et impactante, l’étape du storytelling représente un maillon indispensable à étudier en profondeur.

Ce qu'il faut retenir

Fondamentalement, les enjeux de développement durable offrent aux entreprises une occasion historique d’être plus résilientes, d’inspirer la confiance de leurs parties prenantes, de renforcer leur réputation et d'améliorer leur croissance et leur compétitivité sur le long terme.

Avant de se voir dans l’obligation d’aborder ces sujets, il est temps pour nos entreprises d’anticiper, d’agir et de se préparer au monde de demain !

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