Chapitre 1
Le besoin de modèles d’affaires novateurs n’a jamais été aussi pressant.
En sous‑estimant le besoin de création de nouveaux modèles d’affaires, on crée des occasions d’affaires pour ses concurrents.
Même s’ils savent que la véritable innovation doit s’étendre au‑delà de la réinvention des produits, les leaders de la fabrication sont plus susceptibles de privilégier la transformation numérique par rapport aux modèles d’affaires novateurs. Le Rapport d’EY sur les priorités des chefs de la direction a révélé que 70 % des répondants du secteur de la fabrication voient la technologie et l’innovation numérique comme un moteur de transformation pour leur entreprise. L’innovation en matière de modèle d’affaires l’est pour à peine 30 % des répondants. Par contraste, le secteur des technologies parvient à montrer la voie à suivre en accordant à l’innovation en matière de modèle d’affaires presque le double de cet effort, ce qui augmente considérablement son attrait aux yeux des investisseurs.


Cette disparité est le signe manifeste d’un risque important pesant sur les entreprises de fabrication. Le fait de sous‑estimer le potentiel des innovations en matière de modèle d’affaires peut générer des occasions d’affaires pour des concurrents de secteurs connexes. Le risque est particulièrement élevé lorsque ces nouveaux concurrents parviennent à tirer profit aussi de l’évolution des attentes des clients et des consommateurs (utilisateurs finaux). Les fabricants les plus prospères appliquent déjà des modèles axés sur le consommateur dans des domaines tels que les technologies et les utilisateurs finaux.
Le récent Rapport d'EY sur les priorités des chefs de la direction, qui a analysé les tendances observables parmi les « acteurs prospères » (sociétés enregistrant des bénéfices en hausse) et les « survivants » (sociétés dont les bénéfices sont en baisse), a révélé l’importance des innovations en matière de modèle d’affaires et de la transformation au sens plus large pour l’efficacité des stratégies d’entreprise. D’après le sondage, 45 % des fabricants prospères envisagent un changement de leur modèle d’affaires. En revanche, ce taux est d’à peine 32 % chez les survivants. Au cours des trois années à venir, les acteurs prospères (45 %) sont au moins deux fois plus susceptibles que les survivants (25 %) d’envisager une modification de leur processus d’innovation. Pour la même période, 73 % des acteurs prospères projettent d’augmenter leurs investissements dans des initiatives de transformation globales. Cette proportion est d’à peine 32 % chez les survivants.
Chapitre 2
Quatre façons de construire, de lancer et de faire croître un modèle d’affaires novateur
En embrassant ces principes, les fabricants ont la possibilité de s’épanouir dans des contextes exigeants sur le plan de la croissance.
Les fabricants qui souhaitent effectuer une transition vers un fonctionnement d’acteur prospère doivent mettre en œuvre dès aujourd’hui leurs intentions d’innover en matière de modèles d’affaires. Ce faisant, ils pourraient asseoir leurs initiatives sur ces quatre principes :
1. Renforcer la relation avec les clients et les consommateurs à travers l’ensemble de la chaîne de valeur
L’innovation en matière de modèle d’affaires commence par l’adoption d’une mentalité axée sur la croissance dans le cadre des activités de démarchage et de compréhension des besoins du client. Si la plupart des fabricants sont naturellement disposés à considérer les clients directs et les consommateurs comme des intervenants clés, les leaders du secteur auraient avantage à examiner tous les maillons de leur chaîne de valeur pour identifier les intervenants qui créent le plus de valeur et comprendre le mécanisme sous‑jacent. Ils pourront ainsi adapter la prise de décisions stratégiques et l’affectation des ressources aux besoins des intervenants qui sont le plus à même de maximiser la rentabilité des opérations. De plus, ils pourront porter leur regard au‑delà du prochain maillon de la chaîne de valeur et embrasser un horizon plus vaste pour trouver de nouvelles façons de créer de la valeur.
Les entreprises de fabrication prospères sont
1,5 foisfois plus susceptibles que les survivants de tenir compte des attentes changeantes des clients en tant que tendance majeure du marché.
En élargissant leur champ de vision, les leaders devraient également changer de perspective et accorder plus d’attention à la génération de valeur plutôt que de se préoccuper exclusivement de la livraison de produits. La mise en place de ces changements de perspective au sein d’une entreprise nécessite des ajustements structurels et culturels, dans le but d’optimiser le processus de génération de valeur. Les leaders doivent faire preuve d’une grande ouverture d’esprit lors de l’analyse des besoins de leurs clients et se préparer à l’éventuelle nécessité de repenser et restructurer leurs équipes afin de maximiser la création de valeur. Par ailleurs, toute réorganisation qui n’est pas assise sur une bonne compréhension des besoins du client risque d’attarder l’entreprise dans son parcours de création de valeur.
2. Se garantir la position la plus forte dans sa chaîne de valeur
Les concurrents non traditionnels se faisant de plus en plus compétitifs, les leaders de la fabrication doivent chercher à se positionner de façon à pouvoir profiter au mieux des occasions qui se présentent dans leur chaîne de valeur tout en introduisant les modèles d’affaires novateurs nécessaires à l’atteinte de ces objectifs.
Selon le sondage d’EY sur les perspectives des chefs de la direction, les risques posés par les concurrents non traditionnels sont la
3emenace en importance, derrière la conjoncture géopolitique et les changements climatiques.
Les leaders doivent évaluer dans quelle mesure les capacités et les produits de l’organisation soutiennent la génération de valeur sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Le fait de réexaminer leurs activités à travers cette optique peut aider les fabricants à déterminer si la valeur tirée par l’organisation est en phase avec celle créée pour les clients et s’il existe des possibilités inexploitées de créer de la valeur et d’être reconnu à ce titre.
De nombreux fabricants ont réussi leur innovation en matière de modèle d’affaires en effectuant une transition d’un modèle axé sur les produits vers un nouveau modèle axé sur les services ou l’abonnement. Ces nouveaux modèles s’inspirent souvent de capacités existantes (par exemple les réparations ou les services auxiliaires connexes) tout en nouant de nouvelles relations client ou en approfondissant les relations existantes afin d’offrir des analyses continues hors pair qui permettent de comprendre la perception de l’idée de valeur chez les clients visés.
3. Transformer le modèle de génération de revenus : d’une livraison de biens vers une livraison de valeur
Les deux premiers principes insistent sur la façon dont l’innovation en matière de modèle d’affaires peut aider les sociétés à repenser leur processus de livraison de valeur et ses bénéficiaires. Comme l’étude de cas ci‑dessus le démontre, il est également essentiel que les fabricants réfléchissent à leurs façons de faire, c’est‑à‑dire aux changements de leur modèle de génération de revenus et des tactiques qui les aident à tirer leur juste part de la valeur supplémentaire offerte à leurs clients.
Pour parvenir à mesurer et à tarifier la valeur, les entreprises ont besoin de données et donc de la bonne technologie afin de recueillir, d’analyser et de mettre à profit ces données. Les produits connectés offrent aux fabricants une occasion unique de comprendre les modèles de consommation et de concevoir de nouveaux produits (et modèles d’affaires) en fonction des conclusions formulées. Si les efforts de transformation numérique consentis par de nombreux fabricants constituent la base du changement, les entreprises doivent aussi se procurer les renseignements indispensables à la réalisation d’une innovation porteuse en matière de modèle d’affaires. Pour ce faire, ils doivent aller au‑delà de la simple acquisition d’outils. Les chefs de file doivent être prêts à repenser tous les aspects de leurs affaires à travers le prisme des conclusions qu’ils auront tirées de l’analyse de leurs propres données, un atout dont le reste du marché ne dispose pas.
Les entreprises de fabrication prospères sont
2,5fois plus susceptibles d’investir dans des données et des technologies plutôt que dans des efforts de réduction des coûts.
Lorsqu’on travaille avec les données de l’utilisateur, la confiance est la clé. Si les fabricants devaient être rémunérés selon la valeur livrée et non selon les unités vendues, les utilisateurs devraient avoir la certitude que les données recueillies via les produits connectés seraient employées à leur avantage autant qu’à celui du fabricant, voire plus. Les clients devraient disposer d’une analyse comptable de la valeur générée et de son alignement sur les prix et les tarifs, ce qui aboutirait idéalement à la création d’un cercle vertueux de communication ouverte avec le fabricant. Grâce à la transparence continue, il est possible de cerner des occasions que les nouveaux modèles d’affaires peuvent cibler.
4. Construire un écosystème client pour innover à grande échelle au‑delà des limites du secteur
L’innovation en matière de modèle d’affaires exige des entreprises d’examiner et souvent de remettre en question leurs compétences de base. Parfois, une occasion de création de valeur requiert des capacités qui dépassent le cadre d’expérience de l’entreprise ou les limites de son secteur. Dans ces cas, les chefs de file de la fabrication devraient diriger leurs efforts vers les possibilités de construire un écosystème ou d’en rejoindre un2.
Pour développer un écosystème hautement performant, les leaders de la fabrication ont besoin de cerner les secteurs où l’établissement de partenariats serait le plus à même de soutenir la création de valeur et la livraison de valeur. Ce soutien pourrait prendre la forme d’une augmentation des capacités, d’un renforcement de la présence sur le marché et d’une amplification des innovations, et ce, de façon plus efficace qu’au moyen d’investissements internes ou d’acquisitions. En général, les écosystèmes offrent des possibilités de création de valeur pour tous les participants. Néanmoins, les leaders qui souhaitent développer un écosystème doivent chercher à se doter d’une position de contrôle afin de mieux maîtriser la répartition du supplément de valeur généré.
Selon le sondage d’EY de 2021 sur les écosystèmes,
2/3des entreprises de fabrication estiment que le développement d’écosystèmes offre une meilleure efficacité que les stratégies de croissance classiques.
Dans le cadre de ces partenariats, les fabricants doivent également suivre des pratiques exemplaires en matière d’approvisionnement, de construction et de gestion des écosystèmes. Les écosystèmes fonctionnent de façon optimale lorsqu’on planifie et mène régulièrement les activités liées aux examens par la haute direction, aux indicateurs clés de performance, aux budgets dédiés et à la propriété organisationnelle bien définie.
Chapitre 3
Questions clés concernant l’innovation en matière de modèle d’affaires
Les réponses pourraient aider les leaders à cerner les principales lacunes en matière de connaissances et les principaux secteurs présentant un risque avant de s’engager dans le processus.
Dans la mesure où les entreprises de fabrication recherchent une croissance à la fois rentable et durable, la volonté de réunir les facteurs internes et externes propices à la mise en place de modèles d’affaires novateurs repose sur une motivation toute naturelle. Toujours est‑il que, sans surprise, les directeurs généraux du secteur ont tendance à privilégier les gestes aux effets plus tangibles et prévisibles (par exemple des investissements en données et en technologies) plutôt que les changements majeurs sur le plan de l’offre.
Si l’innovation en matière de modèle d’affaires n’est pas à l’ordre du jour pour les entreprises, les leaders se doivent de réfléchir sérieusement à l’état actuel et futur de leur modèle d’affaires et à son rapport à leur chaîne de valeur. Cela leur permettra de relever les lacunes critiques en matière de connaissances ou des secteurs présentant un risque, et ce, quelles que soient les mesures envisagées à court terme :
- Valeur de l’offre : en quoi consiste la valeur créée par vos produits et services et de quelle façon cette création de valeur s’effectue‑t‑elle?
- Valeur pour les clients : en quoi consiste la valeur créée par vos produits et services aux yeux de vos clients? Qu’est‑ce qui vous autorise à le croire?
- Tarification de la valeur : de quelle façon votre entreprise fixe‑t-elle ses tarifs? Quel est le rapport entre vos prix et la valeur offerte aux clients?
- Types de valeur : quels autres types de contreparties vous intéresseraient au‑delà des recettes provenant de la vente de produits? Une baisse de la tarification combinée à une acquisition de plus de données ou de droits de propriété intellectuelle ou bien à l’accès à de nouveaux types de clientèle pourrait‑elle s’avérer une solution plus avantageuse pour vous?
- Valeur créée par les concurrents : où réside la valeur créée et livrée par vos concurrents?
- Partenaires de l’écosystème : comment les partenariats augmentent‑ils la valeur de vos produits et services?
- Produits, processus et personnes : votre organisation dispose‑t‑elle des produits, processus et personnes qui lui permettront de maximiser la valeur créée? Si non, quel est le besoin de changement principal?
Résumé
Pour les fabricants, les meilleures possibilités de croissance ne résident plus dans l’augmentation du nombre de produits vendus ni dans l’expansion commerciale. Les nouveaux modèles d’affaires, fondés sur une meilleure compréhension des processus de création de la valeur, sont au cœur des stratégies de croissance gagnantes. S’appuyant sur des partenariats en écosystème, les joueurs du marché réinventent les façons de créer de la valeur. En assurant la maîtrise de leurs données uniques et des enseignements qu’elles renferment et en prenant sans réserve le parti de l’innovation en matière de modèle d’affaires, les fabricants se garantiront non seulement d’avoir voix au chapitre, mais aussi et surtout d’avoir le dernier mot dans leur propre chaîne de valeur.