Theo Yameogo : Bienvenue et merci d’être avec nous. Merci d’être des nôtres. J’ai hâte de discuter avec vous.
Dean Braunsteiner: Merci Theo! Je suis très heureux d’avoir l’occasion d’échanger avec toi aujourd’hui.
Theo Yameogo : Dean, à titre de leader national, Certification, Mines et métaux d’EY, tu rencontres un grand nombre de clients de divers environnements, qui vendent divers produits de base et qui en sont à diverses étapes de développement. Quels sont les principaux défis que les entreprises du secteur des mines et métaux doivent relever dans le contexte actuel?
Dean Braunsteiner : Bonne question. En 2022, les sociétés minières ont été aux prises avec diverses difficultés. Si tu avais posé la question au début de l’année, j’aurais répondu qu’elles étaient légèrement plus optimistes en ce qui a trait à la hausse des prix des produits de base. Les vrais défis concernaient la poursuite des activités et la nécessité de disposer de stocks suffisants afin de stabiliser le débit de la production. Mais il apparaît clairement que les événements géopolitiques des six à sept derniers mois, comme la guerre en Ukraine, ont commencé à changer la perception qu’ont les sociétés du secteur.
Les entreprises font face à deux principaux enjeux, soit l’inflation et les pénuries au sein de la chaîne d’approvisionnement. Pour la chaîne d’approvisionnement, les entreprises semblent avoir pris un virage. Par exemple, la Société aurifère Barrick a annoncé qu’elle avait triplé ses stocks par rapport au niveau prépandémie afin de faire face à la pénurie au sein de la chaînePar exemple, la Société aurifère Barrick a annoncé qu’elle avait triplé ses stocks par rapport au niveau prépandémie afin de faire face à la pénurie au sein de la chaîne d’approvisionnement. Ainsi, ses mines peuvent poursuivre la production à une cadence prévisible et la société n’a pas à chercher les produits très loin pour poursuivre ses activités. Je pense que de plus en plus d’entreprises suivront l’exemple. Dans le contexte, cela devrait permettre aux entreprises de réduire les effets de l’augmentation des prix.
La hausse des taux d’intérêt par les gouvernements constitue également un défi. Elle se répercute sur le développement des projets en chantier. En quoi est‑ce important? D’après nos constatations sur l’approvisionnement en produits de base au cours des dernières années, il semble qu’il y aura pénurie de cuivre, de nickel et de lithium, qui sont des composantes clés d’une économie plus verte prisées par la plupart des gouvernements.
Si ces mines ne commencent pas à produire ou si leur agrandissement n’a pas lieu en temps opportun, les pays ne pourront pas mettre en œuvre leurs plans de décarbonation, ce qui est préoccupant à l’heure actuelle.
Theo Yameogo : Peux‑tu expliquer l’incidence des questions ESG sur l’élaboration des stratégies des sociétés minières?
Dean Braunsteiner : Selon moi, les sociétés minières ont un excellent bilan en matière de questions ESG. Commençons par les questions environnementales. Il existe peu de secteurs où les entreprises peuvent se targuer d’exercer leurs activités aux confins du monde, de créer des emplois bien rémunérés et d’offrir eau propre, électricité et éducation.
Et ce n’est qu’une partie de ce qu’elles font. Les sociétés minières le font depuis de nombreuses années. Elles publient également des rapports sur le développement durable. En ce qui concerne les questions sociales, comme je l’ai mentionné, les entreprises font du bon travail avec les collectivités locales, facteur qui compte de plus en plus lorsque vient le temps de décider de construire une mine ou pour le maintien des relations existantes. Les sociétés minières commencent à être plus proactives en ce sens, et cela touche les questions de gouvernance, qui sont le dernier volet de l’information sur les questions ESG. Ce qui a vraiment changé pour les entreprises sur le plan des questions ESG, c’est la capacité d’attirer des capitaux. Dans le passé, les sociétés minières devaient rencontrer les membres du comité de gestion des risques du prêteur et examiner avec eux les taux de rendement interne et d’autres mesures clés relatives à un projet.
Le contexte a considérablement changé. Maintenant, les dirigeants des sociétés minières doivent d’abord rencontrer les membres du groupe ESG du bailleur de fonds, décrire leur stratégie ESG, expliquer comment cette stratégie est en phase avec leur présence à l’échelle mondiale et convaincre le prêteur, le bailleur de fonds, de la solidité de leur stratégie ESG.
C’est la première étape. Les sociétés ont commencé avec succès à discuter de leur stratégie. Le point suivant, qui pourrait changer la donne sur les questions ESG, est la SEC : comment élaborer une proposition sur les informations à fournir sur les mesures EGS et les changements climatiques dans les documents réglementaires.
Cela est important parce que, à l’étape suivante, la SEC exigera de la direction qu’elle fournisse une attestation sur l’efficacité du fonctionnement des politiques et procédures et sur la collecte des informations sur les mesures ESG ainsi que sur les informations liées aux changements climatiques présentées dans les divers rapports financiers. Enfin, à la toute dernière étape, les auditeurs devront fournir leur assurance à l’égard de ces informations.
Tout cela s’apparente à un processus suivi par la SEC en lien avec les contrôles internes et la SOX 404. Au début, la direction devait fournir une attestation que les politiques et procédures en place pour recueillir et communiquer les données étaient efficaces. Cette approche s’applique aujourd’hui aux informations à fournir en lien avec les changements climatiques et les questions ESG.
Les membres du conseil d’administration et de la direction doivent en tenir compte, parce que les informations seront communiquées au conseil d’administration, qui aura la responsabilité de s’assurer que l’entreprise collecte l’information de façon responsable. Par conséquent, la direction fait intervenir beaucoup plus les membres de la fonction finances dans ce processus en raison de leur expertise en matière de conformité aux exigences de la SOX.
Nous encourageons les entreprises à procéder à des tests visant à garantir que les données qu’elles collectent sont prêtes à faire l’objet d’un audit, ce qui devrait être exigé sous peu. Je crois que dès 2024 la direction des entreprises devra fournir une attestation et, peu après, une assurance à cet égard.
Cela constituera tout un défi pour les entreprises qui ne seront pas préparées.
Theo Yameogo : Très intéressant. Selon toi, quelles sont les perspectives en matière de questions ESG?
Dean Braunsteiner : C’est effectivement très intéressant et je pense que, à plus long terme, l’évaluation des pratiques ESG prendra de plus en plus d’importance. J’ai abordé le sujet de la répartition du capital et de la capacité d’attirer des capitaux. Je pense que l’évaluation des pratiques ESG jouera un rôle à ce chapitre. L’autre point qui retiendra l’attention, c’est le prix des produits de base.
L’évaluation des pratiques ESG aura également une incidence sur la possibilité, pour les entreprises, d’accroître la marge réalisée sur les produits de base qu’elles vendent. C’est important, parce que les pratiques ESG amènent les entreprises à exercer leurs activités de façon responsable. Elles modifient également les comportements. Le test ultime viendra lorsque les consommateurs exigeront de savoir d’où proviennent les produits de base qui se retrouvent dans leur téléphone intelligent ou leur tablette ou dans le véhicule électrique qu’ils conduisent. Il importera donc de plus en plus, selon moi, que les entreprises soient en mesure de démontrer, au moyen de leurs pratiques ESG, la chaîne de traçabilité des produits de base, depuis l’extraction jusqu’au produit fini. Et une attestation pourrait être requise là aussi. Par exemple, les entreprises qui vendent les véhicules électriques pourront utiliser la chaîne de blocs pour illustrer comment les différents composants ont été assemblés et d’où ils proviennent.
Ça peut sembler énorme, mais je crois que c’est ce qui nous attend. Je crois aussi que de nouveaux joueurs feront leur entrée dans le secteur des mines. Nous avons amplement abordé la nécessité pour des entreprises comme Tesla ou Apple de s’assurer qu’elles peuvent démontrer d’où proviennent leurs produits de base.
Les terres rares sont un composant important de certains de leurs produits, et elles continueront de l’être. Cette dimension ESG poussera‑t‑elle ces entreprises à trouver de nouvelles façons d’intégrer les fournisseurs à leurs activités plutôt que d’être uniquement des acheteurs? J’ai déjà lu, dans une étude réalisée en Australie, que la production de lithium était évaluée à 11 milliards de dollars, un chiffre impressionnant.
Cependant, la valeur générée par le produit final dépasse les 7 billions de dollars. Les sociétés minières doivent se demander où elles veulent se positionner dans cette chaîne de production. Veulent‑elles être uniquement le producteur d’un produit de base ou monter d’un cran dans la chaîne et accroître la valeur du produit et, peut‑être, diversifier leur portefeuille.
Selon moi, ce sont ces questions que ces sociétés commenceront à se poser, à savoir quelle sera leur participation. L’arrivée inévitable de nouveaux joueurs sur le marché sera perturbatrice et pourrait faire en sorte que les entreprises du secteur des mines exercent leurs activités différemment. Et, nous le savons, les entreprises de ce secteur ont toujours été lentes à innover.
Tout ça est très enthousiasmant. Je suis impatient de voir la suite.
Theo Yameogo : Les questions ESG sont une priorité pour nos clients aujourd’hui et dans un avenir proche. Je suis heureux que tu sois venu nous en parler aujourd’hui. Merci de te joindre à moi!
Dean Braunsteiner : Merci à toi Theo. J’ai été enchanté d’avoir la possibilité de partager quelques réflexions. C’était très apprécié.