EY FiscAlerte 2024 no 45 - Le ministère des Finances publie des propositions législatives révisées pour la mise en œuvre des modifications visant à augmenter le taux d’inclusion des gains en capital _ E

Règles d’asymétrie hybride proposées

FiscAlerte 2022 numéro 29, 10 mai 2022

Le 29 avril 2022, le gouvernement fédéral a publié des propositions législatives préliminaires ainsi que des notes explicatives connexes (collectivement appelées « règles d’asymétrie hybride ») pour s’attaquer à certains dispositifs hybrides.  

Selon les notes explicatives, ces règles ont pour but de mettre en œuvre les recommandations figurant dans le rapport final sur l’action 2 du Projet sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (le « rapport sur l’action 2 du BEPS ») du Groupe des Vingt et de l’Organisation de coopération et du développement économiques.

Les règles d’asymétrie hybride s’appliqueront relativement aux paiements se produisant après le 30 juin 2022, sans droits acquis pour les dispositifs existants.

Les parties intéressées sont invitées à faire part de leurs commentaires sur ces propositions législatives d’ici le 30 juin 2022 à Consultation-Legislation@fin.gc.ca.


Voici un sommaire des propositions législatives.

Les règles d’asymétrie hybride sont dérivées du rapport sur l’action 2 du BEPS, lequel recommande aux pays de transposer dans leur législation nationale de nombreuses règles visant à neutraliser certaines asymétries dans les résultats fiscaux découlant de ce qu’on appelle des « dispositifs hybrides ». Les notes explicatives définissent les « dispositifs hybrides » comme des « dispositifs transfrontaliers qui exploitent des différences dans le traitement fiscal d’entités commerciales ou d’instruments financiers dans le droit de deux pays ou plus, dans le but de générer des asymétries dans les résultats fiscaux ». Selon les notes explicatives, le rapport sur l’action 2 du BEPS définit deux principales formes d’asymétries hybrides :

  • Asymétries de déduction/non-inclusion, qui se produisent généralement lorsqu’un pays permet une déduction relativement à un paiement transfrontalier, lorsque le bénéficiaire n’inclut pas entièrement le paiement dans son revenu ordinaire.
  • Asymétries de double déduction, qui se produisent généralement lorsqu’une déduction fiscale est disponible dans deux pays ou plus relativement à une seule dépense économique.

Les règles d’asymétrie hybride visent uniquement les asymétries de déduction/non-inclusion. Plus précisément, les règles tiennent compte des recommandations figurant dans le chapitre 1 du rapport sur l’action 2 du BEPS, visant les asymétries de déduction/non-inclusion qui découlent de paiements effectués en vertu de trois types de dispositifs : les dispositifs d’instrument financier hybride, les dispositifs de transfert hybride et les dispositifs de paiement par substitution. De plus, les règles d’asymétrie hybride mettent en œuvre la recommandation 2.1 présentée au chapitre 2 du rapport sur l’action 2 du BEPS, en limitant la déduction au titre d’un dividende reçu en vertu de l’article 113 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») en ce qui a trait au dividende reçu d’une société étrangère affiliée d’une société contribuable canadienne, dans la mesure où le dividende est déductible aux fins de l’impôt sur le revenu étranger. Cependant, les règles d’asymétrie hybride vont au-delà des recommandations du rapport sur l’action 2 du BEPS en ciblant certaines déductions au titre des intérêts théoriques.

Dans le cadre d’une approche à la fois intéressante et novatrice en matière de législation fiscale canadienne, le nouveau paragraphe 18.4(2) précise que les règles d’asymétrie hybride traitent de la mise en œuvre des recommandations figurant dans le rapport sur l’action 2 du BEPS et qu’elles doivent, sauf si le contexte l’exige, être interprétées conformément à ce rapport, avec ses modifications successives. Cette approche donne à penser que les commentaires contenus dans rapport sur l’action 2 du BEPS constitueront un outil d’interprétation utile aux fins de ces règles.

Le budget de 2021 a annoncé que les règles d’asymétrie hybride seraient mises en œuvre progressivement, et que les règles liées aux recommandations figurant dans le chapitre 1 seraient instaurées avant les règles liées aux autres recommandations1. Les notes explicatives indiquent que le gouvernement a toujours l’intention de mettre en œuvre les autres recommandations présentées dans le rapport sur l’action 2 du BEPS, mais aucune date n’a encore été précisée.

Nouveaux articles 18.4 et 12.7 – règles d’application primaire et secondaire

Les recommandations figurant dans le chapitre 1 du rapport sur l’action 2 du BEPS visent généralement à neutraliser les effets des asymétries de déduction/non-inclusion hybrides qui découlent de paiements transfrontaliers en instaurant une règle d’application primaire qui empêche le payeur de se prévaloir d’une déduction. Si la juridiction du payeur ne dispose pas de règle pour empêcher le payeur de se prévaloir d’une déduction relativement à un paiement, une règle d’application secondaire qui prévoit une inclusion pour le bénéficiaire d’un paiement transfrontalier devrait alors être mise en œuvre. Les règles d’asymétrie hybride suivent, de manière générale, l’approche recommandée, et comportent une règle d’application primaire (le nouveau paragraphe 18.4(4)) ayant pour but d’empêcher les déductions à l’égard de la « composante de déduction » d’un dispositif hybride, et une règle d’application secondaire (le projet de paragraphe 12.7(3)) qui exige l’inclusion dans le revenu imposable de la « composante de déduction étrangère » d’un dispositif hybride.

Bien qu’en général, les règles proposées s’alignent sur les recommandations du rapport sur l’action 2 du BEPS, elles s’écartent de ces recommandations en ce qui a trait aux dépenses en intérêts théoriques réclamées au titre de prêts transfrontaliers. Le rapport sur l’action 2 du BEPS traite précisément des asymétries dans les résultats fiscaux découlant des différences dans les règles de prix de transfert applicables aux prêts transfrontaliers et indique que, si le débiteur d’un prêt transfrontalier se prévaut d’une déduction au titre des intérêts théoriques à l’égard d’un prêt à taux d’intérêt faible ou nul, alors que le créancier ne fait pas un pareil ajustement à la hausse en vue d’inclure un montant dans son revenu imposable, la neutralisation du résultat fiscal n’est pas recommandée dans le cadre du rapport, étant donné que l’asymétrie ne découle pas de l’hybridité de l’instrument financier. Or, le projet de paragraphe 18.4(9) fait entrer dans le champ d’application des règles d’asymétrie hybride les asymétries de déduction/non-inclusion découlant des dépenses en intérêts théoriques réclamées au titre de prêts transfrontaliers.

De façon générale, pour que l’une ou l’autre des règles primaire ou secondaire s’applique, 1) il doit y avoir un paiement; 2) le paiement doit donner lieu à une asymétrie de déduction/non-inclusion; et 3) le paiement doit découler d’un dispositif hybride, qui s’entend de l’un des dispositifs suivants : i) un dispositif d’instrument financier hybride; ii) un dispositif de transfert hybride; iii) un dispositif de paiement par substitution. Chacune de ces notions, ainsi que les conséquences qui s’y rapportent, est présentée ci-après.

Paiement

Les règles d’asymétrie hybride s’appliquent relativement à certains paiements. Or, le mot « paiement », défini au projet de paragraphe 18.4(1), a pour but d’être inclusif, c’est-à-dire qu’il doit recevoir son sens ordinaire et qu’il est élargi afin de comprendre toute somme ou tout avantage qu’une entité a l’obligation de payer à une entité, de porter à son crédit ou de lui conférer, dans l’immédiat ou pour l’avenir et conditionnellement ou non. Cette disposition doit être interprétée largement; d’ailleurs, les notes explicatives indiquent qu’en vertu de cette définition, plus d’un paiement peut se produire relativement à la même obligation de paiement. Par exemple, un paiement peut se produire lorsque l’obligation entre en vigueur (p. ex., lorsque les intérêts commencent à courir), puis lorsqu’une somme relative à cette obligation est effectivement payée. Or, les notes explicatives précisent qu’« [o]n ne s’attendrait toutefois pas à ce que cela se traduise par des applications multiples des règles d’asymétrie hybride, étant donné qu’il est prévu qu’une seule déduction serait disponible relativement à l’obligation de paiement ».

Asymétrie de déduction/non-inclusion

Aux fins des projets d’articles 12.7 et 18.4, le projet de paragraphe 18.4(6) établit qu’un paiement donne lieu à une asymétrie de déduction/non-inclusion, en règle générale, dans l’une ou l’autre des situations suivantes :

a) Le total des sommes déductibles relativement au paiement aux fins de l’impôt sur le revenu canadien, calculé sans égard à l’article 18.4 et aux règles de restriction des intérêts prévues aux paragraphes 18(4) et 18.2(2), dépasse le total des sommes comprises i) dans le revenu ordinaire étranger (tel qu’il est défini au projet de paragraphe 18.4(1)) et ii) dans le revenu ordinaire canadien (également défini au projet de paragraphe 18.4(1)) relativement au paiement.

b) Le total des sommes déductibles relativement au paiement aux fins de l’impôt sur le revenu étranger, calculé sans égard aux règles de restriction des intérêts d’un pays étranger, dépasse le total des sommes comprises dans le revenu ordinaire canadien et le revenu ordinaire étranger relativement au paiement.

Si la situation a) s’applique :

  • Le projet d’alinéa 18.4(7)a) prévoit que la composante de déduction de l’asymétrie de déduction/non-inclusion correspond au total des sommes déductibles relativement au paiement aux fins de l’impôt sur le revenu canadien.
  • Le projet d’alinéa 18.4(7)c) prévoit, de façon générale, que la somme de l’asymétrie de déduction/non-inclusion découlant du paiement correspond à l’excédent de la composante de déduction de l’asymétrie de déduction/non-inclusion sur le total des inclusions dans le revenu imposable relativement au paiement, le cas échéant, aux fins de l’impôt sur le revenu canadien ou étranger (les inclusions égales ou inférieures à 10 % des sommes déductibles sont exclues de ce calcul).

En règle générale, lorsque la composante de déduction de l’asymétrie de déduction/non-inclusion se rapporte à l’un des trois types de dispositifs hybrides visés, c’est la somme de l’asymétrie de déduction/non-inclusion qui sera refusée à titre de déduction en vertu du projet de paragraphe 18.4(4).

Si la situation b) s’applique :

  • Le projet d’alinéa 18.4(7)b) prévoit que la composante de déduction étrangère de l’asymétrie de déduction/non-inclusion correspond au total de toutes les sommes qui, en l’absence de toute règle étrangère de restriction des dépenses (s’entend généralement, selon le projet de paragraphe 18.4(1), d’une règle semblable à nos règles de capitalisation restreinte ou des nouvelles règles de restrictions des intérêts proposées à l’article 18.2), seraient, ou dont il serait raisonnable de s’attendre à ce qu’elles soient, déductibles relativement au paiement, dans le cadre du calcul du revenu étranger imposable du débiteur.
  • Le projet d’alinéa 18.4(7)c) prévoit, de façon générale, que la somme de l’asymétrie de déduction/non-inclusion découlant du paiement correspond à l’excédent de la composante de déduction étrangère de l’asymétrie de déduction/non-inclusion sur le total des inclusions dans le revenu imposable relativement au paiement, le cas échéant, aux fins de l’impôt sur le revenu canadien ou étranger (encore une fois, les inclusions égales ou inférieures à 10 % des sommes déductibles sont exclues du calcul).

En règle générale, lorsque la composante de déduction étrangère de l’asymétrie de déduction/non-inclusion se rapporte à l’un des trois types de dispositifs hybrides visés, c’est la somme de l’asymétrie de déduction/non-inclusion qui sera incluse dans le revenu en vertu du paragraphe 12.7(3).

Il est précisé que la notion de « revenu ordinaire étranger » n’est pas simple et que ce revenu peut faire l’objet d’un certain nombre d’ajustements, notamment lorsque le revenu est assujetti à un taux d’imposition nul (ou à un taux d’imposition inférieur au taux le plus élevé imposé par le pays étranger visé pour un revenu de ce type), ou qu’il est inclus dans le revenu par l’application d’une règle d’asymétrie étrangère.

Dispositifs hybrides

Selon la dernière condition pour qu’un paiement tombe sous le coup de la règle d’asymétrie hybride, celui-ci doit découler d’un dispositif hybride. Aux termes du projet de paragraphe 18.4(1), ce dispositif hybride peut être a) un dispositif d’instrument financier hybride duquel un paiement découle, b) un dispositif de transfert hybride duquel un paiement découle, ou c) un dispositif de paiement par substitution duquel un paiement découle.

Dispositif d’instrument financier hybride

Le projet de paragraphe 18.4(10) établit les conditions pour qu’un paiement découle d’un dispositif d’instrument financier hybride, alors que le projet de paragraphe 18.4(11) établit les conséquences connexes. De manière très générale, selon le rapport sur l’action 2 du BEPS, cette règle a pour but de cibler les dispositifs (instruments financiers) qui sont imposés en tant que titres de dette, titres de participation ou produits dérivés en vertu des lois nationales, lorsqu’une asymétrie de déduction/non-inclusion découle d’une différence dans la façon dont un instrument financier est traité aux fins de l’impôt sur le revenu par deux pays ou plus.

En vertu du projet de paragraphe 18.4(10), un paiement découle d’un dispositif d’instrument financier hybride si les conditions prévues aux alinéas a) à d) ci-après sont réunies.

a) Le paiement (sauf un paiement qui découle d’un dispositif de paiement par substitution) découle d’un instrument financier (lequel s’entend d’une dette, d’une participation ou de tout autre dispositif donnant lieu à un rendement financier ou de capitaux propres), ou s’y rapporte.

b) Soit i) un payeur du paiement a un lien de dépendance avec un bénéficiaire du paiement, ou est une entité déterminée relativement à un bénéficiaire du paiement, soit ii) le paiement découle d’un dispositif structuré (voir ci-après), ou s’y rapporte.

Aux fins des règles d’asymétrie hybride, un payeur et un bénéficiaire devraient généralement être des entités déterminées l’une relativement à l’autre lorsque le payeur ou le bénéficiaire détient au moins 25 % des participations dans l’autre, ou un tiers détient au moins 25 % des participations dans les deux. Un dispositif structuré s’entend généralement d’une opération ou d’une série d’opérations, si l’opération ou la série comprend un paiement qui donne lieu à une asymétrie de déduction/non-inclusion, et qu’il est raisonnable de considérer que tout avantage économique découlant de l’asymétrie de déduction/non-inclusion est reflété dans l’établissement du prix de l’opération ou de la série ou que l’opération ou la série est par ailleurs conçue afin de donner lieu à une asymétrie de déduction/non-inclusion.

c) Le paiement donne lieu à une asymétrie de déduction/non-inclusion.

d) Le critère de causalité, établi au sous-alinéa 18.4(10)d)(i) et servant à déterminer si l’asymétrie découle de l’«hybridité », est rempli. Ce critère de causalité comprend une analyse en deux étapes. La première étape consiste à déterminer s’il est raisonnable de considérer que l’asymétrie de déduction/non-inclusion découle, en tout ou en partie, d’une différence dans le traitement de l’instrument financier dont le paiement découle, ou d’une ou de plusieurs opérations qui incluent le paiement ou qui se rapportent à l’instrument financier, aux fins de l’impôt en vertu des lois de plus d’un pays. La deuxième étape consiste à établir s’il est raisonnable de considérer que la différence dans le traitement fiscal est attribuable aux modalités de l’instrument financier ou à une opération ou à des opérations.

La condition d’hybridité énoncée au sous-alinéa 18.4(10)d)(i) serait également remplie s’il était considéré qu’elle serait remplie s’il n’était pas tenu compte de toute autre raison pour l’asymétrie de déduction/non-inclusion. Par exemple, si un même résultat d’asymétrie de déduction/non-inclusion découlait non seulement de l’hybridité, mais également d’autres faits et circonstances, ces circonstances ne seraient alors pas prises en compte et le critère d’hybridité prévu à l’alinéa 18.4(10)d) serait vraisemblablement rempli.

Si toutes les conditions du paragraphe 18.4(1) sont réunies, de sorte qu’un paiement découle d’un dispositif d’instrument financier hybride, le paragraphe 18.4(11) prévoit l’application des règles suivantes :

a) Le montant de l’asymétrie d’instrument financier hybride, relativement au paiement, correspond généralement à la partie de la somme de l’asymétrie de déduction/non-inclusion découlant du paiement.

b) La composante de déduction, le cas échéant, de l’asymétrie de déduction/non-inclusion est la composante de déduction du dispositif d’instrument financier hybride relativement au paiement (voir l’analyse ci-dessus sur les résultats d’asymétrie de déduction/non-inclusion pour la définition de composante de déduction).

c) La composante de déduction étrangère, le cas échéant, de l’asymétrie de déduction/non-inclusion est la composante de déduction étrangère du dispositif d’instrument financier hybride relativement au paiement (voir l’analyse ci-dessus sur les résultats d’asymétrie de déduction/non-inclusion pour la définition de composante de déduction étrangère).

S’il existe une composante de déduction de l’asymétrie de déduction/non-inclusion, les conditions prévues à l’alinéa 18.4(3)b) devraient être remplies, de sorte que, en vertu du paragraphe 18.4(4), aucune déduction ne puisse être faite relativement au paiement jusqu’à concurrence du montant de l’asymétrie hybride relativement au paiement. S’il existe une composante de déduction étrangère de l’asymétrie de déduction/non-inclusion, les conditions prévues au paragraphe 12.7(2) devraient être remplies, de sorte que, en vertu du paragraphe 12.7(3), une somme égale au montant de l’asymétrie hybride relativement au paiement doive être incluse dans le calcul imposable.

Règle spéciale pour les dépenses en intérêts théoriques — paiement réputé, bénéficiaire réputé et hybridité réputée

En vertu du projet de paragraphe 18.4(9), qui s’applique aux fins des articles 12.7 et 18.4, si, en l’absence d’une règle étrangère de restriction des dépenses, une somme (appelée « somme déductible ») serait déductible par un débiteur à l’égard d’une dépense en intérêts théorique sur une dette, dans le calcul de son revenu ou de ses bénéfices étrangers pertinents pour l’année, les règles ci-après s’appliquent :

a) Le débiteur est réputé effectuer un paiement dans l’année au titre de la dette au créancier d’une somme égale à la somme déductible, et le créancier est réputé être un bénéficiaire de ce paiement.

b) La somme déductible est réputée être relative au paiement.

c) Tout montant qui est du revenu ordinaire étranger ou du revenu ordinaire canadien du créancier est réputé découler du paiement réputé.

d) Toute asymétrie de déduction/non-inclusion découlant du paiement est réputée remplir la condition d’«hybridité » énoncée à l’alinéa 18.4(10)d).

De manière générale, le paragraphe 18.4(9) fait en sorte que, dans le cadre d’un prêt transfrontalier, si un débiteur a un ajustement à la baisse des prix de transfert donnant lieu à une dépense en intérêts théorique, il se pourrait que cette dépense en intérêts théorique soit réputée être un paiement découlant de l’instrument financier hybride. Ainsi, le paiement réputé donnerait lieu à une inclusion dans le revenu en vertu de l’article 12.7.

Dispositif de transfert hybride

Les paragraphes 18.4(12) et (13) établissent à la fois les conditions pour déterminer si un paiement découle d’un dispositif de transfert hybride et les conséquences connexes. De façon générale, cette règle a pour but de cibler les dispositifs comprenant le transfert d’instruments financiers lorsque des différences dans le traitement fiscal de ces dispositifs font en sorte que différentes entités sont considérées comme le propriétaire du rendement de l’instrument transféré. Lorsque le dispositif de transfert hybride est lié à un instrument financier, l’asymétrie de déduction/non-inclusion n’est généralement pas causée par des différences dans la caractérisation ou le traitement d’instruments financiers, mais plutôt par une différence, en vertu des lois fiscales de deux pays ou plus, dans le traitement du transfert de l’instrument financier ou de la série d’opérations, ou de certains paiements liés au transfert ou à la série. Il peut s’agir, par exemple, d’une situation où deux pays, en vertu de leurs lois fiscales, considèrent chacun qu’un contribuable résident de leur pays est le propriétaire d’une action, et que les paiements effectués en vertu du dispositif sont déductibles pour une partie sans être inclus dans le revenu par l’autre partie.

En vertu du projet de paragraphe 18.4(12), un paiement découle d’un dispositif de transfert hybride si les conditions suivantes sont réunies :

a) Le paiement découle de ou se rapporte à : i) soit un « dispositif de transfert » qui inclut une disposition, un prêt ou autre transfert par une entité à une autre entité (appelées respectivement « cédant » et « cessionnaire ») de la totalité ou d’une partie d’un instrument financier (appelée « instrument transféré »); ii) soit l’instrument transféré.

b) À un moment donné durant le dispositif de transfert, soit i) un payeur du paiement a un lien de dépendance avec un bénéficiaire du paiement, ou est une « entité déterminée » relativement à un bénéficiaire du paiement, ou le cédant a un lien de dépendance avec le cessionnaire, ou est une entité déterminée relativement au cessionnaire, soit ii) le paiement découle d’un dispositif structuré ou s’y rapporte.

c) Le paiement donne lieu à une asymétrie de déduction/non-inclusion.

d) Comme pour l’alinéa 18.4(10)d) relatif aux dispositifs d’instrument financier hybride, l’alinéa 18.4(12)d) établit trois critères de causalité distincts, chacun servant à évaluer si, dans les faits, l’asymétrie de déduction/non-inclusion découle de l’«hybridité » du dispositif; ces critères s’appliquent de façon un peu plus large que la règle équivalente applicable aux dispositifs d’instrument financier hybride. Il suffit qu’un de ces trois critères d’hybridité soit rempli. Comme pour la règle prévue au sous-alinéa 18.4(10)d)(ii), les critères de causalité doivent être appliqués sans égard aux autres facteurs qui pourraient donner lieu à une asymétrie de déduction/non-inclusion.

Lorsque toutes les conditions du paragraphe 18.4(12) sont réunies, de sorte qu’un paiement découle d’un dispositif de transfert hybride, les règles établies au paragraphe 18.4(13) s’appliquent. Ces règles sont, de manière générale, semblables à celles qui sont énoncées au paragraphe 18.4(11) relativement aux dispositifs d’instrument financier hybride, et sont les suivantes :

a) Le montant de l’asymétrie de transfert hybride, relativement au paiement, correspond généralement à la partie de la somme de l’asymétrie de déduction/non-inclusion découlant du paiement.

b) La composante de déduction, le cas échéant, de l’asymétrie de déduction/non-inclusion est la composante de déduction du dispositif de transfert hybride.

c) La composante de déduction étrangère, le cas échéant, de l’asymétrie de déduction/non-inclusion est la composante de déduction étrangère du dispositif de transfert hybride.

S’il existe une composante de déduction de l’asymétrie de déduction/non-inclusion, les conditions prévues à l’alinéa 18.4(3)b) devraient être remplies, de sorte que, en vertu du paragraphe 18.4(4), aucune déduction ne puisse être faite relativement au paiement jusqu’à concurrence du montant de l’asymétrie hybride relativement au paiement. S’il existe une composante de déduction étrangère de l’asymétrie de déduction/non-inclusion, les conditions prévues au paragraphe 12.7(2) devraient être remplies, de sorte que, en vertu du paragraphe 12.7(3), une somme égale au montant de l’asymétrie hybride relativement au paiement doive être incluse dans le revenu.

Dispositif de paiement par substitution

Les paragraphes 18.4(14) et (15) établissent les conditions pour qu’un paiement découle d’un dispositif de paiement par substitution ainsi que les conséquences connexes.

Le rapport sur l’action 2 du BEPS définit un paiement de substitution de la manière suivante :

« Un paiement de substitution désigne tout paiement effectué au titre d’un dispositif visant le transfert d’un instrument financier, dans la mesure où il correspond, en partie ou en totalité, à un rendement financier ou à un rendement de capitaux propres de l’instrument financier sous-jacent, lorsque ce paiement ou rendement :

(i)  n’aurait pas été inclus dans le calcul du revenu ordinaire du payeur;

(iI)  n’aurait pas été inclus dans le calcul du revenu ordinaire du bénéficiaire; ou

(iii)  aurait généré une asymétrie hybride;

s’il avait été effectué directement dans le cadre de l’instrument financier. »

Selon le rapport sur l’action 2 du BEPS, cette règle a pour but de cibler les dispositifs prévoyant le transfert d’instruments financiers, dès lors qu’un paiement est effectué en substitution du rendement financier ou du rendement de capitaux propres de l’actif transféré et que les différences de traitement fiscal de ce paiement et du rendement sous-jacent de l’instrument ont pour résultat final de porter atteinte à l’intégrité de la règle relative aux instruments financiers hybrides. Il semble s’agir là d’une catégorie fourre-tout qui pourrait s’appliquer de façon générale lorsqu’un paiement est effectué dans le cadre d’un instrument financier transféré (p. ex., une action ou un prêt), que le cessionnaire effectue un paiement au cédant et qu’une partie du paiement est liée à un rendement sous-jacent de l’instrument financier transféré, et que la partie du paiement qui est déductible pour le cessionnaire dépasse le montant inclus dans le revenu du cédant.

Les projets d’alinéas 18.4(14)a) à g) établissent les conditions pour qu’un paiement découle d’un dispositif de paiement par substitution. Ces conditions suivent généralement les critères prévus dans le rapport sur l’action 2 du BEPS pour qu’un paiement soit un paiement par substitution, notamment que le paiement soit effectué dans le cadre d’un instrument financier transféré (p. ex., une action ou un titre de dette) entre un cessionnaire et un cédant, que le montant du paiement soit déterminé en totalité ou en partie par rapport à un « rendement sous-jacent » (p. ex., un dividende sur une action ou un coupon d’intérêt sur une dette), qu’une asymétrie de déduction/non-inclusion a lieu et qu’il s’avère que i) le cessionnaire et le cédant, ou le bénéficiaire et le payeur, ont un lien de dépendance l’un avec l’autre ou sont des entités déterminées l’un relativement à l’autre, ou que ii) le paiement découle d’un dispositif structuré, entre autres.

Toutefois, contrairement aux conditions relatives aux dispositifs d’instrument financier hybride et aux dispositifs de transfert hybride, le paragraphe 18.4(14) ne prévoit pas de condition selon laquelle l’asymétrie de déduction/non-inclusion doit être attribuable à l’« hybridité » de l’opération ou du dispositif. Il semble également que les opérations entre deux contribuables résidant au Canada pourraient tomber sous le coup des règles d’asymétrie hybride relatives aux paiements par substitution. Cela peut sembler aller à l’encontre de la définition susmentionnée de « dispositifs hybrides », tirée des notes explicatives, qui précise que les dispositifs hybrides sont, d’abord et avant tout, des « dispositifs transfrontaliers ».

Bien que les règles relatives aux dispositifs d’instrument financier hybride et aux dispositifs de transfert hybride ne prévoient pas de condition précise quant au caractère transfrontalier, l’ajout du critère d’« hybridité » fait en sorte que les règles sont susceptibles de ne pas s’appliquer lorsque les deux parties au dispositif visé résident dans le même pays. On ne sait pas trop si l’objectif était que la règle de paiement par substitution puisse s’appliquer dans le cas d’une opération se déroulant dans un seul pays, ou s’il serait approprié d’inclure une condition supplémentaire qui exige qu’un paiement ou un transfert ait un « caractère transfrontalier » pour que la règle relative aux paiements par substitution s’applique.

Allègement de la double imposition – alinéa 20(1)yy)

Le projet d’alinéa 20(1)yy) prévoit qu’un contribuable peut demander une déduction relativement à un paiement dans les cas où un montant est ou a été refusé pour l’année ou une année d’imposition précédente en vertu du paragraphe 18.4(4). Pour que l’alinéa 20(1)yy) s’applique, le contribuable doit démontrer qu’une somme constitue du revenu ordinaire étranger d’une entité relativement au paiement pour une année d’imposition étrangère qui se termine dans les douze mois suivant la fin de l’année du contribuable. Pour empêcher le double comptage, le montant de revenu ordinaire étranger ne doit pas avoir déjà été pris en compte dans la détermination de l’asymétrie de déduction/non-inclusion, et ainsi, le refus en vertu du paragraphe 18.4(4), dans le premier cas, ni dans la détermination du montant d’une déduction antérieure en vertu de l’alinéa 20(1)yy).

Paragraphe 113(5)

Le paragraphe 113(5) pourrait limiter la capacité d’un contribuable de demander des déductions en vertu de l’article 113, relativement aux dividendes que celui-ci reçoit d’une société étrangère affiliée. Le paragraphe 113(5) met en œuvre la recommandation 2.1 du rapport sur l’action 2 du BEPS, selon laquelle les pays doivent limiter l’exonération des dividendes pour les paiements qui sont considérés comme déductibles pour le payeur.

Le paragraphe 113(5) fait en sorte que toute somme qui, en l’absence du paragraphe, serait un dividende reçu par une société résidant au Canada sur une action du capital-actions d’une société étrangère affiliée de la société est réputée, pour l’application de l’article 113, ne pas être un dividende reçu, dans la mesure où le total des montants relativement au dividende, selon le cas :

a) représente un montant qui est généralement déductible, ou dont il raisonnable de s’attendre à ce qu’il le soit, dans le calcul du revenu ou des bénéfices de la société affiliée ou d’une autre entité pour une année d’imposition étrangère;

b) serait, en l’absence d’une règle étrangère d’asymétrie hybride ou d’une règle étrangère de restriction, décrit à l’alinéa a).

La condition à l’alinéa b) ci-dessus fait en sorte que, s’il y a par ailleurs asymétrie de déduction/non-inclusion, le Canada aura le droit de neutraliser cette asymétrie en forçant l’inclusion du montant dans le calcul du revenu imposable avant toute application d’une règle d’asymétrie hybride équivalente du pays étranger empêchant la déduction. Il convient de préciser que l’application de cette règle n’est pas conditionnelle à une quelconque « hybridité ».

Retenue d’impôt de la partie XIII

Selon le projet de paragraphe 214(18), les intérêts payés ou crédités par une société résidant au Canada qui ne sont pas déductibles en raison de la règle d’asymétrie hybride énoncée au paragraphe 18.4(4) sont réputés être un dividende et non des intérêts pour l’application de la partie XIII de la LIR. Cette règle a pour effet d’harmoniser le traitement de ces paiements d’intérêts pour l’application de la retenue d’impôt en vertu de la partie XIII avec le traitement fiscal pour l’application de la partie I et le traitement fiscal en vertu de la législation étrangère applicable, et empêche les contribuables d’utiliser les dispositifs hybrides en tant que substituts aux titres de participation afin de se soustraire indûment à la retenue d’impôt sur les dividendes.

Règle anti-évitement – paragraphe 18.4(20)

Enfin, le projet de paragraphe 18.4(20) est une règle anti-évitement qui prévoit que les attributs fiscaux pour une personne doivent être déterminés à nouveau afin de refuser un avantage fiscal dans la mesure nécessaire pour éliminer toute asymétrie de déduction/non-inclusion ou un « autre résultat qui est substantiellement semblable », découlant d’un paiement si, à la fois :

a) il est raisonnable de considérer que l’un des principaux objets d’une opération ou d’une série d’opérations qui comprend le paiement est de permettre d’éviter ou de restreindre l’application des paragraphes 12.7(3), 18.4(4) ou 113(5) relativement au paiement;

b) l’une des conditions suivantes est remplie :

(i)    le paiement est un dividende et une somme serait, ou il serait raisonnable de s’attendre à ce qu’elle soit, déductible relativement au paiement dans le calcul du revenu étranger en vertu du droit étranger,

(ii)   l’asymétrie ou l’autre résultat découle en tout ou en partie d’une différence dans le traitement fiscal d’une opération ou d’une série d’opérations en vertu des lois de plus d’un pays qui est attribuable aux modalités de l’opération ou de l’une ou de plusieurs opérations comprises dans la série,

(iii)  l’asymétrie ou l’autre résultat découlerait en tout ou en partie d’une différence visée au sous-alinéa (ii), à condition que tout autre motif pour l’asymétrie ou un autre résultat ne soit pas pris en compte.

Cette règle anti-évitement particulière est plutôt large, et aucune des autres conditions prévues dans le cadre de la règle générale anti-évitement ne s’applique (comme c’est de plus en plus le cas dans les récentes propositions législatives canadiennes). Par ailleurs, les notes explicatives indiquent que le critère d’« hybridité » dans la règle anti-évitement doit être interprété plus largement que le libellé semblable du projet d’alinéa 18.4(10)d).

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[1]  Consultez le bulletin FiscAlerte 2021 numéro 19 d’EY.

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