La portée des nouvelles exigences en matière de déclaration pour les fiducies est plus large que vous le croyez

FiscAlerte 2024 numéro 04, 6 février 2024


En vertu de modifications législatives adoptées en décembre 2022, de nombreuses fiducies, y compris de nombreux arrangements établissant une relation de mandant et mandataire et d’autres arrangements commerciaux, devront se conformer à des exigences supplémentaires en matière de déclaration dans leur déclaration de revenus annuelle pour les années d’imposition se terminant après le 30 décembre 2023. Les nouvelles règles, lesquelles comprennent des exigences exhaustives relatives à la communication de renseignements, s’appliquent aussi aux simples fiducies résidentes ou réputées résidentes du Canada, ainsi qu’à d’autres relations informelles de fiducie et de mandataire qui étaient en place à un moment donné de l’année civile 2023.

La portée des nouvelles exigences est très vaste et englobera de nombreux arrangements commerciaux courants, même si aucune déclaration fiscale ou déclaration de revenus n’entre en jeu.

Les fiducies qui, par le passé, étaient tenues de produire une déclaration de revenus annuelle auront désormais d’autres obligations de communication de renseignements, tandis que de nombreuses fiducies qui n’avaient auparavant aucune obligation de déclaration en matière d’impôt sur le revenu auront désormais une obligation de production. En cas d’inobservation, des pénalités non plafonnées pourraient s’appliquer.

Étant donné que l’exercice de toutes les fiducies visées par les nouvelles exigences correspond à l’année civile, les nouvelles règles s’appliquent aux années d’imposition 2023 et suivantes. Une fiducie dont l’exercice correspond à l’année civile doit produire sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2023 au plus tard le 30 mars 20241, et cette déclaration doit comprendre les nouveaux renseignements exigés dans le cadre de ces règles2.

Comme la date limite de production pour 2023 approche à grands pas, nous conseillons aux contribuables de passer minutieusement en revue leurs arrangements fiduciaires pour déterminer si les nouvelles exigences en matière de déclaration s’appliquent à leur situation.


Nouvelles exigences en matière de production et exigences supplémentaires en matière déclaration

En vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR »), une fiducie est tenue de produire une déclaration de revenus annuelle, la Déclaration de renseignements et de revenus des fiducies (la « déclaration T3 »), dans les 90 jours suivant la fin de son année d’imposition, qui, dans la plupart des cas, correspond à l’année civile. Cependant, avant l’année d’imposition 2023, il existait plusieurs exceptions prévues par la loi et exceptions administratives à cette exigence de production. En général, une fiducie ne devait produire une déclaration T3 pour une année d’imposition que si l’un des critères applicables était rempli (p. ex. la fiducie avait de l’impôt à payer ou avait réalisé un gain en capital imposable)3.

Les fiducies expresses (soit les fiducies créées avec l’intention expresse de l’auteur, par écrit ou par voie verbale, par opposition aux autres fiducies créées par l’effet de la loi) qui sont résidentes ou réputées résidentes du Canada sont désormais tenues de produire une déclaration T3 et des renseignements supplémentaires chaque année, sous réserve de certaines exceptions, pour les années d’imposition se terminant le 31 décembre 2023 ou après cette date4. Ces nouvelles règles alourdissent donc le fardeau d’observation des fiducies existantes et font en sorte que de nombreuses fiducies qui n’étaient auparavant pas tenues de produire une déclaration T3 doivent dorénavant en produire une chaque année.

En vertu des nouvelles règles, les fiducies assujetties aux exigences supplémentaires en matière de déclaration sont tenues de fournir les renseignements suivants relativement à toute personne qui est un fiduciaire, un bénéficiaire ou un auteur de la fiducie, ainsi qu’à toute personne qui peut, en raison des modalités de l’acte de fiducie ou d’un accord connexe, exercer une influence sur les décisions du fiduciaire concernant l’affectation du revenu ou du capital de la fiducie au cours d’une année (p. ex., un protecteur de la fiducie) :

  • Nom
  • Adresse
  • Date de naissance (s’il s’agit d’un particulier autre qu’une fiducie)
  • Juridiction de résidence
  • Numéro d’identification fiscal

De plus, il faut inclure des renseignements concernant tout bénéficiaire qui ne peut être identifié par son nom parce que celui-ci est inconnu au moment de produire la déclaration T3 (p. ex. dans le cas d’un enfant ou petit-enfant qui n’est pas encore né).

Fait à noter, la définition d’« auteur » à ces fins comprend toute personne ou société de personnes qui a prêté ou transféré des biens, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, à la fiducie ou pour son compte. Cette définition peut être suffisamment large pour englober les particuliers qui ont adopté des stratégies courantes de planification fiscale et successorale au Canada, comme un gel successoral, ou ceux qui ont prêté ne serait-ce qu’un montant symbolique à une fiducie avec laquelle ils ont un lien de dépendance.

Une nouvelle annexe sur la propriété effective, T3SCH15, Renseignements sur la propriété effective d’une fiducie, a été ajoutée à la déclaration T3 pour la déclaration des renseignements requis. Aux fins de l’impôt du Québec, les fiducies expresses sont aussi tenues de produire une déclaration annuelle (TP-646, Déclaration de revenus des fiducies) pour les années d’imposition se terminant après le 30 décembre 2023, sous réserve des mêmes exceptions déterminées que celles prévues dans les règles fédérales. Toutefois, les renseignements sur la propriété effective sont fournis directement dans la déclaration TP‑646 plutôt que dans une annexe distincte.

Les nouvelles règles ne prévoient pas la communication de renseignements assujettis au privilège des communications entre client et avocat, mais cela ne dispense pas une fiducie de l’obligation de produire une déclaration ni de divulguer ses arrangements (la déclaration pourrait alors devoir contenir des données anonymisées, par exemple).

Simples fiducies

L’un des changements les plus importants tient au fait que les nouvelles exigences de déclaration s’appliquent également aux « simples fiducies ». Une simple fiducie comprend un arrangement dans le cadre duquel il est raisonnable de considérer que la fiducie agit à titre de mandataire de ses bénéficiaires en toute matière liée à ses biens. Avant le 31 décembre 2023, les simples fiducies étaient en fait exclues de l’obligation de produire une déclaration T3; toutefois, en vertu des nouvelles règles, une simple fiducie sera tenue de produire une déclaration T3 annuelle, à moins qu’une exemption ne s’applique. En vertu des exigences élargies, de nombreuses autres relations informelles de fiducie et de mandataire peuvent maintenant donner lieu à l’obligation de produire une déclaration T3 annuelle. Voici des cas où la production d’une déclaration T3 pourrait être requise :

  • Une société nue-fiduciaire agit comme détenteur du titre d’un bien au profit de quelqu’un d’autre (comme la détention d’un titre de placement dans une société prête-nom). Cet arrangement est souvent utilisé dans les secteurs de la promotion immobilière, de l’exploration pétrolière et gazière, de l’exploration de ressources naturelles ainsi que de la planification successorale ou des droits d’homologation.
  • Un particulier détient un compte bancaire ou de placement « en fiducie » pour un enfant ou un autre membre de la famille.
  • Une société mère détient des fonds en fiducie pour des filiales (certains mécanismes de transfert de trésorerie [cash-sweep]).
  • Un commandité, généralement une société, dans le cadre d’un contrat de société en commandite, est le détenteur du titre de propriété des biens sous-jacents de la société en commandite. Ce type d’arrangement est courant dans le contexte des placements immobiliers, mais il peut également s’agir de sociétés de personnes exploitant une entreprise.
  • Un particulier a acheté un bien « en fiducie », et le véritable propriétaire n’est pas clairement identifié. C’est souvent le cas pour les achats de biens immobiliers ou certaines mises en commun de placements privés dans le cadre desquels le détenteur ou l’acheteur du titre n’est pas le propriétaire économique ou réel des biens.
  • Un particulier est inscrit sur le titre de propriété d’un bien immobilier qu’il ne possède pas réellement (p. ex. un droit sur la résidence d’un enfant ou d’un autre membre de la famille à des fins de planification successorale).

Comme il ne s’agit pas d’une liste exhaustive, il est recommandé de consulter un conseiller juridique afin de relever toutes les simples fiducies ou relations de prête-nom ou de mandataire ou encore tous les arrangements fiduciaires informels pour lesquels il pourrait être obligatoire de produire une déclaration T3.

Pénalités

De nouvelles pénalités ont été instaurées pour défaut de produire une déclaration T3 (y compris l’annexe 15 sur la propriété effective) ou pour défaut de fournir les renseignements requis dans une déclaration T3 si l’omission a été faite sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde. Les nouvelles pénalités peuvent être importantes. Elles se chiffrent à la plus élevée des sommes suivantes : 2 500 $ ou 5 % de la juste valeur marchande la plus élevée des biens détenus par la fiducie à un moment donné de l’année, et ne sont pas plafonnées.

Elles pourraient même s’appliquer si tous les revenus associés à l’arrangement ont par ailleurs été déclarés de façon appropriée. Aux fins de l’impôt du Québec, il est proposé que la pénalité s’élève à 1 000 $, plus 100 $ par jour de défaut, jusqu’à concurrence de 5 000 $. De plus, les pénalités existantes liées à la déclaration T3 continuent de s’appliquer5.

Le 1er décembre 2023, l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a annoncé qu’elle allait renoncer temporairement à la pénalité pour production tardive pour l’année d’imposition 2023 pour les simples fiducies (et seulement les simples fiducies) qui produisent leur déclaration T3 et annexe 15 après la date limite de production du 30 mars 2024. L’ARC a indiqué qu’elle accordait cet allégement administratif puisqu’il s’agit de la première année d’imposition pour laquelle les simples fiducies devront produire une déclaration T3 en raison des nouvelles exigences de déclaration. Toutefois, elle a également indiqué que cet allégement ne s’appliquait qu’à l’année d’imposition 2023 et que si le défaut de produire la déclaration au plus tard à la date limite applicable est fait sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, la pénalité plus élevée susmentionnée pourrait quand même s’appliquer. Les contribuables devraient produire leur déclaration T3 à temps étant donné que les pénalités ne faisant pas l’objet d’un allégement sont basées sur la juste valeur marchande la plus élevée des biens détenus par la fiducie à un moment donné de l’année, sans pénalité maximale.

Exceptions à l’application des exigences supplémentaires en matière de déclaration

En vertu du nouveau paragraphe 150(1.2) de la LIR, certains types de fiducies sont exemptés de ces exigences supplémentaires en matière de déclaration, y compris toute fiducie qui, selon le cas :

  • existe depuis moins de trois mois à la fin de l’année (et puisque le mot « année » renvoie à l’année civile, il faut comprendre que la fiducie doit avoir existé pendant moins de trois mois au cours de l’année);
  • détient seulement des espèces et certains autres actifs financiers désignés dont la juste valeur marchande totale ne dépasse pas 50 000 $ tout au long de l’année. Remarque : Il est généralement entendu que les certificats de placement garanti (« CPG ») ne constituent pas des « espèces » aux fins de la LIR. Par conséquent, les placements dans des CPG ne seraient pas admissibles par ailleurs aux fins de l’exception;
  • est une fiducie dont la totalité des unités sont cotées à une bourse de valeurs désignée;
  • est une fiducie de fonds commun de placement;
  • est un organisme de bienfaisance enregistré ou un organisme à but non lucratif (« OBNL »)6. Il est toutefois à noter que les organismes de bienfaisance et les OBNL peuvent avoir des simples fiducies qui peuvent elles-mêmes être tenues de produire une déclaration. Le 10 novembre 2023, l’ARC a annoncé qu’elle allait accorder un allégement administratif à l’égard de l’exigence de produire une déclaration T3 aux fiducies expresses internes détenues par des organismes de bienfaisance enregistrés7, mais n’a pas étendu cet allégement aux fiducies associées à un OBNL ni, de façon générale, aux simples fiducies auxquelles un organisme de bienfaisance enregistré peut participer;
  • est désignée comme étant une succession assujettie à l’imposition à taux progressifs.

Pour en savoir davantage et obtenir une liste plus complète des exceptions aux nouvelles exigences en matière de déclaration, consultez le bulletin FiscAlerte 2023 numéro 41, Les nouvelles exigences en matière de déclaration pour les fiducies s’appliquent pour la première fois à l’année d’imposition 2023, d’EY.

Prochaines étapes

Comme 2023 est la première année d’imposition pour laquelle les fiducies touchées doivent se conformer aux nouvelles exigences supplémentaires en matière de déclaration, et que les renseignements supplémentaires doivent être inclus dans la déclaration T3 de 2023 devant être produite au plus tard le 30 mars 2024, des mesures devraient être prises sur-le-champ pour recueillir les nouveaux renseignements requis relativement aux fiduciaires, aux bénéficiaires, aux auteurs et aux personnes qui peuvent exercer une influence sur les décisions du fiduciaire concernant l’affectation du revenu ou du capital de la fiducie.

De plus, il faut faire preuve de prudence et de diligence raisonnable pour identifier les fiducies et les autres relations informelles de fiducie et de mandataire qui bénéficiaient auparavant d’une exception administrative quant à la production d’une déclaration T3, mais qui sont maintenant assujetties à une obligation de production en vertu des nouvelles règles, comme les simples fiducies. Dans ce cas, tous les renseignements requis en vertu des exigences supplémentaires en matière de déclaration ainsi que les autres renseignements pertinents pour la déclaration T3 doivent être compilés dès que possible.

Pour en savoir davantage

Pour en savoir davantage sur les nouvelles exigences en matière de déclaration pour les fiducies, veuillez communiquer avec votre conseiller EY ou EY Cabinet d’avocats ou avec l’un des professionnels suivants :

Ameer Abdulla
+1 519 571 3349 | ameer.abdulla@ca.ey.com

Gabriel Baron
+1 416 932 6011 | gabriel.baron@ca.ey.com

Sharron Coombs
+1 416 932 5865 | sharron.coombs@ca.ey.com

Elena Doucette
+1 416 943 3193 | elena.doucette@ca.ey.com

Teresa Gombita
+1 416 943 3272 | teresa.gombita@ca.ey.com

Wesley Isaacs
+1 416 932 6003 | wesley.isaacs@ca.ey.com

Hayat Kirameddine
+1 780 412 2383 | hayat.kirameddine@ca.ey.com

Ken Kyriacou
+1 416 943 2703 | ken.kyriacou@ca.ey.com

Stéphane Leblanc
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Benoît Millette
+1 514 879 3562 | benoit.millette@ca.ey.com

Jeremy Shnaider
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Marlène Vigneau
+1 514 228 3699 | marlene.vigneau@ca.ey.com   

 

 

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  1. Toutefois, puisque le 30 mars 2024 tombe un samedi, la date limite de production est reportée, de manière administrative, au jour ouvrable suivant, soit le 2 avril 2024.
  2. Pour en savoir davantage sur l’historique de ces nouvelles exigences, consultez les bulletins FiscAlerte 2022 numéro 04, Exigences supplémentaires proposées en matière de déclaration pour les fiduciesFiscAlerte 2022 numéro 37, Le ministère des Finances publie des propositions législatives visant des mesures en suspens du budget de 2022, et FiscAlerte 2022 numéro 45, Sanction du projet de loi C‑32 portant exécution de certaines mesures annoncées antérieurement, notamment dans le budget de 2022, d’EY. Pour en savoir davantage sur l’application des nouvelles règles relatives aux fiducies non-résidentes, consultez le bulletin FiscAlerte 2024 numéro 02, Nouvelles exigences du Canada en matière de déclaration pour les fiducies : de nombreuses fiducies étrangères touchées, d’EY.
  3. Pour en savoir davantage, consultez le bulletin FiscAlerte 2023 numéro 41, Les nouvelles exigences en matière de déclaration pour les fiducies s’appliquent pour la première fois à l’année d’imposition 2023, d’EY.
  4. Les exigences de déclaration supplémentaires ne s’appliquent pas aux successions assujetties à l’imposition à taux progressifs (« SAITP ») (au sens du paragraphe 248(1) de la LIR). Étant donné que toutes les fiducies autres que les SAITP doivent à présent avoir une fin d’année d’imposition au 31 décembre, ces règles prennent effet à compter de l’année d’imposition 2023.
  5. La pénalité pour production tardive est imposée en vertu du paragraphe 162(7) de la LIR.
  6. En vertu de l’alinéa 149(1)l) de la LIR, un OBNL s’entend d’un cercle ou d’une association.
  7. Une fiducie interne est créée lorsqu’un organisme de bienfaisance reçoit don d’un bien assujetti à certaines modalités juridiquement contraignantes et détient ce bien à titre de fiduciaire.

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