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Le ministère des Finances publie des propositions législatives pour faciliter l’utilisation de fiducies collectives des employés

Personne-ressource locale

EY Canada

5 déc. 2023
Objet FiscAlerte
Catégories FiscAlerte 2023
Pays et territoires Canada

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FiscAlerte 2023 numéro 47, 5 décembre 2023

Le 30 novembre 2023, le projet de loi C-59, Loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne 2023, a franchi l’étape de la première lecture à la Chambre des communes. Le projet de loi contient, entre autres, certaines mesures annoncées dans l’Énoncé économique de l’automne de 2023 (l’« EEA ») et dans le budget fédéral de 2023, notamment des propositions législatives relatives à l’utilisation d’une fiducie de collective des employés (« FCE ») pour acquérir et détenir des actions d’une entreprise.1

De façon générale, les propositions législatives i) définissent les conditions pour qu’une fiducie constitue une FCE; ii) font passer de cinq à dix ans la provision pour gains en capital à l’égard des ventes admissibles à une FCE; iii) ajoutent une exception aux règles actuelles sur les prêts aux d’actionnaire et l’avantage au titre des intérêts réputés; et iv) exemptent les FCE de la règle de disposition réputée tous les 21 ans qui s’applique à certaines fiducies. Ces modifications s’appliqueraient à compter du 1er janvier 2024. 

Afin d’encourager les propriétaires à vendre leur entreprise à une FCE, l’EEA proposait d’exonérer d’impôt la première tranche de 10 millions de dollars de gains en capital réalisés sur la vente d’une entreprise à une FCE, sous réserve de certaines conditions (non précisées dans l’EEA). Le projet de loi C-59 ne contient pas de renseignements sur cette exonération.

Le présent bulletin donne un aperçu des propositions législatives sur le sujet contenues dans le projet de loi C-59.

Contexte

Une FCE est une forme d’actionnariat des employés dans laquelle les actions d’une entreprise sont détenues en fiducie au profit des employés de l’entreprise. La possibilité d’utiliser une FCE pour faciliter l’achat d’une entreprise par ses employés, sans que ceux-ci aient à payer directement pour acquérir des actions, représente une caractéristique particulièrement attrayante. Pour les propriétaires d’entreprises privées, l’établissement d’une FCE constitue une option supplémentaire pour la planification de la relève. Auparavant, les options à cette fin se limitaient au transfert de l’entreprise à des membres de la famille ou à la vente à des membres de la direction ou à un tiers.

Généralement, l’entreprise sous-jacente prête des fonds à la FCE, qui s’en sert ensuite pour faire l’acquisition d’une participation majoritaire dans l’entreprise. Celle-ci est alors détenue par la FCE, au profit des employés, et le prêt est remboursé à partir des bénéfices générés par l’entreprise. Les États-Unis et le Royaume-Uni ont tous deux des structures pour encourager l’actionnariat des employés; la structure de FCE proposée ressemble davantage au modèle britannique.

Conditions d’admissibilité

Une FCE s’entend d’une fiducie résidant au Canada (sauf une fiducie réputée résidente) qui n’a que deux objets : i) détenir des actions d’une entreprise admissible au profit des employés et anciens employés bénéficiaires; et ii) fait des distributions aux bénéficiaires selon une formule de distribution qui ne tient compte que de la période de service d’emploi, de la rémunération ou des heures travaillées d’un employé ou ancien employé ou d’une combinaison de ces critères. Étant donné que l’intention est que les personnes à revenu élevé ne soient pas indûment favorisées dans le cadre des distributions, la rémunération aux fins du calcul des distributions est plafonnée au double du seuil de la tranche d’imposition marginale la plus élevée. Aucun autre critère ne doit être pris en compte pour déterminer la participation au revenu et au capital des bénéficiaires de la FCE. La totalité, ou presque, de la juste valeur marchande des biens de la FCE doit être attribuable à des actions d’une ou de plusieurs entreprises admissibles. Une entreprise admissible s’entend d’une société privée sous contrôle canadien (« SPCC ») qui satisfait à certaines exigences en matière de gouvernance et de représentation au conseil d’administration.

Un transfert admissible d’entreprise se produit lorsqu’un contribuable dispose d’actions d’une entreprise admissible en faveur d’une FCE, ou d’une SPCC détenue à 100 % par une FCE, sous réserve de certaines conditions. Immédiatement après le transfert d’entreprise, la FCE doit détenir une participation majoritaire dans l’entreprise admissible soit directement, soit indirectement par l’intermédiaire d’une SPCC. Plus particulièrement, après le transfert de l’entreprise à la FCE, au plus 40 % des administrateurs de l’entreprise admissible sont composés de personnes qui détenaient, directement ou indirectement, seules ou avec une personne ou société de personnes liée ou affiliée, au moins 50 % de la juste valeur marchande des actions ou des dettes de l’entreprise. Autrement dit, après le transfert de l’entreprise à la FCE, les anciens propriétaires majoritaires ne peuvent plus conserver de droit de contrôle ni d’influence sur l’entreprise.

Employés bénéficiaires

Les bénéficiaires de la FCE doivent exclusivement être des personnes employées par une entreprise admissible contrôlée par la FCE ou des personnes qui étaient employées par une entreprise admissible alors que celle-ci était contrôlée par la FCE. La FCE peut exclure les employés qui n’ont pas encore terminé une période de probation pouvant aller jusqu’à 12 mois. Les personnes qui détiennent un important intérêt économique dans une entreprise admissible contrôlée par la FCE, ou qui détenaient un important intérêt économique dans une entreprise admissible immédiatement avant son transfert à la FCE, sont aussi exclues comme bénéficiaires.

Plus de la moitié des bénéficiaires de la FCE qui sont des employés actuels d’une entreprise admissible contrôlée par la FCE doivent approuver les opérations ou les événements suivants avant qu’ils ne surviennent : i) une opération ou un événement (ou une série d’opérations ou d’événements) par suite de laquelle au moins 25 % des bénéficiaires perdront leur statut de bénéficiaire (sauf si le changement de statut est relativement à un licenciement motivé); ii) la liquidation, la fusion ou l’unification d’une entreprise admissible (sauf dans le cadre d’une opération, d’un événement ou d’une série d’opérations ou d’événements qui ne vise que des personnes ou sociétés de personnes qui sont affiliées à l’entreprise admissible).

Fiduciaires admissibles

Chaque fiduciaire de la fiducie doit être soit un particulier (sauf une fiducie) soit une société résidant au Canada qui est autorisée, par permis ou autrement, en vertu des lois fédérales ou provinciales, à exploiter au Canada une entreprise d’offre au public de services de fiduciaire. Il semble que les actionnaires d’une entreprise admissible pourraient être des fiduciaires de la FCE; toutefois, si un fiduciaire est nommé plutôt qu’élu par les employés bénéficiaires actuels, au moins 60 % de tous les fiduciaires doivent être des personnes qui n’ont pas de lien de dépendance avec chacune des personnes qui a vendu des actions d’une entreprise admissible à la FCE.

D’autres conditions en matière de gouvernance et de représentation au conseil s’appliquent et visent à équilibrer les intérêts des actionnaires vendeurs d’une entreprise admissible et ceux des employés acquéreurs.

Mesures visant à faciliter la mise en place de FCE

Les propositions législatives comprennent les mesures visant à faciliter l’utilisation de FCE suivantes :

Provision de dix ans pour gains en capital

Le régime des FCE repose sur le principe selon lequel les actions acquises par une FCE sont payées au fil du temps à partir des bénéfices générés par l’entreprise. Tenant compte du fait qu’une entreprise peut mettre du temps à générer suffisamment de bénéfices pour permettre à la FCE d’acquitter le prix d’achat des actions, les propositions législatives modifieraient la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») pour faire passer la provision pour gains en capital de cinq à dix ans, tout au plus, dans le cas d’un transfert admissible d’entreprise à une FCE ou à une SPCC qui est détenue à 100 % par une FCE, conformément à un transfert admissible d’entreprise. Tous les particuliers qui procèdent à la disposition d’actions dans le cadre d’un transfert admissible d’entreprise auraient le droit de demander la provision pour gains en capital prolongée.

Exception aux règles sur les prêts aux actionnaires et sur l’avantage au titre des intérêts réputés

De façon générale, les contribuables à qui un prêt aux actionnaires a été consenti sont tenus de payer de l’impôt sur le revenu sur le montant du prêt, à moins que le prêt ne soit remboursé dans un délai d’un an. Tenant compte du fait qu’il est probable qu’une FCE mette plus de temps à rembourser les montants empruntés, les propositions législatives prévoient une nouvelle exception pour prolonger la période de remboursement des prêts aux actionnaires, laquelle passerait de 1 an à 15 ans, pour les montants prêtés à une FCE par une entreprise admissible pour l’acquisition d’actions dans le cadre d’un transfert admissible d’entreprise.

Les propositions législatives comprennent également une exception de 15 ans à la règle sur l’avantage au titre des intérêts réputés lorsqu’une FCE emprunte des fonds à une entreprise admissible en vue d’acquérir l’entreprise admissible dans le cadre d’un transfert admissible d’entreprise.

Exception à la règle de disposition réputée tous les 21 ans

Certaines fiducies sont réputées procéder à la disposition de leurs immobilisations à des intervalles de 21 ans. Tenant compte du fait que les FCE visent à permettre de détenir indéfiniment des actions au profit des employés, les propositions législatives exemptent les FCE de la règle de disposition réputée tous les 21 ans.

Exonération temporaire des gains en capital (seulement proposée dans l’EEA pour l’instant)

Si les propositions législatives pour la mise en œuvre de cette mesure ne sont pas incluses dans le projet de loi C-59, l’EEA proposait toutefois d’exonérer d’impôt la première tranche de 10 millions de dollars de gains en capital réalisés sur la vente d’une entreprise à une FCE, sous réserve de certaines conditions (non précisées dans l’EEA). Cet incitatif serait en vigueur pour les années d’imposition 2024, 2025 et 2026. Selon l’EEA, de plus amples détails sur cette mesure doivent être fournis au cours des prochains mois.

Imposition des FCE

De façon générale, une FCE serait imposée de la même manière que les autres fiducies personnelles. Le revenu non distribué de la fiducie serait imposé au sein de la FCE au taux d’imposition marginal des particuliers le plus élevé, tandis que le revenu d’une FCE distribué à ses bénéficiaires serait imposable entre les mains des bénéficiaires plutôt qu’au sein de la fiducie.

Si la FCE distribue des dividendes reçus d’une entreprise admissible, ces dividendes conserveraient leur caractère lorsqu’ils seraient distribués aux employés bénéficiaires, et ils demeureraient admissibles au crédit d’impôt pour dividendes.

Une FCE ne serait pas considérée comme un régime de prestations aux employés ni comme une fiducie d’employés aux fins de la LIR. 

Points à retenir

Les règles sur les FCE énoncées dans le projet de loi C-59 sont essentiellement semblables à celles énoncées dans les propositions législatives publiées le 4 août 2023, mais comprennent certaines modifications importantes par rapport aux modifications proposées à la LIR qui ont été présentées dans le budget de 2023. Notamment, les propositions législatives n’interdisent plus aux FCE de distribuer des actions d’une entreprise admissible à un bénéficiaire. Ce changement donne aux fiduciaires plus d’options en cas de disposition d’une entreprise admissible ou de liquidation de la fiducie. De plus, la définition d’entreprise admissible a été modifiée pour retirer l’exigence selon laquelle la totalité, ou presque, de la juste valeur marchande des actifs de l’entreprise doit être attribuable à des actifs utilisés dans une entreprise exploitée activement principalement au Canada. Ce changement accroît la flexibilité dont disposent les entreprises détenues par une FCE pour étendre leurs activités à l’extérieur du Canada. 

Il faudra voir quel attrait cette nouvelle option de planification de la relève aura pour les propriétaires d’entreprises privées par rapport à la vente de l’entreprise aux membres de la direction ou à un tiers, en partie parce que le propriétaire vendeur ne sera probablement pas en mesure de recevoir le plein produit dès le départ et qu’il est possible que le plein produit ne soit pas reçu. Toutefois, la perspective d’une exonération applicable à la première tranche de 10 millions de dollars de gains en capital devrait atténuer certaines de ces préoccupations et augmenter considérablement l’adoption, notamment pour les transactions de petite taille. 

De façon générale, ces structures semblent plus appropriées pour les entreprises rentables ayant des flux de trésorerie suffisamment stables pour permettre à la FCE de rembourser le prêt à partir des bénéfices générés par l’entreprise.

Dans l’évaluation de leurs options, les propriétaires d’entreprises privées devraient tenir compte des éléments suivants avant d’établir une FCE :

  • La perte du contrôle de l’entreprise après le transfert à une FCE
  • Les exigences continues en matière de gouvernance et de conformité qui accompagnent la FCE
  • Le coût d’opportunité associé à un paiement du prix d’achat sur plusieurs années
  • Le risque de non-paiement de la totalité du prix d’achat
  • La possibilité de contracter un emprunt auprès de tiers prêteurs pour ce type de structure

De plus, si la proposition de l’EEA d’exonérer d’impôt la première tranche de 10 millions de dollars de gains en capital réalisés sur la vente d’une entreprise admissible à une FCE est adoptée, cela incitera d’autant plus les propriétaires d’entreprises privées à vendre leur entreprise à une FCE au cours des années où cet avantage sera en vigueur. Bien que les détails relatifs à cette exonération n’aient pas encore été publiés, une exonération de cette ampleur est nécessaire pour favoriser une vaste adoption de ces structures. Comme l’actionnariat des employés a le potentiel de jouer un rôle dans la résolution de bon nombre des préoccupations économiques actuelles, l’exonération des gains en capital devrait recueillir l’appui dans l’arène politique. Nous espérons que le ministère des Finances présentera rapidement des mesures législatives portant sur l’exonération d’une tranche de 10 millions de dollars de gains en capital afin de réduire les risques et les inconnues pour les propriétaires d’entreprises qui cherchent à mettre en œuvre une structure de FCE.

Pour en savoir davantage

Pour en savoir davantage, veuillez communiquer avec votre conseiller EY ou EY Cabinet d’avocats ou avec l’un des professionnels suivants :

Doron Barkai
+ 1 416 932 5312 | doron.barkai@ca.ey.com

Lawrence Levin
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Heather Wright
+1 519 646 5521 | heather.a.wright@ca.ey.com    


 

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  1. Pour en savoir plus sur les mesures contenues dans le projet de loi C-59, consultez le bulletin FiscAlerte 2023 numéro 44 d’EY. Pour en savoir plus sur les mesures contenues dans l’EEA, consultez le bulletin FiscAlerte 2023 numéro 42 d’EY.

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