Une personne tourne son regard vers les immeubles du district financier

Les emprunteurs ayant contracté des prêts immobiliers commerciaux doivent agir avant l’échéance de leur dette

Coautrice : Yuxi Chen, associée, Stratégie, transactions et évaluation, Immobilier

Comment gérer efficacement les échéances en lien avec la dette immobilière commerciale, s’adapter à l’évolution des conditions du marché et tirer parti des occasions stratégiques.


En bref

  • Il est devenu plus difficile de refinancer les prêts immobiliers commerciaux : le resserrement des normes de prêt et les taux d’intérêt plus élevés pourraient représenter des obstacles pour les emprunteurs à la recherche d’un refinancement.
  • Les emprunteurs qui devront financer ou refinancer des actifs au cours des prochaines années doivent garder à l’esprit qu’il leur faudra vraisemblablement composer avec des taux d’intérêt plus élevés et des conditions de prêt plus strictes, ce qui aura une incidence sur les flux de trésorerie exigés de l’entreprise.
  • Les emprunteurs devront tenir compte de ces scénarios dans leur planification s’ils veulent tirer leur épingle du jeu dans un tel contexte et continuer de profiter au maximum des possibilités offertes par le marché. 

Les propriétaires d’immeubles commerciaux exercent actuellement leurs activités en territoire inconnu. Les fluctuations du marché et les facteurs macroéconomiques ont toujours influencé ce secteur, contribuant à des cycles de croissance et de décroissance. Vu le caractère tout à fait inédit de la période actuelle, il est encore plus important pour les parties prenantes de surveiller les tendances du marché, de comprendre les indicateurs économiques et de rester au fait des facteurs qui ne manqueront pas de transformer les marchés, encore et encore, au cours des mois à venir.

Dans un tel contexte, la planification d’une stratégie proactive constitue le nouveau facteur de succès clé dans le secteur de l’immobilier commercial. L’exécution efficace d’une telle stratégie peut contribuer grandement à la réussite future.

Quelle évolution connaît le marché de la dette au Canada actuellement?

 

Une tranche importante des dettes immobilières commerciales devrait arriver à échéance au Canada au cours des prochaines années. À l’échelle mondiale, des dettes immobilières de plus de 3 billions de dollars devront être remboursées avant la fin de 20251 et, à ce moment, beaucoup de ces prêts devront être renouvelés à un taux plus élevé. À l’instar de l’onde de choc ayant secoué le marché des prêts résidentiels, cette situation devrait avoir d’importantes répercussions pour les emprunteurs commerciaux.

 

À quoi cela pourrait-il ressembler?

À un possible écart de financement, alors qu’il faut à la fois composer avec une baisse de la valeur des actifs et des exigences accrues au titre du service de la dette. Cet écart de financement engendrera de nouveaux défis. Par exemple, les emprunteurs commerciaux devront trouver des moyens de combler ce déficit, ce qui pourrait les obliger à investir davantage de fonds propres dans les immeubles, à obtenir du financement supplémentaire de sources non traditionnelles, voire à brader leurs propriétés. Cette dichotomie pourrait même placer certains propriétaires d’immeubles commerciaux et emprunteurs en situation de défaut de paiement, ce qui est bien sûr à éviter.

Il est vrai que les taux d’intérêt devraient baisser en 2024. Cependant, les baisses prévues pourraient ne pas être assez importantes pour éliminer le risque posé par un écart de financement pour les propriétaires d’immeubles commerciaux et les emprunteurs. Pendant ce temps, le contexte opérationnel devient de plus en plus complexe dans son ensemble.

Toute cette incertitude au sein du marché immobilier incite les prêteurs à se montrer plus sélectifs. Ils commencent ainsi à modifier leurs exigences, ou à en établir de nouvelles, en fonction des différentes catégories d’actifs immobiliers. Bien que les conditions de prêt pour les immeubles de logements multiples, de locaux industriels ou dont le principal locataire est un supermarché demeurent relativement stables, les immeubles de bureaux et les terrains destinés au développement sont considérés comme de plus en plus risqués.

En trame de fond de cette conjoncture, l’environnement réglementaire général est également en pleine évolution. Nombre d’institutions financières et de prêteurs du Canada sont touchés par les consignes provisoires que le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) a publiées pour définir ses axes prioritaires et ses attentes à l’égard des prêts immobiliers commerciaux. Selon les consignes du BSIF, les institutions financières doivent être disposées à afficher une politique de diversification et des limites de concentration pour ce type de prêts.

Pour l’avenir, l’environnement de crédit sera vraisemblablement caractérisé par une approche plus prudente, mettant davantage l’accent sur des pratiques moins risquées pour l’octroi de prêts, même lorsque les taux d’intérêt reviendront à un niveau plus équilibré.

 

Quelle sera l’incidence de ces changements pour le secteur de l’immobilier commercial au Canada?

La gestion de la dette dans un tel contexte s’avère plus complexe que par le passé. Les organisations et les emprunteurs du secteur de l’immobilier commercial ne peuvent plus tenir quoi que ce soit pour acquis. Ce qui aurait pu avoir l’air d’un renouvellement de prêt « ordinaire » voilà un, deux ou même cinq ans peut maintenant s’avérer beaucoup plus complexe.

Cela dit, en matière de gestion de la dette, une approche proactive peut s’avérer utile. EY suggère les trois mesures suivantes pour aider les propriétaires d’immeubles commerciaux et les emprunteurs à garder une longueur d’avance dans une telle conjoncture :

 

1.      Identifier les risques et les possibilités dans l’ensemble du portefeuille. Une évaluation exhaustive des immeubles et des conditions du marché permet d’avoir une idée plus juste de l’actuelle valeur marchande du portefeuille. C’est une étape essentielle pour planifier les conversations en vue de l’obtention d’un renouvellement ou d’autres formes de financement. Une évaluation précise réalisée par un professionnel de l’immobilier ou un évaluateur de biens immobiliers permet de faciliter le suivi de la dette dans l’ensemble du portefeuille.

Une telle évaluation aide également à identifier les actifs associés à un rapport prêt‑valeur (RPV) élevé ou faible, ce qui permet de comprendre les différents niveaux de risque qui leur sont associés. Un examen de la date d’échéance des emprunts permettra ensuite d’amorcer le processus de planification des renouvellements et des besoins potentiels en matière de refinancement.

 

2.      Évaluer l’entreprise dans son ensemble. L’évaluation des projections de flux de trésorerie pour chaque immeuble et la prise en compte d’éventuelles fluctuations des taux d’intérêt aident à déterminer la capacité du portefeuille à générer des flux de trésorerie suffisants pour assurer le service de la dette. Une simulation de crise du portefeuille permet d’évaluer différents scénarios possibles et de comprendre l’incidence de circonstances défavorables sur les flux de trésorerie et le service de la dette.

L’évaluation de l’utilisation optimale de chaque immeuble permet de relever diverses possibilités de réaménagement et de repositionnement pouvant améliorer ou accroître les flux de trésorerie. La catégorisation en actifs essentiels et non essentiels permet d’envisager une stratégie de désinvestissement pour optimiser l’ensemble du portefeuille et accroître les liquidités.

Une mise en œuvre méthodique de ces mesures génère des renseignements utiles et permet d’élaborer des plans et de réfléchir à des solutions potentielles à l’avance, plutôt que d’attendre l’échec d’une tentative de renouvellement. Ce processus d’évaluation permet de transformer un environnement à risque élevé en une occasion prometteuse.

 

3.      Saisir l’occasion et élaborer un plan d’action. Ces informations à jour sur l’entreprise, les actifs et le portefeuille permettent d’agir dès maintenant au lieu d’attendre que des forces, des facteurs et des décisions externes viennent dicter plus tard les mesures à prendre. Grâce à cette compréhension approfondie de l’état actuel du portefeuille et des mesures à prendre pour le faire évoluer, il devient possible d’envisager de vendre des actifs non essentiels et des projets d’aménagement afin de générer des fonds pour rembourser la dette ou réaliser des investissements stratégiques.

Des solutions créatives, comme la modification ou la prolongation des prêts, ainsi que diverses structures de financement peuvent être explorées en communiquant et en engageant des discussions avec les prêteurs de manièreproactive. C’est le bon moment de penser à optimiser le portefeuille en ajustant la taille ou la composition des actifs en fonction des conditions du marché et des objectifs d’investissement et d’évaluer d’autres utilisations possibles des solutions de prêt et de financement.

En étant pris en compte dès maintenant, ces facteurs permettent d’explorer des stratégies de désinvestissement créatives, comme les contrats de cession-bail, afin de dégager des capitaux, tout en conservant la propriété.


Résumé

En suivant les étapes décrites dans cet article, les emprunteurs du secteur de l’immobilier commercial peuvent gérer les échéances de leurs prêts plus efficacement, optimiser leurs portefeuilles et s’adapter à l’évolution des conditions du marché. Ils pourront ainsi composer avec la complexité du contexte actuel, tout en maintenant une réserve de fonds pour profiter d’occasions stratégiques ou faire face aux situations d’urgence. Il convient d’élaborer un plan stratégique pour optimiser l’utilisation des fonds disponibles en fonction des conditions actuelles du marché et des objectifs d’investissement de l’organisation. 

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