00:00:00 - 00:00:35
Alicia Woods
Nous sommes descendus de quelques galeries, j’ai vu une toilette chimique. Sans porte. J’ai éteint ma lumière, comme j’étais au milieu d’une galerie bondée. J’ai entendu mes affaires tomber par terre. J’essayais de ne rien toucher. Je suis retournée à la station et j’ai dit Je ne porterai plus jamais vos combinaisons.
00:00:35 - 00:00:43
Bhavna Bhari
Aujourd’hui, je reçois Alicia Woods, chef de la direction et fondatrice de Covergalls. Bienvenue, Alicia. Merci beaucoup d’être des nôtres. C’est un plaisir de vous recevoir.
00:00:43 - 00:00:46
Alicia Woods
Merci beaucoup de m’accueillir, Bhavna.
00:00:46 - 00:00:55
Bhavna Bahri
Plongeons dans le vif du sujet. Racontez-nous qui vous êtes, d’où vous venez, votre formidable parcours professionnel et comment il vous a mené à Covergalls.
00:00:55 - 00:02:57
Alicia Woods
Bhavna, je pense que vous savez qui est Alicia Woods. Je viens des mines, ayant vu le jour et grandi à Sudbury, en Ontario, la ville du Big Nickel. Les mines m’entouraient. Mon père, mon grand-père et mes oncles avaient une usine où ils concevaient et fabriquaient de l’équipement minier souterrain.
Les fins de semaine, j’allais dans l’atelier : j’étais toujours fascinée par leur travail. À l’étage, l’équipe d’ingénierie se penchait sur la table à dessin et donnait forme à l’équipement qui prenait vie sur le plancher de l’atelier, où ils découpaient l’acier et, un jour, un véhicule en sortait.
C’est comme ça que j’ai grandi. Concernant mon entrée dans le secteur minier, je n’aurais jamais cru que j’y retournerais éventuellement. Malheureusement, en huitième année, mon père est décédé subitement; quelques années plus tard, l’entreprise a été vendue à une entreprise du sud de l’Ontario. Donc, à l’école secondaire, j’ai dû redécouvrir qui j’allais devenir.
J’ai toujours pensé que j’allais être comme mon père. Après l’école secondaire, au collège, je suis retournée dans l’entreprise que ma famille avait démarrée pour y occuper différentes fonctions et je m’y suis immédiatement sentie chez moi. J’adorais cet endroit. Je me souviens de m’être assise avec un des directeurs généraux de l’époque : nous avons parlé de mon avenir et je lui ai raconté mon rêve de fillette de cinq ans.
C’est comme ça que je suis retournée à l’étage, dans le monde de la vente d’équipement minier souterrain. Dans ce rôle, bien sûr, il faut aller sous terre. Il faut donc aller au magasin de matériel de sécurité local et obtenir l’équipement nécessaire. Quand je suis allée au magasin, à ma surprise, il n’y avait absolument rien pour les femmes.
J’ai acheté le plus petit ensemble que j’ai trouvé. Malgré ça, j’ai dû retrousser des bouts et en rentrer d’autres. Mais ce n’est qu’en sortant de la cage que j’ai compris le vrai problème de la combinaison : si je devais aller aux toilettes, où irais-je? J’ai immédiatement regardé ma combinaison et me suis dit : Je devrai tout enlever et affronter l’obscurité au bout de la galerie. J’ai refusé de le faire.
00:02:57 - 00:03:04
Bhavna Bahri
Je comprends. Vous avez refusé qu’on vous dise non et qu’aucune solution n’existe. Comment cela a-t-il mené à Covergalls?
00:03:04 - 00:05:11
Alicia Woods
Je me souviens d’être retournée à la surface, d’être allée sur Internet et d’avoir cherché des combinaisons pour femmes. Je n’ai pu trouver que des salopettes, qui évidemment ne répondaient pas aux exigences du secteur. Pour être honnête, pendant les 10 années suivantes, je n’ai rien bu avant d’aller sous terre. J’ai simplement refusé d’en arriver à enlever tout mon équipement.
C’était avant l’été 2011. J’étais dans une mine de potasse en Saskatchewan, très sèche et poussiéreuse. Mes collègues ont oublié de me dire qu’on allait passer la journée sous terre, à nous affairer sous un tapis transporteur. À la fin de la tournée, je pouvais racler la potasse de mon visage sans réaliser que j’avais consommé trois bouteilles d’eau. De retour à la station, je me suis assise sur le banc. Nous nous préparions à retourner à la surface et l’ouvrier à la cage a dit que nous allions rester en bas pendant quelques heures pour entretien. J’ai regardé autour : j’avais évité ça depuis une décennie. J’ai donc dit à Corey à côté de moi : J’ai bu trois bouteilles d’eau, où se trouvent les toilettes, s’il te plaît?
Nous sommes descendus de quelques galeries, j’ai vu une toilette chimique. Sans porte. Je suis entrée, j’ai éteint ma lumière, comme j’étais au milieu d’une galerie bondée. J’ai entendu mes affaires tomber par terre. J’essayais de ne rien toucher. Je me suis rhabillée, je suis retournée à la station et j’ai dit : Je ne porterai plus jamais vos combinaisons.
En rentrant chez moi, j’ai collaboré étroitement avec une couturière locale pour que ma combinaison soit à la fois adaptée à mon corps et fonctionnelle. Ça voulait dire de mettre de bonnes vieilles combines avec porte arrière pour aller aux toilettes facilement. J’ai commencé à les porter. J’allais dans différents sites et les femmes venaient me dire : Comment ça, tu bois de l’eau?
Et : Ça te va super bien, en plus! Voilà comment Covergalls est née. En fabriquant des combinaisons adaptées aux femmes et fonctionnelles. Ensuite, à Sudbury, la société minière Vale s’est aperçue de la situation. L’équipe m’a jointe pour me dire : Nous aimons ce que fait votre organisation. La sécurité est une priorité. Mais nous voulons aussi attirer maintenir une main-d’œuvre féminine. Nous croyons que c’est un moyen d’y parvenir. C’est comme ça que c’est arrivé.
00:05:11 - 00:05:20
Bhavna Bahri
C’est incroyable. Dans l’histoire des mines, les femmes ont dû traverser tout ça. Oui, mais vous vous êtes levée pour affirmer que ça n’allait pas en rester là.
00:05:20 - 00:06:16
Alicia Woods
Absolument. Égoïstement, je les ai faites pour moi. J’étais frustrée de porter des combinaisons pour hommes, surtout après l’expérience sous terre dans la mine de potasse. Mais ça a changé quand les femmes m’ont confié leurs frustrations et leurs problèmes. Les femmes veulent simplement faire leur travail et être reconnues pour leurs réalisations, sans nécessairement monter sur leurs grands chevaux pour quelque chose qu’elles jugent futiles comme des combinaisons mal ajustées.
Lorsque j’ai commencé à recevoir ces commentaires, j’ai constaté que c’était un vrai problème. C’est ça qui a mené au lancement de Covergalls. Le lancement s’est produit grâce à Dragons’ Den. Je me souviens d’avoir vu l’émission et de l’annonce d’une audition le lendemain à Sudbury : c’est là que j’ai eu mon eurêka. J’ai pensé que ce serait une excellente occasion de promouvoir le produit et de voir combien de femmes faisaient face aux mêmes problèmes.
00:06:16 - 00:06:20
Bhavna Bahri
Et elles se sont manifestées. C’est pourquoi vous êtes ici.
00:06:20 - 00:06:37
Alicia Woods
Oui, c’était incroyable, vu que les femmes se sentent parfois jetées sur une île pour faire leur travail isolément. Je pense que Covergalls leur a permis de découvrir qu’elles ne sont pas seules. Ça a permis de rassembler toutes ces îles. Et de développer un sentiment d’appartenance.
00:06:37 - 00:07:31
Bhavna Bahri
Vous avez raison. Dans mon expérience, obtenir un équipement de protection individuelle dans une usine est difficile, car rien n’est conçu pour nous. L’équipement est d’abord conçu pour nous protéger. Alors, vous avez pensé qu’il fallait qu’il nous aille bien, car nous allions le porter. Vous avez donc priorisé tout de suite la sécurité et le bien-être dans la fabrication. Nous pouvons rester hydratées en travaillant. Mais vous avez fait bien plus. Comme vous l’avez dit, maintenant, les femmes se sentent incluses. Vous les aidez à se sentir les bienvenues. Ça fait toute une différence dans la création d’une culture d’inclusion et d’égalité. Quand vous pensez à créer des produits Covergalls autres que des combinaisons, quelle influence ces valeurs ont-elles eue sur l’innovation liée aux produits et que disent les femmes des retombées que leur travail peut avoir au travail?
00:07:31 - 00:09:09
Alicia Woods
Je pense qu’avoir une combinaison bien ajustée n’est que le point de départ. Je ne comprenais pas tout à fait l’incidence des habits en dehors de la sécurité jusqu’à ma rencontre avec trois jeunes femmes lors d’une conférence que j’ai donnée à Toronto.
Elles n’avaient pas de liens avec l’organisation. Elles voulaient simplement me raconter leur histoire en personne. Elles avaient probablement la mi-vingtaine et m’ont dit qu’elles avaient voyagé jusqu’à Sudbury pour une visite souterraine du site de NORCAT. Une fois arrivées, elles sont entrées dans la roulotte avec leurs collègues masculins, se sont changées et, quand elles sont sorties, le guide a dit : Les filles, qu’est-ce que vous portez?
Elles ont répondu : On ne sait pas, on a pris ce qu’il y avait dans la roulotte. Il a dit : Venez avec moi. Il les a emmenées dans une zone spécialement aménagée et contenant de l’équipement donné par Covergalls. Ces trois jeunes femmes ont dit que le jour où elles ont mis le pied de ce côté-là de la remorque et ont appris que des combinaisons avaient été conçues pour elles, c’était le jour où elles se sont senties accueillies.
Jusque-là, elles ne se sentaient pas appartenir au secteur. Elles ne se sentaient pas chez elles dans la visite, car c’était comme porter les vêtements de son père. Mais lorsqu’elles sont entrées pour mettre une combinaison conçue spécialement pour elles, elles étaient contentes d’être dans les mines. Elles avaient hâte d’aller sous terre, ce jour-là.
Je n’avais jamais compris la puissance des vêtements avant cette histoire. En y pensant bien, les vêtements stimulent les gens. Quand on se lève le matin, on s’habille. C’est le reflet de soi-même. C’est votre personnalité. Ça donne de la confiance, du confort et ça vous permet d’accomplir votre travail en toute productivité et efficacité. Nous portons nos combinaisons chaque jour, toute la journée. C’est un élément essentiel pour créer un milieu de travail an inclusif.
00:09:09 - 00:09:21
Bhavna Bahri
Absolument. En rétrospective, quelles sont les principales leçons ou constatations dont vous pouvez nous faire part? Et quels sont les gens qui ont vraiment marqué votre parcours?
00:09:21 - 00:11:10
Alicia Woods
En fait, ça me donne la chair de poule sur les bras. Quand je pense à moi à cinq ans, juste une petite fille dans une usine, j’étais très chanceuse parce qu’on ne m’a jamais fait sentir comme si je n’y avais pas ma place. Mon père, mes oncles, mon grand-père et même la main-d’œuvre masculine, car la main-d’œuvre était exclusivement masculine, m’ont tous fait une place, ils ne m’ont jamais fait croire que le secteur ou l’usine n’était pas pour moi.
C’est sur ces fondations que je me suis construite. Plus tard, j’ai fait mon entrée dans le secteur. J’ai eu un formidable directeur général qui me donnait du temps les vendredis après-midi quand c’était plus calme et nous parlions d’où Alicia voulait être dans 12 mois, trois ans, cinq ans, dix ans. Il était très réceptif à l’idée de me coacher dans mon parcours. Je me souviens d’un conseil qu’il m’a donné. Il a dit : En tant que directrice générale, tu ne dois pas être experte dans tous les domaines. C’est ton travail de t’entourer d’experts. N’aie pas peur d’inclure dans ton équipe des personnes plus fortes que toi. C’est ce que tu dois faire.
Ça s’est révélé un conseil clé dans mon parcours. Par la suite, j’ai eu deux mentors incroyables : Patrice Marin, qui est vraiment gentil de m’avoir coachée et qui me donne le courage de prendre des décisions comme conserver 100 % de Covergalls après Dragons’ Den, et Ian Pearce, qui m’a accompagnée dans les activités de soutien à l’entreprise.
Je crois que les mentors sont censés partager votre route un moment puis repartir. Vous en trouverez de toutes sortes, que ce soit pour des raisons professionnelles ou personnelles. Je dis toujours qu’en cas de doute sur un sujet, qu’il soit personnel ou professionnel, allez vers les autres. La plupart des gens veulent aider, prêter main-forte et ne diront pas non à vous offrir quelques minutes de leur temps.
00:11:10 - 00:11:29
Bhavna Bahri
C’est vrai. D’abord, bien s’entourer de personnes intelligentes. C’est la clé.
Quand vous êtes devenue entrepreneure, beaucoup de choses ont dû changer. Je suis sûre qu’il y a eu beaucoup d’obstacles. Des choses dont il fallait s’occuper, beaucoup de changements… Comment les choses se sont-elles déroulées pour vous?
00:11:29 - 00:13:24
Alicia Woods
Ah oui, certainement, Bhavna! Je repense à la période de transition, quand j’occupais un poste de directrice générale à temps plein. J’essayais de lancer Covergalls. J’avais une jeune famille et un mari, et j’essayais de gérer tout ça. À l’époque, je pensais devoir être la meilleure pour tout le monde. Je pensais devoir être parfaite dans tout.
Ça ne pouvait pas durer. J’en suis arrivée à un moment où j’étais dans un tourbillon et où c’était difficile d’être la meilleure pour tout le monde. Donc, à peu près dans cette période, je me souviens être allée au Texas pour participer à une table ronde. C’était un événement de Pink Petro dont la conférencière principale était Randi Zuckerberg.
Randi a donné une conférence et présenté son livre, Pick Three. C’était une sorte d’eurêka lorsque Randi disait que, nous les femmes, nous pensons devoir être les meilleures pour tout le monde en tout temps, et que tout doit être parfait. Ça ne dure qu’un temps. Ce n’est pas viable.
Son conseil est de se lever le matin et choisir trois choses. Vous avez votre famille, vos amis, votre santé, votre sommeil et votre travail, donc cinq choses. Levez-vous et choisissez-en trois. Vous voulez bien dormir aujourd’hui? Puis faire de la course à pied et passer du temps en famille?
Parfait. Faites-le très bien. Puis levez-vous le lendemain et choisissez trois autres éléments à bien faire. Je me souviens d’avoir quitté la conférence, d’avoir pris l’avion pour retourner à Toronto et d’avoir lu le livre d’un bout à l’autre. C’est alors que j’ai eu une révélation : Je n’ai pas besoin d’être bonne dans tout, tout le temps!
C’est correct de mettre un des éléments de côté. Ça m’a vraiment aidée à mettre les choses en perspective et à trouver un meilleur équilibre. Je ne sais pas s’il y a un vrai équilibre, mais ça m’a certainement aidée dans mon parcours.
00:13:24 - 00:13:46
Bhavna Bahri
Vous avez mentionné que vous avez grandi entourée d’hommes et que vous ne vous êtes jamais sentie exclue. Toutefois, il faut reconnaître que vous êtes une femme qui aide d’autres femmes à entrer dans les usines d’un milieu majoritairement masculin. C’est merveilleux que la chance vous ait souri, mais maintenant que vous allez sur le terrain pour aider d’autres femmes, y a-t-il eu des problèmes à ce sujet, quels étaient-ils et qu’en avez-vous appris?
00:13:46 - 00:15:35
Alicia Woods
Oui, il y a certainement eu des problèmes, des situations ou des expériences qui ont eu lieu. Par exemple, je me souviens d’une réunion très importante avec un client où j’étais assise à la table d’une salle de conférence. J’avais l’échelon le plus élevé de la table. Ils parlaient de la prise de notes. L’un des hommes de l’organisation pour laquelle je travaille a dit : Alicia, tu pourrais être la secrétaire aujourd’hui. Je me suis dit : Bon, d’accord. Mais je n’ai rien eu à lui répondre, le client s’étant immédiatement interposé pour lui dire : Non, vous pouvez être le secrétaire aujourd’hui. Donc, nous continuons à faire l’objet de commentaires stéréotypés dans nos fonctions. Vous savez, élever une famille, essayer d’avoir une carrière aussi, soigner ses enfants car, oui, mon fils est tombé malade.
Je me souviens d’avoir pris un jour de congé et d’être retournée au travail le lendemain pour une réunion avec un client. J’étais assise là et la même personne a dit : Je pensais que ton fils était malade. J’ai répondu : Oui, il est malade. Il a dit : Pourquoi t’es pas chez toi? J’ai répondu : Parce que mon mari est chez nous. Il a dit : Tu devrais être là pour prendre soin de ton fils aujourd’hui. J’ai répondu : C’est peut-être comme ça que ça se passe chez toi. Par contre, chez moi, mon mari est plus que capable d’en prendre soin. On est une vraie équipe. On est égaux chez moi. Et j’en ai ri.
Mais il y a certainement des difficultés parfois. J’ai eu la chance d’être entourée d’alliés masculins solides. Toutefois, en matière d’infrastructure, c’est compliqué. Par rapport aux femmes, dans la fabrication, la plupart des installations ont été conçues pour une main-d’œuvre masculine. On n’avait jamais pensé que des femmes y travailleraient. Par conséquent, même les infrastructures physiques ne sont pas faites pour les femmes.
00:15:35 - 00:15:58
Bhavna Bahri
Après une baisse du nombre de femmes dans la fabrication durant la COVID, on observe un retour à la hausse. Bien des secteurs investissent pour attire plus de femmes. Mais des défis restent à relever. Ils se présentent chaque jour. Je crois que nous devons déterminer sur qui nous pouvons nous appuyer pour que nous n’ayons pas à remédier nous-mêmes à la situation. Qui sont les alliés qui nous soutiendront?
00:15:58 - 00:16:42
Alicia Woods
Je n’ai constaté le problème d’infrastructure qu’au moment où je dirigeais mon entreprise de conception et de fabrication de matériel souterrain. Nous avons embauché notre première soudeuse, une nouvelle diplômée d’un collège de la région. Elle était emballée! Elle a passé un test de soudage et s’est classée au premier rang. À son arrivée dans l’entreprise, il n’y avait pas d’installations convenables pour qu’elle se change et se douche après son quart. C’était une prise de conscience : Wow! ces installations ne sont pas faites pour les femmes. Nous avons donc investi pour pouvoir modifier l’immeuble et l’accueillir. En espérant qu’avec elle nous pourrions attirer plus de femmes au sein de l’organisation.
00:16:42 - 00:16:52
Bhavna Bahri
C’est tout un engagement! Absolument, nous voulons plus de femmes et plus d’inclusion. C’est un investissement pour accroître la main-d’œuvre afin d’attirer plus de talents.
00:16:52 - 00:17:39
Alicia Woods
Exactement. Et cette soudeuse… Je vais raconter une anecdote, car je pense qu’elle est plutôt spéciale. Nous voulions embaucher un nouveau soudeur. Nous avons reçu 20 CV. Je me souviens que le contremaître de l’usine de l’époque me les avait apportés et les avait déjà triés en partie. Je les avais déjà vus et j’ai vite remarqué qu’il avait écarté le CV d’une femme. Je lui ai demandé pourquoi et il a vraiment dit : C’est une femme et une nouvelle diplômée.
J’ai répondu : Attends, on va faire les choses différemment. J’ai dit : Fais passer un test de soudage aux 20 personnes. Je vais mettre le numéro du CV sur le test de soudage. Donc, CV numéro 1, test numéro 1. Tu ne sauras pas qui aura fait quoi. Mais essayons, pour voir. Évidemment, parmi les 20 tests, il a donné la meilleure note à la nouvelle diplômée.
00:17:39 - 00:17:42
Bhavna Bahri
Vous avez donc éliminé les biais inconscients.
00:17:42 - 00:17:56
Alicia Woods
Totalement. Ça a été une prise de conscience pour lui aussi : Wow, je n’avais pas réalisé. Ça a certainement changé son comportement par la suite. Si je n’avais pas fait ça, elle n’aurait jamais eu l’occasion d’obtenir le poste.
00:17:56 - 00:18:09
Bhavna Bahri
Le talent et les compétences n’ont pas de genre. Ils existent, tout simplement. Vous dirigez une culture de changement, où la femme est mise en valeur et accueillie dans notre milieu. Comment définiriez-vous votre style de leadership?
00:18:09 - 00:19:47
Alicia Woods
Je pense à deux choses. Voici celle qui me vient immédiatement à l’esprit. Vous parlez de diriger, de changer les choses et de rayonnement. J’ai eu une formidable carrière, une carrière prometteuse. J’ai été la directrice générale d’une entreprise et j’ai eu Covergalls. C’était une entreprise en démarrage. Tout allait bien et je me souviens d’avoir eu cette réflexion (je ne sais pas si c’était mon âge ou mes enfants qui grandissaient). C’était cette réflexion : Si on devait m’enterrer demain, que dirait-on de moi? Est-ce qu’on se souviendrait du beau titre que j’avais dans mon organisation, ou que j’avais vraiment fait une différence et que j’avais changé? C’est alors que je me suis dit : OK, c’est correct de quitter ma carrière confortable et stable pour démarrer Covergalls. Je sentais que Covergalls était l’occasion et le moyen pour moi d’avoir un impact positif concret. J’ai donc plongé dans le monde de l’entrepreneuriat grâce à la question : Comment puis-je changer le monde? C’est la première chose.
La deuxième chose concernant mon style de leadership, je dirais qu’il est très horizontal, que je m’assure que tout le monde se sent inclus et qu’il contribue à la croissance et la réussite de Covergalls. Bien sûr, vous allez faire des erreurs, mais j’encourage les gens à en faire. C’est comme ça qu’on apprend. Tout le monde a une voix. Je m’assure que tous les canaux de communication sont ouverts et que les gens se sentent valorisés. Pensons à la structure d’une équipe de hockey, d’accord? Au bout du compte, chacun joue un rôle respectif. Mais c’est ensemble qu’on remporte le match. Voilà l’approche que j’adopte dans mon leadership.
00:19:47 - 00:19:56
Bhavna Bahri
Bien. Vous avez pris le risque. Vous avez plongé et aujourd’hui vous offrez la possibilité à votre équipe de prendre des risques et de plonger à leur tour. C’est extraordinaire.
00:19:56 - 00:20:13
Alicia Woods
Absolument. Je veux qu’elle s’épanouisse. À nouveau, je repense au conseil que j’ai reçu du directeur général, à savoir que le travail d’un leader est de réunir des gens qui sont plus forts que lui dans chaque domaine. C’est ce que j’ai l’intention de faire.
00:20:13 - 00:20:35
Bhavna Bahri
C’est extrêmement inspirant, Alicia. En rétrospective, y a-t-il un conseil que vous aimeriez donner au secteur ou aux fabricants? Et peut-être aussi à la petite Alicia de cinq ans dont vous avez parlé, et qui pense à quand elle sera grande et débutera sa carrière, que lui diriez-vous aujourd’hui?
00:20:35 - 00:21:58
Alicia Woods
Je pense à moi plus jeune. J’étais tellement déterminée à obtenir un titre en particulier! Je croyais qu’être vice-présidente ou présidente prouverait ma valeur. Et je pensais à tous les efforts que je croyais devoir déployer pour me tailler une place dans le secteur.
J’étais très focalisée là-dessus. Je dirais à la jeune Alicia que le titre n’est pas très important. C’est le travail, la contribution. Concernant les conseils que je donnerais aux femmes et aux leaders de la fabrication… Certaines femmes en entreprise ne sont pas à l’aise de s’exprimer. Voici mon conseil pour elles : si vous n’êtes pas à l’aise de vous exprimer, communiquer avec les gens qui le sont. Souvent chez Covergalls, nous recevons des messages ou des courriels de femmes qui ne sont pas à l’aise de parler.
Je suis très à l’aise de m’exprimer. Je n’ai aucun problème à foncer et à essayer d’être leur voix, qu’il s’agisse de sensibiliser leur organisation, de sensibiliser le groupe auquel elles appartiennent ou de les aider à faire de la sensibilisation. De plus, si vous êtes à l’aise de vous exprimer, vous devez le faire. Vous devez aussi utiliser les plateformes qui vous sont offertes pour faire de la sensibilisation, ce qui entraînera des changements positifs au final.
00:21:58 - 00:22:04
Bhavna Bahri
Donc, si vous avez une voix qui porte, ne la gardez pas pour vous. Utilisez-la pour autrui.
00:22:04 - 00:22:28
Alicia Woods
Parce que tout le monde n’est pas à l’aise de le faire. Je pense que nous avons tous un rôle à jouer en ce sens. Concernant les dirigeants ou les entreprises de fabrication, demandez l’avis de vos employés. Si vous leur demandez leur avis, une partie de leur malaise se dissipera et ils seront plus honnêtes avec vous.
00:22:28 - 00:22:54
Bhavna Bahri
C’est vrai. Souvent, les femmes ne veulent pas déranger même si elles sentent qu’il y a un problème. Terminons par une pépite d’inspiration. Ça a été une conversation formidable, Alicia. Pensons aux cinq prochaines années. À quoi ressembleront-elles pour vous, Alicia? Et pour Covergalls? Comment l’entreprise continuera-t-elle de transformer le secteur pour les femmes? Comment le secteur changera-t-il? Comment pensez-vous que les choses iront?
00:22:54 - 00:23:58
Alicia Woods
J’ai hâte de vivre les cinq prochaines années, car je crois qu’il faut mentionner quelque chose au sujet du timing. Je repense au lancement de Covergalls, que j’ai constituée en 2013, imaginez-vous.
Je crois que le timing n’était pas idéal, à l’époque. Je crois qu’il l’est maintenant. Pour Covergalls, l’obtention récente d’un partenariat avec Mark’s est absolument essentielle. J’ai trouvé un partenaire vraiment déterminé à investir pour que les femmes aient accès à de l’équipement de protection individuelle bien ajusté. C’est quelque chose qui n’avait jamais été fait. Les partenaires de distribution affirment qu’ils transportent des combinaisons pour femmes, mais ils ne sont pas tous enclins à investir pour qu’elles soient facilement disponibles. Mais Mark’s le fait. Mark’s joint la parole aux actes et est déterminée à changer les choses. Je suis ravie de ce partenariat. Il est nouveau et offre un grand potentiel de croissance. Également ce qui me réjouit, c’est notre rôle dans la création d’une industrie des vêtements de travail plus durable. C’est du jamais-vu. Je suis très heureuse de notre partenariat avec Ways to Wear et de ce que nous pouvons faire ensemble pour faire bouger les choses.
00:23:58 - 00:24:14
Bhavna Bahri
Donc aller au-delà des combinaisons. Se demander comment les rendre durables, comment offrir une expérience holistique pour tous. C’est tout un programme pour cinq ans, mais je suis sûre que vous y parviendrez et vous dépasserez.
00:24:14 - 00:24:42
Alicia Woods
Vous savez, quelqu’un a dit : J’aime tellement ce que je fais que j’ai l’impression de ne pas travailler. Quand on change les choses et qu’on fait le bien, ça pousse à vouloir en faire plus.
Je pense que je vais conclure avec un conseil que je donne et suis toujours. Tout compte fait, vous avez deux choix. Le choix de construire le rêve d’autrui ou le choix de construire le vôtre. Il y a quelques années, j’ai décidé de bâtir mon propre rêve.
00:24:42 - 00:24:56
Bhavna Bahri
C’est tellement vrai. Je constate une forte raison d’être et une forte envie d’aider et de valoriser les autres. Des femmes qui aident les femmes. Je crois que c’est ce qui ressort de notre conversation. C’est vraiment inspirant, Alicia.
00:24:56 - 00:25:13
Alicia Woods
Je pense qu’on n’a qu’une vie à vivre. En tout cas, je pense à la perte de mon père à un très jeune âge, la vie est courte. Que pouvons-nous faire pour laisser une trace positive qui perdurera quand nous ne serons plus? C’est ce qui m’anime.
00:25:13 - 00:25:18
Bhavna Bahri
Alicia, merci beaucoup d’avoir été des nôtres. C’était très inspirant.
00:25:18 - 00:25:28
Alicia Woods
Merci beaucoup, Bhavna et l’équipe d’EY, de m’avoir reçue.