Groupe dans un paysage enneigé

Le système bancaire ouvert au Canada – Quelle voie pour l’avenir?

Auteures : 
Dana Ohab, associée déléguée, Consultation – Technologie, EY Canada
Saba Shariff, cheffe, Développement de nouveaux produits et Stratégie d’entreprise, Symcor

Contributeurs : 
Jo Lim Fat, chef d’équipe senior, Consultation – Entreprises
Aditi Kapoor, chef d’équipe, Consultation – Technologie
Geetanjali Geetanjali, chef d’équipe senior, Consultation – Technologie

Cet article est le premier d’une série en plusieurs parties qui explore le système bancaire ouvert.

On assiste actuellement à une adoption rapide du système bancaire ouvert dans le monde. En effet, celui-ci a été mis en œuvre ou est en voie de l’être dans plus de 60 pays. Au Canada, la capture de données d’écran demeure le principal moyen pour les clients de partager des données avec des fournisseurs tiers ou d’autres acteurs de l’écosystème, qu’il s’agisse de fournisseurs, de destinataires ou de plateformes de données, ou encore d’intermédiaires comme les agrégateurs.

En 2021, dans le but de réduire les risques élevés d’atteinte à la sécurité associés à la capture de données d’écran, le comité consultatif du gouvernement canadien a présenté sa vision sur l’avenir du système bancaire ouvert au Canada. Abraham Tachjian est à la tête d’un effort collectif réunissant un groupe diversifié et équilibré d’intervenants du secteur pour élaborer le plan de mise en œuvre du système bancaire ouvert canadien. D’autres pays ont fait la preuve qu’une approche hybride fondée sur une réglementation sectorielle crée un écosystème inclusif et durable propice à l’innovation dans lequel tous peuvent participer.

Observations tirées d’autres pays

Plusieurs pays ont adopté un système bancaire ouvert afin de favoriser l’innovation, d’assurer la portabilité des données au sein d’un écosystème équilibré, ou encore d’améliorer les propositions de valeur et les expériences offertes à la clientèle. Les systèmes bancaires ouverts fondés sur la réglementation sont plus courants dans les marchés où existent d’importantes préoccupations liées à la stabilité financière ou des défis en matière d’innovation.

  • Au Royaume‑Uni et dans le reste de l’Europe, le projet de système bancaire ouvert a surtout été motivé par le besoin d’offrir aux clients davantage de contrôle sur leurs données et d’accroître la concurrence sur le marché12.
  • Singapour a mis sur pied ses propres plateformes de partage de données dont la gestion est centralisée afin de développer de nouveaux produits et services.
  • S’inspirant de l’approche européenne, l’Australie a toutefois élargi la portée de sa réglementation en matière de partage de données en se dotant d’un cadre universel régissant le droit relatif aux données des consommateurs (Consumer Data Right ou CDR).

En l’absence d’un cadre réglementaire formel, le système bancaire ouvert américain repose quant à lui surtout sur des partenariats commerciaux entre institutions financières et fournisseurs tiers (bilatéraux), ou encore sur des outils conventionnels comme la capture de données d’écran et le partage d’identifiants. Aux États‑Unis, c’est principalement le marché qui dicte les règles, ce qui a pour effet de stimuler la concurrence et l’innovation3.

L’adoption de systèmes bancaires ouverts ailleurs dans le monde est source de leçons clés pour le Canada

Des règles trop normatives peuvent ralentir l’innovation :

1. Bien que les directives sur les services de paiement 1 et 2 (DSP1 et DSP2) aient grandement contribué au lancement des premiers projets de systèmes bancaires ouverts en Europe, les règles normatives et les processus d’accréditation dispendieux ont entraîné de longs et coûteux délais de mise en œuvre et, ultimement, des taux d’adoption initiaux plus faibles que prévus4 .

2. L’Australie a tiré parti des leçons apprises de la DSP2 pour adapter le système CDR, lui‑même sujet à des difficultés liées aux faibles taux d’adoption. Ainsi, le pays a assoupli les normes en matière de système bancaire ouvert et a établi de nouvelles directives pour l’accréditation visant à augmenter l’adoption et favoriser la concurrence5.

3. Il est essentiel d’établir des normes adaptées au marché pour garantir des mises en œuvre efficientes et uniformes. Aux États‑Unis, l’absence de normes communes ou de système d’accréditation commun nuit au taux d’adoption dans l’écosystème bancaire, ce qui entraîne des mises en œuvre fragmentées et coûteuses et des expériences utilisateur de moindre qualité. Reconnaissant cet enjeu, le président des États‑Unis, Joe Biden, a signé en juillet 2021 un décret destiné à promouvoir la concurrence au sein de l’économie américaine6, un geste considéré par plusieurs comme une première étape vers la création d’un écosystème bancaire ouvert américain plus formel.

4. L’aspect positif du marché américain, dirigé par le secteur, est que son système bancaire ouvert repose sur des partenariats commerciaux entre institutions financières et fournisseurs tiers. Ce phénomène stimule la concurrence sur le marché, ce qui se traduit par des produits et services novateurs et de meilleures expériences clients7.

Les attentes envers le Canada

Bien que les facteurs motivant l’adoption d’un système bancaire au Canada soient différents – les Canadiens faisant largement confiance à leurs fournisseurs de services financiers actuels –, celle-ci sera unique en ce sens qu’il s’agira d’une approche hybride fondée sur la réglementation et les besoins du secteur. Cela donne au Canada la possibilité d’adopter des pratiques de pointe qui répondent aux besoins des consommateurs canadiens et protègent leurs droits. L’écosystème bancaire ouvert canadien sera régi par les organismes de réglementation, tandis que les éléments clés du système, y compris de bonnes mesures de protection concernant la gouvernance, seront élaborés dans le cadre de consultations auprès du secteur. Les intervenants du secteur des services financiers, les défenseurs des consommateurs et les décideurs du système bancaire ouvert collaborent pour mettre en place des règles communes en matière de responsabilité et de protection des consommateurs, un cadre d’accréditation permettant aux fournisseurs tiers d’accéder au système bancaire ouvert et, enfin, des spécifications techniques détaillées qui permettent un transfert de données sécuritaire et efficace et qui sont en phase avec les objectifs établis de la politique8.

En ce qui a trait à l’écosystème canadien, on peut s’attendre à ce qu’il ressemble à celui des États-Unis, c’est-à-dire que les leaders de marché y joueront sans doute un rôle important en participant à la conception, à la mise en œuvre et à la gestion de l’infrastructure du système bancaire ouvert. Compte tenu de la forte confiance dont les clients font déjà preuve à l’égard de leurs fournisseurs de services financiers actuels, l’écosystème canadien risque d’accorder plus d’importance à la stabilité et à la gestion des risques systémiques qu’aux autres facteurs, tout en soutenant les objectifs d’innovation des entreprises de technologie financière et des entreprises en démarrage.

Incidences sur les intervenants de l’écosystème

Une planification pragmatique des rôles et des responsabilités dans le futur système bancaire ouvert favorisera une compréhension claire et exhaustive de la part de tous les participants, ce qui donnera lieu à des collaborations qui permettront d’accroître l’efficacité, d’accélérer la mise en œuvre et de se concentrer sur le développement de produits et services novateurs.

  • Les fournisseurs de données devront se plier aux exigences réglementaires en matière de partage de données. Ils auront également tout intérêt à opérationnaliser leur infrastructure en établissant un modèle des coûts rentable permettant de répondre aux objectifs de conformité, et à prioriser l’évolutivité et le respect des normes de sécurité.
  • Les destinataires de données chercheront à obtenir un accès stable et sécuritaire à un vaste réseau de fournisseurs de données pour élargir leur bassin de clients potentiels et fournir des solutions innovantes rapidement et à grande échelle. Si l’étendue des données disponibles par le biais d’interfaces de programmation d’application (API) favorise un accès sécuritaire et stable, il n’en demeure pas moins que de nombreux cas d’utilisation actuels dépendent de sources de données améliorées et enrichies pour stimuler l’innovation.
  • Les organismes de réglementation peuvent apprendre des autres marchés et veiller à ce que les perspectives et les besoins uniques du Canada soient pris en compte en fournissant des cadres fondés sur des principes et en évitant l’application d’une directive de mise en œuvre trop normative.
  • Les plateformes de données et les intermédiaires peuvent soutenir l’écosystème en mettant en place des processus d’accréditation et d’intégration efficaces, en fournissant des outils pour la gestion des consentements et des autorisations, et en assurant la surveillance du système pour le compte des fournisseurs et des destinataires de données afin d’alléger leur fardeau opérationnel et de rendre superflus les contrats bilatéraux.

S’appuyant sur de grandes conclusions tirées ailleurs dans le monde, le Canada progresse vers l’adoption d’une approche personnalisée toute canadienne à l’égard du système bancaire ouvert. Des structures de gouvernance bien établies qui définissent clairement les rôles et les responsabilités de chacun des intervenants de l’écosystème permettront d’accélérer l’adoption d’un système bancaire ouvert.




Si vous souhaitez en apprendre davantage à propos de l’écosystème bancaire ouvert canadien, veuillez communiquer avec Abhishek Sinha ou Dana Ohab d’EY, ou Saba Shariff de Symcor.



Résumé

Grâce à la nomination d’Abraham Tachjian au poste de responsable du système bancaire ouvert canadien en mars 2022, à la proposition du Conseil stratégique des DPI sur les normes nationales et à l’influence grandissante des normes techniques du Financial Data Exchange, le Canada progresse vers une implantation réussie du système bancaire ouvert. En quoi le système bancaire ouvert canadien sera‑t‑il différent de celui des autres pays, et devrait‑il l’être? Quels rôles les intervenants dans l’écosystème joueront‑ils dans cette nouvelle normalité?

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