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Volet 2 : Comprendre le lien existant entre les tarifs et le risque de blanchiment d’argent


Composez avec les risques de tarifs et de blanchiment d’argent, et découvrez la manière dont les politiques commerciales peuvent malencontreusement faciliter les activités financières illicites.

Coauteures :

  • Krutika Sequeira, chef d’équipe senior, crimes financiers, Risques – Consultation
  • Nathalie Rahil, chef d’équipe, crimes financiers, Risques – Consultation

Dans le premier volet de notre analyse de la réponse du Canada aux tarifs douaniers imposés par les États‑Unis, nous avons abordé les impacts et les considérations pour les entités déclarantes au Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE). Dans le deuxième volet, nous examinerons plus en détail de quelle façon les tarifs douaniers actuellement en vigueur ainsi que la menace de tarifs supplémentaires peuvent créer des occasions de blanchiment de fonds illicites par des personnes malveillantes.

Les tarifs constituent un outil de politique économique traditionnellement employé pour réguler les échanges commerciaux entre pays. Utilisés de manière judicieuse et responsable, ils peuvent générer des retombées économiques positives, notamment en augmentant les revenus de l’État, en protégeant les industries nationales et en stimulant les investissements locaux.

Cependant, ils peuvent avoir des conséquences inattendues, dont celle consistant à faciliter le blanchiment d’argent. Au fil de l’évolution des réseaux commerciaux internationaux, la détection des activités de blanchiment d’argent devient un défi de taille pour les entités déclarantes.

Tarifs et blanchiment d’argent fondé sur le commerce

Les tarifs peuvent avoir différentes incidences sur le blanchiment d’argent. Lorsque les tarifs sont élevés, le coût des marchandises augmente, ce qui favorise l’émergence de certaines pratiques criminelles telles que la surfacturation ou la sous‑facturation des expéditions. La surfacturation consiste à gonfler la valeur des marchandises afin de transférer des sommes d’argent plus importantes d’un pays à l’autre. À l’inverse, la sous‑facturation offre aux criminels une occasion d’évasion fiscale et tarifaire et de transfert discret de capitaux.

Les criminels déclarent des marchandises en leur attribuant une valeur supérieure à leur valeur réelle. En procédant de la sorte, ils peuvent transférer des sommes considérables d’argent illicite dissimulées sous le couvert de paiements de produits importés. L’excédent est ensuite blanchi dans le système financier, en tant que transactions commerciales légitimes. À l’opposé, la sous‑facturation consiste à attribuer aux marchandises une valeur inférieure afin de réduire le montant des tarifs et des taxes à payer, ce qui constitue une technique d’évasion tarifaire. La différence entre la valeur réelle et la valeur déclarée est souvent payée au moyen de canaux informels qui facilitent le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale.

Scénarios illustrant comment l’évasion tarifaire et le contournement des sanctions peuvent conduire au blanchiment d’argent

Scénario 1 : Fausses déclarations

Une entreprise importe des appareils électroniques de grande valeur, mais les déclare comme des accessoires bon marché afin d’échapper aux tarifs. La différence de valeur, représentant le coût réel et les fonds illicites, est réglée par le biais de circuits bancaires clandestins. Cette méthode permet à l’entreprise de blanchir d’importantes sommes d’argent sous le couvert d’échanges commerciaux légitimes. Les fausses déclarations de marchandises constituent une technique d’évasion tarifaire qui pourrait se répandre compte tenu du contexte commercial mondial actuel.

Scénario 2 : Expéditions fictives

Une entreprise crée de fausses factures pour des marchandises qui ne sont jamais réellement expédiées. Ces expéditions « fictives » sont facturées à des prix nettement exagérés, et les paiements sont traités par l’intermédiaire de banques internationales. Les fonds transférés pour ces marchandises inexistantes sont effectivement blanchis sous forme de dépenses commerciales légitimes, ce qui permet de contourner entièrement la réglementation tarifaire.

Scénario 3 : Classement inapproprié des marchandises

Un autre stratagème consiste à classer de façon inappropriée des marchandises pour lesquelles les tarifs sont élevés comme des articles à tarifs moins élevés. Par exemple, des montres de luxe sont importées et déclarées comme de simples montres‑bracelets. Le paiement des montres de luxe requiert des fonds illicites, qui sont ensuite intégrés au système financier et dissimulés grâce à une classification des marchandises à un niveau tarifaire inférieur.

Scénario 4 : Acheminement de marchandises par des zones de libre‑échange ou bénéficiant de tarifs moins élevés

Des voitures de luxe transitent par une zone de libre‑échange dans un pays tiers avant d’atteindre leur destination finale. Au cours de ce transit, les marchandises sont refacturées à des prix nettement réduits, ce qui permet de tirer avantage des tarifs moins élevés, voire inexistants, de la région intermédiaire. Lorsque les voitures de luxe arrivent enfin à destination, la valeur déclarée de celles‑ci est bien inférieure à leur valeur réelle, ce qui permet à l’entreprise de payer des tarifs minimaux.

La différence entre la valeur déclarée et la valeur réelle peut‑être réglée au moyen de fonds illicites. Ce subterfuge permet non seulement aux entreprises d’échapper aux tarifs, mais également de blanchir de l’argent en intégrant des fonds illicites dans des canaux commerciaux légitimes.

Scénario 5 : Exploitation des failles dans la réglementation tarifaire en vue de commercer avec des entités visées par des sanctions

Certaines entreprises tirent parti des exemptions ou exploitent certaines failles dans la réglementation tarifaire pour continuer à commercer avec des entités, des régions et des personnes visées par des sanctions. Une telle pratique consiste à déclarer que des marchandises sont destinées à des fins humanitaires ou qu’elles relèvent de catégories bénéficiant de certaines exemptions particulières. Les entreprises qui ont des chaînes d’approvisionnement mondiales courent inconsciemment le risque d’être exposées de façon indirecte à des sanctions si leurs fournisseurs ou sous‑traitants entretiennent des liens avec des entités visées par des sanctions.

Par exemple, une entreprise de fabrication qui s’approvisionne en matières premières auprès d’un fournisseur ayant des relations commerciales avec un pays visé par des sanctions peut en être indirectement touchée. De tels risques sont beaucoup plus difficiles à détecter et à atténuer, et peuvent perturber la chaîne d’approvisionnement, donner lieu à des risques juridiques et nuire à la réputation de l’entreprise.

Scénario 6 : Contrebande de marchandises outre‑frontière

Des marchandises sont passées en contrebande outre‑frontière afin d’éviter complètement les tarifs. Une telle méthode consiste à dissimuler des marchandises dans le but de contourner les contrôles douaniers aux frontières ou à falsifier les déclarations en douane. Cette activité illégale peut compromettre des entreprises légitimes et engendrer des risques pour la sécurité.

Il est recommandé de faire preuve de vigilance, de s’appuyer sur des alliances et d’assurer un suivi régulier de la conformité

Les stratagèmes mis de l’avant pour contourner les tarifs ne constituent pas seulement un problème de conformité – c’est un problème qui concerne tout le monde. Ils compromettent le commerce mondial, l’intégrité financière et les chaînes d’approvisionnement, créant de l’instabilité sur les marchés et des tensions dans les relations internationales, nuisant en fin de compte tant aux économies nationales qu’au système commercial mondial dans son ensemble.

Que votre organisation soit ou non une entité déclarante au CANAFE, elle doit rester vigilante face aux techniques potentielles d’évasion fiscale et de contournement des sanctions. Les organisations doivent forger des alliances avec des partenaires technologiques, des organismes de réglementation, des organismes chargés de l’application de la loi, des conseillers de confiance, des partenaires de la chaîne d’approvisionnement et des partenaires bancaires afin de lutter collectivement contre la menace très réelle du blanchiment d’argent au Canada. C’est ce qu’on appelle le pouvoir du nombre.

L’évaluation régulière des contrôles de l’organisation en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et de contournement des sanctions, y compris les facteurs humains, les processus, la technologie et la gouvernance, permet de comprendre les conséquences des tarifs. Ces conséquences peuvent se traduire de la façon suivante :

  • Resserrement de la surveillance des fonctions de gouvernance telles que le conseil d’administration et les responsables de la conformité.
  • Amélioration de la surveillance des transactions et des clients en renforçant les règles de surveillance des transactions, en actualisant les modèles d’enquête et les listes de contrôle, et en intégrant l’apprentissage automatique afin d’assurer une optimisation continue.
  • Mise à jour du processus d’évaluation des risques à l’échelle de l’organisation.
  • Mise en œuvre de mesures rigoureuses de contrôle préalable des clients selon une approche fondée sur les risques en ciblant par exemple des fabricants, des sociétés de transport, des négociants en marchandises et des importateurs et exportateurs mondiaux.
  • Mise en place d’une formation continue et ciblée destinée à la fonction conformité et portant sur les éléments à surveiller.

Conclusion

Bien que les tarifs puissent comporter des avantages sur le plan des politiques économiques, ils présentent également des risques en ouvrant la voie à l’usage de stratagèmes de blanchiment d’argent fondés sur le commerce. Grâce à une surveillance rigoureuse, à l’apprentissage et à une collaboration étroite, les entreprises et les autorités peuvent unir leurs efforts afin de lutter contre le blanchiment d’argent, afin que les échanges commerciaux servent à leur fin prévue, c’est‑à‑dire à titre de force influant positivement sur l’économie.

La lutte contre le blanchiment d’argent et le crime organisé exige un effort collectif. En comprenant les mécanismes en jeu et en restant vigilants face aux abus potentiels, nous pouvons contribuer à protéger le système financier du Canada et à préserver l’intégrité des pratiques commerciales.

Résumé

L’analyse des liens existant entre les tarifs et le blanchiment d’argent met en évidence la manière dont les tarifs peuvent favoriser les activités financières illicites. Les criminels utilisent différents stratagèmes pour contourner les tarifs, notamment les fausses déclarations, les expéditions fictives et le classement inapproprié des marchandises. Les tarifs peuvent avoir des conséquences inattendues susceptibles de compromettre le commerce international et l’intégrité financière. Il faut insister sur l’importance de la vigilance au sein des organisations et exercer des pressions pour qu’elles renforcent la surveillance de la conformité et collaborent avec leurs partenaires afin de lutter efficacement contre le blanchiment d’argent. Au bout du compte, un effort collectif doit être mené pour maintenir l’intégrité des pratiques commerciales et protéger le système financier du Canada.

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