L’engouement croissant pour l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA), surtout attribuable aux progrès réalisés dans ce domaine et aux solutions d’IA générative bien connues qui sont accessibles au public, représente une occasion d’une vaste portée pour le secteur des soins de santé au Canada.
L’utilisation potentielle de l’IA dans le secteur des soins de santé a déjà suscité l’enthousiasme par le passé, mais une combinaison de facteurs en pleine évolution pourrait finalement favoriser l’adoption et l’intégration des solutions d’IA de façon plus significative et durable dans l’ensemble du secteur.
Les mesures que prendront les organismes de santé canadiens pour exploiter le potentiel de cette technologie pourraient libérer des possibilités qui définiront le secteur et amélioreront les résultats en santé pendant de nombreuses années.
Pourquoi est‑ce un moment déterminant pour l’IA dans le secteur des soins de santé?
Le Canada connaît actuellement une véritable explosion du volume des données disponibles sur la santé. L’adoption croissante des dossiers de santé et dossiers médicaux électroniques et la prolifération des dispositifs intelligents favorisent de plus en plus le développement des solutions d’IA. Selon les estimations de l’International Data Corporation (IDC), le taux de croissance annuel composé des données sur la santé atteindra 36 %1 d’ici 2025.
Cette croissance considérable et rapide du volume des données disponibles sur la santé renforce notre capacité à entraîner des modèles d’IA complexes et à générer de nouvelles connaissances et solutions.
Cela est d’autant plus vrai étant donné le degré croissant de perfectionnement des technologies de stockage et d’intégration des données. Par le passé, l’unification et l’intégration, à des fins d’apprentissage automatique, de données de sources disparates, comme les dossiers de santé électroniques, les systèmes d’archivage et de transmission d’images, les solutions de laboratoire et les appareils médicaux, constituaient un défi pour le secteur des soins de santé du Canada et les développeurs en IA.
Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Des solutions d’intégration permettent maintenant de réduire les silos de données et de regrouper les données des patients pour développer des solutions d’IA novatrices. Par exemple, la technologie du tissu de données utilise les métadonnées, c’est‑à‑dire des données sur les données, pour unifier, harmoniser et gérer les données sur les soins de santé structurées et non structurées au sein d’une architecture commune.
Appliqués dans un contexte plus large, ces développements ne font qu’accroître l’influence potentielle de l’IA dans l’ensemble du secteur. Les solutions d’IA citoyenne disponibles prolifèrent, donnant ainsi accès à des solutions sans code ou à faible code qui mettent la puissance de l’IA à la portée de tous les utilisateurs, peu importe leurs compétences techniques et non techniques. Cette évolution favorise également l’utilisation généralisée de l’IA au sein des organismes de santé, des chercheurs jusqu’aux dirigeants, ainsi que le virage vers un système de santé axé sur la prévention.
Tout cela augure bien pour l’application de l’IA dans les processus de soins de santé en cette ère postpandémique où les Canadiens sont impatients d’adopter l’IA dans diverses sphères de la société. Selon une étude, 38 % des Canadiens déclarent avoir été en contact avec une application d’IA ou en avoir utilisé une personnellement. Qui plus est, environ 36 % des Canadiens ont utilisé ChatGPT2. Parallèlement, des chercheurs ont déjà pu observer que les réponses de ChatGPT à des questions posées par des patients sur un forum de médias sociaux recevaient de bien meilleures notes en termes de qualité et d’empathie que celles de vrais médecins3. Les organisations doivent toutefois prendre en compte les limites et les risques de l’utilisation de ces technologies, comme la possibilité que les informations les plus récentes sur certains plans de traitement ne soient pas disponibles étant donné que la base de connaissances de certains systèmes de ChatGPT date d’au moins un an.
Cette ouverture de plus en plus grande à l’IA constitue une bonne nouvelle pour l’adoption des solutions qui en tirent parti dans le secteur des soins de santé au Canada. Grâce au regroupement de technologies améliorées de stockage et d’intégration des données, conjugué aux avancées en IA et à la volonté des Canadiens d’adopter l’IA, le secteur des soins de santé au Canada est en mesure de déployer l’IA de manière à avoir une incidence profonde sur les résultats en santé, ainsi que sur les patients et les praticiens qui font vivre le système.
Comment l’IA peut‑elle avoir une influence positive sur les soins de santé au Canada?
Dans l’ensemble du secteur, les organismes de santé intègrent déjà les solutions d’IA dans les processus cliniques.
Unity Health Toronto exploite plus de 30 modèles d’IA au quotidien, dont son très efficace algorithme CHARTWatch qui permet d’identifier les patients dont l’état clinique présente un risque élevé de détérioration, comme le décès ou l’admission aux soins intensifs, et de signaler aux équipes médicales qu’ils nécessitent leur intervention. Selon l’évaluation finale de cet outil, le modèle a permis de réduire de 20 % la mortalité au sein du service médical où il a été déployé, ce qui a donné lieu à une baisse importante du taux de mortalité des patients.
Également à Toronto, le Réseau universitaire de santé a créé un pôle d’IA (AI Hub). Ce centre de collaboration vise à augmenter l’intelligence humaine en faisant continuellement progresser les technologies d’IA et en accélérant leur mise en œuvre afin d’améliorer les flux de travail cliniques et les résultats pour les patients. Depuis septembre 2023, AI Hub a généré des solutions innovantes, comme Surgical Go‑No‑Go, un système de navigation chirurgicale en temps réel tirant parti de la vision par ordinateur qui est utilisé par les chirurgiens pendant les opérations. Cette solution permet d’éviter les complications et d’optimiser les résultats des chirurgies.
Autre exemple : Medly, une nouvelle plateforme thérapeutique numérique pour la gestion de l’insuffisance cardiaque qui permet de réduire de 50 % le taux de réhospitalisation. L’IA a permis d’améliorer la capacité de l’algorithme à détecter plus efficacement la décompensation chez les patients à domicile, permettant ainsi au personnel hospitalier d’intervenir plus rapidement.
Un partenariat entre l’Institut Vecteur pour l’intelligence artificielle et Unity Health Toronto a mené à la création du projet GEMINI, une ressource centralisée, riche des données anonymisées des patients de plus de 30 hôpitaux ontariens, qui a été normalisée et optimisée pour favoriser les découvertes au moyen de l’IA et de l’apprentissage automatique. Les chercheurs de l’Institut Vecteur utilisent ces données pour effectuer des études de recherche novatrices, notamment pour le développement de technologies de renforcement de la confidentialité de pointe. De plus, dans le cadre d’un partenariat entre l’Institut Vecteur et Jeunesse, J’écoute, le traitement du langage naturel (TLN) est utilisé pour permettre au personnel de première ligne de cet organisme d’adapter son vocabulaire, ses expressions et ses schémas d’élocution à ceux des jeunes pour leur offrir des services et des ressources plus précis.
D’autres initiatives tout aussi prometteuses voient le jour à l’Hôpital pour enfants malades (SickKids) de Toronto. L’établissement a mis sur pied le programme AIM (AI in Medicine for Kids) visant la création de solutions d’IA ciblées qui améliorent les résultats et la prestation des soins aux enfants.
Ces initiatives, conjuguées à bien d’autres qui prennent forme à l’échelle nationale, ouvrent la voie à un nombre sans cesse croissant de possibilités. Cela dit, les fournisseurs de soins de santé, les organismes de santé et les ministères de la Santé qui souhaitent passer à l’IA ont beaucoup d’éléments à prendre en considération.
Quels éléments doivent retenir l’attention des organismes de santé canadiens pour déployer les solutions d’IA à grande échelle de façon sécuritaire?
Six aspects doivent principalement retenir l’attention des organismes de santé canadiens qui amorcent leur déploiement de l’IA. Cela les aidera à établir la base de données solide qui est la condition préalable au développement et au déploiement de toute solution d’IA, puis à créer une stratégie d’IA globale faisant le lien entre les cas d’utilisation et le développement ainsi qu’un modèle opérationnel pour assurer l’adoption de l’IA à l’échelle de l’organisation.
1. Garder les questions de réglementation et de développement éthique de l’IA au premier plan
Les organisations du secteur des soins de santé connaissent bien la réglementation visant la protection des données et des renseignements sur les malades, comme la Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (Ontario). Pour tirer le meilleur parti possible de l’IA, elles doivent également établir une stratégie proactive pour donner confiance dans l’IA. Bien qu’elle permette d’améliorer l’efficacité et les résultats sur le plan clinique, l’IA peut également réduire la précision des prédictions pour les groupes minoritaires et entraîner des inégalités en matière d’accès aux soins4.
Les organisations doivent agir de façon proactive pour adopter et mettre en œuvre des pratiques qui suscitent la confiance des fournisseurs et des patients dans l’IA. Elles doivent consulter des sources fiables, comme la trousse d’outils pour la mise en œuvre de l’IA de l’Institut Vecteur ou les lignes directrices du gouvernement du Canada, pour bien comprendre les considérations éthiques liées à l’IA et les prioriser.
Bien qu’ils doivent continuer de respecter la réglementation applicable dans un contexte réglementaire en constante évolution, les organismes de santé canadiens peuvent également fonder leurs pratiques de développement éthique de l’IA sur des normes et des règlements internationaux, comme la norme ISO 42001, Système de management de l’intelligence artificielle, ou le cadre de gestion des risques liés à l’IA du NIST.
Les organisations du monde s’affairent à élaborer leur propre cadre d’IA responsable pour guider leur réflexion sur le développement, le déploiement et l’utilisation de l’IA de façon responsable. Par exemple, EY a établi son propre cadre de l’IA responsable ayant comme principaux piliers la conception réfléchie, la gouvernance agile et la supervision vigilante des processus et des risques tout au long du cycle de développement et d’utilisation de l’IA.
Le cadre de l’IA responsable d’EY s’articule autour des neuf principes suivants :
- Responsabilité
- Explicabilité
- Fiabilité
- Équité
- Transparence
- Sécurité
- Conformité
- Développement durable
- Protection des données