Professionnelle de la santé utilisant un outil d’IA

Six façons d’optimiser les avantages de l’IA dans le secteur des soins de santé au Canada

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Les mesures que prendront les organismes de santé pour exploiter le potentiel de l’IA générative pourraient libérer des possibilités qui transformeront le secteur.


En bref

  • Le moment est venu d’envisager comment le déploiement de l’IA dans le secteur pourrait influencer les résultats en santé.
  • L’équipe d’EY recommande de prendre en considération six aspects clés pour développer et déployer l’IA de façon éthique.

L’engouement croissant pour l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA), surtout attribuable aux progrès réalisés dans ce domaine et aux solutions d’IA générative bien connues qui sont accessibles au public, représente une occasion d’une vaste portée pour le secteur des soins de santé au Canada.

L’utilisation potentielle de l’IA dans le secteur des soins de santé a déjà suscité l’enthousiasme par le passé, mais une combinaison de facteurs en pleine évolution pourrait finalement favoriser l’adoption et l’intégration des solutions d’IA de façon plus significative et durable dans l’ensemble du secteur.

Les mesures que prendront les organismes de santé canadiens pour exploiter le potentiel de cette technologie pourraient libérer des possibilités qui définiront le secteur et amélioreront les résultats en santé pendant de nombreuses années.

Pourquoi est‑ce un moment déterminant pour l’IA dans le secteur des soins de santé?

Le Canada connaît actuellement une véritable explosion du volume des données disponibles sur la santé. L’adoption croissante des dossiers de santé et dossiers médicaux électroniques et la prolifération des dispositifs intelligents favorisent de plus en plus le développement des solutions d’IA. Selon les estimations de l’International Data Corporation (IDC), le taux de croissance annuel composé des données sur la santé atteindra 36 %1 d’ici 2025.

Cette croissance considérable et rapide du volume des données disponibles sur la santé renforce notre capacité à entraîner des modèles d’IA complexes et à générer de nouvelles connaissances et solutions.

Cela est d’autant plus vrai étant donné le degré croissant de perfectionnement des technologies de stockage et d’intégration des données. Par le passé, l’unification et l’intégration, à des fins d’apprentissage automatique, de données de sources disparates, comme les dossiers de santé électroniques, les systèmes d’archivage et de transmission d’images, les solutions de laboratoire et les appareils médicaux, constituaient un défi pour le secteur des soins de santé du Canada et les développeurs en IA.

Ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Des solutions d’intégration permettent maintenant de réduire les silos de données et de regrouper les données des patients pour développer des solutions d’IA novatrices. Par exemple, la technologie du tissu de données utilise les métadonnées, c’est‑à‑dire des données sur les données, pour unifier, harmoniser et gérer les données sur les soins de santé structurées et non structurées au sein d’une architecture commune.

Appliqués dans un contexte plus large, ces développements ne font qu’accroître l’influence potentielle de l’IA dans l’ensemble du secteur. Les solutions d’IA citoyenne disponibles prolifèrent, donnant ainsi accès à des solutions sans code ou à faible code qui mettent la puissance de l’IA à la portée de tous les utilisateurs, peu importe leurs compétences techniques et non techniques. Cette évolution favorise également l’utilisation généralisée de l’IA au sein des organismes de santé, des chercheurs jusqu’aux dirigeants, ainsi que le virage vers un système de santé axé sur la prévention.

Tout cela augure bien pour l’application de l’IA dans les processus de soins de santé en cette ère postpandémique où les Canadiens sont impatients d’adopter l’IA dans diverses sphères de la société. Selon une étude, 38 % des Canadiens déclarent avoir été en contact avec une application d’IA ou en avoir utilisé une personnellement. Qui plus est, environ 36 % des Canadiens ont utilisé ChatGPT2. Parallèlement, des chercheurs ont déjà pu observer que les réponses de ChatGPT à des questions posées par des patients sur un forum de médias sociaux recevaient de bien meilleures notes en termes de qualité et d’empathie que celles de vrais médecins3. Les organisations doivent toutefois prendre en compte les limites et les risques de l’utilisation de ces technologies, comme la possibilité que les informations les plus récentes sur certains plans de traitement ne soient pas disponibles étant donné que la base de connaissances de certains systèmes de ChatGPT date d’au moins un an.

Cette ouverture de plus en plus grande à l’IA constitue une bonne nouvelle pour l’adoption des solutions qui en tirent parti dans le secteur des soins de santé au Canada. Grâce au regroupement de technologies améliorées de stockage et d’intégration des données, conjugué aux avancées en IA et à la volonté des Canadiens d’adopter l’IA, le secteur des soins de santé au Canada est en mesure de déployer l’IA de manière à avoir une incidence profonde sur les résultats en santé, ainsi que sur les patients et les praticiens qui font vivre le système.

Comment l’IA peut‑elle avoir une influence positive sur les soins de santé au Canada?

Dans l’ensemble du secteur, les organismes de santé intègrent déjà les solutions d’IA dans les processus cliniques.

Unity Health Toronto exploite plus de 30 modèles d’IA au quotidien, dont son très efficace algorithme CHARTWatch qui permet d’identifier les patients dont l’état clinique présente un risque élevé de détérioration, comme le décès ou l’admission aux soins intensifs, et de signaler aux équipes médicales qu’ils nécessitent leur intervention. Selon l’évaluation finale de cet outil, le modèle a permis de réduire de 20 % la mortalité au sein du service médical où il a été déployé, ce qui a donné lieu à une baisse importante du taux de mortalité des patients.

Également à Toronto, le Réseau universitaire de santé a créé un pôle d’IA (AI Hub). Ce centre de collaboration vise à augmenter l’intelligence humaine en faisant continuellement progresser les technologies d’IA et en accélérant leur mise en œuvre afin d’améliorer les flux de travail cliniques et les résultats pour les patients. Depuis septembre 2023, AI Hub a généré des solutions innovantes, comme Surgical Go‑No‑Go, un système de navigation chirurgicale en temps réel tirant parti de la vision par ordinateur qui est utilisé par les chirurgiens pendant les opérations. Cette solution permet d’éviter les complications et d’optimiser les résultats des chirurgies.

Autre exemple : Medly, une nouvelle plateforme thérapeutique numérique pour la gestion de l’insuffisance cardiaque qui permet de réduire de 50 % le taux de réhospitalisation. L’IA a permis d’améliorer la capacité de l’algorithme à détecter plus efficacement la décompensation chez les patients à domicile, permettant ainsi au personnel hospitalier d’intervenir plus rapidement.

Un partenariat entre l’Institut Vecteur pour l’intelligence artificielle et Unity Health Toronto a mené à la création du projet GEMINI, une ressource centralisée, riche des données anonymisées des patients de plus de 30 hôpitaux ontariens, qui a été normalisée et optimisée pour favoriser les découvertes au moyen de l’IA et de l’apprentissage automatique. Les chercheurs de l’Institut Vecteur utilisent ces données pour effectuer des études de recherche novatrices, notamment pour le développement de technologies de renforcement de la confidentialité de pointe. De plus, dans le cadre d’un partenariat entre l’Institut Vecteur et Jeunesse, J’écoute, le traitement du langage naturel (TLN) est utilisé pour permettre au personnel de première ligne de cet organisme d’adapter son vocabulaire, ses expressions et ses schémas d’élocution à ceux des jeunes pour leur offrir des services et des ressources plus précis.

D’autres initiatives tout aussi prometteuses voient le jour à l’Hôpital pour enfants malades (SickKids) de Toronto. L’établissement a mis sur pied le programme AIM (AI in Medicine for Kids) visant la création de solutions d’IA ciblées qui améliorent les résultats et la prestation des soins aux enfants.

Ces initiatives, conjuguées à bien d’autres qui prennent forme à l’échelle nationale, ouvrent la voie à un nombre sans cesse croissant de possibilités. Cela dit, les fournisseurs de soins de santé, les organismes de santé et les ministères de la Santé qui souhaitent passer à l’IA ont beaucoup d’éléments à prendre en considération.

Quels éléments doivent retenir l’attention des organismes de santé canadiens pour déployer les solutions d’IA à grande échelle de façon sécuritaire?

Six aspects doivent principalement retenir l’attention des organismes de santé canadiens qui amorcent leur déploiement de l’IA. Cela les aidera à établir la base de données solide qui est la condition préalable au développement et au déploiement de toute solution d’IA, puis à créer une stratégie d’IA globale faisant le lien entre les cas d’utilisation et le développement ainsi qu’un modèle opérationnel pour assurer l’adoption de l’IA à l’échelle de l’organisation.

1.    Garder les questions de réglementation et de développement éthique de l’IA au premier plan

Les organisations du secteur des soins de santé connaissent bien la réglementation visant la protection des données et des renseignements sur les malades, comme la Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (Ontario). Pour tirer le meilleur parti possible de l’IA, elles doivent également établir une stratégie proactive pour donner confiance dans l’IA. Bien qu’elle permette d’améliorer l’efficacité et les résultats sur le plan clinique, l’IA peut également réduire la précision des prédictions pour les groupes minoritaires et entraîner des inégalités en matière d’accès aux soins4.

Les organisations doivent agir de façon proactive pour adopter et mettre en œuvre des pratiques qui suscitent la confiance des fournisseurs et des patients dans l’IA. Elles doivent consulter des sources fiables, comme la trousse d’outils pour la mise en œuvre de l’IA de l’Institut Vecteur ou les lignes directrices du gouvernement du Canada, pour bien comprendre les considérations éthiques liées à l’IA et les prioriser.

Bien qu’ils doivent continuer de respecter la réglementation applicable dans un contexte réglementaire en constante évolution, les organismes de santé canadiens peuvent également fonder leurs pratiques de développement éthique de l’IA sur des normes et des règlements internationaux, comme la norme ISO 42001, Système de management de l’intelligence artificielle, ou le cadre de gestion des risques liés à l’IA du NIST.

Les organisations du monde s’affairent à élaborer leur propre cadre d’IA responsable pour guider leur réflexion sur le développement, le déploiement et l’utilisation de l’IA de façon responsable. Par exemple, EY a établi son propre cadre de l’IA responsable ayant comme principaux piliers la conception réfléchie, la gouvernance agile et la supervision vigilante des processus et des risques tout au long du cycle de développement et d’utilisation de l’IA.

Le cadre de l’IA responsable d’EY s’articule autour des neuf principes suivants :

  • Responsabilité
  • Explicabilité
  • Fiabilité
  • Équité
  • Transparence
  • Sécurité
  • Conformité
  • Développement durable
  • Protection des données
Graphique 1

De même, les organismes de santé doivent déterminer quel cadre leur convient et définir les principes de base qui permettent de développer, de déployer et d’utiliser l’IA de façon responsable au sein de leur organisation.

2.   Établir des bases de données fiables et les renforcer

Pour favoriser la confiance dans vos programmes d’IA, vous devez d’abord inspirer confiance par votre façon de gérer les données. Il faut pour cela prioriser le consentement éclairé et l’engagement de la collectivité. Vous devez consulter les groupes minoritaires et les communautés autochtones dès le départ, en les faisant participer aux processus décisionnels concernant l’utilisation des données sur leur santé.

La gestion communautaire des données, la propriété individuelle des données et l’accès aux données constituent les principes clés communs d’un ensemble de cadres qui, collectivement, servent à orienter les normes d’équité en matière de données sur la santé5.

 Examinez les Principes de propriété, de contrôle, d’accès et de possession (PCAP) des Premières Nations du Canada, le Cadre d’engagement, de gouvernance, d’accès et de protection (EGAP) et le cadre de l’IA responsable d’EY pour approfondir votre réflexion sur ces priorités.

3.   Relier les ensembles de données et concevoir l’architecture de la plateforme de données

On ne doit pas développer de solutions d’IA sans tenir compte de l’infrastructure et du cadre de gestion des données de l’organisation. Pour assurer l’efficacité de la conception, du déploiement et de l’adoption des solutions d’IA, la réussite passe par une stratégie d’harmonisation des capacités d’intégration et de stockage des données. On peut notamment s’appuyer sur la technologie susmentionnée de tissu de données pour regrouper des ensembles de données disparates, ou utiliser diverses solutions à des fins d’exploration, de suivi de la traçabilité, de partage sécurisé et d’anonymisation des données.

En mettant d’abord l’accent sur la gestion proactive des données et l’utilisation d’une technologie porteuse pour les regrouper et les utiliser, on crée les conditions propices à une expansion rapide des modèles d’IA dans l’ensemble des services d’une organisation.

En outre, les organismes de santé canadiens doivent également prêter attention à la provenance et à la propriété des données, idéalement en déterminant des ensembles de données qui peuvent être utilisées à des fins de développement, de formation et de test pour les solutions d’IA, par opposition aux données qui ne doivent pas être utilisées (c.‑à‑d. les données pour lesquelles le consentement de la personne concernée n’a pas été obtenu, les données intégrant des partis pris historiques, etc.).

4. Définir clairement la stratégie d’IA

À l’avenir, l’évolution dans le secteur de la santé dépendra des informations issues de l’IA servant à harmoniser les soins et l’utilisation des données avec les services de santé en tenant compte des déterminants sociaux et des ensembles de données générées par les patients pour améliorer la qualité des soins.

Alors que les organisations font face aux défis qu’engendre la réalisation de cette vision, certaines questions clés doivent être posées. Par exemple :

  • Quels seront les investissements que l’organisation devra effectuer pour déployer et tester les solutions d’IA, étant donné que des investissements importants pourraient être rendus obsolètes par le rythme des avancées technologiques, en particulier en ce qui concerne le développement de prototypes?
  • La solution peut‑elle être utilisée à une plus grande échelle grâce à des données représentatives pouvant être généralisées à d’autres maladies, groupes de populations ou milieux de soins?
  • Comment l’organisation choisira‑t‑elle les différents modèles à adopter parmi cette multitude de nouvelles solutions d’IA et d’apprentissage automatique qui ne cessent d’apparaître chaque jour et comment décidera‑t‑elle avec quels fournisseurs de technologies s’associer?

Les équipes d’EY utilisent le modèle d’évaluation de la maturité EY.ai pour aider les organisations à visualiser l’état de maturité cible de l’IA selon sept dimensions, évaluer le degré d’adoption actuel de l’IA et donner aux dirigeants une vision claire de leurs capacités actuelles par rapport à l’état futur cible. Ce modèle favorise la planification stratégique pour combler les lacunes de l’IA et l’élaboration d’une feuille de route efficace en matière d’IA.

Graphique 2

L’importance qu’une organisation prévoit accorder au développement et à l’utilisation de l’IA a des répercussions importantes sur la rigueur qu’elle devra appliquer à la gestion des risques et à la gouvernance de la technologie. En bref, pour assurer l’évolutivité et la pérennité de son programme d’IA, l’organisation devra s’assurer de disposer de ressources suffisantes pour en permettre une utilisation responsable.

Un organisme de santé déjà aux prises avec des ressources très limitées aura besoin d’une stratégie d’IA responsable et alignée sur l’ensemble de ses stratégies numériques et commerciales. De plus, en l’absence d’un programme d’IA responsable suffisamment évolué, l’organisme court le risque de propager des partis pris du passé, exacerbant ainsi les inégalités en matière de santé qui touchent certains groupes minoritaires.

5.   Identifier et sélectionner les cas d’utilisation de l’IA

Pour bien amorcer leur processus de déploiement de l’IA, les organisations du secteur des soins de santé doivent sélectionner soigneusement les aspects à prioriser, comme les activités cliniques ou administratives, dont les fonctions de soutien. Une priorisation proactive des investissements dans ce domaine permet d’établir un ensemble équilibré de cas d’utilisation qui est directement aligné sur les besoins des patients, des fournisseurs, de l’administrateur des soins de santé et des chercheurs, ainsi que sur ceux de la population et du système de santé en général.

Voici quelques exemples de cas d’utilisation potentiels : 

Graphique 3

6.   Définir la culture et le modèle opérationnel à l’égard des données

La transformation par l’IA exige une solide culture à l’égard des données et une structure organisationnelle robuste, capable de s’adapter aux priorités. Il faut prendre les bonnes décisions dans ces domaines pour réussir le déploiement de l’IA, mais les choix à faire soulèvent certaines questions.

Par exemple :

  • L’organisation doit‑elle centraliser les équipes d’IA pour assurer la cohérence de la gouvernance ou élaborer un modèle reposant sur une architecture de réseau en étoile et fondé sur le partage des responsabilités entre les unités fonctionnelles?
  • Vaut‑il mieux créer un programme de formation interne pour le développement des compétences en IA, explorer divers modèles de services gérés pour les capacités rares ou envisager un modèle hybride?
  • Comment la responsabilité du processus décisionnel en matière d’IA est‑elle répartie au sein de l’organisation, et qui est responsable des considérations éthiques et des partis pris potentiels dans les extrants des systèmes d’IA?
  • Dans le cadre d’une collaboration avec un tiers, est‑il approprié de lui communiquer des données sensibles pour améliorer l’efficacité et l’exactitude du modèle?

Les réponses sont profondément ancrées dans la stratégie et les valeurs d’une organisation à l’égard de l’IA. Pour bien composer avec ces défis, l’organisation doit établir un nouveau mode de fonctionnement dans lequel la littératie du personnel en matière de données et une culture décisionnelle axée sur les données occupent toujours l’avant‑plan.


Résumé

Ne nous méprenons pas : l’IA a la capacité de transformer le secteur des soins de santé et c’est ce qu’elle fera. L’IA jouera un rôle de plus en plus essentiel pour aider les organisations à relever les défis complexes posés par le dépistage des maladies et la personnalisation des traitements. Les avancées dans l’apprentissage automatique, le traitement du langage naturel, la vision par ordinateur, l’IA générative et les plateformes de données à l’appui de ces technologies sont à l’origine d’un changement de paradigme dans la prestation des soins aux patients, l’affectation des ressources en santé et la recherche clinique. Ce changement de paradigme est source de possibilités et de nouveaux défis en lien avec la confidentialité des données, les biais algorithmiques et les normes réglementaires. Six principes fondamentaux devraient guider chaque étape du développement et du déploiement de solutions d’IA responsables dans le secteur des soins de santé. 


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