Infirmières parlant avec une médecin tout en regardant une tablette numérique.

Que répondrez‑vous aux cliniciens qui tirent la sonnette d’alarme à propos des modèles de prestation de soins non viables?

Dans l’étude EY Global Voices in Health Care Study, des cliniciens réclament des modèles qui accordent la priorité aux patients sans compromettre la qualité de vie.


En bref

  • Selon les entrevues réalisées par EY, la sécurité des patients et le manque d’autonomie sont les principales raisons invoquées par les cliniciens pour expliquer pourquoi ils quitteraient la médecine.
  • Pour améliorer les résultats, les systèmes de santé doivent s’assurer que les cliniciens de première ligne obtiennent des informations exploitables à partir des données qu’ils recueillent sur les patients tout au long de la journée.
  • En proposant des modèles de soins hybrides reposant sur le numérique, les entreprises peuvent accroître les soins préventifs et permettre aux cliniciens de consacrer plus de temps aux patients, tout en leur assurant une plus grande autonomie.

Les modèles actuels de prestation de soins reposent sur l’idée que les cliniciens continueront à travailler comme ils l’ont fait pendant des générations, c’est‑à‑dire : pendant de longues heures, souvent sur appel et sans être rémunérés pour la documentation qu’ils préparent et pour la formation qu’ils donnent aux nouveaux médecins et aux infirmières. Entre‑temps, les travailleurs de la santé ont été sensibilisés à l’importance de l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle. Souvent portés par une mission, les cliniciens souhaitent obtenir de meilleurs résultats et améliorer l’expérience pour leurs patients et pour eux‑mêmes.

Afin de mieux comprendre les causes de la pénurie de main‑d’œuvre dans le secteur des soins de santé, de faire la lumière sur les meilleures pratiques et de connaître le point de vue des cliniciens de première ligne, les équipes d’EY ont réalisé plus de 100 entrevues de fond auprès de cliniciens et de cadres du secteur de la santé dans 11 pays. Les cliniciens comprenaient des travailleurs de la santé responsables d’administrer des soins quotidiens aux patients, notamment des médecins, des infirmières, des infirmières praticiennes et des auxiliaires médicaux.

Les cliniciens interviewés dans le cadre de l’étude EY Global Voices in Health Care Study 2023 (PDF) ont indiqué en détail les principaux facteurs qui les amènent à envisager de quitter la profession : le manque d’autonomie ou de contrôle (42 %), la charge de travail (38 %) ainsi que le préjudice moral et les inquiétudes concernant la sécurité des patients (27 %). 

Un décalage entre les cliniciens et les perspectives du système de la santé

Aux prises avec un afflux de patients extrêmement malades, des difficultés financières et la montée en flèche des coûts de main‑d’œuvre, les cadres du système de la santé ont eu tendance à mettre l’accent sur la rémunération pour répondre à la pénurie de main‑d’œuvre (39 %), à s’assurer que les cliniciens exerçaient à plein rendement dans le respect des limites établies par leur permis (33 %), à proposer des initiatives de formation et à offrir des avantages en matière de bien‑être (22 %).

Certains cliniciens ont déclaré lors des entrevues se réjouir de l’attention accrue portée à la pleine conscience et à la santé mentale, mais lorsqu’on leur a demandé quels changements devaient être apportés au système de santé, ils ont répondu qu’il fallait avant tout consacrer davantage d’efforts à la prévention, mettre en place de meilleurs ratios de personnel et accroître la flexibilité.

Les cliniciens de plusieurs pays ont raconté ne pas être en mesure de fournir les soins qu’ils jugent nécessaires à leurs patients, et les voir ensuite circuler dans le système de santé de manière inefficace, sans qu’on aborde la cause première de la maladie ni qu’on tente de prévenir la crise.

Source : Réseau mondial EY


Comment un examen plus approfondi de ses politiques a‑t‑il permis à un système de santé de faire en sorte que les infirmières consacrent plus de temps aux patients

Afin de libérer du temps pour les infirmières débordées pendant la pandémie, les dirigeants du réseau des centres hospitaliers universitaires de Cleveland ont invité un groupe de 50 infirmières de première ligne et d’infirmières gestionnaires à une séance de remue‑méninges. Peter Pronovost, responsable de la qualité et de la transformation pour le réseau des centres hospitaliers universitaires, a expliqué que le groupe s’est penché sur les tâches qu’on pouvait éliminer et celles que la technologie pouvait automatiser. Le groupe s’est aussi demandé quelles tâches pouvaient être externalisées, comme la mise en place d’une infirmière chargée uniquement des admissions qui travaillerait à distance. En dernier lieu, le groupe s’est posé la question suivante : « Quelles tâches sont sacrées et doivent être effectuées sur place au chevet du malade? »

« Nous avons demandé aux infirmières d’indiquer des politiques pour lesquelles le fardeau excède les avantages. Puis, nous avons examiné le nombre de fois que cette situation se produisait et le temps que cela représentait. Nous avons modifié environ 70 politiques. Cependant, nous avons découvert que ces politiques sont liées à 2 000 modèles d’ordonnances », a indiqué le Dr Pronovost. Grâce à cet exercice, le système de santé a été en mesure de libérer environ 30 % du temps des infirmières pour qu’elles puissent se concentrer sur les patients. Le système de santé travaille également avec les Centres for Medicare et Medicaid Services aux États‑Unis afin de réduire le nombre de politiques contraignantes.

Par ailleurs, l’équipe a constaté que les infirmières consacraient 24 % de leur temps à chercher du matériel durant leur quart de travail. Une application permettant aux infirmières de chercher le matériel qu’elles utilisent le plus souvent a été mise en place par le système de santé. « L’application indique instantanément où se trouve le matériel le plus proche. Ainsi, le temps nécessaire pour trouver du matériel est passé de 32 minutes à deux minutes, ce qui représente une économie de temps incroyable. »

La transformation numérique jouera un rôle important dans la résolution de problèmes, mais l’opinion des cliniciens est essentielle

Les organisations du secteur de la santé peuvent profiter de la transformation numérique pour éliminer les obstacles auxquels se heurtent quotidiennement les cliniciens.

 

« Le numérique est considéré comme un centre de coûts, et non comme un centre de valeur », déclare Rachel Dunscombe, chef de la direction d’OpenEHR, qui a beaucoup travaillé à la création de programmes cliniques numériques notamment pour le National Health Service (NHS) d’Angleterre. « Nous devons vraiment redéfinir le numérique comme un modèle opérationnel qui permet d’accroître la productivité tout en gardant nos cliniciens beaucoup plus heureux dans leur travail. » 

 

Lors des entrevues avec les professionnels d’EY, les cliniciens ont affirmé apprécier certains outils numériques mis en place, en particulier les logiciels de dictée vocale et les outils qui leur permettent de visualiser des images, des radiographies ou des dossiers médicaux à distance. Cependant, ils n’apprécient pas les applications et plateformes cloisonnées qui les obligent à se connecter plusieurs fois par patient et demandent à ce que les informations dont ils ont besoin soient plus facilement accessibles à partir des dossiers de santé informatisés. Encore méfiants à l’égard de ces dossiers et découragés par leurs innombrables cases à cocher, les cliniciens se montrent davantage sceptiques que les cadres quant au rôle de la technologie dans l’évolution du modèle de prestation de soins. 

 

Les coûts liés à l’absence de stratégies numériques permettant d’attirer et de maintenir en poste les cliniciens sont également élevés. Le coût pour remplacer un médecin qui quitte son emploi en raison d’un épuisement professionnel est estimé entre 500 000 $ US et 1 million $ US par médecin, une fois les coûts liés au recrutement et à l’accueil, les primes à la signature et les pertes de facturation pris en compte1.

 

Selon Mme Dunscombe, les systèmes de santé doivent permettre aux cliniciens de se familiariser avec la technologie et leur donner le temps de créer l’expérience qui leur convient. Elle ajoute également que « le manque d’outils permettant aux cliniciens d’analyser les données constitue un autre obstacle à la libération de la puissance des données sur la santé. L’une des choses les plus importantes que l’on puisse faire est de permettre aux cliniciens de comprendre la population. »

 

Aucun des cliniciens interrogés par les équipes d’EY n’a déclaré avoir accès à des informations analytiques sur ses patients. Les cliniciens se sont même dits frustrés par la quantité de données parfois trop importante et par leur incapacité à trouver l’information dont ils ont besoin. En fait, selon un récent rapport de la Banque mondiale, certains pays utiliseraient moins de 5 % des données sur les soins de santé pour améliorer la santé2.

Les organisations du secteur de la santé doivent adopter des modèles de soins hybrides reposant sur le numérique pour relever les défis constants en matière de main‑d’œuvre.

De nouveaux modèles qui intègrent de manière transparente les soins à distance et les soins en milieu hospitalier peuvent contribuer à réduire la demande de soins, à accroître les soins préventifs et à améliorer l’expérience des patients et des cliniciens. La connaissance des données peut aider à déterminer le moment, le lieu et le mode de soins appropriés pour les patients. Des options de triage virtuel et des soins primaires virtuels plus efficaces peuvent contribuer à réduire la charge de travail, tandis que des applications et des dispositifs intelligents de surveillance des patients à distance peuvent permettre des interventions basées sur les exceptions et aider à établir des points de contact plus réguliers avec les patients.

 

Voici six mesures clés qui aideront les cadres du milieu de la santé à adopter des modèles de soins hybrides reposant sur le numérique :

  1. Accorder la priorité au temps entre le clinicien et le patient.
    Les systèmes de santé doivent accorder une plus grande autonomie au clinicien, qui pourra assurer la gestion de ses patients et renforcer les relations avec eux.
  2. Activer les données recueillies par les cliniciens.
    Tout au long de la journée, les cliniciens recueillent des données sur leurs patients. En obtenant des informations exploitables à partir de ces données, les cliniciens sont à même d’améliorer les résultats et l’expérience.
  3. Élaborer des stratégies de communication plus précises et plus conviviales pour les consommateurs.
    Lorsque les patients sont en attente des résultats d’un test ou d’un rendez‑vous, le niveau d’anxiété peut grimper. Les stratégies de communication peuvent contribuer à calmer ces inquiétudes et à maintenir le lien avec l’organisme de santé dans les modèles de soins hybrides.
  4. Sensibiliser le public à la qualité des soins et au rôle qu’il joue dans ce domaine.
    Beaucoup s’accrochent encore à l’idée que les soins de qualité ne sont dispensés qu’à l’hôpital, grâce à l’accès instantané aux spécialistes. Comment les organisations du secteur de la santé peuvent‑elles aider le public à comprendre à quoi ressemblent les soins de grande qualité dans le cadre des modèles de soins hybrides? Les cliniciens ont également indiqué qu’il fallait en faire davantage pour mettre fin aux abus commis par les patients à l’égard des travailleurs de la santé et pour instaurer un climat de confiance.
  5. Recueillir des commentaires en temps réel de la part des employés.
    Les organisations du secteur de la santé ont besoin de mieux comprendre ce qui fonctionne pour les employés dans l’immédiat, afin d’abandonner ce qui ne fonctionne pas et d’éliminer toute politique contraignante ou tout avantage qui n’apportent aucune valeur ajoutée aux employés.
  6. Axer les stratégies en matière de talents sur le soutien à la transition vers de nouveaux modèles de soins reposant sur le numérique.
    À mesure que les systèmes de santé adopteront des modèles de soins préventifs et de soins à domicile, les services des ressources humaines devront être prêts à intégrer de nouveaux rôles qui seront nécessaires pour assurer la prestation des soins à domicile, comme les techniciens en santé grand public chargés de connecter les dispositifs de santé à domicile. Les systèmes de santé devront également collaborer avec les gouvernements et les systèmes d’éducation en vue d’accroître l’ensemble de compétences numériques et le bassin des intervenants cliniques.

Nous tenons à remercier tout particulièrement les personnes suivantes qui ont grandement contribué à l’étude EY Global Voices in Health Care Study 2023 : Crystal Yednak, analyste senior, Secteur mondial de la santé, EY; Aakanksha Kaul, analyste, Secteur des sciences de la santé et du mieux‑être, EY; et Risha Saxena, analyste, Secteur des sciences de la santé et du mieux‑être, EY.


Étude EY Global Voices in Health Care Study 2023

Les cliniciens réclament des modèles de prestation de soins leur permettant d’accorder la priorité aux patients sans compromettre leur qualité de vie.

Ce document est présenté dans sa langue originale de production.




Résumé

La principale priorité découlant de l’étude EY Global Voices in Health Care Study 2023 est l’adoption de modèles de soins hybrides reposant sur le numérique. Les organisations du secteur de la santé doivent adopter de nouveaux modèles de prestation de soins pour relever les défis constants en matière de main‑d’œuvre. Les modèles de soins hybrides intègrent de manière transparente les soins à distance et les soins en milieu hospitalier afin de réduire la demande de soins, d’accroître les soins préventifs et d’améliorer l’expérience des patients et des cliniciens.


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