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Deshnee Naidoo, ancienne cheffe de la direction de Vale Base Metals and Zinc International et de CMT Mines Australia pour Vedanta Limited, s’est récemment entretenue avec Theo Yameogo et a fait part de ses réflexions sur l’importance de la culture d’entreprise, de la diversité et des éléments à considérer par les sociétés minières pour rester pertinentes à mesure que les activités minières évoluent.

En tant que dirigeante de société minière chevronnée qui a travaillé sur plusieurs continents pour différents produits de base, pourriez‑vous nommer quelques points saillants du secteur que vous avez constatés au cours de votre carrière?

Bien sûr! Tout d’abord, le moment n’a jamais été aussi propice que maintenant pour le secteur minier. Il y a une demande sans précédent pour les métaux extraits au Canada, mais contrairement à tout autre essor que nous avons connu, il ne sera pas juste question de ce que nous faisons; l’essentiel résidera dans nos façons de faire.

Il y a un besoin accru chez les parties prenantes de s’assurer que le métal extrait du sol est conforme aux facteurs ESG et que l’approvisionnement est d’origine responsable. Il s’agit d’un défi pour les sociétés minières de non seulement redonner ce qui a été pris, mais aussi d’offrir une valeur accrue dans le processus.

Ayant travaillé au Canada pendant quelques années, je peux affirmer que ce pays est l’une des régions les plus favorables à l’exploitation minière, et qu’il est très bien placé pour répondre à cette demande inégalée – mais pour être chef de file, il doit améliorer sa compétitivité par rapport au reste du secteur minier mondial.

Bon nombre de pays considèrent le Canada comme le berceau des minéraux critiques. À votre avis, sommes-nous prêts à dominer ce marché? Sur quoi devrions‑nous axer nos efforts pour rester un chef de file en matière de minéraux critiques?

 

En ce qui a trait aux minéraux critiques, le Canada est très bien doté. La réserve de ressources dont nous disposons dans ce pays est sans pareille. Mentionnons également d’autres ressources comme l’accès à des sources d’énergie propre. Le Canada a été l’un des premiers pays à examiner les livres blancs sur les minéraux critiques et à montrer qu’il s’engageait à investir dans le cadre des budgets au cours des deux dernières années, avec le gouvernement et les principales parties prenantes comme les syndicats, démontrant ainsi un soutien considérable.

 

Cependant, la création d’un secteur des minéraux critiques unique au Canada doit reposer sur la compétitivité pour permettre de renforcer la résilience. La gestion des coûts sera cruciale, tout comme une collaboration plus efficace avec le gouvernement et les organismes de réglementation nous permettra de prioriser et d’approuver davantage de projets prêts à démarrer.

 

En plus de l’appui financier des projets miniers – ce qui n’est pas le cas dans bien d’autres parties du monde –, je souhaiterais qu’il y ait une répartition plus équitable de l’argent dans l’ensemble de la chaîne de valeur, qu’elle se fasse davantage en amont qu’en aval.

 

Au Canada, nous faisons souvent référence au secteur minier, mais il s’agit en fait de différents types de produits de base. Par exemple, la potasse n’est pas de l’or, et l’or n’est pas du lithium, du graphite, du nickel ou du cuivre. Que conseilleriez‑vous aux parties prenantes pour leur faire comprendre que l’argent équitable, non seulement en aval et en amont mais aussi dans le secteur minier, n’équivaut pas exactement à la même chose? 

 

Je réitère qu’il s’agit d’une période favorable aux mines. Selon les différentes phases, certains produits seront plus essentiels que d’autres au cours des deux prochaines décennies, mais chacun demeure essentiel. Le monde a besoin de tout ce que nous extrayons, de l’or au lithium, en passant par les minéraux critiques qui n’ont que la désignation.

 

On assiste à une course aux minéraux critiques en ce moment, et les équipementiers d’Amérique du Nord doivent réagir. Les sociétés minières, de concert avec le gouvernement, doivent s’assurer que tout le monde comprend qu’il y a suffisamment de métaux conformes aux facteurs ESG pour répondre à la demande. Il faut s’atteler à la tâche dès maintenant.

 

Parlons maintenant de productivité et des moyens de l’accroître. Des pays comme l’Australie améliorent leur productivité en favorisant l’automatisation des technologies. Quels leviers devront être utilisés pour rehausser la productivité au Canada?

 

Je pense qu’il faudrait se recentrer davantage sur l’amont. La majorité du travail difficile à accomplir dans l’ensemble de la chaîne de valeur réside dans l’extraction de tonnes de métaux. C’est là que nous devons investir; dans la technologie qui permet de sortir les gens d’environnements plus risqués ou dangereux et de déplacer le plus grand volume possible dans la chaîne de valeur.

 

Toutefois, un changement s’impose dans tous les domaines. S’il existe une meilleure façon de traiter ces matières, encore une fois, pour réduire l’empreinte écologique, la quantité de ressources que nous utilisons, il est impératif de l’adopter. Et quel que soit le cadre établi, les gens font toujours partie intégrante de la réussite. Notre façon de gérer les gens et la culture sera peut‑être même plus importante que de réinventer l’exploitation minière avec plus de technologies et d’améliorer la productivité.

Parlons des modèles de travail. Nous avons traversé la pandémie de COVID‑19, et pourtant, nous avons encore du mal à définir de nouveaux modèles de travail. Dans le secteur minier, nous faisons face à une complication supplémentaire, car nous avons deux dynamiques différentes : celle des sites miniers et celle du siège social. Quels conseils donneriez-vous sur les modèles de travail axés sur les talents qui permettront d’améliorer la productivité?

C’est une question complexe, mais tout à fait pertinente. Les gens, et pas seulement les talents, sont essentiels au succès du secteur. Cependant, nous avons perdu beaucoup de compétences. À bien des égards, la COVID a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Au sein du secteur, nous gérons habituellement cette question du point de vue de l’expansion et de la récession en prenant des décisions cycliques, ce qui n’est pas la bonne approche quand il s’agit des gens.

Nous avons prouvé que nous pouvons travailler selon un modèle hybride en effectuant certaines tâches à distance et d’autres de façon autonome. Donc, sans trop investir dans la technologie, nous pouvons maintenir un modèle hybride. Ce dernier nous permettra de créer des pôles de compétences concentrées qui appuient les aspects opérationnels. Nous tirerons également profit de partenariats, tant avec les équipementiers qu’avec les entrepreneurs.

Jusqu’à maintenant, le modèle hybride est toujours parti d’une volonté d’en faire l’essai, et c’est logique. Il y a là une occasion de réinventer ce à quoi devrait ressembler un modèle hybride approprié. D’établir quel travail devrait être fait à distance avec un partenaire ou quel travail requiert la création d’un centre d’excellence sur place. Il s’agit de repenser notre vision du secteur minier et il est temps de concevoir des rôles désignés pour des groupes auparavant marginalisés ou désavantagés.

Vous et moi sommes le fruit de l’application réussie d’une approche axée sur la DEI. Selon vous, quels sont les défis ou possibilités qui restent à saisir à cet égard?

Si vous me demandez si la DEI a fonctionné au Canada dans le secteur minier, je dirais oui. L’objectif consiste à faire en sorte que les sociétés minières reflètent davantage la société. Bien que nous n’ayons pas encore atteint la DEI, je peux affirmer que je l’ai favorisée activement pendant plus de dix ans. Et nous avons eu des discussions que je n’aurais jamais imaginées à la fin de mes études il y a vingt ans sur la déconstruction de mythes, de stéréotypes et de partis pris.

Nous avons réalisé des progrès. Le fait qu’une société minière au Canada soit prête à tenir ce genre de discussions qui étaient complètement taboues il y a des décennies a été très significatif pour moi, et a conduit à un changement de mentalité et à une culture plus inclusive à l’échelle du secteur.

Il semble s’agir d’une approche plus concrète relativement à la DEI. Les partenaires ont souvent plus de facilité à embaucher et à retenir des talents du secteur minier que les sociétés minières, alors les sociétés minières devraient prendre exemple sur leurs partenaires plutôt que d’essayer de régler la question elles‑mêmes.

Vous soulignez des points essentiels, à commencer par les raisons pour lesquelles les partenaires ont pu attirer du personnel doté de compétences clés pendant cette période. C’est attribuable au fait qu’après la COVID, les gens ont recherché la flexibilité, ce que les partenaires offrent. Pourquoi suis-je favorable à la flexibilité dans les partenariats?  Parce que je ne veux pas engager davantage de coûts fixes qu’il ne le faut. Le modèle de partenariat peut être symbiotique s’il est bien conçu.

En gardant en tête la DEI. J’ai connu un grand succès lorsque j’ai établi des mines en tenant compte de la diversité des genres. En Afrique du Sud, nous avons créé une mine comptant plus de 35 % de femmes, au milieu du Cap Nord, une région très éloignée. Cette conception permet de se rapprocher beaucoup plus du résultat voulu qu’une tentative de modernisation. Le monde aura besoin d’autres mines. En faisant les choses de la bonne façon, nous atteindrons nos objectifs maintenant et pour l’avenir.

Vous avez donné deux exemples d’application de la DEI hors du Canada. Que diriez-vous aux jeunes cadres qui cherchent et apprennent dans des endroits comme l’Afrique et l’Amérique du Sud, plutôt qu’ici?

Chaque région présente des défis et occasions légèrement différents en matière de gens et de talents, alors nous cherchons toujours à suivre la courbe. Je conseillerais de faire appel le plus tôt possible à des experts en la matière locaux. Très peu de régions n’accueillent pas l’expertise étrangère, mais nous peinons parfois à traduire cette expérience internationale dans l’expertise locale. Au Brésil, bien que Vale compte plus de 80 ans d’histoire minière dans la région, nous avons pris plus de temps que prévu pour développer un bassin de talents locaux dans certaines parties du pays.

De plus, nous avons encore du mal avec la formation des employés juniors. En ce qui concerne le partenariat, je pense que le secteur ne devrait pas nous former différemment des entrepreneurs miniers. Nous devons adopter une approche uniforme qui suit les mêmes normes élevées à tous les niveaux, et examiner le modèle de partenariat en raison de la flexibilité qu’il apporte. Les sociétés minières devraient également redoubler d’efforts en matière d’investissement dans la sécurité, même pour les partenaires, car c’est ce qui comptera le plus.

Nous devons mieux comprendre notre public et rehausser l’acceptation sociale de l’exploitation minière en ce qui concerne la prochaine génération. Regardez les données démographiques et le profil des clients de demain. L’an dernier, l’International Council on Mining and Metals a mené un sondage auprès de 30 000 personnes de 30 pays, et leur a demandé ce que le secteur minier devrait faire pour rétablir la confiance. Il y a eu un consensus retentissant concernant la protection de la nature. Si nous voulons faire ce qui est juste pour les parties prenantes et nous assurer que les jeunes qui font leur entrée dans le secteur comprennent que nous sommes sérieux à ce sujet, nous devons écouter et agir. Je les inviterais ensuite à se joindre à nous, car nous les avons entendus et nous connaissons l’importance des facteurs ESG.

Nous n’avons pas nécessairement toutes les réponses. Si nous n’arrivons pas à avoir accès au bassin de compétences des jeunes qui sortent de l’université, le secteur sera privé de gens qui se soucient de ces enjeux et peuvent nous aider à réaliser des changements cruciaux.

Que pourrions-nous faire de plus au Canada pour que notre définition de la protection de la nature rejoigne également celle que partagent les gardiens de la terre et les jeunes, pour créer une certaine symbiose dans notre démarche?

Depuis trop longtemps, avec de bonnes intentions, les sociétés minières ont formulé des hypothèses sur les attentes et les besoins des parties prenantes. Faire appel aux premiers gardiens des terres sur lesquelles nous exploitons nos mines permet de s’assurer qu’ils jouent un rôle actif. Cela repose sur l’inclusivité, l’inclusion et le respect. Si je vous invite à la discussion, je vais devoir répondre aux points que vous avez soulevés.

Cependant, il ne s’agit pas d’un exercice ponctuel qu’on réalise au début du projet ou une fois par an et qu’on raye de sa liste. Pour être menée à bien, cette approche doit être pleinement intégrée dans les méthodes de travail.

Des chefs de la direction ont souligné la valeur que présente la culture pour leur organisation. Quel serait le meilleur conseil que vous donneriez à d’autres dirigeants pour promouvoir une culture unifiée et inclusive qui favorise la diversité et change les choses?

J’ai vu à quel point la valorisation de la culture fait une différence. La culture s’apparente au tissu d’une organisation. Notre raison d’être, nos valeurs et nos comportements sont comme des fils qui gardent la culture tissée serrée ou qui risquent de l’affaiblir.

Si vous m’aviez demandé ce qu’est une organisation compétitive il y a 20 ans, j’aurais dit qu’il faut avoir une sécurité appropriée, se concentrer sur les pratiques de ressources humaines, chercher l’efficience et l’efficacité des modèles organisationnels, et assurer le déploiement du capital. J’aurais dit beaucoup de choses. Mais après avoir travaillé dans ce secteur pendant près de 27 ans, je peux affirmer que lorsqu’une organisation met l’accent sur la culture et est motivée par cet objectif supérieur de faire progresser la société à long terme de manière durable, la sécurité, les pratiques de ressources humaines, etc. évoluent naturellement pour créer une entreprise différenciée et compétitive.

Il ne s’agit donc pas d’« adopter quelque chose ». Il s’agit de dirigeants qui s’efforcent d’établir la culture souhaitée. Une fois que cet objectif est établi et qu’on garde le cap sur celui‑ci, le reste se fait naturellement. Lorsqu’une organisation place la culture au cœur de toutes ses activités, l’autonomisation s’ensuit. Et cela favorise la compétitivité interne.

C’est très instructif. Changeons de sujet. J’aimerais que nous abordions les dépendances sociales. C’est ce qui s’est produit au Canada à l’époque. Nous construisons des villes et nous devons ensuite les démanteler. Partout dans le monde des collectivités courent ce risque, mais comment pouvons‑nous éviter ce phénomène?

J’ai vu trop de villes fantômes. Trop de vestiges. Nous ne pouvons plus nous le permettre, alors que nous devons répondre à une demande sans précédent.

Dans le secteur actuel, nous devons créer un écosystème qui prospère parce que la société minière est un voisin clé et non en raison de l’exploitation minière. La tâche paraît simple, mais elle ne l’est pas. Il faut veiller à ce que les collectivités et les employés perfectionnent aussi des compétences qui ne sont pas liées au secteur. Ainsi, nous dotons les gens de compétences qui vont au‑delà du travail à réaliser par les employés.

À cet égard, il faut penser à la fermeture dès le lancement d’un projet minier ou d’une exploitation minière, connecter l’ensemble de ces compétences et possibilités et les partenariats au sein des collectivités, au-delà des activités minières. Lorsque nous créons une mine en gardant en tête sa fin de vie dès le départ, nous créons des industries parallèles qui appuient la collectivité après la fermeture de la mine.

Il s’agit d’un changement de paradigme pour l’exploitation minière responsable. Ce fut un plaisir, Deshnee.

Merci de m’avoir invitée. J’ai été ravie d’être ici.

Résumé

Tirant parti de son expérience à l’échelle mondiale, Deshnee Naidoo, une leader réputée du secteur minier, discute des changements qu’elle a constatés dans le secteur et donne son avis sur les mesures à prendre si le secteur veut attirer la prochaine génération de mineurs, notamment en continuant de mettre l’accent sur la diversité, le développement durable et les partenariats visant à protéger la Terre mère.

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