Car light trails of rush hour traffic on busy highway at sunset
Rais de lumière des phares de voiture à l’heure de pointe sur une autoroute congestionnée, au coucher de soleil

Dans quelle mesure la production de meilleures informations en matière de durabilité peut-elle favoriser la mobilisation des entreprises et des capitaux?

Les doutes quant à l’intégrité et à l’efficacité des données et rapports portant sur les questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) sapent la réalisation de progrès à l’égard de divers défis critiques à relever.


En bref
  • Les entreprises et les marchés financiers peuvent jouer un rôle important en soutenant la mise en œuvre accélérée de mesures à l’égard des enjeux de durabilité urgents auxquels fait face le monde.
  • Les doutes quant aux engagements pris en matière de durabilité pourraient saper les efforts de mobilisation des capitaux à l’appui des priorités ESG, tandis que les responsables de l’information observent peu de progrès relativement aux questions ESG dans le cadre des analyses de rentabilisation des investissements.
  • L’amélioration des informations en matière de durabilité des entreprises devrait jouer un rôle essentiel en favorisant la réalisation de meilleures analyses et la création de valeur aussi bien pour elles-mêmes que pour les marchés financiers.

La promotion de progrès concrets et percutants à l’égard des impératifs de durabilité – qu’il s’agisse de répondre au besoin urgent d’accélérer les efforts de décarbonisation ou de marquer des avancées sur le plan de la diversité et de l’équité sociale – est une responsabilité collective en vertu de laquelle les administrations publiques et les entreprises ont un rôle essentiel à jouer. Tandis que les crises se multiplient dans le secteur du développement durable et que la lenteur des progrès suscite de plus en plus de doutes, l’intervention active des entreprises et des marchés financiers n’a jamais été aussi importante que maintenant. De nos jours, le volume des investissements réaffectés aux priorités en matière de durabilité atteint des sommets historiques. Parallèlement, il devient encore plus nécessaire de disposer de données et d’informations en matière de durabilité plus crédibles et plus utiles. Néanmoins, au lieu d’augmenter, le niveau de confiance qu’inspirent ces informations est sans doute à la baisse, car l’écoblanchiment (processus dans le cadre duquel une entreprise consacre davantage de ressources à son autopromotion en tant qu’organisation écologique qu’à la réduction proprement dite de ses retombées environnementales) et la fumisterie consistant à formuler des vœux pieux écologiques (croyance voulant que les efforts de renforcement de la durabilité mis en œuvre aient des résultats plus grands que ce qu’ils ont en réalité) sont des sources de préoccupations grandissantes. Par exemple :

  • Des particuliers souhaitant investir dans le secteur du commerce de détail se demandent si les produits de placement réputés durables dans lesquels ils envisagent d’investir sont bel et bien détenus – comme ils le souhaiteraient – par des entreprises qui font partie intégrante d’une solution de durabilité et aimeraient savoir comment celles‑ci en font la démonstration.
  • En outre, il y a un décalage entre la perception des investisseurs et celle des entreprises en ce qui a trait aux informations en matière de durabilité que ces dernières sont amenées à produire, notamment quant à savoir si ces informations jouent ou non un rôle déterminant dans la prise des décisions de placement et dans le fonctionnement efficace des marchés financiers.

Ces défis relatifs aux données et rapports en matière de durabilité pourraient venir à bout de la principale raison d’espérer la mise en œuvre accélérée des mesures à l’égard d’enjeux tels que la décarbonisation de l’économie, à savoir la mobilisation massive de capitaux privés en appui de l’adoption de pratiques opérationnelles durables.

Aux fins de l’analyse de ce sujet critique, EY a réalisé une étude  approfondie sur les enjeux de durabilité et les informations en la matière, à l’issue de laquelle il s’est avéré que les entreprises et les investisseurs ont des points de vue divergents. Comme l’a fait EY en 2022, dans le cadre de son étude mondiale sur la présentation de l’information d’entreprise menée auprès d’investisseurs institutionnels, il y a lieu de se poser la question suivante : comment les informations produites peuvent elles permettre de combler le déficit de confiance quant au traitement des enjeux ESG?  Il ressort de cette étude que les investisseurs et les entreprises ne sont pas toujours sur la même longueur d’onde quant à la stratégie de création de valeur durable à long terme à adopter ou quant à savoir si les obligations d’information actuelles permettent d’obtenir ou non suffisamment d’informations à l’égard d’une telle stratégie :

  • Bien que 78 % des investisseurs sondés estiment que les entreprises devraient s’attaquer aux enjeux de durabilité qui s’avèrent pertinents dans le cadre de leurs activités, et ce, même si cela se traduit par une diminution de leurs bénéfices à court terme, 55 % seulement des chefs des finances sondés sont disposés à prendre des décisions allant en ce sens.
  • Dans une proportion de 80 %, les investisseurs sondés affirment que trop d’entreprises n’arrivent pas à expliquer clairement le raisonnement à l’appui des investissements à long terme dans le développement durable, ce qui peut compliquer leur évaluation de l’investissement.

Comment les entreprises et les investisseurs peuvent ils en arriver à une meilleure compréhension des positions de leurs vis à vis et à traduire leurs cibles en mesures concrètes? Selon les résultats du sondage mondial qu’EY a effectué auprès d’investisseurs institutionnels et qui a porté sur les points de vue de 320 hauts responsables des investissements de grandes institutions d’investissement des quatre coins du monde qui participent à un programme de recherche élargi, les entreprises et les responsables de leurs informations ont trois priorités :

  1. Enclencher le processus d’adoption de mesures et créer une plus grande valeur financière en privilégiant les aspects significatifs et les questions réellement importantes
  2. Mettre en place des cadres de gouvernance et de reddition de comptes favorisant l’obtention de résultats
  3. Adopter une approche plus ambitieuse et moins graduelle pour la certification des résultats, informations et données en matière de durabilité
randonneurs aidant l’un d’entre eux à monter sur un rocher avec une corde
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Chapitre 1

Enclencher le processus d’adoption de mesures et créer de la valeur en privilégiant les questions réellement importantes

Les rapports produits doivent permettre d’obtenir des informations pointues sur les risques significatifs et les possibilités de création de valeur.

Les investisseurs souhaitent que les entreprises se concentrent sur la gestion des risques significatifs en matière de durabilité, de même que sur les possibilités propices à la création de valeur à long terme, aussi bien en exploitant les occasions d’affaires offertes dans le secteur des énergies renouvelables qu’en prenant en compte l’importance de l’éthique des affaires de façon à réduire au minimum les risques d’atteinte à la réputation. Une orientation soutenue vers le traitement des questions réellement importantes peut permettre l’enclenchement du processus d’adoption de mesures et la création d’une plus grande valeur financière.

En réponse à la question portant sur les trois grandes catégories d’enjeux ESG sur lesquelles doivent porter surtout les efforts des entreprises, les investisseurs sondés ont cité, pour chacune de ces catégories, les deux principales sous catégories suivantes :

Source: Réseau mondial EY 

Il peut évidemment s’avérer difficile pour les entreprises de se concentrer sur les questions que les investisseurs considèrent comme étant importantes, car les responsables des informations ESG doivent interpréter ce qui est essentiel aux yeux de ceux‑ci, puis prendre en compte ces questions essentielles dans les processus d’évaluation et d’information de leur entreprise.Les entreprises auxquelles les investisseurs font parvenir de nombreux questionnaires sur différentes questions ESG peuvent avoir du mal à discerner les aspects qui revêtent une importance véritablement critique parmi les diverses demandes d’information reçues.

Les investisseurs s’attendent en fait à ce que les informations communiquées soient présentées selon un modèle prenant en compte de multiples parties prenantes, de sorte que les entreprises expliquent les retombées de leurs décisions sur divers groupes, notamment sur les clients et les collectivités.Dans une proportion de 82 %, les investisseurs sondés soutiennent que les entreprises doivent faire davantage pour amener leurs diverses parties prenantes – notamment les administrations publiques, les consommateurs, les employés et les collectivités locales – à se mobiliser face aux enjeux ESG et qu’il ne suffit pas qu’elles présentent des informations sur les enjeux ESG auxquels les analyses et eux mêmes attachent de l’importance.Néanmoins, 55 % seulement des chefs des finances sondés estiment que les entreprises doivent faire davantage pour amener d’autres parties prenantes à se mobiliser.

Comme certains groupes de parties prenantes – notamment les employés – peuvent s’attendre à ce que les entreprises se dotent de cibles et d’un calendrier d’intervention plus ambitieux face aux enjeux de durabilité, certaines de ces entreprises peuvent être portées à sous-estimer l’importance du ressenti au sein de certains de ces groupes, qui peuvent considérer qu’elles font partie du problème, plutôt que de la solution.Il ressort des résultats du sondage que les parties prenantes attachent une importance toute particulière à l’accélération des efforts de décarbonisation des activités des entreprises.Presque tous les investisseurs sondés (99 %) concentrent déjà leurs investissements dans des titres d’entreprises qui se sont dotées d’une cible de zéro émission nette ou qui prévoient le faire au cours des deux prochaines années.

Orientation des investisseurs vers les entreprises dotées d’une cible de zéro émission nette
soutiennent que leur société d’investissement s’est déjà engagée publiquement à concentrer ses investissements dans les titres d’entreprises qui se sont dotées d’une cible de zéro émission nette.

Orientation des investisseurs vers les entreprises dotées d’une cible de zéro émission nette
affirment que, bien qu’elle ne se soit pas encore engagée à concentrer ses investissements dans les titres d’entreprises qui se sont dotées d’une cible de zéro émission nette, leur société d’investissement prévoit le faire au cours des deux prochaines années.

Actuellement, il y a un décalage entre cette importante orientation vers les investissements dans des entreprises visant l’atteinte d’une cible de zéro émission nette adoptée par les investisseurs et les progrès réalisés en la matière. Pour que puisse être atteint l’objectif de limiter à 1,5 °C le réchauffement planétaire par rapport aux niveaux enregistrés avant la Révolution industrielle, suivant ce que prévoit l’Accord de Paris, le volume des émissions de carbone doit être réduit de 45 % d’ici à 2030 à l’échelle mondiale1. Il ressort toutefois de l’étude sur la valeur durable qu’EY a réalisée récemment que 35 % des entreprises seulement se sont engagées à réduire leurs émissions d’ici cette échéance, qui approche d’ailleurs à grands pas.

Les investisseurs intensifient les pressions qu’ils exercent sur les entreprises qui, de toute évidence, font comme si la crise climatique n’existait pas ou qui tardent trop à passer à l’action.L’étude révèle que les investisseurs ont surtout recours à des tactiques de mobilisation en échangeant avec les entreprises ou en leur demandant de mettre davantage l’accent sur l’établissement de corrélations entre les facteurs de durabilité et la rémunération de leurs dirigeants.Près d’un investisseur sur dix (9 %) affirme qu’un désinvestissement serait la plus importante mesure qu’il pourrait prendre.

Source: Réseau mondial EY 

Face à de telles pressions les invitant à passer à l’action, les entreprises se voient contraintes de faire preuve d’efficacité dans la présentation des informations relatives à leur performance dans la lutte contre les changements climatiques.Néanmoins, selon le rapport  Global Climate Risk Disclosure Barometer d’EY de 2022,une analyse exhaustive des informations fournies par plus de 1 500 entreprises dans 47 pays a montré que, même si davantage d’entreprises présentent des informations sur les risques climatiques, celles-ci ne donnent pas d’indications utiles sur les défis qu’elles doivent relever.Par exemple, plus de la moitié des entreprises sondées (51 %) ne réalisent toujours pas d’analyse de scénarios ou n’en présentent pas les résultats.

Un tel manque d’éclairage sur les difficultés rencontrées renforce peut être le scepticisme quant à la crédibilité des informations en matière de durabilité présentées par les entreprises et à l’engagement réel de celles‑ci à faire preuve de transparence :

  • 76 % des investisseurs sondés déclarent que les entreprises sont très sélectives dans le choix des informations qu’elles fournissent aux investisseurs, ce qui soulève des préoccupations liées à l’écoblanchiment.
  • 88 % des investisseurs sondés soutiennent qu’en l’absence de dispositions réglementaires contraignantes, la plupart des entreprises leur transmettent seulement des informations ESG dont l’utilité s’avère limitée dans le cadre de leur processus décisionnel.

Mise à l’avant plan des initiatives de renforcement de la durabilité axées sur la création de valeur, tandis que les investisseurs sont en quête d’informations sur les possibilités offertes dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques

Vu l’urgence de s’attaquer aux défis climatiques, on peut s’inquiéter que les possibilités de création de valeur ne fassent pas l’objet d’une attention suffisante. Il ressort néanmoins de l’étude que les investisseurs souhaitent ardemment pouvoir s’appuyer à tout le moins sur des évaluations judicieuses des possibilités et des risques. Tandis que de nombreux investisseurs s’inquiètent surtout que les entreprises accordent d’abord et avant tout la priorité aux risques liés à la transition ou aux risques physiques, près du tiers des investisseurs (31 %) affirment volontiers que le principal enjeu pour eux consiste à comprendre comment elles procèdent pour cibler les possibilités associées à l’adoption de mesures dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques.

Source: Réseau mondial EY 

Ces résultats rendent peut-être compte du fait qu’ultimement, les investisseurs privilégient l’obtention de rendements, de sorte que les entreprises se voient contraintes d’améliorer la façon dont elles mettent en corrélation les risques et possibilités en matière de durabilité avec l’obtention de rendements financiers, notamment au chapitre de la croissance des bénéfices. Selon l’étude d’EY sur la valeur durable , l’application d’approches transformationnelles globales axées sur la durabilité permet de générer – aussi bien sur le plan financier que pour les clients, les employés, la société en général et l’ensemble de la planète – une valeur supérieure aux attentes des entreprises.

La compréhension et la communication de cette corrélation doivent s’appuyer sur les connaissances et expertises appropriées acquises par les dirigeants.Pour leur part, les chefs des finances doivent rehausser leur niveau de compétence en matière de durabilité.Quant aux responsables des questions de durabilité au sein des entreprises, ils doivent améliorer leurs compétences en finances.De nos jours, de façon générale, les dirigeants d’entreprise doivent disposer d’un plus grand niveau d’expertise et de compréhension en ce qui a trait à la corrélation entre les priorités en matière de durabilité et la création de valeur financière.Il est possible que l’application de modèles économiques et de savoir‑faire traditionnels ne suffise pas.


Road and Modern bridge, Beijing, China
People usually call it Beiqijia Bridge.
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Chapitre 2

Création de cadres de gouvernance et de reddition de comptes favorisant l’obtention de résultats

Les investisseurs souhaitent que les entreprises se dotent d’un solide cadre de gouvernance et que des contrôles soient appliqués à la stratégie de renforcement de la durabilité mise en œuvre par leur conseil d’administration, ainsi qu’aux résultats obtenus en la matière.

Les investisseurs reconnaissent que les entreprises qui aspirent à intégrer véritablement la durabilité à leurs stratégies et à leur processus de prise de décisions, en allant au delà de simples déclarations d’intentions, doivent absolument se doter d’un solide cadre de gouvernance définissant clairement le rôle de leur conseil d’administration.Trois priorités doivent être respectées dans le processus d’intégration de la durabilité au cadre de gouvernance des entreprises : l’exercice d’un contrôle efficace par le conseil d’administration; l’application de paramètres d’évaluation de la durabilité et l’établissement de la rémunération des dirigeants en fonction des résultats obtenus; et l’alignement stratégique.

Exercice d’un contrôle efficace par le conseil d’administration

Bien que les modèles de gouvernance appliqués et les rôles et responsabilités confiés aux conseils d’administration varient d’une région du monde à l’autre, ces derniers ont un rôle essentiel à jouer en matière de durabilité :

  • En remettant en question les plans de renforcement de la durabilité élaborés par la direction
  • En supervisant la mise en œuvre des engagements pris en matière de durabilité et les progrès réalisés par rapport à ces engagements
  • En établissant avec les investisseurs des échanges sur les plans de renforcement de la durabilité ayant été mis en œuvre et les progrès réalisés en la matière

Toutefois, pour ce faire, les entreprises devront probablement imposer à leurs administrateurs l’obligation d’acquérir un niveau de connaissance suffisant en matière de durabilité, de sorte qu’ils puissent s’acquitter de ce rôle.Bien que certains hauts responsables disposent à la fois de connaissances approfondies en matière de durabilité et d’excellentes capacités d’administrateur, il n’y en a pas suffisamment pour répondre à la demande.D’ici à ce que le bassin d’administrateurs disposant d’un tel bagage de connaissances et de telles capacités ait gagné en ampleur, les administrateurs en poste devront commencer par acquérir les connaissances requises pour prendre pleinement la mesure des transformations que subissent la planète et la société en général, ainsi que des répercussions qui en découlent pour leur entreprise.En réponse à la question visant à déterminer la mesure qui est susceptible de générer le plus de retombées positives en termes de contrôle, plus d’un investisseur sur cinq (21 %) a sélectionné l’option « Amélioration des connaissances et des compétences des administrateurs à l’égard des enjeux ESG grâce aux interactions avec des experts externes et à la participation à des activités de formation ».

Renforcement des obligations de reddition de comptes grâce à l’application de paramètres d’évaluation des résultats en matière de durabilité de nature autre que financière aux fins de l’établissement de la rémunération des hauts dirigeants

Lorsque les investisseurs ont été amenés à désigner les deux principaux avantages susceptibles de découler de l’assujettissement d’un volet important du régime de rémunération des dirigeants aux objectifs de durabilité, plus du tiers d’entre eux (37 %) ont répondu qu’une telle mesure permettrait d’assurer l’intégration des enjeux ESG au processus de prise de décisions stratégiques.Ce résultat démontre encore plus à quel point il est important pour les investisseurs que les enjeux de durabilité ne soient pas relégués au rang des préoccupations secondaires et que les leaders attachent à ces enjeux la même importance qu’ils accordent habituellement aux décisions financières traditionnelles et aux décisions relatives à la répartition des capitaux.

De toute évidence, la mise au point d’un cadre de reddition de comptes est un exercice difficile.Il peut notamment s’avérer difficile d’harmoniser un régime de rémunération et de primes annuelles aux visées à court terme avec des objectifs de durabilité qui sont souvent assortis de cibles à atteindre sur un horizon allant de cinq ans à dix ans.La détermination de mesures quantifiables et l’évaluation des résultats obtenus au regard de celles-ci ne sont pas non plus des tâches faciles.Néanmoins, comme le révèlent les résultats de ce sondage, une bonne compréhension des attentes des investisseurs quant à la prise en compte des résultats obtenus en matière de durabilité dans l’établissement de la rémunération des dirigeants constitue un bon point de départ.

Clarification du niveau d’engagement et du rôle du chef du développement durable dans le déploiement des efforts pour rehausser l’importance stratégique des enjeux de durabilité

La façon dont les entreprises s’organisent pour faire face aux enjeux de durabilité varie en fonction de tout un éventail de facteurs, qui vont du degré de complexité de leur structure organisationnelle à leur niveau de motivation en matière de durabilité.Il ressort néanmoins de l’étude que les investisseurs considèrent que le chef du développement durable représente une composante essentielle du cadre de gouvernance, ce qui reflète peut être les préoccupations dans le secteur quant à la possibilité que les structures organisationnelles actuelles ne permettent pas d’obtenir les résultats escomptés.

Rôle clé du chef du développement durable
des investisseurs sondés estiment que les entreprises doivent se doter d’un chef du développement durable, de sorte que la responsabilité à l’égard des questions de durabilité relève d’un haut dirigeant.

L’analyse des raisons pour lesquelles les investisseurs considèrent que la désignation d’un chef du développement durable est une bonne décision pourrait peut-être aider les entreprises à définir le rôle et le champ d’intervention de leur chef du développement durable.En réponse à la question portant sur le principal avantage découlant de la désignation d’un chef du développement durable, plus du quart des investisseurs sondés (26 %) affirment que celui ci est en mesure d’offrir une vision stratégique des risques et possibilités à long terme qui découlent des enjeux ESG et qui pourraient avoir une incidence sur le modèle d’affaires de l’entreprise.Autrement dit, les investisseurs souhaitent d’abord et avant tout que les enjeux de durabilité soient traités comme étant des enjeux opérationnels significatifs.Cela rend peut être compte du fait que les investisseurs s’inquiètent encore qu’un trop grand nombre d’entreprises assimilent les enjeux de durabilité à des « activités » secondaires ayant évolué hors de leur cadre de responsabilité sociale, plutôt qu’à des priorités stratégiques.

Worker selecting car parts in car factory
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Chapitre 3

Méthode ambitieuse de certification des rapports et des données en matière de durabilité

Anticiper l’évolution des normes d’information mondiales et favoriser la certification efficace des informations en matière de durabilité à produire

Comme EY l’indique dans sa publication intitulée How can reporting bridge the ESG trust gap?, les informations en matière de durabilité que produit une entreprise figurent parmi les informations les plus importantes que les investisseurs utilisent dans l’analyse des répercussions des enjeux de durabilité sur sa performance, ses risques et ses perspectives de croissance à long terme. Actuellement, 99 % des investisseurs sondés s’appuient sur les informations ESG produites par les entreprises au moment de prendre leurs décisions de placement, 74 % en appliquant une méthode rigoureuse et structurée (ce résultat de 74 % représente une augmentation importante comparativement aux résultats du sondage qu’EY a mené auprès des investisseurs en 2018, qui a permis d’établir qu’une minorité d’investisseurs (32 %) s’appuyaient alors sur une méthodestructurée).

Néanmoins, comme l’étude l’a également fait ressortir, de nombreux investisseurs ont le sentiment que leurs exigences à l’égard des informations que les entreprises sont amenées à produire ne sont pas satisfaites, 73 % des investisseurs sondés affirmant que celles‑ci ont largement échoué dans leur tentative pour produire de meilleurs rapports englobant aussi bien des informations financières que des informations ESG essentielles à la prise des décisions de placement.Deux priorités sont prises en compte lorsqu’il s’agit de remédier à un tel décalage :

  1. Anticiper l’avènement de nouvelles normes d’information mondiales en évitant d’avoir à améliorer graduellement le processus de production de rapports et en cherchant à se positionner en tant que leader de premier ordre en la matière
  2. Prendre en compte les facteurs de succès particuliers intervenant dans la certification efficace des informations en matière de durabilité à produire

Anticiper l’avènement de nouvelles normes d’information mondiales de façon à en tirer un avantage et à éviter d’appliquer une approche graduelle

Les investisseurs indiquent clairement à quel point ils accordent de l’importance à l’adoption de normes mondiales uniformes axées sur l’amélioration de la qualité et de la transparence des informations ESG.

Les investisseurs souhaitent voir adopter des normes d’information uniformes à l’échelle mondiale.
Plus des deux tiers des investisseurs sondés estiment que l’absence de normes mondiales bien définies encadrant la présentation des informations ESG explique le manque d’uniformité dans la communication des informations en matière de durabilité que les entreprises sont amenées à produire, de même que le fait que ces informations sont difficilement comparables.

Des progrès encourageants sont actuellement enregistrés dans le traitement de cette question. Après sa mise sur pied dans la foulée de la COP 26, le Conseil des normes internationales d’information sur la durabilité (International Sustainability Standards Board, ISSB) a publié le 31 mars 2022 ses deux premiers exposés sondages aux fins de la collecte de commentaires, l’un portant sur les obligations d’information d’ordre général et l’autre, sur les obligations d’information en lien avec la lutte contre les changements climatiques. Subséquemment, lors de la COP 27, l’ISSB a annoncé tout un éventail d’initiatives visant à aider les administrations à se préparer en vue de la mise en œuvre de nouvelles normes, se donnant comme objectif de publier celles ci dans leur version définitive le plus tôt possible en 20232.

Le calendrier d’adoption variera probablement d’une administration locale à l’autre, mais il pourrait être risqué d’attendre la mise en œuvre intégrale d’un ensemble complet de « décisions ».Certaines entreprises – notamment des concurrents – pourraient décider de leur plein gré d’adopter les nouvelles normes le plus tôt possible.Les premiers adoptants pourront ainsi prendre rapidement une longueur d’avance dans leur secteur en ce qui a trait à la présentation d’informations en matière de durabilité.

Les entreprises qui feront figure de précurseurs et s’attaqueront à certains défis incontournables contribueront aussi probablement à l’avènement d’améliorations que les investisseurs et les autres parties prenantes accueilleront favorablement. La mise en œuvre d’une approche audacieuse tournée vers l’avenir permettra probablement d’éviter le piège d’une approche graduelle, qui amène les entreprises qui l’adoptent à ne chercher qu’à générer un effet d’émulation auprès de leurs pairs, aux fins de la production de rapports, sans donc chercher à se démarquer. Dans un contexte où une organisation telle que l’Union européenne procède à la mise en œuvre d’obligations d’informations en matière de durabilité en vertu de sa directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, qui s’inscrit plus globalement dans le pacte vert pour l’Europe, la production de rapports de durabilité de premier ordre jouera un rôle déterminant quand il s’agira de saisir les possibilités d’investissement public offertes dans les principales économies du monde, notamment aux États‑Unis et en Europe.

Prendre en compte les facteurs de succès particuliers intervenant dans la certification efficace des informations en matière de durabilité à produire

L’idée d’imposer aux entités publiantes l’obligation de faire certifier leurs informations ESG par des tiers gagne rapidement en popularité.Il est très clair que la communauté des investisseurs considère que la certification des informations ESG à produire est la pratique qui peut le mieux se traduire par un rehaussement du niveau de confiance dans la crédibilité de ces informations.

La certification des informations considérée comme étant essentielle au rehaussement de la confiance et de la transparence
des investisseurs sondés affirment qu’il est important que les entreprises veillent à faire examiner et certifier leurs informations et leurs données ESG par des tiers indépendants, 33 % d’entre eux estimant qu’il s’agit d’ailleurs d’une démarche « très importante ».

Tandis que des entreprises souhaitent faire certifier leurs informations, bien qu’elles n’aient pas l’obligation de le faire, de plus en plus d’organismes de réglementation se penchent sur la question. L’obligation de faire certifier les informations à produire est déjà en vigueur sur certains marchés, tandis qu’aux États Unis, les propositions de la SEC relatives aux informations à produire en lien avec les efforts déployés dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques visent, dans un premier temps, à imposer l’obligation d’obtenir une « assurance limitée » pour les informations relatives aux émissions relevant des champs d’application 1 et 2, ainsi qu’une « assurance raisonnable » par la suite.

Ces faits nouveaux soulèvent la question de savoir si les entreprises considèrent ou non qu’en l’état actuel des choses, leurs données sont suffisamment rigoureuses pour leur permettre de franchir avec succès l’épreuve de la certification. Comme EY l’indique dans sa publication intitulée How can reporting bridge the ESG trust gap?, 41 % des chefs des finances sondés ont répondu par la négative à la question de savoir si leur entreprise réussirait à obtenir une assurance  raisonnable  à l’égard de ses données ESG actuelles. Qui plus est, dans divers pays des Amériques, de l’Europe et de la région Asie Pacifique, les chefs des finances sondés ayant répondu par la négative à cette question représentent la majorité.

Source: Réseau mondial EY 

Les technologies avancées, notamment l’IA, pourraient jouer un rôle essentiel en permettant de pallier les lacunes et d’obtenir des données de qualité en matière de durabilité.Elles peuvent s’avérer utiles dans l’orchestration des tâches de génération de données très complexes et interdépendantes, de même que dans l’analyse de celles‑ci, la détection des anomalies et l’identification des risques.

Il sera également essentiel de faire des choix réfléchis et éclairés dans le cadre de la définition du champ d’intervention et du rôle de la fonction finance et des équipes d’audit interne.Les contrôleurs des finances détiennent une grande expérience pratique de la certification des états financiers et des enjeux en matière de qualité des données, laquelle expérience peut être mise à profit dans la conception du cadre de certification de l’information non financière, ainsi que dans l’analyse du fonctionnement des « lignes de défense ».Néanmoins, vu la nature des données dont il s’agit, un tel cadre devra être conçu avec soin.La mise en place de lignes de défense aux fins de l’application de tests aux données relatives aux émissions de gaz à effet de serre en est un exemple.Bien qu’un membre de l’équipe des finances puisse vérifier si les calculs requis ont été effectués adéquatement, il peut s’avérer nécessaire de confier l’examen minutieux des données à un spécialiste interne, tel qu’un ingénieur.La désignation des participants aux lignes de défense ne constitue que l’un des enjeux à résoudre.

One person crossing a junction in Manhattan at sunrise, New York City, One person crossing a junction in Manhattan at sunrise, New York
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Chapitre 4

La voie à suivre

L’étude révèle que ces quatre principes clés seraient déterminants pour les entreprises dotées d’orientations ESG à long terme.

Au-delà de l’impératif d’entretenir de saines relations avec les marchés financiers, il s’avère utile de disposer d’une analyse plus fine des besoins des investisseurs, car celle ci peut aussi permettre de pousser plus loin la réflexion et d’obtenir un cadre d’intervention sur lequel les entreprises peuvent s’appuyer pour gagner la confiance de l’ensemble de leurs parties prenantes, dont leurs clients et leurs employés. D’après les résultats du sondage, les entreprises qui souhaitent projeter l’image d’organisations dotées d’orientations à long terme, dignes de confiance et en phase avec les attentes de la société doivent adopter les quatre priorités suivantes :

  1. Réévaluer les stratégies axées sur l’atteinte de la cible de zéro émission nette et les stratégies de renforcement de la durabilité en général en s’appuyant sur des analyses de scénarios sophistiquées permettant de mettre les hypothèses à l’épreuve, et procéder à une analyse complète des risques financiers et des possibilités découlant des changements climatiques, des répercussions environnementales et des enjeux sociaux.Viser un équilibre entre l’analyse des risques et l’analyse des possibilités en se familiarisant avec les mesures susceptibles de générer une valeur financière, qu’il s’agisse de rehausser le taux de rétention des employés, de diminuer le taux de roulement du personnel ou d’orienter les décisions d’achat de la clientèle.
  2. Faire en sorte que les conseils d’administration disposent des structures, de la perspicacité analytique et des connaissances requises pour s’acquitter de leur rôle de renforcement de la durabilité en remettant en cause le niveau de motivation de la direction, en surveillant les progrès accomplis par rapport aux cibles, et en entretenant des relations avec les investisseurs et les autres parties prenantes.Bien qu’il s’avère nécessaire de modifier la structure des conseils d’administration et les processus qu’ils utilisent, la priorité doit aussi être accordée au développement des capacités de réflexion des administrateurs, de sorte que ceux ci puissent bénéficier d’activités de formation et de perfectionnement axées sur la promotion de l’innovation, la remise en question des hypothèses et des partis pris, et l’acquisition de la capacité de composer avec la complexité d’un contexte de développement durable qui évolue rapidement.
  3. Considérer que la conception et la mise en œuvre des nouvelles normes d’information en matière de durabilité de l’ISSB et d’autres normes éventuelles de l’UE et de la SEC donnent l’occasion à votre entreprise de figurer au nombre des premiers adoptants, ainsi que d’anticiper l’avènement de ces normes, au lieu d’attendre que le portrait final se dessine, et s’efforcer de ne pas se contenter d’apporter des améliorations graduelles, de sorte que l’entreprise puisse se donner l’objectif de se hisser au rang des leaders de premier plan de la production d’informations en matière de durabilité.
  4. Se préparer à l’avènement d’un cadre élargi de certification des informations en matière de durabilité.L’évolution rapide de cette question amène les équipes de gestion à devoir faire face à des enjeux importants et préparer globalement leur entreprise à s’engager dans un processus de certification.Les entreprises devront probablement se doter de nouveaux processus, de nouveaux contrôles et de nouveaux flux de données.De nouveaux modèles de reddition de comptes et un cadre de certification prévoyant notamment l’établissement de lignes de défense devront être mis au point.Cela devrait représenter une courbe d’apprentissage ardue et en accéléré pour bien des entreprises.

Résumé 

Il est courant que des entreprises s’engagent publiquement à renforcer leur durabilité.Bien que de tels engagements s’avèrent nécessaires et louables, la lenteur des progrès enregistrés à l’égard de tout un éventail de questions a pour effet de braquer les projecteurs sur les progrès réalisés autant que sur les engagements adoptés, qu’il s’agisse de l’écologisation de l’économie ou des améliorations sur le plan du leadership en matière de diversité.La concertation des efforts de renforcement de la durabilité déployés par les entreprises et les investisseurs se traduira par l’obtention de meilleures chances d’obtenir rapidement les résultats à grande échelle dont ont besoin notre planète et nos sociétés.

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