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Un prix universel du carbone peut‑il être équitable pour tous?

La plupart des gouvernements et des experts du climat conviennent que nous avons besoin d’une tarification du carbone pour atteindre la carboneutralité. Assurer une transition juste est la partie la plus difficile.

Le présent article fait partie d’une trilogie d’articles explorant le rôle des gouvernements dans l’accélération d’une transition verte et juste.

En bref
  • La tarification du carbone peut être un outil révolutionnaire permettant d’atteindre les objectifs climatiques, mais elle n’a pas encore réussi à réduire et à limiter les émissions de CO2 à l’échelle mondiale.
  • Aujourd’hui, les programmes de réduction du carbone sont incohérents. Une action coordonnée à l’échelle mondiale permettra d’éliminer les disparités, les transferts d’émissions et la nécessité d’ajustements aux frontières.
  • Les prix du carbone appliqués de façon équitable et flexible pourraient offrir une certitude qui permettrait de planifier une transition à long terme.

L’urgence climatique mondiale s’accélère, les gouvernements n’atteignant pas leur cible de carboneutralité. Malgré les engagements de 130 pays (représentant plus de 80 % des émissions mondiales), seuls 26 d’entre eux ont des plans suffisamment ambitieux pour atteindre la cible de carboneutralité, et les émissions mondiales continuent d’augmenter1.

Les émissions de CO2 sont la principale cause de notre urgence climatique. Il est donc crucial de mettre en œuvre un prix du carbone clair et contraignant qui reflète le coût réel des émissions de GES. Le raisonnement est simple : un prix sur le carbone permet aux entreprises et aux gouvernements de calculer le coût économique réel des émissions de CO2 (et, par extension, d’autres GES), et donc d’accélérer la voie vers la décarbonation et l’atteinte des objectifs de carboneutralité.

Engagements climatiques
pays représentant 80 % des gaz à effet de serre ont annoncé un objectif de carboneutralité.
Engagements climatiques
de ces pays ont effectivement mis en œuvre des plans plus ambitieux.

Les gouvernements du monde entier doivent agir rapidement et de manière coordonnée si nous voulons contrer la menace existentielle mondiale à laquelle la société est aujourd’hui confrontée. Ils jouent déjà un rôle essentiel dans la stimulation des investissements publics et privés et ont prouvé leur capacité à développer de nouvelles stratégies industrielles, à favoriser les partenariats commerciaux et à encourager les mesures publiques. Dans ce cas, comment les gouvernements peuvent‑ils mieux élaborer des politiques qui offrent une véritable transition équitable vers l’abandon des combustibles fossiles, plutôt que des promesses bien intentionnées?

Young woman pointing at projection screen with graph variations and giving speech on own startup project in front of investors
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Chapitre 1

Qu’avons‑nous appris des stratégies actuelles de tarification du carbone?

Les taxes sur le carbone et les programmes d’échange de droits d’émission peuvent mener à une transition plus juste, mais les applications actuelles ne sont pas optimales.

Le concept de tarification du carbone n’est pas nouveau. Il s’agit d’une taxe gouvernementale qui incite les organisations et les consommateurs à réduire leurs émissions en reflétant plus fidèlement les coûts réels de leurs activités. En augmentant le coût des technologies et des comportements non écologiques, la tarification du carbone peut contribuer à transférer le fardeau économique vers les responsables des émissions de GES.

Les programmes de tarification du carbone, comme les taxes et les échanges de droits d’émission, peuvent aider les gouvernements à atteindre leurs Contributions déterminées au niveau national (CDN) aux termes de l’Accord de Paris2.Un mécanisme de tarification du carbone efficace encourage les comportements favorisant les faibles émissions de carbone, stimule les investissements et l’innovation dans les technologies à faibles émissions de carbone et peut offrir des avantages financiers aux émetteurs. Les recettes publiques peuvent être redirigées vers les contribuables, ce qui profite aux ménages à faible revenu.

Pour mieux comprendre le rôle de leadership que le gouvernement peut jouer, EY a collaboré avec des économistes universitaires et des experts en politiques publiques de Politecnico di Milano, en Italie, en vue de modéliser les voies d’une transition verte.

Les politiques de tarification du carbone sont neutres sur le plan technologique, ce qui entraîne moins de distorsions sur le marché et une transition plus juste vers une économie à faibles émissions de carbone. Des politiques de tarification du carbone efficaces peuvent réaligner les chaînes d’approvisionnement et le commerce mondial, en déplaçant la production de biens vers les régions les plus efficaces (et les moins émettrices de carbone). Cela peut aider à prévenir les transferts d’émissions de carbone, qui peuvent survenir lorsque la production de biens provenant d’une région entraîne une augmentation des émissions.

À l’heure actuelle, 23 % des émissions mondiales sont assujetties à la tarification du carbone, et des prélèvements dans 39 pays et 33 administrations infranationales ont permis de recueillir 95 G$ US3. Les prix du carbone pouvant atteindre 96,3 $ US la tonne dans l’Union européenne4 montrent que les gouvernements pourraient étendre et coordonner les programmes de tarification et transformer l’économie mondiale.

Programmes de tarification du carbone
provenant de programmes de tarification du carbone dans 39 pays et 33 administrations infranationales

Un système d’échange de quotas d’émission (ETS), ou système de plafonnement et d’échange, permet aux industries à faibles émissions de GES de vendre leurs quotas supplémentaires à celles qui en ont de plus grandes, créant ainsi un prix de marché pour les émissions. Une taxe sur le carbone fixe un prix du carbone au moyen d’une redevance sur les émissions de GES ou les combustibles fossiles5.

Par exemple, la France a une taxe carbone de 48,5 $ US la tonne d’éq. CO2, alors que celle de la Pologne est inférieure à 0,1 $ US la tonne d’éq. CO2. De même, le prix des droits d’émission négociés sur le SEQE de l’UE en mars 2023 était de 96,3 $ US la tonne d’éq. CO2, comparativement à 8,15 $ US la tonne d’éq. CO2 en Chine6.

En plus de la fragmentation géographique, les systèmes d’échange de quotas d’émission fonctionnent également à différents paliers de gouvernement, du palier supranational (p. ex., l’UE) jusqu’au palier national (p. ex., le Canada, le Royaume‑Uni) et au palier de la province et de l’État (p. ex., l’Oregon, le Hubei) au palier de la ville (p. ex. Beijing, Tokyo).

Prix du carbone
Le nombre d’entreprises, représentant une capitalisation boursière de plus de 27 T$ US, qui utilisent actuellement un prix interne du carbone ou qui prévoient en mettre un en place au cours des deux prochaines années

Malgré les lacunes actuelles, le nombre croissant de systèmes de tarification du carbone à l’échelle mondiale montre qu’ils sont devenus une composante essentielle des politiques gouvernementales. La mise en place de programmes à grande échelle, comme le SCEQE national de la Chine, qui couvre 12 % des émissions mondiales de CO2, offre un espoir de réels progrès7.

La tarification équitable du carbone favorise à la fois l’innovation et la réduction des émissions. L’intégration de scénarios de tarification du carbone dans les plans d’affaires à long terme sera essentielle pour s’adapter aux développements futurs.

De plus, le monde des affaires applique la tarification du carbone en interne depuis des décennies. Selon le Carbon Disclosure Project (CDP), plus de 2 000 entreprises, représentant une capitalisation boursière de plus de 27 T$ US, appliquent une tarification interne du carbone ou prévoient le faire, les investissements à faibles émissions de carbone étant un facteur clé8. L’amélioration de l’efficacité énergétique et le changement de comportement sont également des facteurs cruciaux9. « La tarification équitable du carbone favorise à la fois l’innovation et la réduction des émissions. L’intégration de scénarios de tarification du carbone dans les plans d’affaires à long terme sera essentielle pour s’adapter aux développements futurs, explique Amy Brachio, vice‑présidente mondiale, Développement durable, EY. Les entreprises qui se préparent de manière proactive peuvent obtenir un avantage concurrentiel grâce à la décarbonation, en générant la plus grande valeur que peut créer et protéger la durabilité grâce à leur modèle d’affaires et à leur stratégie. »

biodome with blue sky and green trees
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Chapitre 2

Comment pouvons‑nous créer un cadre mondial de tarification du carbone?

La tarification du carbone en tant que marchandise et à l’échelle mondiale contribuera à l’atteinte de meilleurs résultats.

Il est essentiel de coordonner les efforts individuels de réduction des émissions, et cette coordination commence à se développer. En octobre 2022, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a créé le Forum inclusif sur les approches d’atténuation des émissions de carbone (FIAAEC) afin d’atteindre les cibles de réduction du carbone grâce à un meilleur partage des données et des connaissances10.

Les marchés du carbone doivent être restructurés afin de réduire les émissions mondiales et d’atteindre les cibles de décarbonation des CDN. Tout système de tarification efficace devra être à la fois équitable et efficace pour répondre aux préoccupations économiques et sociales tout en atteignant les cibles. L’approche idéale consistera à fixer le prix du carbone en tant que marchandise reflétant le coût de ses externalités négatives, et à l’appliquer à l’échelle mondiale. La comptabilisation exacte du CO2 sera cruciale.

Il existe deux types de comptabilisation du CO2. La comptabilisation fondée sur la production impose des taxes au secteur industriel responsable des émissions de CO2 à l’intérieur des frontières nationales, mais peut entraîner des transferts d’émissions de carbone et des changements de production entre les pays. La comptabilisation fondée sur la consommation taxe le CO2 incorporé dans les biens, peu importe où les émissions sont générées, éliminant ainsi les transferts d’émissions de carbone et permettant l’échange et la tarification du CO2 en tant que marchandise à l’étranger.

Si les émissions de CO2 mesurées selon une approche basée sur la consommation excèdent celles mesurées selon une approche basée sur la production, cet excédent indique que les produits importés de la région intègrent plus d’émissions de CO2 que les produits exportés de la région.

Par exemple, si les émissions sont mesurées selon une approche fondée sur la consommation, la part des émissions de CO2 est de 18 % à 19 % plus élevée aux États‑Unis et dans l’UE que dans une approche fondée sur la production. En comparaison, les émissions de CO2 sont inférieures de 15 % à 17 % dans les mesures fondées sur la consommation par rapport aux mesures fondées sur la production respectivement en Inde et en Chine.

Source : Réseau mondial EY

Les arguments en faveur d’une tarification du carbone comme marchandise à long terme

Notre modèle de recherche a analysé les tendances commerciales et l’intensité carbone dans la production de biens afin de cartographier les émissions de CO2 par origine et par région, ce qui est essentiel pour évaluer les mécanismes de tarification. Nous nous sommes concentrés sur les émissions qui sont intégrées à la demande de chaque région, en reconnaissant que les régions peuvent être des exportateurs (producteurs) ou des importateurs (consommateurs) nets de carbone en fonction de leur structure économique et industrielle.

Les régions dont l’intensité des émissions est plus faible (États‑Unis, UE, Royaume‑Uni et Asie du Sud‑Est) sont des importateurs nets de carbone. Les régions qui polluent le plus pour produire des biens (Chine, Inde, reste du monde et Moyen‑Orient) sont celles qui exportent la plupart de ces biens dans le monde. La décarbonation des chaînes d’approvisionnement dans les régions exportatrices de carbone pourrait avoir une incidence positive sur les émissions mondiales, notamment en incitant les producteurs de carbone à créer une chaîne d’approvisionnement décarbonée.

Source : Réseau mondial EY

L’adoption d’une comptabilisation fondée sur la consommation, qui considère le CO2 comme une marchandise incorporée dans les biens, est un moyen de réduire les émissions dans les régions exportatrices de carbone. Selon notre analyse, cette approche pourrait faciliter une transition plus harmonieuse des prix des produits nationaux par rapport à la comptabilisation fondée sur la production. Le recours à une comptabilisation fondée sur la consommation dissuaderait l’importation ou la consommation de produits à forte teneur en CO2, ce qui entraînerait une répartition plus équitable des coûts entre les régions importatrices et exportatrices. La comptabilisation fondée sur la consommation pourrait également atténuer les transferts d’émissions de carbone.

Source : Réseau mondial EY

Castilla y Leon, Spain. Man from behind leaning on bicycle looking at wind power towers and solar farm in rural setting at sunset
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Chapitre 3

À quoi ressemblera un cadre de tarification du carbone viable?

Le monde doit établir un système de tarification qui sera équitable pour tous les pays.

L’application mondiale de la comptabilisation fondée sur la consommation et de la tarification nécessitera une approche progressive en raison de l’engagement important à établir un cadre de tarification du carbone mondial efficace et équitable qui tient compte de divers contextes gouvernementaux et sociétaux11.Ces défis sont également ancrés dans les déséquilibres historiques en matière d’émissions, où certains pays ont bénéficié de la consommation de combustibles fossiles tandis que d’autres sont aux prises avec les conséquences des impacts climatiques. Répondre à cette préoccupation en matière d’équité implique des transferts financiers importants, qui risquent d’entraver les négociations politiques, en particulier pour atteindre la parité sous un prix universel du carbone.

George Atalla, leader mondial, Gouvernement et Secteur public, EY, déclare : « Plus de deux décennies de programmes de tarification du carbone ont démontré leur potentiel et leurs pièges. Pour que la tarification du carbone soit véritablement transformationnelle et permette une transition juste, les gouvernements devraient adopter une approche coordonnée qui garantit que les différentes approches nationales – qu’il s’agisse de taxes ou de systèmes d’échange – fonctionnent de concert et sans failles. »

La tendance dominante met en évidence un paysage dynamique de cadres politiques diversifiés. Alors que la communauté internationale discute de la possibilité d’un système de tarification mondial, elle offre aux gouvernements l’occasion d’adopter une approche mixte englobant :

  • une tarification des émissions nationales de CO2 selon un programme fondé sur la production, en utilisant un prix du carbone prélevé sur ses secteurs productifs proportionnel aux émissions directes de CO2. Ce cadre reflète les politiques de tarification du carbone actuellement adoptées, comme le SCEQE;
  • l’application de prix supplémentaires sur les produits importés selon un système fondé sur la consommation pour éviter les transferts d’émissions de carbone et le déplacement de la production vers des pays sans réglementation environnementale.

Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MCAB) proposé par l’UE est fondé sur ces principes12. La combinaison des deux approches vise à atténuer certaines faiblesses (p. ex., les transferts d’émissions de carbone) des programmes de production normalisés en attribuant une majoration au carbone incorporé dans les biens importés. Ce mécanisme vise à imposer une pénalité CO2 sur les produits importés des régions ayant des politiques environnementales moins contraignantes.

Avantages de la tarification du carbone en tant que marchandise pour façonner la transition énergétique

Plus particulièrement, notre recherche a analysé le secteur énergétique mondial, responsable de 43 % des émissions mondiales, afin de tester l’incidence des différents prix du carbone et modes de mise en œuvre sur les émissions de CO2 et les revenus fiscaux. Les scénarios se fondent sur les prix planchers du carbone que propose le Fonds monétaire international et les tendances de prix de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) ou projetés par les politiques régionales.

Nous avons modélisé trois scénarios de prix plancher du carbone : 

  1. Le premier scénario est le prix plancher universel. Dans ce scénario, toutes les régions appliquent la même taxe carbone de 190 € par tonne de carbone. Il s’agit du prix le plus élevé atteint dans le cadre du scénario des engagements annoncés de l’AIE présenté en 2021. 
  2. Le deuxième scénario est le prix plancher progressif mondial. Dans ce scénario, toutes les régions appliquent un niveau de tarification du carbone précis qui augmente progressivement au fil du temps. Ici, les prix régionaux du carbone de 2020 à 2030 correspondent aux taux de taxation du carbone rapportés par le  Fonds monétaire international . Alors que les prix de 2030 à 2040 correspondent aux estimations de l’AIE, ceux de 2050 sont au même niveau que le prix plancher universel de 190 € par tonne de carbone.
  3. Le troisième scénario est le prix plancher des grands émetteurs. Dans ce scénario, les prix planchers correspondent aux prix prévus par les politiques établies dans chaque région ou pays. Dans les 27 États membres de l’UE, plus le Royaume‑Uni, aux États‑Unis et en Australie, le prix du carbone s’établit au départ à 70 € par tonne, passant progressivement à 190 € par tonne en 2050. En Chine, il passe progressivement de 8 € à 30 € par tonne en 2050.
Source : Réseau mondial EY

Notre recherche montre que la hausse des prix mondiaux du carbone et une application plus large des mécanismes de tarification peuvent accélérer la transition vers l’énergie verte d’ici 2050. Cela pourrait entraîner des réductions d’émissions de CO2 de 17 % à 68 % dans le secteur de l’électricité, générant des recettes fiscales allant de 15,4 € à 80,5 € la tonne. Ces scénarios sont prometteurs et démontrent l’importance de la collaboration et de la coopération internationales pour former des cadres politiques durables et équitables.

Bien que notre étude économique démontre le potentiel de la tarification du carbone en tant qu’outil puissant pour les gouvernements, chaque gouvernement doit élaborer une stratégie sur mesure, en l’adaptant à son contexte particulier. Plusieurs facteurs clés peuvent accroître l’efficacité de leurs efforts.

Asian, Family, Lifestyle, middle class.
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Chapitre 4

Comment les gouvernements peuvent‑ils façonner la réglementation du carbone pour générer de la valeur?

Il y a sept facteurs clés à prendre en considération.

Tandis que les gouvernements réfléchissent à la meilleure façon d’intégrer la tarification du carbone à leurs politiques et stratégies nationales de décarbonation, ils doivent soupeser les impacts économiques, politiques et sociétaux de ces programmes. « La grande question en ce qui concerne la tarification du carbone – qu’il s’agisse d’une taxe directe ou d’un système de plafonnement et d’échange – est de savoir ce qu’il faut faire avec les fonds que vous amassez, déclare Andrew Phillips, leader mondial, Gouvernement et infrastructure, Fiscalité, EY. C’est vraiment important sur le plan social, car l’établissement d’un prix sur le carbone aura probablement une incidence sur tous les aspects de la société, certains plus que d’autres. »

La tarification du carbone peut être un sujet litigieux, et les négociations sur la mise en œuvre de politiques de réduction du carbone peuvent devenir un processus interminable, à moins que les gouvernements n’aient des objectifs clairs.

La grande question en ce qui concerne la tarification du carbone est de savoir ce qu’il faut faire avec les fonds amassés. C’est vraiment important sur le plan social.

Comment les gouvernements devraient‑ils commencer à élaborer une réglementation efficace sur le carbone? Tenez compte des sept facteurs clés suivants :

1. Connaître le type de prix le mieux adapté à votre économie et à votre société

Une tarification complète du carbone indique à chaque entreprise qu’elle doit tarifer le carbone aussi efficacement que n’importe quel autre intrant commercial et réduire les émissions, éliminant ainsi la nécessité de milliers de micro‑interventions. Les gouvernements sans tarification du carbone doivent s’appuyer sur des mesures incitatives, ce qui pose des défis sur le plan budgétaire.

La première étape consiste à choisir la meilleure forme de tarification du carbone de votre pays. S’il s’agit d’une taxe directe, quels seront les secteurs taxés les premiers? S’il s’agit d’un système d’échange de quotas d’émissions (SEQE), quels sont les secteurs d’activité et les gaz couverts, et comment élargir la couverture au fil du temps? Et comment rajuster la taxation des produits importés?

Les questions de conception comprennent le taux d’imposition initial et la façon dont il augmentera, l’attribution du fardeau législatif, le plafond de CO2, la distribution des allocations, la réglementation existante et, peut‑être le plus important, d’un point de vue politique, la répartition des produits.

2. Recourir à la compensation comme solution de rechange à la tarification du carbone

La réglementation des émissions de carbone est prête à adopter diverses tactiques. Les compensations, caractérisées par leur capacité à contrebalancer les émissions de GES ou à améliorer le stockage du carbone ailleurs, représentent une voie pour l’atteinte des cibles de réduction des émissions. Cette approche peut établir un cadre de partage des coûts sans mécanisme officiel de tarification du carbone. Toutefois, il est essentiel de faire preuve de prudence et d’effectuer des évaluations approfondies sur le marché des crédits carbone afin d’assurer une comptabilisation précise du carbone.

Les gouvernements peuvent favoriser la décarbonation en fixant un prix compensatoire important tout en s’attaquant aux transferts d’émissions de carbone potentiels. Grâce aux compensations négociées entre les pays, les pays ayant des intensités d’émissions plus faibles peuvent s’engager dans des initiatives de réduction du carbone, comme des projets technologiques ou le stockage du carbone, dans les pays ayant des intensités d’émissions plus élevées. Cette démarche stratégique est particulièrement avantageuse lorsque les installations industrielles sont plus anciennes et que les coûts de restauration sont faibles. Ainsi, la mise en œuvre de compensations nécessite un équilibre judicieux entre l’incitation à la décarbonation et la gestion des transferts d’émissions de carbone potentiels, façonnant une approche nuancée de contrôle des émissions.

3. Disposer d’un plan clairement défini pour répartir les recettes perçues

Les gouvernements peuvent utiliser les recettes provenant de la tarification du carbone pour réduire les impôts, investir dans l’énergie propre et les infrastructures technologiques, offrir un allègement aux ménages à faible revenu les plus touchés par la hausse des prix des aliments et de l’énergie, s’attaquer aux problèmes sociaux liés (ou non liés) aux changements climatiques, ou même financer des investissements dans la décarbonation pour des entreprises individuelles. Ces décisions entraîneront des répercussions sociales importantes; il sera donc crucial pour les gouvernements de choisir judicieusement leur stratégie.

4. Faire preuve de transparence pour renforcer la crédibilité et le soutien du système de tarification

La transparence maintiendra la crédibilité d’un cadre régional et national de tarification du carbone connecté. Les gouvernements doivent évaluer avec précision les émissions de carbone et l’efficacité de la compensation pour réduire au minimum les transferts d’émissions de carbone, réduire la double comptabilisation et lutter contre la fraude carbone et l’écoblanchiment.

La technologie et une meilleure analyse des données améliorent la transparence. Les technologies spatiales, y compris les données satellitaires, surveillent les forêts tropicales liées à des projets de compensation du carbone, tandis que le dispositif d’enregistrement électronique partagé permet de suivre les émissions de carbone et leur empreinte dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. L’IA et l’analyse de données peuvent fournir des informations sur les risques liés au carbone et leur atténuation dans les activités et les fournisseurs. La valeur de l’information continuera de croître et contribuera à établir un prix mondial du carbone. « Bientôt, divers systèmes de tarification du carbone coexisteront en tant que marchés distincts, déclare Gianluca di Pasquale, leader mondial, Économies vertes et infrastructures, et coleader, Villes de l’avenir, EY. Pour parvenir à une approche unifiée, il est essentiel d’exploiter le potentiel de la chaîne de blocs intégrée à l’Internet des objets. Le principal défi consiste à établir un écosystème qui favorise la confiance, la transparence et l’interopérabilité. »

5. Renforcer les obligations de présentation de l’information pour favoriser l’adoption

L’amélioration des données sur le carbone et les exigences accrues en matière de présentation de l’information sur le développement durable augmenteront la crédibilité et la valeur de la tarification du carbone. Les gouvernements à l’échelle mondiale réglementent la présentation de l’information non financière, et la nouvelle directive sur les rapports de développement durable des entreprises de l’UE exige que la plupart des entreprises signalent l’incidence des changements climatiques non seulement sur leurs activités, mais aussi sur la planète et la société. Aux États‑Unis, la Securities and Exchange Commission a proposé des modifications aux règles obligeant les sociétés à déclarer les risques liés aux changements climatiques susceptibles d’avoir une incidence importante sur leurs activités et leur situation financière.

6. Développer une culture de travail et de gouvernance qui comprend l’importance de la décarbonation

La transition vers une économie carboneutre nécessite une nouvelle génération de professionnels qui accordent la priorité à l’urgence climatique, à la biodiversité et à la préservation de la planète dans leur prise de décision. Ce changement de culture exige  une nouvelle génération d’emplois verts et un changement de mentalité au sein de la main‑d’œuvre. Par ailleurs, les entreprises rentables seront de plus en plus synonymes d’entreprises vertes, à l’heure où les aspects économiques difficiles des changements climatiques et de la tarification du carbone façonnent l’économie de demain. L’économie souterraine s’essoufflera lentement alors que les industries bien établies feront place à des solutions vertes.

7. Tirer parti de la tarification du carbone pour la résilience et l’innovation climatiques mondiales

Les gouvernements peuvent exploiter les recettes générées par la tarification du carbone comme source importante de redistribution internationale en contribuant à un fonds commun pour soutenir la résilience climatique des pays vulnérables et faciliter la transition vers des économies à faibles émissions de carbone. Cette approche collaborative démontre l’engagement des pays développés à l’égard de l’action climatique mondiale et établit un cadre pour le bénéfice mutuel. Même les pays à plus faible intensité carbone peuvent en récolter les fruits, car ils peuvent exporter leurs technologies et solutions vertes de pointe, s’engager dans des projets et des coentreprises avec les pays en développement, renforcer la résilience de la chaîne d’approvisionnement et favoriser l’amélioration des relations commerciales mondiales. Des exemples comme les transferts de technologies sont essentiels pour permettre aux pays moins développés d’adopter des technologies propres et efficaces, d’accélérer leur transition et de faciliter l’échange d’expertise, de connaissances et de solutions.

Rassembler les forces pour une société durable

Nous devons rassembler les perspectives mondiales sur la politique en matière de carbone pour atteindre nos objectifs climatiques ambitieux. Des efforts concertés sont nécessaires pour fixer le prix du carbone en tant que marchandise à l’échelle mondiale afin d’obtenir les meilleurs résultats. Les négociations doivent être cohérentes et adaptées à la structure industrielle et à la balance commerciale des différents pays et différentes régions.

Les gouvernements ont été trop timides en matière de réglementation climatique pendant trop longtemps, craignant que l’établissement de normes d’émissions plus strictes n’aliène des industries clés, ce qui obligerait les sociétés à déménager dans des pays et des régions où les politiques sont plus souples.

La réalité, c’est que le monde des affaires sait que le prix du carbone continuera d’augmenter et qu’il s’attend à ce que le gouvernement fasse preuve de leadership et donne des garanties. Certains transferts d’émissions transfrontaliers seront encore effectués, mais les voies vers la carboneutralité ont déjà été tracées. Si le gouvernement donne l’exemple, les entreprises suivront.

Les auteurs du présent article tiennent à remercier tout particulièrement Cathy Koch, Kasia Klaczynska Lewis, Andrew Phillips et Marco Cavalli, d’EY pour leur contribution.


Résumé 

Une tarification efficace et équitable du carbone est une voie claire qui aidera la société mondiale à se sortir de la crise climatique actuelle. À l’heure actuelle, la mosaïque de programmes de tarification du carbone est inefficace et renforce les disparités entre les différentes économies. Un effort de collaboration visant à élaborer un cadre mondial de tarification du carbone, assurant différentes approches nationales, est nécessaire pour tenir compte du coût des combustibles fossiles dans les entreprises et faciliter la transition vers une économie axée sur l’énergie verte.

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