Éoliennes au milieu d’un champ hérissé de balles de paille

L’ISSB publie la nouvelle norme IFRS S2 sur les informations à fournir en lien avec les changements climatiques

Auteur : Victor Chan, directeur international, Services mondiaux IFRS, Ernst & Young Global Limited | Réseau mondial EY


L’IFRS S2, la première norme thématique de l’ISSB, exige que les entités fournissent des informations sur les risques et les possibilités liés aux changements climatiques.


En bref

  • La norme IFRS S2 exige des entreprises qu’elles disposent de plans concernant la présentation des informations au sujet des risques physiques et des risques liés à la transition et au sujet de l’incidence de ces risques quant à la transition vers un modèle économique à faibles émissions de carbone.
  • Les entreprises devront recourir à des analyses de scénario pour évaluer leur résilience face à l’incertitude et au risque.
  • L’ISSB a prévu des mesures d’allégement temporaires quant aux obligations d’information concernant les émissions de gaz à effet de serre (GES) du champ d’application 3, ces dernières pouvant poser des défis aux entreprises.

Le Conseil des normes internationales d’information sur la durabilité (International Sustainability Standards Board – « ISSB ») a récemment publié (en juin 2023) ses deux premières normes IFRS d’information sur la durabilité, soit IFRS S1 Obligations générales en matière d’informations financières liées à la durabilité et IFRS S2 Informations à fournir en lien avec les changements climatiques. Lisez notre article sur la norme IFRS S1. L’objectif de la norme IFRS S2 est d’obliger les entreprises à présenter des informations utiles pour investisseurs en ce qui concerne les risques et les possibilités liés aux changements climatiques. Les dispositions de l’IFRS S2, tout comme celles de l’IFRS S1, s’articulent autour de quatre éléments essentiels : la gouvernance, la stratégie, la gestion des risques ainsi que les indicateurs et cibles. L’ISSB a limité l’applicabilité de l’IFRS S2 aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024. Cela dit, pour chaque territoire, la date d’entrée en vigueur dépendra des dispositions légales ou réglementaires locales. L’ISSB a également confirmé qu’il autoriserait les entreprises à adopter la norme avant la date d’entrée en vigueur, pourvu qu’elles déclarent ce choix et qu’elles appliquent l’IFRS S1 simultanément.

Cet article attire l’attention des membres du conseil et des cadres supérieurs sur certaines considérations stratégiques utiles pour ce qui est des plans initiaux d’adoption de la norme pour leur entreprise.

Élaborer un plan de transition robuste

L’IFRS S2 distingue les types suivants de risques liés aux changements climatiques :

  • Risques physiques
    • Risques causés par un événement (risques aigus)
    • Tendances à long terme ou risques chroniques
  • Risques de transition (associés à la transition vers une économie à plus faibles émissions de carbone)

Les risques de transition peuvent exposer une entreprise à divers degrés de risques financiers et d’atteinte à la réputation, en fonction de la nature, de l’urgence et de l’objet des risques liés à la transition vers une économie plus sobre en carbone. Dans un monde axé sur la réduction des émissions de carbone, alors que les gouvernements s’engagent de plus en plus à mener une transition vers une économie à faibles émissions de carbone, les entreprises prennent conscience de l’importance d’élaborer des plans de transition comme un élément clé de leur stratégie globale. L’IFRS S2 comprend de nombreuses obligations d’information spécialisées concernant les plans de transition. Son objectif global est de permettre aux principaux utilisateurs de la norme de comprendre l’incidence des risques et des possibilités liés aux changements climatiques sur la stratégie et les décisions d’une entreprise. Cette compréhension pourrait s’avérer utile, par exemple, lorsqu’une entreprise doit déterminer si un risque lié au climat qu’elle a relevé est de type physique ou de transition. En outre, les entreprises doivent recenser les actifs et les activités d’exploitation qui sont plus particulièrement vulnérables aux risques de transition en indiquant le montant et la part correspondant à chaque élément recensé. Pour ce qui est des entreprises qui disposent déjà d’un plan de transition, l’IFRS S2 requiert la présentation des informations essentielles suivantes :

  • Hypothèses ou dépendances fondamentales documentées lors de l’élaboration du plan de transition;
  • Comment l’entreprise finance les activités visées par son plan de transition ou envisage de le faire

N’oublions pas qu’un plan de transition n’équivaut pas à un objectif à long terme. En effet, un plan de transition doit être assez détaillé pour mettre en évidence la stratégie globale de l’entreprise en ce qui concerne sa transition vers une économie à faibles émissions de carbone et définir avec précision les indicateurs et les cibles applicables à la transformation de l’entreprise, c’est-à-dire à la réduction de ses émissions de GES.

 

Résilience accrue grâce aux analyses de scénarios

Compte tenu des exigences de l’IFRS S2, les investisseurs auront accès à un éventail beaucoup plus large d’informations sur une entreprise et sur les risques et possibilités la concernant en matière de changements climatiques. Ces informations les aideront à comprendre les facteurs d’incertitude ayant trait aux changements climatiques et à en tenir compte. Plus particulièrement, l’IFRS S2 exige des entreprises qu’elles expliquent la résilience de leur stratégie et de leur modèle d’entreprise en ce qui concerne les risques physiques et de transition et les possibilités qui s’y rattachent. À cet effet, l’IFRS S2 oblige les entreprises à mener une analyse de scénarios climatiques et à évaluer leur propre résilience climatique. Cette analyse doit reposer sur une approche pertinente et adaptée des risques et des possibilités liés aux changements climatiques, mais aussi des compétences, des capacités et des ressources disponibles à la date de présentation des informations. Les entreprises devront définir leur approche d’analyse de scénarios climatiques en s’appuyant sur la totalité des informations raisonnables et justifiables auxquelles elles peuvent accéder sans coûts ou sans efforts excessifs. Lors de l’analyse, elles doivent tenir compte à la fois du choix des paramètres d’entrée et des décisions analytiques prises.



Les obligations d’information couvrent les éléments essentiels : gouvernance, stratégie, gestion du risque, indicateurs et cibles. Elles permettent notamment de savoir si, et comment, l’entreprise utilise les analyses de scénarios climatiques pour orienter la reconnaissance des risques ou des possibilités en matière de changements climatiques.



En effectuant une analyse de scénarios, les entreprises seront en mesure de mieux comprendre la résilience de leur stratégie et de leur modèle d’entreprise en ce qui concerne les changements climatiques, les faits nouveaux et les facteurs d’incertitude. Les résultats de cette analyse de scénarios aideront les entreprises à affiner leur stratégie et leur modèle d’entreprise global et ainsi à améliorer leurs procédures de gestion du risque face aux défis posés par les changements climatiques. En pratique, il s’agira probablement d’un processus itératif, dont la réussite tiendra à l’assurance d’une supervision suffisante et d’une collaboration entre un grand nombre de fonctions de l’entreprise.

Se concentrer sur la chaîne de valeur pour réduire les émissions de GES

La réduction des émissions de GES dans l’atmosphère, notamment de celles de dioxyde de carbone et d’autres gaz, est une composante essentielle des mesures d’atténuation des changements climatiques. L’IFRS S2 exige expressément que les entreprises fassent rapport de la quantité absolue d’émissions brutes de GES qu’elles ont générées au cours de la période de présentation de l’information. De façon générale, la mesure des émissions de GES suit les prescriptions de la publication de 2004 intitulée The Greenhouse Gas Protocol: A Corporate Accounting and Reporting Standard (Revised Edition) (le Protocole sur les GES). Toutefois, compte tenu de l’ampleur de cet engagement pour toutes les entreprises visées, l’IFRS S2 accorde une certaine souplesse quant à l’application du Protocole sur les GES et plus particulièrement aux travaux d’harmonisation de l’approche de mesure des GES avec le Protocole sur les GES. Par exemple, si une autorité territoriale exige que les entreprises de son ressort utilisent une autre méthode pour mesurer leurs émissions de GES, l’IFRS S2 autorisera ces entreprises à le faire. En outre, les entreprises pourront continuer d’appliquer, au cours du premier exercice d’application de l’IFRS S2, une méthode de mesure autre que le Protocole sur les GES pour mesurer ses émissions de GES si c’est ce qu’elles ont fait au cours de l’exercice précédent.

Un examen plus poussé du champ d’application des obligations d’information en matière de GES montre qu’elles couvrent différents types d’émissions, notamment :

  • Les émissions directes de GES du champ d’application 1 : elles proviennent de sources qui sont la propriété de l’entreprise ou que l’entreprise contrôle directement;
  • Les émissions indirectes de GES du champ d’application 2 : elles sont issues de la production d’électricité, de chaleur ou de vapeur que l’entreprise a achetées ou consommées;
  • Les émissions indirectes de GES du champ d’application 3 : ce sont des émissions indirectes qui ne relèvent pas du champ d’application 2 et qui sont attribuables à l’ensemble de la chaîne de valeur de l’entreprise, notamment les émissions en amont et en aval.

Le champ d’application 3 présente une grande complexité, car les émissions de GES qu’il regroupe sont issues de l’ensemble de la chaîne de valeur de l’entreprise. En effet, ces émissions ont toujours posé des défis aux entreprises sur le plan de la qualité des données et de leur collecte. L’allégement permet aux entreprises de ne pas présenter les informations relatives aux émissions de GES du champ d’application 3 au cours du premier exercice d’application de la norme. L’ISSB admet que les entreprises ne seront pas toutes en mesure de gérer efficacement leurs émissions du champ d’application 3, en particulier à court terme. 



Les entreprises devront s’engager de façon proactive auprès des parties prenantes de l’ensemble de leur chaîne de valeur et collaborer avec elles pour mettre en place les systèmes et les contrôles nécessaires à leur processus redditionnel. Qui plus est, pour atteindre les cibles d’émissions du champ d’application 3 à l’avenir, les entreprises seront probablement amenées à évaluer soigneusement les produits qu’elles envisagent d’offrir à long terme et la façon dont ces derniers sont conçus, fabriqués et livrés aux clients, et ce, sur l’ensemble de leur chaîne de valeur.



Conclusion

L’IFRS S2 est la première norme thématique finalisée par l’ISSB. Pour les utilisateurs de rapports financiers, cette norme constitue le premier pas vers la mise en place d’une référence mondiale en matière de présentation de l’information sur la durabilité concernant les changements climatiques. Elle contribuera également à conscientiser davantage les entreprises de tous les secteurs en ce qui concerne l’incidence du réchauffement climatique et d’autres questions ayant trait au climat, à provoquer un changement de comportement collectif et à accélérer l’atteinte de l’objectif de zéro émission nette.
 

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EY Canada + 1

    Résumé

    La publication de l’IFRS S2 exige que les entreprises passent à l’acte sans délai, qu’elles adoptent des plans exhaustifs pour la présentation de leurs informations en matière de lutte contre les changements climatiques et pour leur transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Selon cette approche, les entreprises se servent des analyses de scénarios climatiques pour jauger la résilience de leur modèle d’affaires et de leur stratégie dans un contexte de changements et d’insécurité. Les entreprises devront également examiner l’intégralité de leur chaîne de valeur et se préparer à mettre en application le Protocole sur les GES. Elles auront à définir et à mesurer leurs cibles en matière de réduction des émissions de GES.

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