Les différends commerciaux perturbent la durabilité du Canada

Incertitude et différends commerciaux au Canada : nouveau départ du programme de durabilité

Auteurs : Shane Thompson
Contributeurs : Eri Marques , Mathilde Ensminger


En bref

  • L’incertitude commerciale et la mise en suspens des règlements en 2025 forcent les entreprises canadiennes à revoir leurs stratégies liées à la durabilité.
  • Les entreprises doivent composer avec des règles de divulgation mondiales en pleine évolution et gérer de manière continue les risques liés aux changements climatiques, aux enjeux sociaux et à la chaîne d’approvisionnement.
  • En dépit de la turbulence des marchés, l’adoption sans délai de la durabilité permettra aux entreprises canadiennes de demeurer compétitives, d’attirer des capitaux et d’accéder à de nouveaux marchés à long terme.

Alors que le monde traverse les turbulences de 2025, les entreprises canadiennes ont dû composer avec la mise en suspens des règlements liés à la divulgation en matière de durabilité, l’escalade des guerres commerciales et les changements de politiques gouvernementales. Ces obstacles suffiront‑ils à déstabiliser leurs efforts sur le plan de la durabilité? Ou leur fourniront‑ils une nouvelle voie pour favoriser la résilience et une plus grande capacité concurrentielle?

Obstacles à la durabilité en 2025
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Chapitre 1

Obstacles à la durabilité en 2025

1. Mise en suspens des règlements sur la divulgation

L’année 2025 a été marquée par une interruption temporaire ou un report de plusieurs règlements clés sur la divulgation en matière de durabilité. En avril, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont mis en suspens leurs travaux afin de rendre obligatoires les Normes canadiennes d’information sur la durabilité (NCID). En mars, la Securities and Exchange Commission (SEC) des États‑Unis a mis en suspens, pour ne pas dire retiré, sa règle sur la divulgation en matière de changements climatiques. En outre, en février, le projet de loi d’ensemble de l’Union européenne a retardé et allégé l’application de la Directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises.

Les délais d’application de la Directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises ont été bien accueillis par les préparateurs et leur ont permis de donner un rythme de changement plus mesuré. Mais précisons d’emblée que les entreprises doivent toujours investir des sommes considérables en vue de se préparer pour l’entrée en vigueur de la réglementation retardée.

De plus, les investisseurs exigent toujours des rapports sur la durabilité cohérents et transparents afin de prendre des décisions éclairées en fonction du risque. Les entreprises qui résistent en raison d’un manque de clarté des règlements risquent de perdre de vue les attentes des clients et des autres parties prenantes, sans compter qu’elles risquent de perdre l’occasion d’apporter des changements pertinents.

2. Guerre commerciale et réorganisation de la chaîne d’approvisionnement

La guerre commerciale continue avec les États‑Unis a donné lieu à de nouveaux risques sur le plan de la conformité et des normes comptables. Ce contexte a une incidence sur les marchés d’importation et d’exportation canadiens, ce qui crée une grande incertitude et perturbe les chaînes d’approvisionnement jusqu’à la conclusion prochaine d’un nouvel accord. Par exemple, les producteurs de métaux canadiens, qui exportent 84 % de leurs métaux communs évalués à 47,3 G$ CA [1] aux États‑Unis, ont été assujettis à des droits de douane de 25 %, puis de 50 % du jour au lendemain, sans compter que ces droits peuvent toujours faire l’objet d’autres changements à mesure que progressent les négociations.

 

En réponse à cette incertitude, les entreprises cherchent à accroître ou à diversifier leurs exportations pour accroître leur chiffre d’affaires. Elles pourraient trouver du soutien dans ces efforts auprès du gouvernement fédéral, lequel tente de revoir les voies commerciales existantes, par exemple entre l’Europe et le Canada, offrant ainsi aux exportateurs canadiens des occasions potentielles dans l’avenir.

 

Pour garantir leur accès aux marchés, les entreprises devront cependant composer avec des règles complexes liées à la durabilité ayant une incidence sur le commerce mondial. Par exemple, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’UE ajoute un autre niveau de complexité et demande aux importateurs de l’UE de payer pour leurs émissions de carbone intégrées aux biens qu’ils importent. Cette mesure exige des exportateurs qu’ils rendent les données sur les émissions facilement accessibles.

 

Dans le même ordre d’idée, les entreprises canadiennes qui exportent vers les marchés asiatiques doivent tenir compte des règles sur les rapports relatifs à la durabilité en pleine évolution dans cette région. Selon le territoire, les entreprises pourraient être tenues de divulguer l’incidence financière des questions de durabilité et leurs effets d’ensemble sur le plan environnemental et social, et de préparer en conséquence des rapports sur la durabilité, y compris de divulguer des informations liées aux changements climatiques et aux émissions de gaz à effet de serre. Par exemple, en 2024, le ministre des Finances chinois a publié des lignes directrices de base pour les divulgations d’informations relatives à la durabilité d’entreprise, en vertu desquelles l’importance relative double serait appliquée. [2]

 

Alors que la dynamique commerciale change constamment, les entreprises canadiennes doivent être prêtes non seulement à composer avec l’incertitude entourant les droits de douane, mais également avec des attentes croissantes de devoir divulguer et gérer les émissions de carbone produites par leurs chaînes d’approvisionnement.

 

3. Changements à la politique

Les élections récentes au Canada et aux États‑Unis indiquent que des changements pourraient être apportés à la politique sur la durabilité.

 

Aux États‑Unis, la loi intitulée Inflation Reduction Act (IRA) a d’abord favorisé d’importants investissements dans l’énergie verte, mais son avenir est devenu de plus en plus incertain. L’adoption récente de la loi intitulée One Big Beautiful Bill Act (OBBBA) constitue un changement marquant des priorités fédérales, et elle réduit ou élimine plusieurs incitatifs fiscaux et programmes de subvention pour l’énergie verte prévus par l’IRA, notamment plus de 20 G$ US pour le financement lié aux changements climatiques. [3] Même si certains changements peuvent être apportés progressivement, l’OBBBA indique une orientation vers un contexte politique plus fragmenté. Un changement qui fait en sorte que les stratégies liées à la durabilité doivent être suffisamment résilientes pour résister aux changements liés aux incitatifs et assez agiles pour tirer parti des nouvelles possibilités offertes au niveau de l’État ou par le secteur privé.

 

Au Canada, en revanche, le gouvernement fédéral a établi un objectif clair en vue d’une action concertée, avec le soutien des premiers ministres provinciaux, visant à réduire les barrières commerciales entre les provinces, à inciter d’importants investissements dans les infrastructures et à faire du Canada une superpuissance dans le domaine de l’énergie. Ces faits nouveaux pourraient redéfinir les voies commerciales traditionnelles et entraîner des changements aux cadres réglementaires et sur le plan du financement.

 

Un tournant important est survenu avec l’adoption du projet de loi C‑5, soit la Loi sur l’unité de l’économie canadienne, qui attribue au cabinet fédéral des pouvoirs considérables pour la mise en œuvre rapide de projets énergétiques et d’infrastructure de grande envergure. Considérée comme une réponse à la hausse des tensions commerciales avec les États‑Unis, la loi cherche à stimuler la résilience économique en accélérant l’approbation des projets réputés être d’intérêt national. Alors que le gouvernement a souligné que les projets qui cadrent avec le leadership autochtone, la croissance propre et les technologies durables se verront donner la priorité, la portée globale du projet de loi et ses mécanismes de nature discrétionnaire soulèvent des questions quant à la certitude réglementaire à long terme, la surveillance environnementale et la cohérence des engagements en matière de durabilité.

 

Les politiques et les opinions étant en constante évolution, les entreprises doivent être prêtes à réagir rapidement, et à maintenir leur rendement en matière de durabilité à un niveau qui leur permettra de réaliser des développements futurs, plutôt que de les entraver.

Rétablissement des stratégies liées à la durabilité aux fins de la résilience de l’entreprise
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Chapitre 2

Rétablissement des stratégies liées à la durabilité aux fins de la résilience de l’entreprise

Dans ce climat de turbulence, on pourrait penser que la durabilité est rapidement passée sous le radar. En réalité, les entreprises canadiennes ont l’occasion de revoir leurs programmes en matière de durabilité non seulement pour affronter la tempête, mais pour en ressortir plus résilientes et plus productives. Elles peuvent élaborer des mesures adéquates autour de quatre priorités stratégiques clés :

  • Se conformer
  • gérer les risques
  • Concurrencer
  • Se distinguer

Trouver le bon équilibre entre ces priorités permettra aux entreprises de prospérer dans un marché mondial de plus en plus complexe et instable.

1. Se conformer

Les entreprises canadiennes doivent évidemment donner la priorité au respect des règles obligatoires en vigueur, notamment les droits de la personne dans le cadre du projet de loi S‑211, une multitude de règlements en matière d’environnement, de santé et de sécurité et des mandats précis tels que le projet de loi C‑15 portant sur le respect des droits des peuples autochtones et le projet de loi C‑59, la Loi sur la concurrence fédérale qui vise l’écoblanchiment, pour n’en nommer que quelques‑uns.

La production de rapports transparents sur la conformité est un impératif juridique au Canada et à l’étranger qui nécessite de composer avec un contexte réglementaire en constante évolution. Pour assurer la divulgation cohérente et simplifiée d’informations, les efforts de conformité doivent être soutenus par des programmes de production de rapports solides qui coordonnent de manière efficace les divers collaborateurs. Pour ce faire, des systèmes intégrés, des données fiables et une infrastructure numérique sont essentiels en vue de soutenir des données d’entrée opportunes et de grande qualité, sans oublier des processus et des contrôles robustes afin d’améliorer l’exhaustivité et l’exactitude des données. Suivent ci‑après certains des principaux aspects en matière de conformité applicables à la majorité des entreprises canadiennes.

Droits de la personne, santé et sécurité : Le respect proactif des droits de la personne et des normes ESS est essentiel et le demeurera. Le respect des normes ESS est un aspect non négociable dans le cadre des échanges commerciaux, tout comme le sont la surveillance en matière de droits de la personne et les rapports à cet égard par suite de la mise en œuvre du projet de loi S‑211 au Canada ou pour les entreprises assujetties à la Directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises.

Emballage, déchets et responsabilité relative aux produits : Les exportateurs canadiens acheminant leurs produits vers l’UE et d’autres marchés sont confrontés à de nouvelles obligations liées au respect de la durabilité et aux données pour les produits exportés dans l’ensemble de la chaîne de valeur. Par exemple, le Règlement sur l’écoconception des produits durables de l’UE, en vigueur depuis juillet 2024, établit de façon progressive des exigences relatives à la durabilité pour l’ensemble des secteurs d’activité.[4] À compter de juillet 2025, les grandes entreprises devront commencer à communiquer le rendement sur le plan environnemental pour des produits prioritaires, tels que le textile, les appareils électroniques, les meubles, l’aluminium et l’acier.

De même, plusieurs États américains abordent de manière proactive la question des déchets d’emballages et des coûts de traitement connexes par le biais de leurs propres programmes de responsabilité élargie des producteurs. Les États tels que l’Oregon, la Californie, le Colorado, le Minnesota et le Maine encouragent déjà les producteurs et les importateurs à concevoir des emballages qui sont plus faciles à recycler, à réutiliser et à éliminer de façon sécuritaire. Un élan se dessine dans l’ensemble du pays, alors que d’autres projets de loi sur la responsabilité élargie des producteurs ont été déposés en 2025.

 

Règles en matière de changements climatiques et de tarification du carbone : En raison de l’évolution des règles en matière de changements climatiques, les entreprises canadiennes doivent s’adapter si elles veulent demeurer compétitives. Compte tenu des mécanismes de tarification du carbone, notamment le système canadien de tarification fondé sur le rendement qui, en théorie, est toujours en vigueur au moment de la rédaction du présent article, et du mécanisme d’ajustement à la frontière pour le carbone de l’UE, ainsi que des programmes liés aux systèmes d’échange de droits d’émission et d’ajustement à la frontière pour le carbone similaires en vigueur au Royaume‑Uni, en Australie, au Japon et au Mexique, les entreprises ont à débourser des frais selon leurs émissions au Canada et sur leurs exportations à l’étranger. C’est pourquoi il est nécessaire d’investir dans des systèmes de suivi de façon à assurer le respect et réduire les coûts.

 

Conformité du Conseil canadien des normes d’information sur la durabilité et projet de loi C‑59 : Même si les normes de présentation de l’information du Conseil canadien des normes d’information sur la durabilité sont en vigueur au Canada, leur application n’est pas encore exigée par les organismes de réglementation des valeurs mobilières; en fait, elles sont mises en suspens. Cela ne diminue en rien le fait que l’intérêt à l’échelle mondiale à l’égard des obligations d’information sur la durabilité est en plein essor. Plus de 30 territoires ont soit mis en œuvre les normes de l’ISSB ou envisagent de le faire. Ces normes exigent des entreprises qu’elles communiquent la mesure dans laquelle les enjeux de durabilité peuvent avoir une incidence sur leurs flux de trésorerie, leur financement et leur coût du capital.

 

Alors que les territoires ayant adopté les normes de l’ISSB ou qui envisagent de le faire représentent près de 60 % du PIB à l’échelle mondiale, les entreprises font face aux pressions croissantes des organismes de réglementation et des investisseurs, qui leur demandent de communiquer cette information. Ce n’est qu’une question de temps avant que la divulgation de l’information sur la durabilité ne devienne globalement obligatoire. Comme c’est le cas pour la Directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises de l’UE, ces mesures peuvent entraîner l’obligation de communiquer de l’information par une société mère canadienne. Les entreprises qui attendaient ces mesures auront une longueur d’avance et seront mieux préparées pour les demandes importantes que ces mandats imposent au temps consacré à la gestion.

 

Pour ajouter au contexte réglementaire déjà complexe, le projet de loi C‑59 vise directement l’écoblanchiment en exigeant des entreprises qu’elles prouvent le bien‑fondé des revendications environnementales et sociales présentées dans du matériel promotionnel avec des méthodes reconnues dans le monde entier axées sur des données et des références vérifiables. C’est pourquoi nous avons constaté que plusieurs entreprises avaient mis fin ou réduit leurs engagements et leur divulgation d’information liés à la durabilité afin d’éviter les possibles risques juridiques ou d’atteinte à la réputation liés à des revendications non justifiées. Pour celles qui ont maintenu de tels engagements, l’obstacle est dorénavant plus considérable : les revendications doivent être corroborées par des preuves solides. Cet examen minutieux indique un changement, alors que la transparence n’est plus seulement souhaitée, mais exigée.

2. Gérer les risques

Dans l’environnement d’affaires chaotique d’aujourd’hui, la gestion des risques liés à la durabilité demeure essentielle à la réussite des entreprises sur le plan de l’exploitation et à leur résilience. Les risques liés à la durabilité n’ont pas disparu et demeurent en tête de liste des risques d’entreprise pour pratiquement chaque entreprise de partout dans le monde.

Parmi ces risques, on compte les suivants :

Risques environnementaux : La gestion inadéquate des aspects environnementaux entraîne la non‑conformité, donnant lieu à la contamination de l’air, de l’eau et du sol. Cette lacune peut entraîner des sanctions réglementaires et nuire à la réputation d’une entreprise. Même si plusieurs entreprises sous‑estiment toujours ces risques, les parties prenantes portent de plus en plus d’attention à l’incidence du risque environnemental sur l’entreprise, comme les risques liés à l’eau ou les dépendances de la biodiversité. En adoptant des systèmes de gestion environnementale solides, les entreprises sont en mesure non seulement de réduire ces risques, de se conformer à la réglementation en matière d’environnement et d’atteindre leurs objectifs sur le plan de la durabilité, mais elles peuvent également accroître leur efficience opérationnelle et leur productivité et réduire les coûts à long terme.

Risques sociaux et dépendances : On ne compte plus l’incidence que peuvent avoir les entreprises sur la société, notamment les violations des droits du travail, leur incidence sur les collectivités, les effets directs et indirects sur la santé, l’abordabilité et l’accès inégal à leurs produits et services. Par ailleurs, la majorité des entreprises dépendent de la disponibilité d’une main‑d’œuvre en santé et qualifiée, tout comme des services sociaux et des collectivités efficaces. La gestion efficace des risques sociaux peut améliorer la satisfaction du personnel et accroître la réputation d’une marque, la fidélité des consommateurs et la résilience globale de l’entreprise.

Risques physiques liés au climat : Les entreprises doivent évaluer dans quelle mesure les risques liés au climat, comme les phénomènes météorologiques extrêmes, se traduisent par un risque financier et peuvent entraîner la dégradation des actifs, des interruptions des activités et une résilience réduite de l’infrastructure. 2024 a été la cinquième année consécutive où les pertes assurées dans le monde ont dépassé 100 G$ US, alors qu’au Canada, les pertes assurées ont atteint un niveau record, soit 8,5 G$ CA à l’échelle du pays. Par exemple, les entreprises œuvrant dans le secteur agricole peuvent faire face à des défis liés aux variations chroniques des tendances météorologiques qui ont une incidence sur le rendement des récoltes, tandis que les entreprises exerçant des activités dans le secteur de la fabrication ou celui des ressources peuvent devoir composer avec des interruptions des chaînes d’approvisionnement attribuables aux graves répercussions des catastrophes naturelles, notamment des inondations et des feux incontrôlés au Canada. Il est prévu que les risques liés au climat continueront d’augmenter, ce qui exigera des entreprises la prise de mesures d’adaptation et l’adoption de stratégies de résilience solides.

Risques liés à la transition : À mesure que le monde poursuit le virage vers une économie à faibles émissions de carbone, même si ce virage n’est pas sans heurts, les entreprises doivent tout de même composer avec les conséquences des demandes changeantes des clients, les pressions réglementaires, les nouvelles technologies et la dynamique des marchés. Un virage chaotique, ce qui est présentement le cas selon l’affirmation de plusieurs, peut entraîner un surplus de l’offre ou une pénurie dans différents secteurs de l’économie ou pays et s’avérer extrêmement coûteux. Les entreprises qui sont incapables de s’adapter pourraient se trouver ainsi défavorisées. 

3. Concurrencer

Une gestion de la durabilité solide assure un avantage concurrentiel, car plusieurs initiatives sur le plan de la durabilité présentent un RCI positif, souvent sous forme d’attraction de capitaux, d’accès à de nouveaux marchés ou de réalisation d’économies. Les entreprises qui mettent l’accent sur des programmes de durabilité pertinents augmentent leur chiffre d’affaires et leurs marges et renforcent leur capacité à rivaliser sur le marché.

Attraction de capitaux grâce à la transparence en matière de divulgation : L’attention portée par l’investisseur sur la durabilité demeure soutenue, non pas comme une tendance, mais comme moyen d’évaluer les risques et les occasions qui s’ensuivent. Les investisseurs surveillent les cotes de durabilité et le rendement autre que financier, injectant des capitaux dans des entreprises qui gèrent leurs risques liés à la durabilité.

C’est particulièrement vrai pour les investisseurs commanditaires européens qui exigent notamment des informations supplémentaires sur la durabilité. En 2025, 88 % des investisseurs institutionnels tiennent compte des données sur la durabilité dans leurs analyses, surtout celles portant sur la résilience, les risques réglementaires et le risque lié à la chaîne d’approvisionnement.

Au Canada, où les investissements directs étrangers et la croissance favorisée par les exportations sont une priorité, l’accès à ces données est essentiel pour faire preuve de résilience et éliminer les obstacles en matière de réglementation.[5]

Pour les entreprises qui aspirent à livrer concurrence pour l’accès aux capitaux étrangers, démontrer la manière dont elles gèrent les risques importants liés à la durabilité n’est plus une option, c’est ce que l’on attend d’elles.

Accès aux nouveaux marchés : Alors que plusieurs entreprises cherchent à avoir accès aux nouveaux marchés, le rendement sur le plan de la durabilité devient une condition préalable au commerce mondial.

Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’UE, dorénavant dans sa phase de transition, exige des importateurs qu’ils déclarent leurs émissions de carbone intégrées aux biens qu’ils importent. D’ici 2026, les exportateurs canadiens devront fournir des données vérifiées sur les émissions afin d’éviter des sanctions. Les entreprises cherchant à prendre de l’expansion dans l’UE doivent également maintenir la Directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises et le règlement de l’UE sur la déforestation au centre de leurs préoccupations.

De même, les entreprises canadiennes qui convoitent le Royaume‑Uni devraient anticiper l’adoption future des normes d’information en matière de durabilité conformes au cadre de l’ISSB.

En Asie, le Japon et la Corée du Sud mettront en place la communication obligatoire d’informations financières liées au climat conformément aux normes de l’ISSB à compter de 2025, ce qui aura une incidence sur les entreprises inscrites et leurs chaînes d’approvisionnement et élargira les exigences pour les fournisseurs étrangers. Les exportateurs canadiens qui convoitent ces marchés pourraient devoir assurer leur conformité à ces cadres afin de demeurer concurrentiels, répondre aux attentes des acheteurs et accéder à de nouveaux marchés dans un contexte de droits de douane.

Des mesures simples qui permettront de réaliser des économies : Les entreprises qui investissent dans les pratiques durables constatent souvent que les économies et l’amélioration de leur efficience opérationnelle neutralisent les coûts initiaux. Par exemple, la mise en place de mesures d’efficience énergétique s’accompagne généralement d’un retour sur investissement intéressant, parfois en moins de cinq ans, dans le cadre d’initiatives comme la cogénération, le remplacement des combustibles, l’efficacité énergétique des bâtiments et même l’électrification des processus et du transport, surtout dans des secteurs tels que le pétrole et le gaz ainsi que la fabrication. Ces initiatives sont devenues encore plus intéressantes en raison des programmes de financement fédéraux et provinciaux, notamment les crédits d’impôt à l’investissement, qui devraient être maintenus, peut‑être même augmentés, au Canada sous le nouveau gouvernement.

Les entreprises portent également une plus grande attention à leurs accords d’achat d’énergie au moment d’évaluer la consommation d’énergie et les mesures d’efficience de façon à accroître les économies de coûts et à atteindre les objectifs de décarbonation. La réduction des déchets peut également permettre aux entreprises de diminuer les factures de gestion des déchets des tiers et les déchets de produits, et d’optimiser les écodroits et les frais d’emballage à très court terme.

4. Se distinguer

Pour prospérer dans l’environnement chaotique d’aujourd’hui, la prise de mesures pertinentes en matière de durabilité peut aider les entreprises à différencier leur marque, leurs produits et leurs services sur le marché. Par contre, plusieurs entreprises ont besoin d’aide pour « revoir » leurs priorités stratégiques relativement aux objectifs de durabilité. Que les entreprises poursuivent discrètement leurs programmes de durabilité sous le regard scrutateur du public ou renforcent leurs analyses des données de façon à soutenir leurs revendications sur le plan de la durabilité, les progrès quant à l’amélioration de la durabilité se poursuivent.

Le Canada est l’incarnation de l’économie des ressources de demain : En cette ère d’intérêts politiques renouvelés et de dépenses importantes en immobilisations destinées à des projets d’énergie, de transport et de ressources de grande envergure, les entreprises canadiennes se voient offrir l’occasion d’une génération de montrer ce à quoi doit ressembler l’économie axée sur les ressources de demain. Il n’y a probablement pas de meilleur endroit au monde que le Canada pour montrer à quoi ressemblera la mine de l’avenir, expliquer ce qu’on entend par énergie renouvelable et démontrer comment l’agriculture régénératrice peut nourrir le monde.

Répondre aux changements sur le plan de l’approvisionnement : Les équipes responsables de l’approvisionnement, surtout celles du secteur public et des grandes entreprises, tiennent compte des critères de durabilité dans leurs évaluations des fournisseurs. En guise d’exemple, notons l’approvisionnement en béton et en acier à faible teneur en carbone dans le cadre des projets d’infrastructure gouvernementaux. Les entreprises qui présentent de solides critères en matière de durabilité obtiennent un avantage concurrentiel dans le cadre des demandes de proposition et des contrats à long terme.

Innovation en matière de produits et adaptation au marché : Répondre aux attentes en constante évolution signifie également innover afin de répondre aux nouveaux besoins des clients, que ce soit en établissant de nouveaux modèles d’affaires, en améliorant les propositions de valeur ou en réalisant des progrès dans l’élaboration des produits et des technologies. Malgré les pressions économiques croissantes, les consommateurs continuent de donner la priorité à la durabilité dans leurs décisions d’achat. Il peut s’agir simplement de chercher à acheter des produits locaux ou de s’efforcer à réduire les déchets individuels ou ménagers, ce qui dénote une demande manifeste pour des produits respectueux des valeurs environnementales.

Pour se distinguer, les entreprises tiennent compte, comme stratégie de base, de la durabilité dans l’élaboration de produits, notamment par l’écoconception ou l’utilisation de matériaux à faible incidence. Les modèles d’affaires évoluent également vers des modèles de prestation de service, par exemple l’autopartage, dans le but de toujours répondre aux changements sur le marché. Miser sur les attentes en pleine évolution permet de se conformer aux valeurs des clients et positionne les entreprises afin non seulement qu’elles répondent aux attentes des consommateurs, mais également qu’elles les façonnent.

Transformation de la chaîne de valeur : Les entreprises doivent passer en revue l’ensemble de leur chaîne de valeur de façon à repérer les risques et les occasions qui peuvent en découler, notamment l’optimisation des processus de fabrication, la circularité, la gestion stratégique de l’énergie et la gérance du capital fondé sur la valeur.

À titre d’exemple, les aéroports ont un rôle à jouer pour s’assurer que leurs clients ont accès à du carburant durable pour les avions, même s’ils n’y ont pas recours. De même, les ports doivent mettre en place une infrastructure adéquate afin d’électrifier les opérations de transport maritime.

Dans ces contextes, les entreprises qui veulent se distinguer collaboreront avec les partenaires de leur chaîne de valeur et tireront parti de l’optimisation de l’infrastructure numérique qui élimine des obstacles importants, notamment la visibilité limitée dans l’ensemble des chaînes de valeur, la cueillette de données fragmentées et le manque de cohérence dans le format des données d’entrée à l’échelle des activités.

IA et numérisation : Alors que la demande en matière de données s’intensifie, les entreprises se tournent vers l’IA pour en gérer la complexité, améliorer leur exactitude et bénéficier de nouveaux gains d’efficacité. Que ce soit pour automatiser le suivi des émissions, prévoir les risques liés aux changements climatiques ou optimiser l’utilisation des ressources, l’IA permet aux entreprises de passer d’une conformité réactive à des mécanismes de rendement proactifs. L’IA joue également un rôle essentiel dans le respect des exigences réglementaires mondiales et dans leur suivi, ce qui permet aux entreprises de se tenir au courant des obligations de divulgation en constante évolution.[6], [7]

Le rapport intitulé Smarter networks, greener planet du réseau mondial EY, en collaboration avec Liberty, fait état d’un large éventail d’études de cas dans le cadre desquelles des entreprises ont recours à l’IA pour soutenir leurs objectifs en matière de durabilité.

La durabilité en vue d’assurer la résilience à long terme
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Chapitre 3

La durabilité en vue d’assurer la résilience à long terme

Les entreprises canadiennes sont à un moment décisif où la complexité des différends commerciaux et des changements de politiques présente des défis et des possibilités sans précédent. Peu importe l’orientation adoptée par les entreprises canadiennes, la durabilité n’est pas qu’une approche superficielle face aux exigences réglementaires ou aux tendances du marché, elle s’avère un puissant catalyseur pour l’innovation et la résilience dans un contexte d’incertitude.

Les enjeux ESG ont été politisés et ils sont dorénavant examinés par certains. La durabilité est cependant bien enracinée comme un impératif d’affaires, et elle continuera d’être stimulée par les diverses attentes des organismes de réglementation, des marchés, des consommateurs et des investisseurs.

Plutôt que de battre en retraite, les entreprises canadiennes doivent maintenant revoir leurs stratégies en matière de durabilité en les intégrant à la conformité, à la gestion des risques, à la compétitivité et à la différenciation. Les dirigeants d’entreprise doivent agir d’une manière décisive afin d’assurer l’avenir de leurs modèles d’affaires et de prospérer dans une économie mondiale de plus en plus complexe, respectueuse de l’environnement et présentant des défis sur le plan de la durabilité.


Résumé :

Malgré l’incertitude commerciale persistante et les modifications apportées à la réglementation, la durabilité demeure une priorité clé pour les entreprises canadiennes. Plutôt que de battre en retraite, les entreprises doivent revoir leurs stratégies en mettant l’accent sur la conformité, la gestion des risques, la compétitivité et la différenciation. Les entreprises qui agissent d’une manière décisive peuvent assurer l’avenir de leurs activités, accroître leur résilience et créer de la valeur dans une économie mondiale en évolution rapide.


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