Un entrepôt d’EY rempli de sacs empilés du sol au plafond

Comment les services de fiscalité devraient ils se préparer au MACF?

Les fonctions fiscalité doivent anticiper les défis que posera le MACF et repérer les occasions qu’il pourrait présenter.


En bref

  • Les éléments législatifs clés du paquet « Ajustement à l’objectif 55 » ont été approuvés. Les entreprises devraient passer en revue les nouvelles exigences et obligations de production de rapports.
  • Elles devraient aussi préciser la responsabilité et le rôle de la fonction fiscalité dans le processus entourant le MACF.
  • Le MACF peut servir de catalyseur d’initiatives de restructuration, et ses répercussions dépassent les frontières de l’UE. Il est donc essentiel que les leaders de la fiscalité adaptent leurs stratégies en fonction de lui.

La mise en place du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) par l’Union européenne (UE) est une nouvelle preuve de la volonté d’agir des instances gouvernementales en matière de décarbonation. Mais les entreprises sont‑elles prêtes à s’attaquer à ce qui pourrait constituer des obstacles à la chaîne d’approvisionnement et à les transformer pour en faire les fondements de leurs propres objectifs de réduction des émissions de carbone?

Le MACF n’est pas qu’une simple mesure de politique réglementaire : c’est un dispositif qui associe les volets fiscalité et droits de douane, de sorte qu’il est intrinsèquement lié à la fonction douanes. Mais nombreuses sont les entreprises qui risquent de ne pas disposer des outils requis pour satisfaire aux exigences de ce mécanisme. En effet, les données à fournir et les processus à établir pour se conformer aux obligations pourraient représenter une somme de travail colossale. Lorsque les services sont déjà surchargés, il pourrait être difficile de déterminer lequel est responsable du MACF au sein d’une entreprise. Le service de fiscalité devrait‑il en assumer la responsabilité ou s’intégrer à une équipe élargie pour ce faire?

Récapitulatif

En avril 2023, le Parlement européen a approuvé les principales dispositions législatives du paquet législatif« Ajustement à l’objectif 55 », à savoir une réforme du système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE de l’UE) et l’instauration du MACF de l’UE. Les entreprises concernées devront comprendre les nouvelles exigences et les obligations de production de rapports à venir. Le paquet législatif « Ajustement à l’objectif 55 », initialement annoncé en juillet 2021, est considéré comme un facteur essentiel pour que l’Europe parvienne à réduire ses émissions d’au moins 55 % d’ici 2030 (par rapport aux niveaux de 1990).

Le MACF est entré en vigueur en octobre 2023. Jusqu’à la fin de 2025, les importateurs seront assujettis aux exigences de production de rapports du MACF. Le MACF sera pleinement opérationnel en 2026. Il touchera initialement des produits précis des secteurs à plus fortes émissions de carbone, comme le fer et l’acier, le ciment, les engrais, l’aluminium, l’électricité et l’hydrogène, y compris les précurseurs et un nombre restreint de produits de l’aval dans ces catégories de produits. L’objectif premier du MACF est de réduire les « fuites de carbone » et d’inciter les partenaires commerciaux mondiaux de l’UE à décarboner leurs secteurs à fortes émissions.

Montrer la voie dans les zones grises

Déterminer qui devrait être responsable du processus de MACF est l’un des principaux obstacles auxquels font face les entreprises. Les services de fiscalité hésitent souvent à assumer cette responsabilité, car le MACF est une mesure réglementaire plutôt qu’une mesure fiscale. La gouvernance du MACF revient souvent aux services assurant les fonctions de l’approvisionnement, de la chaîne d’approvisionnement ou des questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG). En raison du vide créé par ce manque de clarté, les services ne se précipitent pas pour en assumer la responsabilité, avec un manque d’efficacité potentiel à la clé.

« Le MACF se situe dans une zone grise, à la croisée de plusieurs services de l’entreprise, ce qui représente un défi du fait des enjeux liés à la responsabilité, explique Richard J. Albert, associé, Taxes indirectes, Commerce international, Ernst & Young GmbH Wirtschaftsprüfungsgesellschaft. Les entreprises nous disent que, dans la plupart des cas, les services de fiscalité ne prennent pas ce dossier en main. Les fonctions liées au développement durable, à l’approvisionnement ou à la chaîne d’approvisionnement jouent souvent un rôle prépondérant. Il est essentiel que les entreprises examinent quelle est leur meilleure option. Le service qui devra assumer la responsabilité du MACF dépendra du profil de l’entreprise. Il n’existe pas de réponse simple. La réponse résidera dans les capacités dont dispose l’entreprise, selon sa structure et la mesure dans laquelle elle est touchée par le MACF. »

La fonction fiscalité ne sera peut‑être pas la force motrice derrière la conformité aux exigences du MACF, mais elle peut apporter une contribution et une valeur importantes au processus. Il peut s’agir notamment d’apporter son aide en matière de conformité et de production de rapports, ou d’examiner les conséquences potentielles sur les prix de transfert à l’avenir.

Dialoguer avec les entreprises révèle des points de vue variés sur le MACF et les initiatives de restructuration. Certaines entreprises possèdent plusieurs dizaines d’entités partout en Europe, ce qui nécessite la production de rapports détaillés. Cela oblige à des discussions sur la restructuration des activités liées à l’approvisionnement, à l’importation et à la chaîne d’approvisionnement, qui peuvent avoir été envisagées depuis longtemps, mais qui sont maintenant précipitées par la mise en œuvre du MACF.

Incidence mondiale du MACF

Bien que le MACF soit une politique de l’UE, les entreprises non européennes sont de plus en plus conscientes de ses répercussions. Les entreprises situées à l’extérieur de l’Union européenne, particulièrement en Asie et au Moyen‑Orient, ont relevé les défis liés au MACF de façon proactive. « Le MACF s’applique aux émissions produites lors de la fabrication de marchandises hors UE lorsque celles‑ci entrent dans l’UE. Cela a donc des conséquences sur la compétitivité des exportateurs situés à l’extérieur de l’Union européenne. S’ils veulent demeurer concurrentiels, ils doivent s’en préoccuper », précise M. Albert.

Les incidences du MACF sur les pays non‑membres de l’UE varieront en fonction de leurs structures commerciales et de leurs politiques de tarification du carbone. Les pays qui exportent des biens à fortes émissions de carbone vers l’UE seront les plus touchés. La possibilité que des politiques semblables à celles du MACF voient le jour à l’échelle mondiale fait en sorte qu’il est essentiel que les leaders de la fiscalité demeurent informés et adaptent leurs stratégies en conséquence. Étant donné que le MACF de l’UE donne droit à des crédits pour la tarification du carbone dans le pays d’origine, la mise en place de systèmes de tarification du carbone pourrait être un exemple de stratégie fructueuse en la matière. Alors que la tarification du carbone augmente dans un nombre croissant de pays, par l’entremise de systèmes d’échange de droits d’émission, de taxes sur le carbone et de mécanismes d’ajustement aux frontières, la pression pour décarboner augmente, car les coûts réglementaires liés à la tarification du carbone auront une incidence importante sur la compétitivité des produits à fortes émissions.

Préparation à la production de rapports

Il est essentiel que les entreprises se préparent à la production des rapports prescrits par le MACF. Comme la phase de transition commence le 1er octobre 2023 et les premières échéances en matière de production de rapports sont fixées au mois de janvier de l’année prochaine, les fonctions des entreprises responsables du MACF doivent repérer les données pertinentes et leur emplacement dans divers systèmes. L’analyse de la qualité, de la disponibilité et des méthodes d’extraction des données sont des éléments clés pour établir un processus de production de rapports efficace.

Bien que les données nécessaires à la production des rapports liés au MACF soient facilement repérables en général (par exemple les émissions de carbone, le prix pour le carbone payé dans un pays du tiers monde et les codes des marchandises), d’autres le sont moins, ce qui peut créer des écarts. Lorsque les données comportent des lacunes ou qu’elles ne sont pas toutes disponibles, les entreprises gagneraient à mettre en place des processus solides pour y remédier, en sollicitant les fournisseurs et d’autres parties prenantes, au besoin. 

Les défis liés à la mise en place du MACF peuvent varier largement selon le portefeuille des produits de l’entreprise concernés par le MACF, la disponibilité et la qualité des données, ainsi que la structure d’importation douanière. Le processus peut être relativement simple pour les entreprises disposant de systèmes de planification des ressources d’entreprise centralisés et de données de qualité élevée. Toutefois, les responsables du MACF désignés devraient analyser la situation propre à leur entreprise, en tenant compte de facteurs comme le nombre de systèmes de planification des ressources de l’organisation (ERP), la dispersion des données et leur accessibilité, afin d’adapter en conséquence leurs stratégies de conformité au MACF. 

Collaboration et concurrence

Pour composer habilement avec les exigences du MACF, les divers services d’une entreprise devront collaborer. Les responsables du MACF désignés, dont ceux de la fonction fiscalité, qui sont souvent chargés des questions relatives aux douanes, devraient prendre l’initiative de coordonner le travail et de favoriser la collaboration interfonctionnelle à ce sujet.

La prise en compte des considérations fiscales assure le respect de la conformité et accroît l’efficacité fiscale dans le nouveau cadre opérationnel. Le MACF peut constituer l’occasion de donner l’impulsion finale pour améliorer les activités, éliminer les inefficacités et rationaliser la conformité. Bien que les pourcentages varient d’une entreprise à l’autre, la réglementation qui entrera prochainement en vigueur relativement au MACF pourrait être le facteur déterminant dans l’amorce de ces changements. « Les entreprises qui comptent de nombreuses entités partout en Europe ont le fardeau de se conformer aux exigences de production de rapports pour chaque entité, ce qui fait ressortir les inefficacités », ajoute M. Albert.

Grâce à ces changements opérationnels, le MACF pourrait être un catalyseur de la simplification de l’entité juridique. En outre, pour accélérer les travaux de décarbonation (tout en atténuant les coûts liés aux MACF), les entreprises pourraient chercher à repenser les chaînes d’approvisionnement pour privilégier des produits ou des processus produisant moins d’émissions.  Il pourrait s’agir de modifier les composants d’un produit, les fournisseurs ou les voies d’approvisionnement. Par conséquent, les services de fiscalité jouent un rôle essentiel pour recadrer les discussions et tenir compte des incidences fiscales découlant de la réattribution des fonctions et de la réorganisation de l’entité, en particulier pour les entreprises fortement touchées par la mise en œuvre du MACF.

Le MACF devrait être considéré non pas comme un simple fardeau lié à la conformité, mais comme un cadre structurel qui incite les entreprises à réduire leur empreinte carbone de manière proactive. En profitant du MACF pour orienter leurs stratégies, les dirigeants d’entreprise peuvent mettre leurs entreprises sur la voie d’un avenir durable, en tirant parti des facteurs de différenciation du marché et en exerçant par la même occasion une influence positive sur l’environnement. « Le MACF recèle des possibilités pour les entreprises qui ont déjà amorcé leur processus de décarbonation. Elles auront un avantage concurrentiel certain sur le marché, réduiront leurs coûts et démontreront leur engagement en matière de durabilité », estime M. Albert.

Les fonctions fiscalité peuvent guider l’entreprise sur les questions relatives au MACF en demeurant au fait de l’évolution de la situation au‑delà des frontières de l’UE, puisque d’autres régions envisagent d’adopter des politiques semblables. Les leaders de la fiscalité, de concert avec les fonctions chargées du MACF, peuvent maintenir la conformité, améliorer les activités et stimuler une croissance durable en se préparant et en collaborant en vue de la production de rapports liés au MACF, et en positionnant leur entreprise pour la réussite à l’ère du MACF. Le tout, en amenant des changements significatifs dans leurs chaînes d’approvisionnement à l’échelle mondiale.

Résumé

Les entreprises qui ne sont pas prêtes pour le MACF pourraient devoir surmonter des défis d’envergure en matière de conformité. Les leaders de la fiscalité peuvent aider leurs entreprises à se préparer au MACF en comprenant les exigences qu’il impose, en évaluant l’incidence possible de celles‑ci sur les activités, en élaborant un plan de conformité, et en participant à l’apport de changements à la chaîne d’approvisionnement et aux produits. Ils mettront ainsi leurs entreprises sur la voie d’une durabilité accrue et d’une meilleure réduction des coûts.

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