Scientific ship passing an iceberg

Comment les perturbations peuvent créer des possibilités pour le commerce mondial


Face à l’incertitude géopolitique persistante, les fonctions taxes indirectes et commerce ont l’occasion de mettre en relief leur valeur réelle.


En bref

  • Les responsables des taxes indirectes peuvent contribuer de différentes manières à faciliter les échanges commerciaux et à réduire les perturbations au sein de leur organisation.
  • Les fonctions taxes indirectes et commerce doivent prendre des mesures clés pour démontrer leur valeur à l’heure où les coûts sont soumis à des pressions.

Jamais auparavant, les responsables des taxes indirectes n’ont eu une occasion semblable d’apporter une valeur ajoutée à leur organisation Ils peuvent impulser des changements et obtenir des résultats en mettant à profit leurs compétences, en établissant des relations en interne et en recourant à des technologies novatrices.

Ils doivent également avoir une vue d’ensemble et tenir compte de la manière dont l’ensemble des tendances globales du commerce mondial, de la transformation et de la durabilité façonne la fonction taxes indirectes. Cet article est le troisième d’une série de quatre articles qui examinent de près chaque tendance afin d’aider les responsables à établir un cadre de discussion sur les taxes indirectes au sein de leur entreprise, à composer avec les défis et à saisir les occasions.

Les taxes indirectes sont liées de manière inextricable aux activités de la chaîne d’approvisionnement et au commerce mondial. Les changements dans la manière dont les entreprises font des affaires ont des incidences importantes sur ces taxes. De même, les modifications apportées à ces taxes peuvent avoir des répercussions profondes sur les chaînes d’approvisionnement des entreprises. Elles influencent le lieu d’exécution des activités, le coût des produits finis, les itinéraires de livraison et le calendrier.

Pour l’année à venir, Jeroen Scholten, leader mondial, Commerce international, d’EY estime que « les bouleversements commerciaux, l’évaluation en douane, les prix de transfert et la corrélation entre les politiques commerciales et les questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) continueront d’influencer les politiques commerciales des gouvernements et les stratégies commerciales des entreprises en 2023 et par la suite. Les nouvelles taxes et initiatives environnementales prendront d’emblée encore plus d’importance dans un avenir proche. À l’échelle mondiale, nous constatons que l’accent est de plus en plus mis sur les mesures visant à promouvoir le commerce éthique. Aux États‑Unis, les mesures visant à favoriser la délocalisation à proximité et la décarbonation se poursuivent. En Europe, de nouvelles taxes et mesures environnementales devraient entrer en vigueur ou être précisées, notamment une nouvelle taxe sur le plastique en Espagne, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) de l’UE et la réglementation sur la déforestation. Cela entraîne une restructuration de nombreuses chaînes d’approvisionnement mondiales et accroît le degré de complexité pour la fonction commerce, car la demande de données précises va en augmentant ».

L’incertitude commerciale va perdurer

La dernière année a été marquée par les bouleversements commerciaux. La guerre en Ukraine y a contribué de manière importante, mais elle n’a pas été le seul facteur. Les différends commerciaux, les nouvelles ententes et alliances commerciales, l’évolution rapide du cadre réglementaire et les effets persistants de la pandémie de COVID‑19 ont tous contribué à accroître l’incertitude commerciale. Ces facteurs créent de nouveaux défis et de nouvelles occasions pour les entreprises du monde entier, font que les enjeux liés aux échanges commerciaux et à la chaîne d’approvisionnement s’invitent dans les conseils d’administration et mettent la fonction commerce à l’avant-plan comme jamais auparavant.

Le commerce peut avoir une incidence importante sur les politiques en matière de taxes indirectes à l’échelle mondiale, et ce, de plusieurs manières. Tout d’abord, grâce à la libéralisation des échanges : lorsque les pays ouvrent leurs frontières au commerce, ils réduisent souvent les tarifs douaniers et les autres taxes indirectes sur les biens importés. Cela peut réduire les recettes fiscales tirées de l’imposition indirecte pour le pays importateur, accroître l’efficacité économique et stimuler la croissance économique. Ensuite, les différends commerciaux, comme celui qui oppose les États‑Unis et la Chine, peuvent avoir des répercussions importantes sur les politiques en matière de taxes indirectes à l’échelle mondiale. Lorsque les États‑Unis ont imposé des tarifs douaniers sur les produits importés de Chine, cela a eu un effet d’entraînement sur les politiques internationales en matière de taxes indirectes, car d’autres pays ont réagi en imposant leurs propres tarifs douaniers sur les produits importés.

Les échanges commerciaux continuent d’être entravés par l’instabilité géopolitique croissante et la guerre qui se poursuit en Ukraine, ce qui se traduit par un accroissement des contrôles et des sanctions relatifs aux exportations et par l’attention accrue portée à la conformité par les États‑Unis, le Royaume‑Uni et l’Union européenne. L’étendue élargie des sanctions applicables au secteur des services professionnels et des services liés aux technologies de l’information fait que davantage d’entreprises doivent tenir compte de la réglementation lorsqu’elles travaillent avec leurs clients. Partout dans le monde, les gouvernements renforcent les sanctions et les mesures de protection commerciales. Aux États‑Unis, par exemple, on s’attend à ce que le gouvernement continue de mettre l’accent sur la série de mises à jour importantes qu’il a apportées aux Export Administration Regulations¹ en 2022 et qui portent sur les contrôles d’exportation des semi conducteurs, des circuits intégrés, des équipements de fabrication connexes, de l’informatique avancée et des superordinateurs.

Cette année, la pression sur la chaîne d’approvisionnement devrait s’atténuer quelque peu. Les frais d’expédition et d’autres indicateurs essentiels de la chaîne d’approvisionnement ont commencé à diminuer. Toutefois, la combinaison de la rupture entre les États‑Unis et la Chine, des incitatifs gouvernementaux en matière de délocalisation des activités et des exigences réglementaires imposées aux entreprises pour qu’elles aient une meilleure visibilité de leur chaîne d’approvisionnement se traduira par des changements importants et continus dans les décisions prises par les entreprises en matière d’approvisionnement.

« Nous avons assisté à un changement important des modèles, que ce soit en raison de la guerre en Ukraine ou du nouvel alignement des chaînes d’approvisionnement après la pandémie. Qu’il s’agisse de chaînes d’approvisionnement axées sur les principes ''juste à temps'' ou ''juste au cas où'', cela nécessite une somme de travail considérable. Le fait de modifier la stratégie de vos chaînes d’approvisionnement a une incidence importante sur la comptabilisation de vos taxes indirectes, tant sur le plan de la conformité que sur celui des flux de trésorerie. Les perturbations dans les chaînes d’approvisionnement font également augmenter les coûts », explique Kevin MacAuley, leader mondial, Taxes indirectes, d’EY.

Tendances à long terme et chocs à court terme

Selon Sally Jones, leader britannique, Stratégie commerciale et Brexit, d’Ernst & Young LLP, il existe actuellement deux tendances distinctes en matière de commerce. La première : les crises, telles que la pandémie de COVID‑19 et la guerre en Ukraine, qui créent des chocs relativement brefs et brutaux dans le système des échanges commerciaux, celui‑ci étant en mesure d’y réagir et de s’en rétablir assez rapidement. La seconde : un changement soutenu qui s’opère à beaucoup plus long terme et qui vise à s’éloigner du consensus mondial qui consistait à lever les obstacles commerciaux. La tendance visant à réduire les obstacles commerciaux a débuté après la Seconde Guerre mondiale et s’est poursuivie pendant sept ou huit décennies. Mais aujourd’hui, elle s’est inversée.

Depuis la crise financière mondiale de 2008, il y a eu cinq fois plus de mesures protectionnistes que de mesures de libéralisation.

« Depuis la crise financière mondiale de 2008, il y a eu cinq fois plus de mesures protectionnistes que de mesures de libéralisation. Cette tendance à l’augmentation des obstacles commerciaux et du protectionnisme ne montre aucun signe de ralentissement, ajoute Mme Jones. Pensons à la campagne ''Buy America'', au Brexit, aux guerres commerciales persistantes entourant l’acier et à l’isolationnisme croissant de la Chine par rapport au reste de l’économie mondiale. Tout cela rend la situation de plus en plus difficile pour les entreprises internationales. »

« Dans ce contexte, il existe trois sous‑ensembles : les biens incorporels et la propriété intellectuelle, la transformation numérique et le rôle de la technologie dans la transformation du commerce, ainsi que la durabilité et l’environnement. La durabilité influe sur le commerce et vice‑versa, et ce, de différentes manières. De plus en plus, nous assistons à la mise en place de mesures qui visent à gérer le risque environnemental, mais qui, par ricochet, ont une incidence sur le commerce. »

Orienter la stratégie en matière de données
 

Les responsables des taxes indirectes peuvent contribuer à faciliter les échanges commerciaux et à réduire les perturbations commerciales en se concentrant sur une stratégie en matière de données. En effet, les données peuvent améliorer l’efficacité des processus douaniers et réduire les goulets d’étranglement aux points d’entrée. Elles peuvent également améliorer la transparence et la prévisibilité des politiques et des réglementations commerciales. En rendant les données et les informations liées au commerce plus facilement accessibles, les gouvernements peuvent aider les entreprises à comprendre les règles et les exigences relatives à l’exportation et à l’importation de marchandises, ce qui peut réduire le risque de litiges commerciaux et de perturbations. Cela peut aussi améliorer la traçabilité des marchandises, réduire le risque de contrefaçon et de contrebande, et permettre de prévoir et de planifier relativement aux chaînes d’approvisionnement mondiales. Par exemple, en analysant les données sur les tendances et les modèles du commerce mondial, les entreprises peuvent déterminer les perturbations et les risques et prendre des mesures pour les gérer.
 

La gestion des données devient de plus en plus importante, car les entreprises ont du mal à trouver un équilibre entre les données abondantes dont elles disposent et la nécessité d’effectuer une analyse précise et efficace. S’ajoute au problème le fait que de nombreux pays et organismes publics ont accès à de vastes quantités de données qui peuvent être utilisées pour procéder à des évaluations fiscales ou prendre d’autres décisions qui ont une incidence sur les entreprises. Pour gérer efficacement ce problème, les entreprises doivent être proactives dans la gestion de leurs données.
 

« Pour la fonction commerce, l’analyse des données constitue un défi en raison de la quantité écrasante de données, ce qui fait qu’il est difficile d’extraire des renseignements utiles », précise Michael Heldebrand, leader, Commerce international, Amériques et États‑Unis, d’Ernst & Young LLP. « Au lieu d’utiliser l’analyse de données pour mesurer les paramètres de conformité, le secteur doit adopter une approche plus prédictive. » Cela signifie qu’il faut utiliser l’analyse des données pour repérer les modèles et les tendances en temps réel, plutôt que de réagir aux problèmes après coup. En changeant leur mentalité et en adoptant une approche plus proactive en matière d’analyse des données, les responsables de la fonction commerce peuvent améliorer la gestion des risques et prendre des décisions d’affaires plus éclairées.
 

Le moment est venu pour le commerce de montrer sa valeur
 

« À l’heure où les coûts sont soumis à des pressions, la fonction commerce a l’occasion de démontrer sa valeur en tant que vecteur essentiel du succès de l’entreprise, et non en tant que simple centre de coûts », déclare Lynlee Brown, associée, Commerce international, d’Ernst & Young LLP. Pour ce faire, il faut rechercher des occasions de réaliser des économies en droits de douane et d’atténuer les effets de l’imposition de ceux‑ci, et les présenter à la haute direction. Il est important de souligner la flexibilité de la fonction commerce, qui a joué un rôle déterminant dans la planification et l’élaboration de stratégies au cours des dernières années et qui est désormais tout aussi importante pour la réduction des coûts. Sur le plan personnel, les personnes travaillant dans le domaine de l’exportation sont promues à des postes de vice‑présidence, ce qui se traduit par une plus grande satisfaction au travail. Ces possibilités donnent l’occasion à la fonction commerce de rayonner et de mettre en valeur sa contribution au chiffre d’affaires de l’entreprise.

À l’heure où les coûts sont soumis à des pressions, la fonction commerce a l’occasion de démontrer sa valeur en tant que vecteur essentiel du succès de l’entreprise, et non en tant que simple centre de coûts.

« Il faut savoir tirer parti de la visibilité accrue de la fonction commerce, qui était autrefois le secret le mieux gardé de l’organisation. Il faut désormais mettre l’accent sur l’établissement de la marque et se détourner de l’image d’un centre de coûts. Le défi consiste à obtenir du financement, mais il est essentiel que la fonction commerce soit disposée à faire preuve de souplesse et à trouver des solutions », ajoute Mme Brown.

L’agilité reste un moyen essentiel de montrer la valeur de la fonction commerce, ce qui représentait auparavant un défi pour celle‑ci. Par le passé, la fonction commerce avait souvent mauvaise réputation en raison de l’accent mis sur la conformité, ce qui lui valait d’être exclue des discussions sur la chaîne d’approvisionnement. Toutefois, la mise en place de nouvelles initiatives a rehaussé le rôle de la fonction commerce dans de nombreuses organisations et a favorisé des discussions plus réfléchies sur la manière de créer des chaînes d’approvisionnement malléables.

Automatisation et externalisation

M. Heldebrand souligne l’incidence que pourrait avoir une éventuelle migration des systèmes de planification des ressources d’entreprise (ERP) vers le nuage dans un avenir proche. Cette migration pourrait amener les entreprises à rechercher des moyens pour que leurs programmes commerciaux bénéficient de ce virage vers le nuage. Alors que certaines entreprises pensaient initialement qu’elles devaient externaliser l’ensemble des activités liées à la fonction commerce, il est devenu évident que des activités distinctes peuvent être externalisées de manière efficace. Ainsi, la flexibilité est accrue et un noyau d’employés peut se concentrer sur la création de valeur pour l’entreprise. Certaines activités nécessaires au sein de la fonction commerce, telles que l’admissibilité au classement des zones commerciales, peuvent continuer d’être externalisées afin de réaliser des économies et d’obtenir des avantages.

Mesures clés pour les fonctions taxes indirectes et commerce face à l’incertitude géopolitique :

  • Éliminer les coûts inutiles liés aux droits de douane
  • Se concentrer sur les flux de trésorerie
  • Repérer les incitatifs fiscaux et les subventions en espèces à l’appui des investissements verts
  • Mettre en place des processus fiscaux rentables
  • Utiliser l’analyse des données pour comparer les coûts et les possibilités liés aux taxes indirectes dans de nouvelles chaînes d’approvisionnement
  • Rester agile
  • Démontrer la valeur réelle de la fonction commerce, en particulier en période de pression sur les coûts


Résumé

Selon les perspectives mondiales, le commerce et les chaînes d’approvisionnement vont continuer à subir des perturbations. Les responsables des taxes indirectes doivent mettre en place la bonne stratégie tout en restant agiles pour composer avec les défis et saisir les occasions dans un monde en mutation.

À propos de cet article


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