Camion qui traverse un viaduc

Comment se préparer aux changements à venir relatifs aux redevances combinées

Les chefs des finances et les responsables de la fonction fiscalité peuvent être tentés de considérer les questions douanières comme accessoires à leur charge de travail, mais elles méritent toute leur attention.

En bref

  • Les redevances combinées (ou groupées) engendrent souvent des difficultés douanières pour les entreprises et les autorités.
  • Les chefs des finances doivent être pleinement conscients des risques liés aux redevances passibles de droits de douane. Ils doivent se préparer en obtenant d’abord un aperçu global de leur exposition aux redevances.
  • La fonction fiscalité doit renforcer ses capacités en utilisant les bons outils et en faisant appel au soutien de tiers pour interpréter les règles.

Au cours des dernières années, les gouvernements du monde entier ont resserré le contrôle des produits, des composants et des actifs incorporels qui franchissent leurs frontières. Les importations sont maintenant scrutées à la loupe en raison des pressions liées aux questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG), dont les cibles environnementales, les préoccupations relatives au travail forcé et les facteurs géopolitiques comme les différends commerciaux et le Brexit. 

Les instances gouvernementales exigent des informations sur le mode de production de ces marchandises, leur contenu et, dans une volonté d’accroissement des revenus à la suite d’une pandémie dispendieuse, leur valeur finale.

La Commission européenne, par exemple, a audité des États membres de l’UE pour vérifier s’ils respectent ses normes relatives à la valeur en douane, et a pénalisé tout membre qui permet aux importateurs de déclarer des totaux trop bas.

Cette évolution a fait ressortir la nécessité de déterminer et de saisir la valeur économique réelle des produits lorsqu’ils passent la frontière. L’application des redevances à la valeur en douane est un des aspects soumis à un examen de plus en plus minutieux.

Le Comité technique de l’évaluation en douane (le « CTED ») de l’Organisation mondiale des douanes (l’« OMD ») a récemment approuvé un nouvel avis consultatif (4.19) sur une redevance combinée. Les paiements pour les marchandises qui sont expédiées au‑delà des frontières sont aussi étroitement liés aux paiements au titre d’actifs incorporels de propriété intellectuelle. Ces paiements comprennent les redevances et les droits de licence pour l’utilisation d’un brevet ou de droits de conception, de procédés, de marques de commerce, de droits d’auteur et d’expertise.

Par exemple, une chaussure qui coûte 5 $ à produire pour un fabricant en Asie peut valoir 15 $ au moment de passer la frontière jusqu’à son marché final, une fois que les éléments de PI intégrés, comme la marque et la marque de commerce, sont pris en compte.

L’avis consultatif indique comment une redevance unique, payée en contrepartie du droit d’utiliser ou d’incorporer un intrant importé breveté dans la production d’un produit fini dans le pays de destination, et le droit d’utiliser une marque de commerce sur le produit fini doivent être traités aux fins de la valeur en douane.

Les redevances sont un sujet complexe. Cet avis consultatif s’ajoute aux 19 instruments existants de l’Organisation mondiale des douanes qui traitent des redevances et des droits de licence. Même si les décisions du CTED ne sont pas contraignantes, de nombreux tribunaux considèrent qu’elles apportent des éclaircissements. Certains pays, notamment en Amérique du Sud, les adoptent régulièrement comme règlement, et l’UE les publie habituellement dans son Recueil sur l’évaluation en douane.

« De toute évidence, ce ne sont pas seulement des régions comme l’UE qui scrutent les redevances plus attentivement », affirme Jeroen Scholten, leader, Taxes indirectes, Commerce international d’EY. « L’avis consultatif du CTED donne à penser que les entreprises qui transportent des marchandises au‑delà des frontières peuvent aussi s’attendre à plus d’attention de la part des autorités douanières qui faisaient auparavant preuve de plus de souplesse. »

Si les chefs des finances et les responsables de la fonction fiscalité peuvent être tentés de considérer les questions liées aux douanes comme accessoires à leur principale charge de travail, notamment parce qu’ils peuvent manquer d’expertise en matière de législation douanière, ils doivent néanmoins y prêter attention. Parce que si les valeurs en douane sont plus élevées que prévu, cela comporte des risques en matière de droits de douane.

« S’il y a des redevances à payer et que des marchandises sont importées, cela doit déclencher immédiatement un signal d’alarme », indique M. Scholten. « Il faut vraiment que les équipes évaluent s’il s’agit d’un élément passible de droits dans une perspective de valeur en douane. Ne pas être au fait de l’évolution de la réglementation pourrait entraîner une importation involontaire de marchandises sans l’ajout d’une redevance, tout simplement parce que vous ne saviez pas qu’elle devait être payée. »

Une telle sous‑déclaration peut entraîner l’établissement d’une nouvelle cotisation relative aux droits et l’imposition de pénalités. Le trop‑payé de redevances et de droits est une autre conséquence de cette ignorance qui peut se révéler coûteuse.  

 

Par exemple, sur le plan des droits de douane, les équipes doivent seulement tenir compte de la partie applicable des paiements au titre d’actifs incorporels qui relève de la valeur économique lorsque les marchandises franchissent la frontière, et non d’autres actifs incorporels que l’entreprise peut aussi payer. Pour en revenir à l’exemple précédent des chaussures, cela peut inclure l’apparence des magasins de chaussures sur le marché et le matériel publicitaire utilisé.

 

« De nombreux paiements de redevances contiennent à la fois des éléments passibles de droits et des éléments non passibles de droits sur le plan des formalités douanières », indique Martijn Schippers, chef d’équipe senior, Taxes indirectes, Ernst & Young Belastingadviseurs LLP. « Si vous ne connaissez pas parfaitement toutes les règles relatives aux redevances, vous pourriez ajouter la totalité du paiement de redevances au lieu d’évaluer quelles parties sont passibles de droits et lesquelles ne le sont pas. Et vous risquez de surévaluer vos droits à l’importation et de payer trop cher. »

 

Une approche rigoureuse commence au moment de la rédaction d’un accord sur les redevances. Conformité douanière oblige, les spécialistes de fiscalité et de finance doivent travailler avec des experts en matière de prix de transfert et d’autres personnes ayant une profonde compréhension des chaînes de valeur économique afin d’évaluer à ce stade précoce si les accords éventuels auront des répercussions sur les droits de douane.

 

À ce stade, si l’accord est établi correctement, ils peuvent encore avoir la possibilité de ne pas inclure la redevance dans la valeur en douane. Un accord de redevance peut intégrer différents inducteurs de valeur, allant du droit d’importer un produit au droit de fabriquer les produits dans un pays, d’utiliser une marque de commerce ou bien d’engager des frais de marketing et de vente dans ce territoire sous un nom de produit. En effectuant une analyse approfondie des inducteurs de valeur, ils peuvent établir ce qui est payé et déterminer s’il est avantageux de répartir les paiements différemment.

 

Par ailleurs, les spécialistes doivent élaborer une approche globale qui peut tenir compte des tendances à long terme des cadres mondiaux de redevances.

Pris ensemble, ces efforts ont un coût, puisqu’ils imposent à des équipes déjà surchargées de participer à un processus exigeant et chronophage de collecte et d’analyse des données. Les organisations doivent décider dans quelle mesure elles permettent à leurs spécialistes en finance et en fiscalité de se détourner de leurs activités principales génératrices de valeur ajoutée.

 

Des outils, comme la solution d’analyse commerciale du réseau mondial EY, peuvent procurer une source d’information unique concernant les activités douanières d’une entreprise, un tableau de bord donnant une vue d’ensemble des produits importés ou exportés, des calculs pertinents du taux des droits et des éléments devant être déclarés aux autorités.

 

Il peut également être prudent de confier une partie ou la totalité du travail à des experts externes, en mesure de réaliser un examen qualitatif de vos paiements au titre des actifs incorporels et de veiller à ce que l’approche relative aux redevances et aux droits connexes demeure adaptée aux besoins.

 

Voici cinq mesures à prendre pour rester en phase avec les redevances au fil de l’évolution des cadres mondiaux :

  1. Comprendre l’entreprise sous l’angle des douanes. Il existe une différence entre connaître les produits qui sont importés et exportés et comprendre parfaitement votre profil et votre facture de droits à l’échelle mondiale.
  2. Connaître les inducteurs de valeur sous‑jacents aux marchandises expédiées. Sont‑ils davantage liés à la production ou à la distribution des produits finis? Il faut savoir si le prix d’un produit comprend déjà une compensation relative aux actifs incorporels ou si des paiements distincts sont nécessaires pour des éléments comme les services, les redevances et les droits de distribution. Est‑ce qu’il y a une structure en place pour payer ces actifs incorporels? Et quelle est l’incidence sur les prix de transfert?
  3. Évaluer les attentes des autorités douanières. N’oubliez pas que, même si les structures douanières peuvent s’appliquer à l’échelle internationale, les entreprises doivent tout de même s’assurer que leur approche est appropriée pour chaque territoire dans lequel elles exercent leurs activités.
  4. Jeter un regard critique sur les paiements de redevance pour éviter tout paiement en trop. 
  5. Examiner les redevances régulièrement. Comme de nombreux aspects de la fiscalité mondiale, les redevances évoluent rapidement pour ce qui est des chaînes de valeur et du contexte externe de la réglementation et de la surveillance. Il est impératif de s’assurer que les systèmes et les processus sont souples et qu’ils demeurent aptes à remplir leur fonction.

Résumé

Les redevances et droits de douane sont un domaine complexe. Le dernier avis consultatif du CTED n’est qu’un autre ajout à un cadre mondial compliqué. Un grand nombre de chefs des finances et de responsables de la fonction fiscalité ne sont pas conscients des risques que posent les redevances passibles de droits de douane. Il faut s’y attaquer au moment même de rédiger les accords, en intégrant l’information dans un aperçu global de leur exposition aux redevances et en précisant les éléments sur lesquels des droits sont censés s’appliquer. L’étape suivante consiste à choisir les bons outils et l’appui de tiers pour aider à interpréter les règles et à valider l’approche choisie tant à l’échelle locale qu’internationale. 
 

À propos de cet article


Articles connexes

L’impératif du chef de l’exploitation – Comment, grâce aux émotions humaines, assurer le succès de la chaîne d’approvisionnement

C’est en adoptant une approche centrée sur l’humain que les responsables de l’exploitation – notamment les chefs de l’exploitation et les chefs de chaînes d’approvisionnement – peuvent chasser les mauvais souvenirs associés à des initiatives transformationnelles passées. Pour en savoir plus.