Stratégies clés que les entreprises de logiciels peuvent déployer

Stratégies clés que les entreprises de logiciels peuvent déployer pour dégager de la trésorerie et renforcer leur résilience

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Coauteures : Shelley Cornfort, directrice, Consultation – Technologie, EY Canada; et Jennifer Davidson, chef d’équipe senior, Consultation – Entreprises, EY Canada

En raison de l’incertitude économique qui prévaut et de la hausse substantielle des taux d’intérêt, il est essentiel pour les entreprises de renouer avec une approche axée sur la trésorerie.


En bref

  • Au dernier trimestre de 2022, sous l’effet de l’augmentation des créances clients, les entreprises ont été amenées à accroître leur fonds de roulement et à commencer à immobiliser une partie de leurs liquidités, ce qui a eu une incidence sur la disponibilité des flux de trésorerie.

  • Dans le contexte de l’augmentation des niveaux d’endettement et des hausses de taux d’intérêt, les coûts de financement de leur fonds de roulement se sont accrus, tandis que le taux d’augmentation annuelle de leur charge d’intérêts s’établit à 26 %, ce qui se traduit par une érosion accrue de leurs réserves de liquidités.

  • L’incertitude économique actuelle a une incidence sur l’évolution des projections de croissance pour 2023, alors même que des signes avant coureurs font leur apparition et que les marges commencent à s’en ressentir.

  • Les entreprises qui dominent le marché s’efforcent de prendre le contrôle de la situation, en se concentrant sur les conséquences qui en découlent, de façon à consolider les réserves de liquidités dont dépendent les activités de leurs fonctions service à la clientèle, vente, marketing et fabrication de produits.

La disponibilité des flux de trésorerie et du fonds de roulement joue un rôle essentiel dans les activités d’un bon nombre d’entreprises technologiques, particulièrement dans le cas des entreprises en démarrage et des sociétés à forte croissance. Elle peut influer sur leur taux de croissance, ainsi que sur leur capacité de résistance aux chocs et aux difficultés. À mesure que les entreprises technologiques prennent de l’expansion et commencent à étendre leur rayonnement, l’élargissement de l’éventail de leurs priorités risque de les amener à devoir privilégier la croissance des revenus, plutôt que le renforcement de leurs réserves de liquidités, ce qui entraîne une augmentation de leurs coûts d’exploitation et une hausse du taux d’érosion de la trésorerie. En période d’incertitude, il importe que ces entreprises renouent avec certaines des caractéristiques de leur approche de gestion qui ont contribué à leur succès initial. 

Signes avant‑coureurs d’éventuelles difficultés à venir

Au cours des deux ou trois dernières années, les entreprises technologiques ont mené leurs activités dans un contexte de croissance, sous le signe du télétravail, de l’amélioration des processus de commerce électronique ou de l’exploitation grandissante de l’intelligence artificielle. Les initiatives de transformation numérique ont généré d’excellentes occasions d’affaires dans le secteur, tandis que le bilan des entreprises nord‑américaines – qui ont besoin d’investir – affiche de grandes quantités de liquidités. Néanmoins, en raison de l’incertitude économique et de la hausse substantielle des taux d’intérêt, il est essentiel pour les entreprises de renouer avec une approche axée sur la trésorerie.

Pour mieux comprendre le contexte économique en mutation et les conséquences qui en découlent, des équipes d’EY ont analysé la performance financière de 160 grandes entreprises technologiques de l’Amérique du Nord au dernier trimestre de 2022, en la comparant à celle des années antérieures. Plusieurs observations clés ressortent de cette analyse :

  • Par rapport à l’exercice précédent, le délai de recouvrement moyen des créances clients dans ce secteur s’est allongé de six jours (9 %), ce qui équivaut à une augmentation de 10 milliards de dollars du montant cumulé des liquidités immobilisées figurant au bilan des entreprises technologiques. Le délai moyen de recouvrement des créances clients des entreprises qui affichent la meilleure performance s’est allongé de sept jours, ce qui montre bien que les entreprises qui s’en tirent le moins bien ne sont pas les seules à éprouver des difficultés.
  • L’allongement du cycle d’exploitation est plus marqué pour les grandes entreprises (+ 7 %, croissance de plus de 1 G$ des revenus) que pour les petites entreprises (+ 2 %).
  • Les coûts de financement du fonds de roulement ont aussi augmenté. Bien que leur dette nette ne se soit accrue que de 10 % au dernier trimestre de 2022, les entreprises de logiciels ont vu leur charge d’intérêts bondir de 27 %. Cela se traduit par une réduction additionnelle de 750 M$ des réserves de liquidités, et un tel effet d’érosion devrait continuer de se faire sentir tout au long de 2023.
  • Bien que la croissance soit restée solide – le taux de croissance annuelle des revenus s’établissant à 15 % –, les marges brutes et les marges du BAIIA ont diminué de 1 %, ce qui représente un léger recul. Par ailleurs, le taux de conversion des revenus en flux de trésorerie tirés des activités a chuté, passant de 28 % à 24 %, en partie sous l’effet de l’augmentation des créances clients.
Day wise sales outstanding
La priorité aux facteurs « maîtrisables »

Les équipes de direction doivent jongler avec une multitude de priorités concurrentes. Bien que de nombreuses difficultés externes puissent échapper à votre contrôle, des moyens concrets permettent d’exercer un contrôle sur les flux de trésorerie :

1. Procéder à une analyse proactive de la situation financière des clients. Recourez à l’analytique afin de mieux évaluer la performance et la rentabilité de vos clients à l’échelle de vos gammes de produits et, s’il y a lieu, par région géographique. Les grandes entreprises technologiques appliquent une méthode évoluée pour évaluer la solidité des relations avec leurs clients, en prenant notamment en compte le taux net de recommandation, de façon à se concentrer sur des paramètres d’évaluation opérationnels tels que le potentiel de prévisibilité des revenus, le taux de défection de la clientèle et les risques de défaut de paiement.

Il est possible de créer rapidement des outils de soutien à la sélection appropriée d’indicateurs clés de performance permettant de déterminer si la situation financière d’un client se détériore, si les règles d’attribution de crédit doivent être rajustées ou s’il y a lieu d’adopter une tarification en fonction du risque (et si des interventions en ce sens doivent être effectuées), de façon à prévenir les mauvaises créances. Avec l’appui des actionnaires, une orientation rigoureuse vers la trésorerie peut aussi faciliter la détection des éventuelles fuites de revenus et de liquidités, favorisant ainsi l’obtention de nouveaux gains de rendement.

2. Réévaluer l’efficacité du cycle devis encaissement. Au cours des dernières années, des progrès importants ont été réalisés dans la transformation numérique du cycle devis encaissement. Une collaboration accrue entre les équipes de vente et les équipes de gestion des créances clients, que la mise en œuvre de systèmes de gestion de la relation client a facilitée, peut permettre de réduire les risques de crédit et d’éviter les différends en matière de facturation entraînant des retards dans l’entrée de liquidités. Des gains supplémentaires peuvent être réalisés, grâce à des avancées technologiques telles que les interfaces de commerce électronique, les solutions de facturation plus efficaces et l’automatisation accrue de toutes les étapes du processus.

Malgré cela, de nombreuses entreprises continuent d’exploiter en vase clos leurs fonctions ventes et gestion des créances clients, dans un contexte où l’intégration des données est inefficace et où les capacités héritées n’ont pas évolué au même rythme que la succession des offres. Demandez‑vous à quel point le mode d’exploitation actuel de votre cycle devis‑encaissement est efficace, peu importe qu’il repose sur la gestion des contrats, des mécanismes de paiement et de recouvrement ou les capacités de votre portail d’entreprise. Évaluez vos placements et faites‑en de nouveaux; ils vous rapporteront probablement davantage en 2023 qu’au cours des années précédentes.

3. Faire évoluer les stratégies commerciales, notamment pour ce qui est des licences d’utilisation, des modalités de paiement et des incitations à la vente. Il y a différentes écoles de pensée quant à ce qui constitue une structure commerciale et tarifaire optimale en matière de produits et de solutions. Parallèlement à l’évolution des modèles d’attribution de licences traditionnels vers le modèle des logiciels‑services, les retombées commerciales des flux de trésorerie ont aussi évolué. Les entreprises qui encaissaient auparavant des flux de trésorerie annuels ou trimestriels, sous la forme d’avances, les perçoivent maintenant chaque mois, sous la forme d’arriérés. Par ailleurs, les stratégies d’incitation à la vente génèrent souvent des flux de trésorerie irréguliers, et au lieu de mettre l’accent sur le potentiel de génération de revenus et de trésorerie, les entreprises sont portées à accorder une trop grande importance au volume et à l’envergure des opérations, lesquelles sont comptabilisées principalement vers la fin des trimestres financiers.

Le moment est venu de réévaluer si l’application de stratégies commerciales de substitution peut permettre de régulariser les flux de trésorerie, tout en favorisant la réalisation de ventes régulières et la mise en œuvre de solides programmes de commissions.

4. Redéfinir les méthodes d’évaluation de l’efficacité des initiatives de vente et de marketing pour qu’elles prennent en compte les retombées sur les flux de trésorerie. À mesure que les entreprises technologiques gagnent en maturité, elles modifient leurs pratiques de dépenses et d’investissement, tandis qu’elles évaluent l’efficacité de leurs initiatives de vente et de marketing, en prenant en compte le taux de recrutement de la clientèle, l’utilisation de leurs produits, leur part du portefeuille des consommateurs et leur part de marché. Bien qu’il s’agisse de paramètres d’évaluation bien établis pour les entreprises technologiques, ils ont une incidence négative sur leurs flux de trésorerie. Les entreprises technologiques qui dominent le marché commencent à intensifier leurs efforts dans le cadre de leurs programmes de promotion des ventes et de marketing axés sur leurs comptes clés, dont les coûts de conversion sont plus faibles, ce qui leur permet d’améliorer leurs flux de trésorerie. Au lieu de se contenter d’évaluer l’envergure du bassin de clients et le volume de licences vendues, les spécialistes en marketing font le suivi de divers autres paramètres, tels que les retombées différentielles de tels résultats sur les flux de trésorerie. 

Une étude sur les gammes de produits d’une entreprise de logiciels que nous avons réalisée récemment nous a permis de constater qu’une approche axée sur la consommation n’est pas appropriée pour tous les produits. En fait, certains clients préfèrent opter pour un modèle d’utilisation à base d’abonnement, de façon à pouvoir mieux anticiper leurs dépenses budgétaires et à éviter d’avoir à payer des factures mensuelles. En fin de compte, les avantages obtenus vont au delà de l’amélioration des flux de trésorerie, englobant la bonification de l’expérience client et l’allègement de la charge administrative.
Questions à poser

Dans le cadre de l’évaluation de ces aspects et de l’exercice visant à déterminer la mesure dans laquelle ils s’appliquent à votre entreprise, vous devez commencer par vous poser dès maintenant les cinq questions clés que voici :

  1. Dans quelle mesure les cycles de génération de revenus et les flux de trésorerie différentiels sont‑ils efficaces à l’échelle des divers canaux et segments de clientèle?
  2. Dans quelle mesure les prévisions de flux de trésorerie trimestrielles sont‑elles fiables et avons‑nous une connaissance suffisante des écarts?
  3. Sommes‑nous suffisamment à même de comprendre la corrélation entre la comptabilisation et la facturation, ainsi que le processus de conversion en trésorerie?
  4. Savons‑nous pourquoi le délai moyen de recouvrement des créances clients a augmenté et avons nous pris des mesures permettant d’endiguer les risques éventuels?
  5. La direction est‑elle incitée à appliquer des paramètres d’évaluation axés sur les flux de trésorerie, et s’agit‑il d’indicateurs clés de performance qui sont communiqués aux paliers organisationnels inférieurs?
Maîtriser la situation

Plusieurs facilitateurs peuvent désormais aider les entreprises à exécuter leurs projets en 2023 :

Resserrement des obligations de reddition de comptes en matière de flux de trésorerie
Dans les entreprises qui accusent un retard de performance au chapitre des flux de trésorerie disponibles, d’autres fonctions que la fonction finances ont généralement des lacunes en matière de reddition de comptes. Demandez‑vous comment faire pour accroître le niveau de sensibilisation à l’importance des flux de trésorerie par rapport à d’autres aspects prioritaires, et déterminez quelles sont les cinq principales mesures qui peuvent générer des retombées immédiates, tout en permettant d’obtenir le niveau d’adhésion requis à tous les paliers organisationnels, y compris auprès des actionnaires et des investisseurs.

Rehaussement de la visibilité
Bien que la plupart des grandes entreprises disposent d’un grand volume de données, elles ne sont pas en mesure d’en faire une synthèse leur permettant de se concentrer sur les principaux enjeux à traiter. Les entreprises qui dominent le marché se sont dotées de banques de données enrichies sur leurs clients qui leur permettent de se concentrer sur la rentabilité, les probabilités de renouvellement, le risque de crédit et le risque de défaut de paiement, tout en établissant une différenciation entre leurs canaux de vente aux clients et leurs canaux opérationnels. En s’appuyant sur les bons paramètres d’évaluation, il est possible de mettre en œuvre des mesures et un cadre de reddition de comptes permettant d’appliquer une méthode d’atténuation des risques ou de création de valeur plus proactive.

Évolution des mesures incitatives
L’accès aux sources de financement n’est plus gratuit. L’exploitation d’une entreprise engendre nécessairement des coûts. Demandez‑vous dans quelle mesure les coûts liés au fonds de roulement sont pris en compte dans le calcul des marges de votre entreprise, ainsi que dans sa stratégie de tarification et d’escompte. C’est peut‑être le bon moment pour évaluer la ventilation des commissions réalisées et veiller à ce que la valeur du carnet de commandes et les entrées de trésorerie soient alignées sur les objectifs organisationnels.

Un responsable de la fonction finances d’un client a mis en évidence récemment à quel point la négociation de contrats pluriannuels donnant lieu à la concentration des paiements vers la fin de la période contractuelle – et au report de la facturation des honoraires de consultation, au motif qu’il faut rester concurrentiel – est devenue une pratique qui tend à se répandre. Cette situation continue de se répercuter sur les activités de comptabilisation et de facturation, ainsi que sur les revenus et la trésorerie, à un moment où il devient particulièrement important de disposer de réserves de liquidités.

Résumé

En rehaussant le niveau de visibilité des flux de trésorerie et en acquérant une meilleure compréhension, à l’échelle organisationnelle, des facteurs et retombées en la matière sur lesquels il est possible d’agir, les entreprises de logiciels peuvent se doter des capacités de résilience dont elles ont besoin pour faire face aux incertitudes économiques en 2023. Les plus proactives y verront non seulement des mesures d’atténuation des risques, mais également une occasion de se démarquer et de battre la concurrence sur un marché de plus en plus concurrentiel.

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