Pendant cette période, l’équipe responsable de la transaction doit travailler rapidement et efficacement pour cerner les problèmes, trouver des solutions et planifier la conclusion d’ententes avec un groupe diversifié d’intervenants. Pourtant, seulement 35 % des répondants ont convenu que le pouvoir décisionnel était délégué d’une manière claire et appropriée. En outre, en cette période de vives émotions, les canaux de rétroaction sont plus susceptibles d’être inexistants : seules 42 % des transactions disposaient de mécanismes officiels permettant de soulever des questions, et seulement 37 % évaluaient systématiquement le niveau de préparation et l’état d’esprit des employés.
Mesures à prendre pour surmonter les points de retournement
Pendant la période allant de l’annonce de la transaction à sa clôture, il est important de constituer rapidement l’équipe responsable de la transaction et de progresser à un rythme soutenu, tout en appuyant les dirigeants et le personnel de l’ensemble de l’organisation. Un bureau de gestion de projet (BGP) solide doit fonctionner avec une liberté disciplinée pour répondre à la fois à l’évolution rationnelle et émotionnelle de la transaction. Une direction, une gouvernance, des calendriers et des méthodes de travail précis doivent être mis en place pour permettre la prise de décisions et accélérer la progression de la transaction. Les personnes interrogées ont déclaré que le recours à des prestataires de services offrant des capacités de leadership, de la technologie, des outils et des données était le moyen le plus efficace d’accélérer la progression des transactions.
Parallèlement, le BGP doit également planifier et surveiller l’évolution émotionnelle du personnel en soutenant les dirigeants, en établissant des mécanismes de rétroaction officiels et en prêtant une attention particulière à la montée des émotions négatives, 30 % des personnes interrogées ayant déclaré que le manque de soutien émotionnel était un problème. En mettant en place des outils de rétroaction, notamment des sondages éclairs, des sondages sur l’engagement et des boîtes aux lettres anonymes, les BGP peuvent détecter une énergie émotionnelle accrue, telle que l’anxiété ou la frustration, et y remédier avant qu’elle ne perturbe l’avancement de la transaction.
Comme la confiance de la main‑d’œuvre est susceptible de s’effriter pendant la période allant de l’annonce à la clôture, les dirigeants doivent également favoriser la sécurité psychologique dans l’ensemble de l’organisation. Une façon est de reconnaître ouvertement les défis et les incertitudes associés à la transaction, ce qui permet une rétroaction plus ouverte et honnête. Les dirigeants qui agissent de la sorte, tout en faisant preuve d’un état d’esprit axé sur la croissance, ont 3,7 fois plus de chances de surmonter avec succès les points de retournement. Certains peuvent raconter leurs propres expériences, allant même jusqu’à exprimer leurs doutes initiaux sur la transaction. En partageant leur propre témoignage, ils autorisent les autres à reconnaître que la transaction est autant une expérience émotionnelle qu’une démarche d’affaires.
Les cadres intermédiaires sont également essentiels, car ils peuvent permettre aux employés de s’exprimer sans crainte et seront probablement les premiers à déceler les problèmes éventuels. Un engagement efficace de la part des cadres intermédiaires aide les dirigeants à détecter les signaux d’alarme et à élaborer des solutions plus tôt.
La transparence dans la façon dont les décisions sont prises est importante à tous les échelons. Autrement, il est difficile de gérer les tensions structurelles. « Si vous communiquez sans faire preuve de transparence, la méfiance à l’égard de la direction va se manifester », nous a déclaré un cadre des ressources humaines (RH) d’une multinationale de covoiturage. Pour favoriser la confiance, les dirigeants doivent donner aux cadres intermédiaires les moyens de répondre aux questions sur la manière dont les décisions ont été prises par la direction.
Bon nombre des facteurs ci‑dessus peuvent être pris en compte et recensés grâce à ce que le cadre des RH a qualifié de « contrôle préalable culturel ». « Des facteurs comme votre style de leadership et de prise de décisions, votre culture du travail, votre mode de communication et l’engagement de vos employés, tout cela doit être pris en compte. » Cela exige de l’humilité de la part des dirigeants, qui devront probablement reconnaître que le statu quo ne sera pas envisageable dans la nouvelle structure. « Ces facteurs doivent être traités le plus tôt possible, a déclaré le cadre, parce que, dès que l’on atteint l’étape des activités post‑transactionnelles, il est trop tard. »
Enfin, à l’approche de la clôture, qui s’accompagne de nouveaux défis à relever, il est essentiel de clarifier la conception de l’organisation future et les rôles des dirigeants. Cela permettra d’assurer la confiance dans le futur modèle de gouvernance et d’installer les dirigeants dans leurs postes. Le directeur d’une société de paiements numériques a raconté comment il avait cherché, et échoué, à nouer le dialogue avec la directrice des ressources humaines d’une société en cours d’acquisition : « Elle était incroyablement réticente parce qu’elle pensait qu’elle allait être congédiée. » En revanche, lorsque les dirigeants sont en place tôt, non seulement l’organisation dispose‑t‑elle d’une structure concrète, mais les dirigeants ne sont plus aussi préoccupés par leur situation personnelle. Ils sont en mesure de mener à bien la prochaine étape et les suivantes.
Étape 3 : L’après‑clôture
Comment créer les conditions propices à la transformation?
Causes des points de retournement
La transaction est légalement clôturée, mais la plus grande erreur que les leaders puissent faire est de présumer que le travail est terminé. La nouvelle équipe de direction doit harmoniser et intensifier les activités organisationnelles afin d’atteindre les objectifs de la transaction. Les points de retournement importants dans les transactions sont souvent déclenchés par des problèmes liés au modèle opérationnel, le plus souvent une structure organisationnelle inefficace, laquelle est citée dans 31 % des transactions.
À ce stade, les gens de l’ensemble de l’organisation sont également susceptibles d’être épuisés. Un manque de soutien émotionnel pour les effectifs est mentionné dans près d’un tiers des transactions et, même parmi les transactions réussies, seulement 40 % des personnes ressentent des émotions positives après la clôture.
Les gens peuvent également avoir du mal à adopter une nouvelle identité, surtout ceux qui avaient un lien fort avec l’entreprise avant la transaction. Parmi les travailleurs, 31 % ont déclaré que la culture et les nouvelles méthodes de travail constituaient un défi important, contre 19 % chez les dirigeants. Changer les anciennes méthodes de travail ou pratiques commerciales peut donc représenter un défi. Le risque d’une mauvaise collaboration interfonctionnelle persiste également, les différentes équipes pouvant résister au partage de l’information dans un contexte d’incertitude quant aux rôles et aux responsabilités. Et, plus important encore, les lacunes en matière de capacités parmi les travailleurs doivent être identifiées et corrigées rapidement afin de maintenir l’élan créé par la transaction.
C’est à ce moment‑là qu’une véritable transformation peut être réalisée. Il est essentiel de créer les conditions propices à la réussite de la prochaine étape.
Mesures à prendre pour surmonter les points de retournement
Tout d’abord, il est essentiel que la nouvelle équipe dirigeante adhère à la vision de la transformation et élabore de nouvelles méthodes de travail. Le cadre des RH de l’entreprise de covoiturage a déclaré que cela était essentiel à une intégration culturelle réussie, car cela permet d’assurer la cohérence des messages et des mesures, de la direction de l’entreprise à l’ensemble de la main‑d’œuvre. « Ils doivent joindre le geste à la parole. Et dans la mesure où la direction est en phase avec les objectifs, cela se répercute chez les employés. »
En outre, les programmes d’apprentissage et de perfectionnement peuvent aider à l’intégration des cultures. Ils peuvent ainsi familiariser les employés avec les nouvelles méthodes de travail, les nouvelles valeurs et les nouveaux styles de leadership. Les organisations qui ajustent leurs processus pour encourager l’apprentissage, ainsi que l’expérimentation et l’innovation, sont près de trois fois plus susceptibles de réussir à surmonter un point de retournement, surtout si les nouveaux apprentissages et les nouvelles possibilités sont liés à l’entité émergente et transformée.
Parallèlement, une étude d’EY (sur EY.com UK) a révélé qu’en moyenne 75 % des personnes occupant des postes clés quittent leur emploi dans les trois ans suivant la clôture d’une transaction. Pour réduire au minimum les départs et maximiser la confiance dans la nouvelle organisation, les dirigeants doivent maintenir un environnement psychologiquement sûr. Dans le cas des acquisitions, une partie de ce processus consiste à ne pas présumer que les gens de la société acquise sont heureux de se joindre à l’acquéreur. Les dirigeants doivent donc « recruter de nouveau » les effectifs, en mobilisant les employés et en leur faisant connaître les possibilités qu’offre une organisation fusionnée. C’est alors qu’un programme de transformation peut être lancé pour redynamiser et galvaniser les équipes avec une nouvelle stratégie et une nouvelle orientation.
Enfin, il est nécessaire que la vision engagée amorcée par les dirigeants prenne vie une fois la transaction clôturée. Célébrer les premiers succès de la nouvelle entité est un facteur important, mais souvent négligé. Si l’une des initiatives stratégiques de la transaction consistait à combiner deux entreprises pour accroître l’empreinte géographique, ou à lancer un produit dans une nouvelle région, les dirigeants doivent célébrer la livraison réussie de la première expédition ou de l’achat effectué dans le nouveau pays. Cela permet de montrer aux employés que la nouvelle organisation a franchi une étape, progressive mais importante, vers la réussite de la fusion.