Gael Melville, Vancouver, et Dean Radomsky, Calgary
La question du logement continue de faire les manchettes au Canada, que ce soit en raison de la hausse des taux d’intérêt ou de préoccupations sur l’abordabilité. Dans le cadre des deux derniers budgets, le gouvernement fédéral a modifié la politique fiscale dans le but d’accroître l’abordabilité, et plusieurs autres mesures sont déjà en vigueur ou le seront bientôt. Le présent article traite des faits nouveaux relatifs à trois mesures : la nouvelle règle sur les reventes précipitées de biens immobiliers résidentiels, la taxe sur les logements sous‑utilisés et le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété.
Règle sur les reventes précipitées de biens immobiliers résidentiels1
Si vous faites l’acquisition d’un bien résidentiel et que vous le revendez à profit sur une période relativement courte, le profit (c.-à-d. le gain) à la revente peut être considéré comme un revenu d’entreprise plutôt qu’un gain en capital. Ainsi, le gain est entièrement imposable, puisque ni le taux d’inclusion des gains en capital de 50 % ni l’exemption pour résidence principale ne s’appliquent.
Le gouvernement était préoccupé par le fait que certains particuliers effectuant des reventes précipitées de biens immobiliers résidentiels déclaraient à tort leurs profits comme des gains en capital et demandaient même, dans certains cas, l’exemption pour résidence principale2. Le budget fédéral de 2022 a instauré une nouvelle règle sur les reventes précipitées de biens immobiliers résidentiels afin de faire en sorte que les profits découlant de la revente précipitée de biens immobiliers résidentiels au Canada soient considérés comme un revenu d’entreprise plutôt que comme un gain en capital, et soient ainsi assujettis à l’imposition complète.
Selon la nouvelle règle, si un bien à revente précipitée est vendu à perte, la perte est réputée nulle aux fins de l’impôt sur le revenu, de sorte qu’elle ne peut être déduite du revenu.
Cette nouvelle règle s’applique à l’égard des dispositions de biens visés par une revente précipitée ayant lieu après le 31 Décembre 2022.
Qu’est‑ce qu’un bien à revente précipitée?
Aux fins de cette règle, un bien à revente précipitée s’entend d’un logement3 – sauf un bien qui est un bien figurant à l’inventaire du particulier – situé au Canada, qui était détenu pendant moins de 365 jours consécutifs avant sa disposition, sauf si la disposition se produit en raison d’un ou de plusieurs événements de la vie (dont la liste est donnée plus loin).
Un particulier qui dispose d’un bien à revente précipitée en 2023 ou par la suite est réputé exploiter une entreprise qui est un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial, et le bien à revente précipitée est réputé être un bien figurant à l’inventaire de cette entreprise et non pas une immobilisation. Ainsi, tout gain réalisé à la disposition de ce bien est entièrement imposable à titre de revenu d’entreprise, et le particulier ne peut demander le traitement réservé aux gains en capital ni l’exemption pour résidence principale.
Comme il a été mentionné, même si un bien à revente précipitée est réputé être un bien figurant à l’inventaire d’une entreprise exploitée par le particulier, toute perte subie à la disposition de ce bien sera refusée (c.‑à‑d. qu’elle sera réputée nulle). Il semble que l’objectif de la règle de la « perte refusée » est de faire en sorte qu’un gain en capital réalisé sur un bien à revente précipitée ne soit pas converti en perte d’entreprise après la déduction de dépenses admissibles dans le calcul du revenu d’entreprise, comme des intérêts sur un prêt hypothécaire, de telles dépenses ne pouvant être déduites dans le calcul d’un gain en capital.
Vu l’exclusion prévue dans la définition de « bien à revente précipitée », cette règle de la perte refusée ne s’applique pas si le bien est par ailleurs considéré comme un bien figurant à l’inventaire d’une entreprise exploitée par le particulier. Ainsi, les particuliers dont l’entreprise consiste à revendre des biens de façon précipitée et qui comptabilisent tous les gains et les pertes au titre du revenu ne devraient pas être assujettis à cette règle.
Exclusions dans le cas d’événements de la vie ou de circonstances particulières
La règle sur la revente précipitée de biens immobiliers résidentiels tient compte du fait que, dans certaines situations, il est possible qu’un bien résidentiel soit détenu pendant moins d’une année sans que cela indique une intention de faire un profit.
Les règles de présomption ne s’appliquent pas s’il est raisonnable de considérer que la disposition du bien se produit en raison ou en prévision d’un des événements de la vie suivants :
- Le décès du particulier ou d’une personne qui lui est liée
- Une ou plusieurs personnes liées au particulier deviennent membres du ménage du particulier (p. ex. la naissance d’un enfant ou la nécessité de prendre soin d’un parent âgé) ou le particulier devient membre du ménage d’une personne liée
- Une séparation (lorsque le particulier vit séparément de son époux ou conjoint de fait en raison de l’échec de la relation pour une période d’au moins 90 jours avant la disposition)
- Des préoccupations relatives à la sécurité personnelle du particulier ou d’une personne liée (p. ex. une menace de violence familiale)
- Le particulier ou une personne liée souffre d’une incapacité ou d’une maladie grave
- Une réinstallation admissible du particulier ou de son époux ou conjoint de fait (dans le cas d’un nouveau lieu de travail, la nouvelle résidence doit être située au moins 40 kilomètres plus près du nouveau lieu de travail, sans qu’il soit nécessaire que cette nouvelle résidence et ce nouveau lieu de travail soient situés au Canada)4
- Une cessation d’emploi involontaire du particulier ou de son époux ou conjoint de fait
- L’insolvabilité du particulier
- La destruction ou l’expropriation du logement
Même si les nouvelles règles de présomption ne s’appliquent pas en raison d’une des exceptions susmentionnées ou parce que le bien résidentiel était détenu pendant au moins 365 jours consécutifs, les profits découlant de la disposition du bien peuvent être imposés à titre de revenu d’entreprise. Dans chaque cas, la question de savoir si les profits seront considérés comme un gain en capital ou comme un revenu d’entreprise demeurera une question de fait. La détermination repose sur divers facteurs, comme le nombre d’opérations similaires et les circonstances entourant la vente.
Affectation ventes5
En Novembre 2022, le gouvernement a annoncé qu’il élargirait la nouvelle règle sur les reventes précipitées de biens immobiliers résidentiels pour qu’elle s’applique aux profits découlant de la cession d’un contrat de vente pour les opérations ayant lieu le 1er Janvier 2023 ou après cette date6.
Selon cette proposition, si vous cédez des droits d’achat de biens immobiliers résidentiels que vous avez détenus pendant moins de 365 jours avant la cession, les profits réalisés seront considérés comme un revenu d’entreprise et ne seront pas admissibles au traitement réservé aux gains en capital, sous réserve des exceptions susmentionnées pour certains événements de la vie ou circonstances particulières.
Si vous détenez un droit d’acheter un bien immobilier résidentiel en vertu d’une convention d’achat‑vente et que vous exercez ce droit, la période de détention de 12 mois se réinitialisera à la date d’achat du bien. La règle sur les reventes précipitées de biens immobiliers résidentiels peut alors s’appliquer si le bien immobilier résidentiel fait l’objet d’une disposition dans les 12 mois de son acquisition.
Taxe sur les logements sous‑utilisés
La nouvelle Loi sur la taxe sur les logements sous-utilisés (la « LTLSU ») fédérale a force de loi depuis le 9 Juin 2022, ayant été adoptée dans le cadre du projet de loi C‑8, Loi d’exécution de la mise à jour économique et budgétaire de 2021. Le gouvernement fédéral a instauré une taxe annuelle de 1 % sur la valeur des immeubles résidentiels vacants ou sous‑utilisés appartenant directement ou indirectement à des étrangers non‑résidents (c.‑à‑d. des particuliers qui ne sont ni citoyens canadiens ni résidents permanents du Canada). Cette taxe est applicable depuis le 1er Janvier 2022.
Même si vous n’êtes pas tenu de payer la taxe pour une année donnée, vous pourriez devoir produire une déclaration. Des pénalités s’appliquent en cas de production tardive.
Obligation de déclaration annuelle : la date limite approche
L’objectif de la LTLSU est de faire en sorte que les propriétaires non‑résidents qui se servent tout simplement du Canada comme d’un endroit où stocker leur richesse dans le logement paient leur juste part. La loi instaure cependant une obligation de production d’une déclaration annuelle de portée très générale qui pourrait bien trouver application même si le propriétaire de l’immeuble n’a pas à payer la taxe annuelle7. Le propriétaire d’un ou de plusieurs immeubles résidentiels le 31 Décembre d’une année civile est tenu de produire une déclaration pour chaque immeuble résidentiel, sauf s’il est un propriétaire exclu.
Les propriétaires exclus comprennent les citoyens canadiens, les résidents permanents du Canada, certaines personnes morales cotées à une bourse de valeurs et les organismes de bienfaisance enregistrés. Ils ne sont assujettis ni à la taxe ni à l’obligation de déclaration annuelle.
En revanche, les fiducies, les sociétés de personnes et les sociétés privées canadiennes ne font pas partie des propriétaires exclus. Par conséquent, si un immeuble résidentiel appartient, par exemple, à un nu-fiduciaire agissant pour le compte d’un citoyen ou résident canadien, la fiducie simple dont il est chargé aura le statut de fiducie canadienne déterminée (en vertu de la LTLSU), et le nu‑fiduciaire sera exonéré du paiement de la taxe annuelle sur les logements sous‑utilisés, mais il sera tenu de produire une déclaration annuelle relativement à l’immeuble8.
Un propriétaire tenu de produire une déclaration pour une année civile doit le faire au plus tard le 30 Avril de l’année civile suivante. Ainsi, si vous devez produire une déclaration pour l’année civile 2022, vous devez le faire au plus tard le 30 Avril 2023.
Le défaut de produire une déclaration de la manière et à l’échéance prévues peut donner lieu à une pénalité minimale de 5.000$9 , de même qu’à la perte du droit de bénéficier d’une exemption de taxe si la déclaration n’est pas produite au plus tard le 31 Décembre de l’année civile suivante.
Au moment où ces lignes sont écrites, l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») n’avait toujours pas publié le nouveau formulaire de déclaration. Il faut toutefois savoir que, en vertu du Règlement sur la taxe sur les logements sous‑utilisés, l’ARC peut exiger que le particulier fournisse son numéro d’assurance sociale dans une déclaration produite en vertu de la LTLSU.
Nouveautés
En vertu des modifications apportées à la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») en Décembre 2022, l’ARC peut refuser de délivrer un certificat en vertu de l’article 116 de la LIR relativement à une disposition éventuelle ou réelle d’un immeuble résidentiel situé au Canada par un non-résident si ce dernier ne s’est pas conformé, à l’égard de l’immeuble, à l’obligation de payer la taxe ou de produire une déclaration en vertu de la LTLSU10.
En outre, le Règlement sur la taxe sur les logements sous‑utilisés récemment adopté officialise l’exemption pour certaines propriétés de vacances ou de loisirs, laquelle avait été annoncée le 14 Décembre 2021. En vertu de cette exemption, aucune taxe sur les logements sous‑utilisés (« TLSU ») n’est à payer à l’égard d’un immeuble résidentiel pour une année si celui-ci remplit les conditions suivantes :
- Il est situé dans une région du Canada qui n’est pas une région urbaine située dans une région métropolitaine de recensement ou dans une agglomération de recensement comptant 30.000 résidents ou plus11.
- Il est utilisé par le propriétaire (ou son époux ou conjoint de fait) personnellement pendant au moins 28 jours durant l’année civile.
Il est à noter que même si aucune TLSU n’est payable parce que l’immeuble résidentiel est lui-même admissible à une exemption à titre de propriété de vacances ou de loisirs, le propriétaire peut quand même devoir produire une déclaration en vertu de la LTLSU pour l’année.
Il est important de vous familiariser avec les règles pour ne pas être pris au dépourvu à l’approche de la date limite de production d’une première déclaration annuelle le 30 Avril 2023. Nous vous invitons à consulter le bulletin FiscAlerte 2022 numéro 35 d’EY, Sanction de la nouvelle Loi sur la taxe sur les logements sous‑utilisés du Canada, qui expose en détail le cadre et l’application de la nouvelle taxe et qui décrit notamment qui est considéré comme un propriétaire ou comme un propriétaire exclu aux fins de la taxe et qui est admissible à l’une des nombreuses exemptions de la taxe annuelle.
Mise à jour sur le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété
Dans le numéro d’octobre du bulletin Questionsfiscales@EY, nous avons abordé le nouveau compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (le « CELIAPP ») qui doit être offert à compter de 2023.
Le CELIAPP est un nouveau type de compte enregistré permettant aux Canadiens d’épargner en vue d’une mise de fonds pour leur première maison. Le ministère des Finances a d’abord publié une version provisoire des règles sur le CELIAPP en Août 2022, puis, en Novembre 2022, il a publié une mise à jour comprenant plusieurs modifications. C’est cette dernière mouture qui est entrée en vigueur en Décembre 2022.
Voici les principales modifications apportées par rapport aux propositions d’Août 2022 :
- Les règles entreront en vigueur le 1er Avril 2023, au lieu du 1er Janvier 2023, comme il avait été initialement proposé.
- Il n’y a désormais rien qui empêche d’avoir recours au CELIAPP et au Régime d’accession à la propriété pour le même achat admissible d’une habitation12.En vertu de la version précédente des règles, un particulier devait choisir l’un des deux programmes.
- Pour qu’un particulier puisse effectuer un retrait admissible d’un CELIAPP (c.‑à‑d. un retrait en franchise d’impôt), il doit être résident du Canada tout au long de la période commençant au moment du retrait et se terminant à la date à laquelle l’habitation est acquise, ou au moment du décès du particulier, si celui‑ci se produit avant. En vertu de la version précédente des règles, le particulier devait seulement résider au Canada au moment du retrait.
- Un particulier ne sera pas considéré comme un acheteur d’une première habitation si, à n’importe quel moment durant l’année civile précédant l’ouverture d’un CELIAPP ou les quatre années civiles précédentes, il a été occupant d’une habitation admissible comme lieu principal de résidence, qui lui appartenait ou qui appartenait à son époux ou conjoint de fait. En vertu de la version précédente des règles, seule une habitation qui appartenait au particulier ou dans laquelle il détenait un droit était prise en compte pour déterminer le statut du particulier en tant qu’acheteur d’une première habitation.
Pour avoir un aperçu général du cadre du CELIAPP avant les modifications apportées par le projet de loi C‑32, consultez l’article « Quelles sont les nouveautés pour les acheteurs d’une première habitation? » dans le numéro d’octobre du bulletin Questionsfiscales@EY.