11 minutes de lecture 27 févr. 2019
feux de circulation

Trois défis que les institutions financières doivent relever lorsqu’elles rivalisent avec de nouveaux joueurs sur le marché

Les participants au sommet sur le leadership dans le secteur des services financiers analysent l’incidence perturbatrice du rythme rapide de l’innovation sur les services financiers. Trois défis clés ont émergé.

Les 2 et 3 octobre 2018, des administrateurs et des hauts dirigeants des plus grandes banques et sociétés d’assurance du monde, des hauts dirigeants d’entreprises de FinTech, des représentants des autorités de réglementation et d’autres experts en la matière, dont des leaders et des professionnels des services financiers d’EY, se sont réunis à Londres pour le sommet sur le leadership dans le secteur des services financiers. Ce sommet est organisé et dirigé par Tapestry Networks, avec le soutien d’EY, afin d’analyser l’incidence perturbatrice du rythme rapide de l’innovation sur les services financiers. 

Les entreprises de FinTech de petite taille et agiles prennent des parts de plus en plus importantes dans des marchés qui  étaient la chasse gardée des fournisseurs de services en titre. Ce changement rapide est favorisé en partie par l’incapacité des fournisseurs de services en titre de répondre aux attentes des clients. Alors qu’elles ont le regard tourné vers l’avenir, les institutions financières anticipent l’évolution de l’écosystème de services financiers, un écosystème dans lequel les entreprises en titre devront adapter leurs modèles opérationnels, leurs structures et leurs systèmes afin d’améliorer l’agilité et l’efficacité et pourraient jouer d’autres rôles que ceux qu’elles ont occupés par le passé.

Trois enjeux auxquels font face les institutions financières :

  1. Les institutions financières peuvent‑elles s’adapter à la perturbation des services financiers?
  2. Les institutions de très grande taille peuvent‑elles transformer leurs activités?
  3. Les fournisseurs de services financiers peuvent‑ils être plus inclusifs?
Des hommes d’affaires esquissent le schéma d’un entrepôt vide
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Chapitre 1

Les institutions financières peuvent‑elles s’adapter à la perturbation des services financiers?

Les nouveaux joueurs sur le marché attirent les gens de talent et offrent des solutions plus agiles et centrées sur le client.

Il y a deux ans, tout ceci n’était que théorique. C’est maintenant la réalité.
Participant au sommet sur le leadership dans le secteur des services financiers

Le rythme accéléré des avancées technologiques et les applications destinées au secteur des services financiers permettent de servir les clients de nouvelles façons, favorisant l’entrée de nouveaux joueurs qui saisissent l’ampleur réelle des enjeux et adoptent des modèles novateurs.

Les entreprises en titre entrevoient le potentiel de leurs approches novatrices, mais il est difficile de prévoir l’incidence de la rapidité du changement sur les entreprises et les investissements et les stratégies qui seront les plus efficaces. Les institutions financières sont solidement positionnées, leur clientèle est importante, leur bilan est solide et elles disposent de capitaux considérables à investir.

Toutefois, elles sont de plus en plus pressées d’innover, car les nouvelles technologies refaçonnent les marchés. Les nouvelles technologies et la concurrence accrue exercent des pressions sur les entreprises en titre :

  • Les entreprises de FinTech, qui sont plus agiles et attirent davantage les gens de talent, ne cessent de croître, leurs investissements ayant presque atteint 100 milliards de dollars à l’échelle mondiale en 2018. Aujourd’hui, les entreprises de FinTech constituent 12 % des « licornes » (entreprises en démarrage évaluées à plus de 1 milliard de dollars) dans le monde.
  • Les grandes entreprises technologiques pourraient être la plus importante source de disruption si elles rivalisent directement avec les institutions de services financiers.
  • Bien que les activités liées au commerce de détail soient celles qui profitent le plus de la croissance, comme les paiements et les prêts, les nouvelles technologies pourraient entraîner des transformations sans précédent et modifier la concurrence dans les marchés commerciaux et de gros. Ces mêmes technologies qui permettent aux nouveaux joueurs de rivaliser avec des entreprises en titre bien établies modifient également la manière dont ces entreprises en titre exercent leurs activités, gèrent l’information et communiquent avec les clients.

« Elles veulent toutes avoir leur part du gâteau. Elles vont toutes tenter leur chance », a prévenu Jamie Dimon, chef de la direction de JPMorgan Chase, dans son message à l’assemblée annuelle des actionnaires en 2014.

Pendant les dix dernières années, nous avons négligé nos clients. En outre, nous leur avons demandé de remplir toujours plus de formulaires et leur avons facturé encore plus de frais. Nous avons grandement facilité la tâche pour les entreprises de FinTech et les autres aspirantes au titre.
Participant au sommet sur le leadership dans le secteur des services financiers

Les clients veulent de plus en plus avoir accès à des services souples et personnalisés où et quand ils en ont besoin et à des produits tout particulièrement adaptés à leurs besoins. Et ce, sur leur téléphone intelligent.

Ces prémisses constituent le point de départ pour les entreprises de FinTech. Nombre d’entre elles se concentrent sur l’espace grand public, où la technologie leur a permis de rejoindre et d’attirer des clients plus facilement. C’est dans le secteur des services bancaires aux particuliers que les nouveaux concurrents ont fait certaines de leurs plus importantes percées.

Le marché des paiements de 100 billions de dollars a longtemps été dominé par les grandes banques, les sociétés de cartes de crédit et d’autres sociétés financières. Mais de nouveaux joueurs font leur apparition, offrant des solutions de traitement des paiements moins coûteuses et plus souples et accaparent la plus grande part du marché des services en ligne, selon un article de The Banker, « Chinese Banks’ Big Tech Threat ». Certaines banques aspirantes au titre comptent maintenant plus de 2 millions de clients, selon CB Insights, « The Challenger Bank Playbook: How 6 Digital Banking Startups Are Taking On Retail Banking ».

Les plus grandes AssurTech sociétés ont collectivement recueilli près de 1 milliard de dollars et leur évaluation totale s’approche de 9 milliards de dollars.

Une grande partie de ces entreprises de FinTech ciblent les jeunes consommateurs (âgés en moyenne de 34 ans) et sont caractérisées par la souplesse de leur conception organisationnelle et de leur déploiement. Technologie L’expansion continue de ces entreprises en démarrage constitue une menace croissante pour les entreprises en titre.

« Toute entreprise qui parviendra à améliorer un produit et à l’offrir à un prix moindre rognera les marges sur ce produit », a observé un administrateur lors du sommet.

Les prêts entre pairs et en ligne sont un marché important qui permet de croître à l’extérieur du marché des entreprises en titre. En 2016, les plateformes en ligne fournissaient environ 15 % des prêts à l’ensemble des PME du Royaume‑Uni. Aux États Unis, les entreprises de FinTech représentent environ un tiers des entreprises qui offrent ces prêts, en hausse par rapport à moins de 1 % en 2010.De nouveaux modèles apparaissent, ce qui pourrait avoir une incidence importante sur les services financiers dans l’avenir. Parmi ces modèles, on retrouve la « banque de marché », qui permet aux clients de transférer facilement des fonds à de nombreux fournisseurs.

« Les possibilités sont là. Il s’agit seulement de trouver une façon d’offrir du contenu aux clients et de les amener à utiliser nos applications sur leur appareil mobile », selon un participant au sommet.Les entreprises d’AssurTech créent, elles aussi, des modèles d’affaires novateurs, innovant pour répondre aux besoins en évolution des clients, bien que peu d’entre elles aient l’envergure des autres institutions bancaires.

« C’est comme ça que l’assurance a commencé : les gens se sont regroupés pour trouver une solution à leurs problèmes et réduire les risques », a commenté un directeur dans le cadre du sommet. 

Les entreprises en titre font face à une autre menace : l’arrivée des plateformes technologiques de grande envergure dans le marché des états financiers. Il est facile pour ces énormes fournisseurs de services d’offrir des services bancaires et d’assurance dans leurs réseaux, qui comptent des milliards de clients.

Séance en solo dans un centre d’escalade
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Chapitre 2

Les institutions de très grande taille peuvent‑elles transformer leurs activités?

Avantagées par leur taille et leur stabilité, ces entreprises ont une chance si elles réagissent avec rapidité et agilité.

Les entreprises en titre éprouvent de la difficulté à suivre le rythme du changement dans le secteur des services financiers; cependant, elles doivent adopter certains des meilleurs aspects des entreprises en démarrage du secteur des FinTech et des sociétés du secteur de la technologie afin de demeurer concurrentielles. Les entreprises de FinTech gagnent des parts de marché en offrant un accès facile et moins coûteux à des services plus souples. Les entreprises en titre doivent apporter des changements organisationnels à leur culture et leurs opérations si elles veulent rivaliser avec les entreprises de FinTech.

Nous sommes en présence d’une pléthore de technologies, d’applications, de plateformes, de partenariats – il est difficile d’élaborer la meilleure feuille de route en matière d’investissement.
Participant au sommet sur le leadership dans le secteur des services financiers

Bien que les institutions financières renouvellent leur modèle d’affaires, elles doivent tout de même préserver leur rentabilité et le cours de leurs actions.

« Elles reconnaissent qu’elles ne disposent pas de toutes les capacités pour ce faire et qu’elles devront déplacer leur effectif, former plus de coentreprises, avoir plus souvent recours à l’impartition et conclure plus de partenariats », a prévenu un banquier participant au sommet.

Certaines entreprises en titre changent leur façon de penser leur organisation, adoptant des méthodes couramment utilisées par les sociétés et les entreprises en démarrage du secteur des technologies, comme la gestion de projets Agile, DevOps ou les « sprints ». Même si elles ne peuvent pas adopter la culture qui exige « de bouger vite et de tout casser » du secteur des technologies, les entreprises en titre modifient leurs structures internes afin de gagner en rapidité, créant des organisations ou marques distinctes qui offrent plus de flexibilité et s’efforçant de changer la culture organisationnelle pour la rendre plus flexible et ouverte à l’innovation.

Dans le cadre de ce changement de culture, les entreprises en titre pourraient devoir augmenter leur tolérance au risque et encourager l’innovation.

Les entreprises en titre ont quelques avantages quand elles rivalisent contre les entreprises des FinTech. Les grandes institutions financières sont considérées par les consommateurs comme un endroit sûr pour leurs données personnelles. Un rapport de la American Banker Association révèle que 59 % des consommateurs font plus confiance aux banques qu’aux autres fournisseurs de solutions de paiement, aux détaillants ou aux sociétés de télécommunications pour leurs paiements. 

La taille et la stabilité des institutions en titre et de leur bilan ont une grande valeur et sont un avantage concurrentiel sur les entreprises de FinTech plus petites. 

Le fondement de nos activités est notre capacité à remplir nos promesses. Nous devons affecter les ressources là où elles sont nécessaires en cas de sinistre. Une société de petite taille ne peut pas le faire. Dans le domaine de l’assurance‑vie, nos obligations s’échelonnent sur une période de 30 à 40 ans; la taille et la stabilité sont donc de première importance.
Participant du secteur de l’assurance au sommet sur le leadership dans le secteur des services financiers

Selon un autre participant, l’envergure des grandes banques constitue un atout. Nous comptons des millions d’utilisateurs et une capacité d’investissement que les petites entreprises de FinTech ne peuvent égaler.

Les entreprises en titre réagissent-elles trop lentement?

Les institutions financières réagissent en mettant à niveau les systèmes existants, en explorant de nouveaux modèles d’affaires et en augmentant le recours aux partenariats et en réalisant plus d’acquisitions – dans un effort visant à devenir plus souples et agiles afin de se concentrer sur le client.

Mais le rythme est trop lent, les entreprises en titre hésitant quant au modèle à adopter. L’approche à prendre a fait l’objet d’un débat. Certains participants prévoient que certaines banques pourraient devenir des services publics qui fourniront l’infrastructure et le bilan. D’autres participants s’attendent à ce que les banques commercialisent elles‑mêmes les produits et services qu’elles offrent aux clients, protégeant ainsi la relation avec ceux‑ci et les données qui en découlent en ayant recours à de nouvelles technologies. Certains participants étaient davantage en faveur d’une stratégie privilégiant les services mobiles, surtout pour les clients plus jeunes, grâce à des communications et à des produits qui s’adressent spécialement à eux offerts sur leur appareil mobile.

Certains assureurs, par exemple, regroupent leurs services de prévention et d’atténuation du risque avec leurs produits de protection. Mais les assureurs éprouvent également de la difficulté à s’adapter, l’évolution des relations avec les intermédiaires, les stratégies de distribution et la simplification des produits d’assurance étant des questions auxquelles le secteur doit répondre.

Selon certains participants, ces modèles pourraient faire en sorte que la frontière entre les secteurs des services financiers, comme les services bancaires, l’assurance, la gestion d’actifs, deviendra floue. « Il y aura des modèles créatifs :  les propriétaires de la plateforme offriront de nouvelles façons de communiquer avec les clients, qui les inciteront à dépenser plus, et des applications qui s’ajouteront à l’offre de services financiers », selon un participant.

Sauf si la réglementation et la supervision évoluent, les entreprises en titre seront désavantagées par rapport aux entreprises en démarrage agiles non soumises au même niveau de surveillance réglementaire. L’innovation dans les entreprises en titre pose un problème pour les autorités de réglementation. Bien que l’innovation puisse avoir des avantages importants pour les consommateurs, les institutions financières et le système financier dans son ensemble, elle peut également comporter de nouveaux risques. Les représentants des autorités de réglementation présents au sommet ont dit qu’ils cherchaient à encourager l’innovation qui sert les intérêts des consommateurs sans créer des risques prudentiels inacceptables.

 

Femme faisant du magasinage virtuel au Japon
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Chapitre 3

Les fournisseurs de services financiers peuvent‑ils être plus inclusifs?

Les entreprises ont besoin de stratégies pour offrir leurs services aux personnes sans accès aux services bancaires et d’assurance, tant dans les marchés émergents que dans les pays développés.

Si les banques s’attaquent sérieusement à ces marchés, ces derniers pourraient générer des revenus de 200 milliards de dollars.
Jan Bellens, EY Global Banking; leader adjoint du secteur des Marchés financiers

Les nouveaux modèles d’affaires permettent d’offrir des services financiers à des clients qui, auparavant, étaient considérés comme inaccessibles. En particulier, l’adoption massive des téléphones intelligents a ouvert de nouveaux canaux de distribution, ajoutant des centaines de millions de clients sans services bancaires et d’assurance au système financier officiel. Les progrès technologiques ont considérablement réduit les coûts de communication avec les clients, de sorte que l’inclusion financière peut être une source de croissance pour les joueurs existants et nouveaux.

Un pan important de la population n’a pas accès aux services bancaires. Selon une étude de la Banque mondiale intitulée « Global Findex Database 2017: Measuring Financial Inclusion and the Fintech Revolution », 37 % des adultes des pays en voie de développement n’ont pas de compte bancaire, par rapport à 6 % dans les pays où les revenus sont élevés.

La recherche indique que les innovations numériques, comme les succursales numériques, les paiements en temps réel, pourraient entraîner une réduction pouvant atteindre 60 milliards de dollars (3 % des dépenses totales) des dépenses nettes des banques mondiales d’ici 2022. La prolifération des téléphones intelligents et l’accès à une connexion Internet rapide ont permis aux banques et aux assureurs de lancer des produits et services disponibles entièrement numériques, leur permettant de réduire les coûts élevés associés aux succursales et aux agents.

Les avancées en matière d’identité numérique, combinées à un contexte de réglementation favorable dans certains marchés, permettent de rejoindre les clients moins bien servis et de satisfaire à la nécessité de connaître la clientèle. L’accès à des données provenant d’un nombre croissant de sources permet aux entreprises d’analyser de nouveaux ensembles de données afin de tenter de comprendre les attentes, les besoins et les comportements des clients moins bien servis et d’élaborer de nouvelles approches en matière de souscription des produits de crédit et d’assurance.

Les entreprises de services financiers, dont les entreprises de FinTech et les entreprises en titre, forment des partenariats avec des entités comme les banques et les institutions de microfinance, en passant par les entreprises de FinTech et les sociétés de télécommunications. Les banques et les sociétés d’assurance mondiales ont fourni des capitaux en appui aux entreprises de FinTech. Certaines institutions forment des consortiums pour pouvoir prendre plus rapidement de l’expansion.

Mais l’exclusion financière existe également dans les pays développés. Les techniques développées pour favoriser l’inclusion dans les pays émergents pourraient contribuer à l’inclusion de ces clients marginalisés dans les pays développés. D’un autre côté, bien que la technologie soit en mesure d’élargir l’accès, trop de personnes qui dépendent des succursales bancaires n’ont pas accès aux technologies numériques. Au fil de la transformation numérique des produits et services, ces clients pourraient être de plus en plus exclus du système financier.

Conclusion

Les entreprises en titre doivent à tout prix déterminer des stratégies pour s’adapter à l’accélération du changement.

Le changement est si rapide que les leaders évitent de faire de paris imprudents, mais cherchent également à bouger assez rapidement pour s’assurer de ne pas se retrouver à la traîne. Ils doivent gérer ces risques et les activités et systèmes existants tout en les transformant pour l’avenir.


Cet article est basé sur les points de vue du sommet annuel sur le leadership dans le secteur des services financiers, et vise à saisir l’essence des discussions du Governance Leadership Network et des recherches connexes.

 

Résumé

Les participants au sommet sur le leadership dans le secteur des services financiers se sont rencontrés pour discuter de ce que les institutions financières doivent penser d’un écosystème en évolution qui demande de l’agilité et d’être centré sur le client.