9 minutes de lecture 4 avr. 2020

            Ordinateur portable posé sur une table

Comment les établissements d’enseignement supérieur peuvent surmonter les défis associés à la pandémie de COVID 19

Par Robert Lytle

Leader mondial, EY‑Parthenon Education

Professionnel impliqué dans le secteur de l’éducation à l’échelle mondiale. S’intéresse vivement au rôle du secteur privé dans la promotion des résultats. Agit fréquemment à titre de conférencier dans le cadre de réunions sectorielles mondiales. Expert autoproclamé dans le domaine de la science‑fiction et du fantastique.

9 minutes de lecture 4 avr. 2020

Afficher les ressources

  • EY-Parthenon perspectives: higher education COVID-19 crisis (pdf)

Nos réflexions sur l’état du monde, une fois terminée la pandémie de COVID 19

La pandémie de COVID-19 et les perturbations économiques qui en découlent malmènent le secteur de l’enseignement supérieur aux États Unis.  

La stagnation du niveau des inscriptions, la forte concurrence pour attirer des étudiants, l’offre grandissante de diminutions des frais de scolarité, l’augmentation des coûts et l’évolution des préférences sur le plan de la demande figuraient déjà parmi la foule de défis que les établissements d’enseignement supérieur américains avaient à gérer auparavant. De plus, aux États Unis, environ un établissement d’enseignement supérieur privé sur cinq faisait face à un important risque financier avant l’éclosion de la pandémie mondiale de COVID 19 ¹.

Depuis que celle-ci a commencé à frapper le pays, ces établissements doivent procéder à un tri opérationnel qui sape leurs capacités. Parmi bien d’autres décisions difficiles, ils ont dû annuler leurs programmes d’études à l’étranger, réduire la durée de leurs saisons d’activités sportives et demander à leurs étudiants de quitter leurs campus. En une semaine, presque tous les cours en classe ont été remplacés par un modèle d’enseignement à distance reposant souvent sur des outils de collaboration commerciaux.

Il ne faudrait pas confondre de telles solutions d’apprentissage à distance de fortune avec des didacticiels en ligne, des infrastructures éducationnelles et des services de soutien aux études de premier ordre, car les solutions didactiques en ligne de grande qualité sont souvent l’apanage de grands établissements d’enseignement dotés de moyens sophistiqués acquis au fil des ans. Leurs activités de tri les plus urgentes étant maintenant terminées, le moment est venu pour les établissements d’enseignement supérieur de se demander à quoi ils doivent s’attendre  et, en fin de compte, quelles sont les mesures qu’ils doivent envisager de prendre.

Afficher les ressources

À quoi on peut s’attendre

Dans un contexte inédit d’événements qui se bousculent, toute prédiction repose forcément sur une certaine part de spéculation. De façon générale, les inscriptions dans les établissements d’enseignement supérieur sont contre cycliques, mais on peut difficilement savoir comment la situation évoluera dans le contexte de la crise actuelle.  Jadis, au paroxysme de la Grande Dépression, un sentiment de découragement s’est emparé de l’esprit des étudiants potentiels, ce qui a entraîné la stagnation des niveaux d’inscription, mettant ainsi un terme à la tendance à la hausse observée au cours des années précédentes². À l’heure actuelle, bien des projections portent à croire qu’il pourrait s’avérer nécessaire de maintenir les mesures de prévention de la COVID 19 et que, si elles étaient levées au cours de l’été prochain, il pourrait falloir les rétablir à l’automne. Du point de vue de la planification, il est prudent de tenir pour acquis ce qui suit :

  • Les revenus accessoires tirés des cours d’été sont probablement voués à disparaître.
  • Les établissements d’enseignement supérieur sont susceptibles d’avoir à composer avec d’autres défis financiers découlant du remboursement des frais d’hébergement, de repas et d’inscription aux cours en ligne, des pertes de revenus associées à l’annulation de programmes et d’événements universitaires, ainsi que de l’accroissement des coûts opérationnels (p. ex., passage à l’enseignement à distance).
  • Bien qu’elles soient encore indéterminées, les répercussions sur les étudiants internationaux sont probablement considérables et négatives. 
  • Dans bien des établissements d’enseignement supérieur, le taux de rétention des étudiants pourrait baisser, sous l’effet de l’un ou de plusieurs des facteurs suivants :
    • Le lien d’attachement établi avec les étudiants à distance est plus ténu.
    • Bon nombre de ces étudiants auront une expérience d’apprentissage à distance de piètre qualité.
    • À l’instar de leurs parents, bien des étudiants considéreront que la fréquentation de leur établissement d’enseignement est un luxe dont ils peuvent se passer.
    • À moins d’une aide gouvernementale importante, les contraintes financières extrêmes feront que l’enseignement supérieur sera inaccessible pour certains étudiants. 
  • Le nombre d’inscriptions à la session d’automne des nouveaux étudiants à temps plein, bien que la plupart des établissements ne pouvaient pas compter sur cet indicateur même avant la pandémie de COVID 19, est encore plus imprévisible maintenant. 
    • Les visites de campus, qui aidaient les étudiants et leur famille à faire un choix d’établissement, ne sont plus possibles. 
    • Certains étudiants, surtout ceux dont la situation familiale difficile l’exige, pourraient décider de reporter leurs études collégiales à temps plein ou de travailler tout en étudiant à temps partiel³.
    • Certains établissements chercheront sans doute à recruter des étudiants en leur proposant des réductions sur les frais de scolarité et allant jusqu’à les convoquer, même lorsqu’il s’agit d’étudiants déjà engagés ou inscrits auprès d’un autre établissement⁴.
  • Le contexte d’instabilité qui prévaut pourrait amener un bon nombre d’étudiants à s’inscrire à des cours en ligne leur permettant de travailler ou de rester à la maison avec leur famille.
  • Les établissements qui comptent sur le renouvellement de l’engagement des fondations sur lesquelles repose leur modèle opérationnel constateront une diminution de la valeur à court et à moyen terme de ces engagements et ils doivent s’attendre à plus de volatilité dans un avenir prévisible.

Avant la crise, l’intensification de la concurrence, l’évolution des exigences des étudiants et l’accroissement des pressions financières induisaient une transformation inévitable du secteur de l’enseignement supérieur, contraignant certains établissements à procéder à des fusions ou à fermer. La crise aura pour effet d’accentuer ces tendances. Sous l’effet combiné des pertes de revenus et de la hausse possible des coûts opérationnels, le modèle opérationnel classique appliqué à l’enseignement supérieur pourrait devenir caduc, ce qui risque d’entraîner la déstabilisation du secteur.

Les établissements d’enseignement supérieur ne survivront pas tous à la crise⁵.

Quelles sont les mesures à envisager?

Chaque établissement doit composer avec la crise en prenant en compte son propre contexte, mais, de toute évidence, de nouvelles préoccupations en matière de gestion de crise émergent. Actuellement, la plupart des établissements cherchent avant tout à survivre à la disruption, tout en assurant la continuité de leurs activités. Tandis que celles-ci reprennent cette semaine, les universités et les collèges porteront leur attention sur leur résilience à la fin du printemps et au cours de l’été. À la fin de l’automne, comme ils auront à tout le moins réussi à se maintenir à flot, ces établissements pourront commencer à redéfinir leur avenir.

Voici plusieurs mesures, parmi une foule d’autres, que les établissements d’enseignement supérieur devront adopter au cours des six à neuf prochains mois :

Expérience des étudiants / continuité des activités

  • Maintenant : Assurer la continuité des activités

    • Faire en sorte que tout le monde soit en sécurité (devoir de diligence)
    • Héberger les étudiants qui doivent rester sur les campus
    • Établir un centre de gestion de crise et un bureau de gestion de projet en communication
    • Élaborer des protocoles d’enseignement à distance 1
    • Évaluer les risques de perte d’étudiants
    • Déterminer les risques associés au retour en classe
  • Prochaine étape : Renforcer la résilience organisationnelle

    • Améliorer l’expérience de l’apprentissage à distance grâce à des outils d’apprentissage en ligne
    • Fournir du soutien aux facultés et aux étudiants qui sont aux prises avec des défis d’ordre technologique ou pédagogique
    • Régler les problèmes de disparité associés à l’apprentissage à distance
    • Planifier en fonction de l’éventualité de l’offre de cours à distance / en ligne à l’automne
    • Déployer des équipes de promotion de la rétention et de prise en charge des étudiants acceptés
  • Au-delà : Redéfinir son avenir

    • Rehausser les capacités d’apprentissage en ligne et migrer tous les cours vers une plateforme éducationnelle en ligne de haut niveau (vs  l’apprentissage à distance)
    • Recruter de nouveau les étudiants actuels/acceptés
    • Cibler les améliorations à apporter au processus d’inscription
Prendre soin des parties prenantes
Infrastructure et soutien opérationnel
  • Maintenant : Assurer la continuité des activités

    • Modifier et rajuster les activités à distance, lorsqu’il y a lieu
    • Évaluer les risques liés aux fournisseurs/partenaires
  • Prochaine étape : Renforcer la résilience organisationnelle

    • Améliorer les processus opérationnels relatifs aux activités à distance (p. ex., systèmes, technologies et formation)
    • Dimensionner les infrastructures système
    • Veiller à ce que les protocoles de cybersécurité applicables aux infrastructures technologiques modifiées soient en place
    • Réaffecter les immobilisations superflues à de nouveaux usages ou s’en départir
  • Au-delà : Redéfinir son avenir

    • Investir dans une infrastructure d’apprentissage en ligne (p. ex., concepteurs pédagogiques, systèmes de gestion de l’apprentissage et studios de prise de son)
    • Monétiser les capacités physiques non essentielles 
    • Améliorer la planification en vue d’une disruption des activités
Répercussions financières
  • Maintenant : Assurer la continuité des activités

    • Comprendre les besoins de liquidités à court terme
    • Évaluer les besoins de trésorerie pour l’été et l’automne
  • Prochaine étape : Renforcer la résilience organisationnelle

    • Établir les prévisions en matière de liquidités et de trésorerie pour l’E2020 
    • Évaluer l’incidence de la crise sur les ratios prévus dans les clauses restrictives, les modifications éventuelles de clauses restrictives, et l’accès à l’aide financière (Title IV funds) / notes combinées
    • Redéfinir les priorités à l’égard des dépenses d’investissement, dans une optique d’optimisation des liquidités
    • Préserver la trésorerie et définir les mesures à appliquer au fonds de roulement
    • Faire le nécessaire pour assurer la conformité aux exigences en matière d’assurance et d’aide fédérale (p. ex., FEMA)
    • Évaluer les nouveaux emprunts
  • Au-delà : Redéfinir son avenir

    • Établir de nouvelles prévisions budgétaires / recourir à la modélisation financière
    • Procéder à un redéploiement d’actifs
    • Établir une stratégie en vue de la mise en place d’une infrastructure à large bande urbaine et rurale adaptée au télétravail et à l’apprentissage à distance
Liens avec les instances locales/étatiques/fédérales
  • Maintenant : Assurer la continuité des activités

    • Communiquer avec des dirigeants politiques pour déterminer les possibilités de financement d’urgence en réponse à la pandémie de COVID‑19
  • À court terme (renforcer la résilience organisationnelle) et à long terme (redéfinir son avenir)

    • Communiquer avec les principaux dirigeants politiques pour les sensibiliser aux effets de la crise et à la nécessité d’adopter des mesures de secours
    • [Dans le cas des universités publiques] Faire pression pour que les universités soient admissibles aux crédits d’impôt remboursables susceptibles d’être attribués aux employeurs privés en vertu de la Families First Coronavirus Response Act (FFRCA) des États Unis
    • Demander de la souplesse dans l’application des dispositions réglementaires relatives au soutien aux étudiants diplômés et au coût des activités de recherche, entre autres
    • Déterminer la faisabilité des mesures d’accès au capital reposant sur des prêts sans intérêt ou à faible taux d’intérêt
    • Collaborer avec les intervenants du secteur (associations du secteur de l’enseignement supérieur, agences étatiques) aux fins de l’obtention de prêts à faible taux d’intérêt ainsi que d’un assouplissement des clauses restrictives et des règles d’attribution des cotes d’évaluation globales, etc.

Bien que le secteur de l’enseignement supérieur soit en crise, ce qui est une évidence, il a néanmoins survécu à plusieurs réformes, révolutions, guerres civiles, guerres mondiales, etc. Les universités et les collèges sont des établissements résilients qui ont un rôle déterminant à jouer dans la société. Ces établissements feront l’objet de transformations, sans que leur pérennité soit compromise pour autant.

Remerciements particuliers à Seth Reynolds, principal d’EY Parthenon et corédacteur du présent article.

  • Afficher les références de l’article#Masquer les références de l’article

    1. Consultez les documents d’EY Parthenon suivants : The Other Looming Educational Debt Crisis: Institutional Debt et Safeguarding the Interests of Students: A new student-centered financial health metric for higher education institutions (https://www.parthenon.ey.com/po/en/perspectives/the-other-looming-educational-debt-crisis--institutional-debt)
    2. Dans l’évaluation macroéconomique des facteurs agissant sur le taux d’inscription réalisée par EY Parthenon, le nombre moyen de semaines au chômage est considéré comme étant un facteur dissuasif, s’agissant d’un important élément d’explication puisqu’il a continué à augmenter bien après le creux récessionnaire de juin 2009. Le nombre moyen de semaines au chômage est passé de 17 en décembre 2007, au commencement de la récession, à un sommet de 41 en juillet 2011, avant que s’amorce une tendance à la baisse très graduelle. Le nombre moyen de semaines au chômage est un indicateur qui, en raison de sa nature même, réagit aux événements économiques avec un certain décalage. Dans le contexte actuel, il faut probablement s’attendre à une hausse très marquée du taux de chômage coïncidant avec un recul du PIB, et là encore, l’effet de cette conjoncture sur le nombre moyen de semaines au chômage sera à retardement. Il est possible qu’un facteur dissuasif ait encore une fois un effet de sapement sur le taux d’inscription dans les établissements d’enseignement supérieur, mais cet effet pourrait se manifester plus rapidement que précédemment, compte tenu de la gravité et de la rapidité du ralentissement économique actuel, ainsi que de l’incertitude extrême qui règne quant à l’évolution des perspectives. Le nombre moyen de semaines au chômage n’est peut être pas le meilleur indicateur du niveau de découragement des étudiants dans le contexte actuel.
    3. Selon ce qu’a constaté le prestigieux cabinet de services-conseils Art & Science Group, un finissant du secondaire sur six qui prévoyait s’inscrire à temps plein à un programme d’études collégiales de quatre ans avant la pandémie envisagerait désormais de prendre une année sabbatique, d’entreprendre des études à temps partiel ou de fréquenter un établissement d’enseignement plus accessible pour lui sur le plan financier. Consultez le rapport d’études que ce cabinet a publié en mars 2020 sous le titre Impact of the COVID‑19 Pandemic on College — Going High School Seniors.
    4. En décembre 2019, la National Association for College Admission Counseling des États Unis a autorisé les établissements d’enseignement membres à recruter des étudiants ayant déjà pris un engagement auprès d’un autre établissement et à procéder au transfert d’étudiants inscrits ailleurs.
    5. L’université Notre Dame de Namur a été assurément la première à cesser d’accepter de nouveaux étudiants. « Notre Dame de Namur Not Accepting New Students », Inside Higher Ed, 24 mars 2020.

Diriger son entreprise dans le contexte de la crise de la COVID‑19

Nous avons une vision claire des questions essentielles et des nouvelles réponses dont les entreprises ont besoin pour assurer efficacement la continuité et la résilience de leurs activités.

Explorez

Communiquez avec nous afin d’obtenir un soutien immédiat.

Accédez sans tarder à nos services de soutien en matière de gestion de crise, de continuité des activités et de résilience d’entreprise.

 

Communiquez avec nous

Résumé

La pandémie de COVID‑19 et les perturbations économiques qui en découlent malmènent le secteur de l’enseignement supérieur aux États‑Unis. La stagnation du niveau des inscriptions, la forte concurrence pour attirer des étudiants, l’offre grandissante de diminutions des frais de scolarité, l’augmentation des coûts et l’évolution des préférences sur le plan de la demande figuraient déjà parmi la foule de défis que les établissements d’enseignement supérieur américains avaient à gérer auparavant. Par ailleurs, environ un établissement d’enseignement privé sur cinq était aux prises avec des risques financiers considérables avant le début de la pandémie mondiale.

Leurs activités de tri les plus urgentes étant maintenant terminées, le moment est venu pour les établissements d’enseignement supérieur de se demander à quoi ils doivent s’attendre  et, en fin de compte, quelles sont les mesures qu’ils doivent envisager de prendre.

À propos de cet article

Par Robert Lytle

Leader mondial, EY‑Parthenon Education

Professionnel impliqué dans le secteur de l’éducation à l’échelle mondiale. S’intéresse vivement au rôle du secteur privé dans la promotion des résultats. Agit fréquemment à titre de conférencier dans le cadre de réunions sectorielles mondiales. Expert autoproclamé dans le domaine de la science‑fiction et du fantastique.