23 minutes de lecture 4 mai 2023
EY - Route de campagne à travers les champs de lavande

Questionsfiscales@EY – mai 2023

Par EY Canada

Organisation de services professionnels multidisciplinaires

23 minutes de lecture 4 mai 2023
Questionsfiscales@EY : un bulletin mensuel canadien pour rester au fait des nouveautés en fiscalité et en jurisprudence, des publications, etc. Des questions liées à la fiscalité des particuliers et des entreprises aux nouveautés législatives et jurisprudentielles, nous vous présentons l’information d’actualité pertinente.

Dans un contexte fiscal en pleine évolution, la confiance est‑elle votre atout le plus précieux?

Les questions fiscales nous concernent tous. Nous avons compilé des nouvelles et de l’information sur des sujets d’actualité en fiscalité pour vous tenir à jour. Dans ce numéro, nous abordons :


(Chapter breaker)
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Chapitre 1

Ne pas verser suffisamment d’acomptes provisionnels peut coûter cher

 

Krista Fox et Alan Roth, Toronto

La saison des impôts des particuliers 2022 vient tout juste de se terminer1, et si vous devez verser des acomptes provisionnels pour l’année d’imposition 2023, vous devez faire votre prochain versement d’ici le 15 juin.

Étant donné la récente hausse des taux d’intérêt entraînée par les pressions inflationnistes, il est particulièrement important de choisir la méthode de calcul des acomptes provisionnels qui conviendra le mieux à votre situation. Si vous n’appliquez pas correctement la méthode appropriée, vous pourriez faire l’objet d’une cotisation d’intérêts à des taux élevés (le taux est de 9 % pour le deuxième trimestre de 2023) et, dans certains cas, de pénalités également.

Contexte

De façon générale, si la différence entre l’impôt à payer et l’impôt retenu à la source est supérieure à 3 000 $ (1 800 $2 pour les résidents du Québec) pour l’année en cours et l’une ou l’autre des deux années antérieures, vous êtes tenu de verser des acomptes provisionnels trimestriels.

À cet égard, l’impôt à payer combine l’impôt à payer sur le revenu provincial ou territorial et fédéral, sauf au Québec3. Si vous êtes résident du Québec, vous êtes tenu de verser des acomptes provisionnels d’impôt fédéral si la différence entre l’impôt fédéral à payer et l’impôt fédéral retenu à la source est supérieure à 1 800 $ pour l’année en cours et l’une ou l’autre des deux années antérieures4. On appelle généralement impôt net à payer ou solde exigible la différence entre l’impôt à payer et le total des retenues à la source. L’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») vous enverra un rappel d’acomptes provisionnels s’il a été déterminé à ce moment que les montants d’impôt net à payer des années antérieures atteignent le plafond des acomptes provisionnels5.

Pour les particuliers qui ne sont ni agriculteurs ni pêcheurs, les acomptes provisionnels trimestriels doivent être versés le 15 mars, le 15 juin, le 15 septembre et le 15 décembre6. Le rappel de février concerne les versements de mars et de juin, tandis que le rappel d’août concerne ceux de septembre et de décembre.

Si la date d’exigibilité d’un acompte provisionnel tombe un samedi, un dimanche ou un jour férié, l’ARC considère que le versement est effectué à temps s’il est reçu le jour ouvrable suivant ou que le cachet de la poste porte cette date.

Méthodes de calcul

Trois méthodes sont permises pour le calcul des acomptes provisionnels7. L’information qui suit porte sur l’application de ces trois méthodes pour l’année d’imposition 2023 :

Méthode sans calcul

Vous pouvez simplement choisir de payer le montant indiqué sur les rappels d’acomptes provisionnels que l’ARC vous envoie. De façon générale, dans ses rappels, l’ARC utilise la méthode sans calcul, selon laquelle chacun de vos deux premiers versements d’acomptes provisionnels de 2023 correspond à un quart de votre solde exigible pour l’année d’imposition 2021, tandis que chacun de vos troisième et quatrième versements de 2023 correspond à 50 % de l’excédent de votre solde exigible pour 2022 sur les montants de vos deux premiers versements.

En utilisant la méthode sans calcul et en versant les acomptes provisionnels indiqués lorsqu’ils sont exigibles, vous évitez que des intérêts ou des pénalités s’appliquent sur des acomptes insuffisants. Même si le montant final d’impôt à payer est plus élevé que les acomptes provisionnels indiqués et versés pour l’année, l’ARC n’imposera pas d’intérêts ni de pénalité à l’égard de vos acomptes provisionnels. Toutefois, si vous prévoyez que votre impôt net à payer pour l’année courante sera considérablement inférieur à celui des deux années précédentes, la méthode sans calcul pourrait se traduire par des acomptes provisionnels versés en trop. L’une des autres méthodes pourrait être plus appropriée à votre situation.

Méthode de l’année précédente

Vous pouvez choisir plutôt de calculer chaque versement d’acompte provisionnel pour qu’il corresponde à un quart de votre solde exigible total de 2022. Si les acomptes provisionnels ont été correctement calculés à l’aide de cette méthode, des intérêts ne vous seront pas imposés même si le montant réel d’impôt net à payer pour l’année courante est supérieur à la somme des acomptes provisionnels versés.

Méthode de l’année courante

La troisième méthode vous permet de calculer vos acomptes provisionnels pour que chaque versement corresponde à un quart de votre solde exigible estimatif de 2023. Cette méthode peut permettre de réduire vos acomptes provisionnels s’il est prévu que votre impôt sur le revenu à payer pour 2023 sera inférieur à celui de 2021 et de 2022; toutefois, vous devrez payer des intérêts et peut-être des pénalités dans certains cas si vous versez des acomptes provisionnels insuffisants parce que vous avez sous-évalué votre solde exigible de 2023. Par conséquent, cette méthode de calcul peut être la plus risquée.

Intérêts sur les acomptes provisionnels

L’ARC impose des intérêts non déductibles sur les acomptes provisionnels si vous étiez tenu d’en verser pour l’année et que vous avez reçu un rappel d’acomptes provisionnels, mais que vous n’avez pas effectué les versements ou les avez effectués en retard, ou que le montant versé était insuffisant. Les acomptes en retard ou insuffisants donnent lieu à des intérêts composés quotidiennement et calculés à l’aide de taux prescrits qui varient d’un trimestre à l’autre. Pour le deuxième trimestre de 2023, le taux fédéral prescrit pour les impôts en souffrance s’élève à 9 %8.

Les frais d’intérêts sont calculés à partir de la date à laquelle chaque acompte est exigible. Cependant, vous pourriez être en mesure de réduire, voire d’éliminer les intérêts et les pénalités débités sur les acomptes provisionnels insuffisants ou en retard en effectuant un versement anticipé ou un versement excédentaire pourvu qu’il vise la même année d’imposition9.

Pénalité sur les acomptes provisionnels

En plus des intérêts sur les acomptes en retard ou insuffisants, des pénalités s’appliquent également si la somme des intérêts à payer pour l’année dépasse 1 000 $. Dans ce cas, la pénalité correspond à la moitié de l’excédent éventuel des intérêts payables sur les acomptes provisionnels insuffisants ou en retard pour l’année, sur le plus élevé de 1 000 $ et de 25 % des intérêts qui auraient été payables si aucun acompte provisionnel n’avait été payé pour l’année10.

Par exemple, si le total des intérêts à payer sur les acomptes provisionnels d’un particulier pour 2023 s’élève à 1 500 $ et que la somme des frais d’intérêts aurait été de 2 300 $ si aucun acompte provisionnel n’avait été payé pour 2023, la pénalité sur les acomptes provisionnels s’élèverait à 250 $ selon le calcul suivant :

50 % x (1 500 $ – (le plus élevé de 1 000 $ et de (25 % x 2 300 $))

= 50 % x (1, 500 $ – 1 000 $) = 250 $

Cette pénalité ne s’applique pas aux fins du calcul de l’impôt du Québec. Dans cette province, lorsque le montant versé est inférieur à 75 % des acomptes qui auraient dû être versés, des intérêts additionnels de 10 % par année, composés quotidiennement, en plus des intérêts habituels, sont imputés à la partie impayée de ces acomptes.

Gagnon c. Le Roi11

Rendue dans le cadre de la procédure informelle, cette récente décision de la Cour canadienne de l’impôt (la « CCI ») souligne les conséquences de l’application de la mauvaise méthode de calcul des acomptes provisionnels pour une année d’imposition et, plus particulièrement, les risques associés au choix de la méthode de l’année courante.

Les contribuables, un couple marié, devaient verser des acomptes provisionnels pour l’année d’imposition 2019 puisque leur impôt net à payer pour chacune des trois années d’imposition précédentes était supérieur au plafond de 3 000 $. Les contribuables avaient choisi la méthode de l’année courante pour calculer leurs versements d’acomptes provisionnels de 2019. En choisissant cette méthode, l’épouse avait notamment pu réduire de près de 50 % la somme totale de ses trois premiers versements d’acomptes provisionnels de 2019, puisqu’elle a versé 70 500 $ au lieu des 133 470 $ qu’elle aurait dû verser selon la méthode sans calcul proposée dans les rappels d’acomptes provisionnels envoyés par l’ARC.

En novembre 2019, la société de portefeuille des contribuables avait déclaré un dividende à verser avant le 15 décembre 2019, s’appuyant sur l’hypothèse qu’une modification du traitement fiscal des revenus de dividendes canadiens serait prévue dans le budget fédéral à venir. Par conséquent, les contribuables avaient chacun reçu un dividende de 300 000 $, faisant ainsi augmenter de façon substantielle leurs revenus et impôts à payer respectifs, et donc les acomptes provisionnels à payer selon la méthode qu’ils avaient choisie. Les contribuables avaient augmenté le montant de leur versement du 15 décembre en raison du revenu supplémentaire tiré du dividende. Toutefois, leurs trois premiers versements pour 2019 étaient désormais insuffisants.

L’ARC avait imposé des intérêts sur les acomptes provisionnels insuffisants versés en mars, en juin et en septembre 2019 et, dans le cas de l’un des contribuables, imposé une pénalité sur les versements insuffisants.

Les contribuables ont soutenu que le dividende de novembre 2019 était non anticipé et imprévu, et que, sans celui-ci, leurs estimations initiales de l’impôt à payer auraient été exactes, de sorte que les versements selon la méthode de l’année courante auraient été suffisants. Ainsi, selon eux, ils ne devraient pas être tenus de payer des intérêts sur les sommes dues pour les acomptes de mars, de juin et de septembre, puisqu’au moment où ces acomptes ont été versés, ils ne s’attendaient pas à recevoir ce revenu de dividende plus tard dans l’année, et il leur aurait été impossible de verser ces acomptes en se basant sur des renseignements futurs inconnus. Ils ont également fait valoir que, si des intérêts étaient applicables, ils ne devraient l’être que sur le montant payable pour la période allant du moment de la déclaration du dividende à la date de versement des acomptes provisionnels du 15 décembre 2019.

Rejetant leurs appels, la CCI a conclu que les contribuables avaient délibérément fait le choix de déclarer un dividende important par le biais de leur société de portefeuille à titre de plan fiscal provisoire de fin d’année, et que les intérêts et les pénalités étaient « les coûts de ce choix évitable ».

Conclusion

En passant en revue vos obligations d’acomptes provisionnels pour l’année, il faut tenir compte des conséquences possibles liées au choix de la méthode de calcul de vos acomptes provisionnels. Bien que la méthode de l’année courante puisse donner lieu à des versements d’acomptes provisionnels moins élevés si vous prévoyez que votre revenu imposable pour l’année courante sera inférieur à celui des années précédentes, le fait de sous-estimer votre solde exigible pour l’année courante pourrait être une erreur coûteuse étant donné la récente hausse du taux d’intérêt prescrit. Si vous ne savez pas quelle option est la mieux adaptée à votre situation, consultez votre conseiller professionnel.  

  • Afficher les références des articles# 
    1. Les travailleurs indépendants et leur époux ou conjoint de fait ont jusqu’au 15 juin pour produire leurs déclarations de revenus, mais tout solde d’impôt doit être acquitté au plus tard le 30 avril.
    2. Définition de « plafond des acomptes provisionnels » au paragraphe 156.1(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR »).
    3. Toutefois, il se peut que le particulier ne soit pas tenu de verser des acomptes provisionnels s’il n’avait pas de solde d’impôt à payer pour l’année précédente et s’il choisit, aux fins du calcul des acomptes provisionnels, la méthode de l’année précédente (voir ci-après).
    4. Il est à noter que vous pourriez devoir aussi verser des acomptes provisionnels du Québec. Pour les autres provinces et territoires, votre impôt à payer correspond aux impôts fédéral-provincial/territorial combinés à payer, mais aux fins de l’impôt du Québec, il y a un montant distinct à payer. Par conséquent, si vous êtes un résident du Québec, vous êtes tenu de verser des acomptes provisionnels d’impôt provincial si la différence entre l’impôt du Québec à payer et l’impôt du Québec retenu à la source est supérieure à 1 800 $ et que l’impôt net à payer dépassait 1 800 $ pour l’une ou l’autre des deux années antérieures. Ce plafond est distinct du plafond fédéral de 1 800 $. Sachez que Revenu Québec vous fera parvenir un rappel pour le versement de vos acomptes provisionnels. Consultez la page « Acomptes provisionnels » sur le site Web de Revenu Québec pour en savoir plus.
    5. Prenez note que vous pourriez devoir verser des acomptes provisionnels même si vous n’avez pas reçu de rappel de l’ARC à cet égard. Par exemple, vous pourriez avoir atteint le plafond des acomptes provisionnels sans que l’ARC soit au courant si les déclarations de revenus pertinentes n’ont pas encore fait l’objet d’une cotisation. Si vous n’avez reçu aucun rappel de l’ARC concernant les acomptes provisionnels, mais que vous croyez devoir en verser, nous vous suggérons de vous adresser directement à l’ARC pour connaître vos obligations et réduire au minimum le risque de devoir payer des intérêts et des pénalités.
    6. Bien que les particuliers dont la principale source de revenus pour une année d’imposition est l’agriculture ou la pêche puissent calculer leurs acomptes provisionnels de la même manière que les autres contribuables, ils ne sont tenus de verser qu’un acompte provisionnel correspondant aux deux tiers du montant calculé au plus tard le 31 décembre de l’année d’imposition visée. Ils doivent ensuite acquitter tout solde d’impôt à payer lors de la production de leur déclaration de revenus des particuliers T1.
    7. Paragraphe 156(1) de la LIR.
    8. Le taux prescrit a augmenté de façon constante depuis le troisième trimestre de 2022, moment où il est passé de 5 % à 6 %. Il est ensuite passé à 7 % pour le quatrième trimestre de 2022, à 8 % pour le premier trimestre de 2023, puis à 9 % pour le deuxième trimestre de 2023.
    9. L’ARC utilise une méthode de compensation pour calculer les frais d’intérêts sur les acomptes provisionnels, c’est-à-dire que lorsque vous versez vos acomptes provisionnels plus tôt ou que vous effectuez un versements excédentaire, elle calculera les intérêts sur ces versements pour obtenir un montant qu’elle appelle « intérêts créditeurs sur acomptes provisionnels » et qu’elle applique pour compenser les intérêts sur les acomptes provisionnels insuffisants ou en retard. Ces intérêts créditeurs sont calculés au même taux que les intérêts sur les acomptes provisionnels insuffisants ou en retard. Il faut savoir que l’ARC ne remboursera pas ces intérêts créditeurs, puisqu’ils servent uniquement à réduire ou à éliminer les intérêts sur les acomptes provisionnels.
    10. Article 163.1 de la LIR.
    11. 2022 CCI 139.

    

(Chapter breaker)
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Chapitre 2

Contestation de cotisations supplétives : la Cour canadienne de l’impôt intervient

Bousfield v. The King, 2022 TCC 169

Kelsey Horning et Winnie Szeto, Toronto

Dans la récente affaire Bousfield v. The King (dont aucune traduction française n’est encore disponible), la Cour canadienne de l’impôt (la « CCI ») s’est penchée sur la question des techniques d’établissement de cotisation supplétive et sur la façon dont un contribuable peut contester pareilles cotisations.

Dans cette affaire, l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») avait établi une nouvelle cotisation à l’égard du contribuable, qui exploitait une entreprise de taxi, en se fondant sur la moyenne obtenue par suite de l’application de quatre techniques d’établissement de cotisation supplétive différentes. Le contribuable avait répliqué en proposant trois nouvelles techniques. Au bout du compte, le juge a imaginé sa propre méthode de cotisation supplétive, une victoire partielle pour le contribuable.

Faits

Le contribuable était propriétaire d’une entreprise de taxi et de transport. Il utilisait son propre véhicule comme taxi et louait la plaque d’immatriculation de taxi d’une autre entreprise qui agissait également à titre de répartiteur. Le véhicule était souvent sous-loué à d’autres chauffeurs. L’entreprise de taxi se livrait également à des activités de transport d’enfants pour la commission scolaire locale ou divers organismes sociaux. Ces déplacements étaient effectués par l’un des chauffeurs qui sous-louaient le taxi, lequel en était le principal chauffeur de jour.

L’entreprise de taxi fonctionnait en grande partie avec de l’argent comptant. Les chauffeurs inscrivaient les renseignements relatifs aux courses et les tarifs perçus sur des enveloppes blanches, que le client ait payé au comptant ou par carte de crédit. Les chauffeurs calculaient ensuite la part de 50 % des tarifs perçus et des frais d’essence qui leur revenait selon leur entente, empochaient ce à quoi ils avaient droit, et laissaient 50 % de l’argent perçu dans l’enveloppe à l’intention du contribuable. Cependant, bon nombre de ces enveloppes étaient tout simplement manquantes ou l’information qui y figurait était incomplète.

Le principal chauffeur de jour tenait un journal de bord au lieu de se servir du système d’enveloppes, mais ce journal n’était pas transmis au contribuable et ne permettait pas de faire un rapprochement avec les comptes du système (somme toute, inexistant) du contribuable en vue d’assurer le suivi des tarifs perçus par le principal chauffeur de jour. Les tarifs payés par carte étaient perçus par l’entreprise répartitrice, qui les remettait au contribuable, qui, à son tour, remettait aux chauffeurs leur part de 50 %.

Le contribuable n’avait pas produit ses déclarations de revenus pour 2006 et 2007, de sorte que l’ARC avait établi des cotisations arbitraires à l’égard de ces années d’imposition afin d’inciter le contribuable à produire ses déclarations. Le contribuable avait réagi en produisant ses déclarations pour 2006, 2007 et 2008, déclarations que l’ARC a vérifiées et à l’égard desquelles elle a établi de nouvelles cotisations. Ces dernières avaient pour effet d’augmenter le revenu tiré par le contribuable de son entreprise de taxi et de transport, en plus de lui imposer des pénalités pour faute lourde. L’ARC avait également redressé en conséquence les sommes dues par le contribuable au titre de la taxe sur les produits et services (la « TPS »).

Cotisation arbitraire / cotisation supplétive

Le ministre peut établir une cotisation arbitraire dans le but d’inciter le contribuable à produire une déclaration qu’il n’aurait pas produite. Une telle cotisation ne découle habituellement pas d’une grande analyse. En revanche, une technique de cotisation supplétive suppose normalement une certaine analyse, voire une analyse très détaillée, ainsi que des calculs en vue de déterminer le revenu du contribuable. Une cotisation fondée sur l’avoir net constitue un sous-type de cotisation supplétive. Par conséquent, les termes « cotisation arbitraire », « cotisation supplétive » et « cotisation fondée sur l’avoir net » ont tous des sens différents; il ne faut pas les confondre.

Au lieu de s’en remettre aux registres du contribuable, l’ARC peut utiliser une technique d’établissement de cotisation supplétive. Elle le fait généralement quand elle considère que les registres du contribuable sont inadéquats ou non fiables. Les techniques d’établissement de cotisations spéculatives peuvent comprendre une analyse des dépôts bancaires ou de l’avoir net, qui compare les avoirs au début et à la fin de la période pertinente. L’ARC peut également utiliser des statistiques, telles les moyennes de l’industrie, comme hypothèses dans le cadre de son analyse.

Analyse et décision de la CCI

Dans cette affaire, l’ARC avait fait la moyenne des recettes déterminées selon quatre techniques d’établissement de cotisation différentes, et le contribuable avait, pour sa part, proposé trois autres techniques. En définitive, la CCI a créé sa propre technique d’établissement de cotisation, modifié les nouvelles cotisations et réduit le montant des revenus non déclarés et celui de l’impôt à payer.

La CCI a donné un aperçu des méthodes possibles pour contester une cotisation supplétive et a formulé certains commentaires concernant la partie ayant le fardeau de fournir les éléments de preuve à l’appui de certains arguments. Voici certaines des méthodes possibles pour contester une cotisation supplétive :

  • Démontrer que les registres du contribuable sont une source d’information plus exacte pour le calcul du revenu du contribuable
  • Attaquer les éléments du calcul effectué dans la cotisation supplétive
  • Démontrer que la technique d’établissement de cotisation supplétive comporte un vice de fond si l’année d’imposition est frappée de prescription
  • Proposer une technique d’établissement de cotisation supplétive plus exacte
  • Démontrer que le revenu provenait d’une source non imposable

Si la période normale de nouvelle cotisation n’est pas encore terminée, il ne suffit pas de prétendre que la cotisation supplétive était viciée. En effet, tant que cette période n’est pas terminée, le contribuable doit démontrer la fausseté de l’hypothèse du ministre voulant qu’il ait gagné des revenus additionnels.

Le contribuable soutenait que ses registres étaient adéquats pour déterminer ses recettes, argument que la CCI a rejeté compte tenu de l’information ne figurant pas dans les registres en question.

Le contribuable avançait aussi que d’autres méthodes que celles utilisées par l’ARC permettaient d’obtenir une image plus fidèle de son revenu.

L’ARC avait utilisé les techniques suivantes :

  • Appliquer le revenu moyen tiré quotidiennement des activités de taxi dans la ville en question à un nombre présumé de jours d’activité par année
  • Appliquer une distance et un tarif moyens présumés pour chaque course, fixer un nombre hypothétique de courses par jour et multiplier par un nombre présumé de jours d’activité par année
  • Établir un ratio hypothétique des paiements au comptant et des paiements par carte en fonction des normes de l’industrie, utiliser le montant des paiements par carte obtenu de l’entreprise répartitrice et rajuster les paiements au comptant en conséquence
  • Rajuster les paiements au comptant pour parvenir au ratio des paiements au comptant et des paiements par carte établi à la lumière des documents de l’entreprise

Aux yeux de la CCI, chacune de ces techniques posait problème. Dans certains cas, des erreurs factuelles étaient commises, notamment une erreur faite en intégrant le montant de revenu moyen tiré quotidiennement des activités de taxi provenant d’une étude l’ayant établi. La CCI doutait aussi qu’il soit approprié d’utiliser les moyennes de l’industrie, étant donné que l’entreprise présentait certaines caractéristiques uniques, telle la structure de paiement associée aux sous-locations. L’entreprise avait mis en place une entente de répartition 50-50 au lieu d’imposer un tarif fixe conformément à la pratique usuelle. Les arrangements visant le transport d’enfants pour le compte de la commission scolaire et des organismes de services sociaux n’étaient pas habituels et auraient faussé le ratio selon le type de paiement, puisqu’aucun paiement n’était fait au comptant dans ce cadre.

La CCI a relevé une autre lacune importante concernant les techniques d’établissement de cotisation utilisées par l’ARC : le ministre n’avait pas plaidé bon nombre des hypothèses sous-jacentes. Autrement dit, les documents du ministre exposant initialement le dossier à l’intention de la CCI ne mentionnaient pas ces hypothèses. Or, lorsque les hypothèses du ministre ne figurent pas dans les actes de procédure, ce dernier a le fardeau d’en démontrer l’exactitude, ce qui n’avait pas été fait pour nombre des hypothèses utilisées dans cette affaire, y compris des hypothèses clés comme le revenu moyen tiré quotidiennement des activités de taxi et le ratio des paiements au comptant et des paiements par carte prévalant dans l’industrie.

Quant à lui, le contribuable proposait trois autres techniques :

  • Procéder à une évaluation de l’avoir net
  • Déterminer les recettes en fonction des recettes horaires moyennes dans l’industrie et des heures d’activité de l’entreprise
  • Rajuster le montant des paiements au comptant en fonction d’un ratio des paiements au comptant et des paiements par carte modifié pour tenir compte des déplacements liés au transport des enfants

De nouveau, la CCI a relevé des problèmes avec chacune de ces méthodes. Il appartient au contribuable de prouver sa position. Contrairement au ministre, un contribuable ne peut pas s’en remettre à des hypothèses, puisqu’il devrait disposer des renseignements nécessaires pour établir ses propres revenus et dépenses.

En l’occurrence, le contribuable n’était pas en mesure de fournir une preuve crédible à l’appui de nombreux éléments de l’évaluation de l’avoir net, des heures d’activité de l’entreprise de taxi ni des tarifs au comptant perçus par le chauffeur de jour. Il n’avait pas non plus démontré la véracité du contenu de l’étude dont était tiré le montant des recettes horaires moyennes dans l’industrie, en faisant, par exemple, témoigner l’auteur.

Compte tenu des lacunes de toutes les techniques d’établissement de cotisation présentées, la CCI a établi son propre mode de calcul.

Après avoir examiné des échantillons du journal de bord du chauffeur de jour, la CCI a conclu que, dans le cas de ce dernier, le ratio de paiements au comptant était de 45 %, en tenant compte des transports d’enfants. Par ailleurs, les enveloppes disponibles montraient que les autres chauffeurs touchaient 80 % de paiements au comptant et 20 % de paiements par carte. À partir de ces montants, la CCI a utilisé la technique du ratio selon le type de paiements, ce qui a eu pour effet de réduire le montant du revenu du contribuable par rapport à celui initialement établi par le ministre dans la cotisation. Victoire partielle pour le contribuable, le revenu tiré de son entreprise de taxi a, en effet, été réduit de 45 509 $ pour l’année d’imposition 2006, de 49 584 $ pour l’année d’imposition 2007 et de 46 265 $ pour l’année d’imposition 2008.

Leçons tirées

Cette cause nous sert quelques rappels utiles. Premièrement, il est important que les contribuables produisent leurs déclarations de revenus annuelles avant la date d’échéance afin d’éviter les cotisations supplétives. Deuxièmement, il importe de tenir des registres adéquats de manière à pouvoir donner une image fidèle de son revenu. Troisièmement, il est important de consulter un professionnel de la fiscalité pour bien comprendre à qui revient le fardeau de la preuve lorsqu’une affaire fiscale est judiciarisée. Les contribuables et leurs représentants peuvent ainsi relever les lacunes dans les hypothèses du ministre et rassembler les éléments de preuve nécessaires pour s’acquitter de leur fardeau de preuve. Enfin, les contribuables doivent savoir que les tribunaux ne sont pas tenus d’accepter les techniques d’estimation de l’ARC ni les méthodes proposées par le contribuable. Les tribunaux peuvent, en effet, créer leur propre méthode à cette fin, comme dans l’affaire Bousfield.

  

(Chapter breaker)
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Chapitre 3

Récents bulletins FiscAlerte – Canada

Nos bulletins FiscAlerte traitent des nouvelles, événements et changements législatifs de nature fiscale touchant les entreprises canadiennes. Ils présentent des analyses techniques sommaires vous permettant de rester bien au fait de l’actualité fiscale.

Résumé

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