4 minutes de lecture 23 janv. 2020
Argent mis dans une tirelire

Portrait des encouragements gouvernementaux versés au Canada

Auteurs
Elizabeth Pringle

Associée déléguée, RS&DE et incitatifs fiscaux pour les entreprises, EY Canada

Professionnelle de la fiscalité digne de confiance qui aide les entreprises à s’y retrouver parmi les crédits d’impôt et autres incitatifs fiscaux. Elle adore voyager et s’adonner au canoë.

Fred O’Riordan

Leader national, Politique fiscale, EY Canada

Économiste chevronné. Administrateur fiscal. Professionnel de la fiscalité. Ardent défenseur de la préservation de la culture matérielle et de l’architecture canadiennes.

4 minutes de lecture 23 janv. 2020

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  • Encouragements gouvernementaux : hier, aujourd’hui et demain v2 (pdf)

Regard d’EY sur la politique publique : questions de politique publique importantes pour les entreprises, le gouvernement et le public

Les encouragements gouvernementaux sont depuis longtemps un élément clé de la politique de développement économique au Canada. Les encouragements récents sont axés sur un éventail d’objectifs de développement économique, notamment stimuler la croissance des entreprises dans des zones géographiques particulières, augmenter le nombre de femmes entrepreneures, développer des technologies plus durables et favoriser l’embauche de nouveaux diplômés.

Les programmes d’encouragements peuvent prendre différentes formes, mais il s’agit généralement de transferts de droit ou de programmes discrétionnaires (directs ou indirects). Ces deux types de programmes peuvent être structurés différemment et offrir des incitatifs fiscaux, des subventions, des remises d’impôt ou de taxe ou d’autres encouragements financiers. Bien que divers facteurs, comme la conjoncture économique ou le contexte géopolitique, influencent les décisions en matière d’investissement, les encouragements offerts peuvent parfois faire la différence entre aller de l’avant avec un investissement ou un projet ou y renoncer.

Au cours des cinq dernières années, la majeure partie des fonds a été attribuée aux entreprises du secteur des matières premières qui ont reçu un total de 1,2 milliard de dollars.
Elizabeth Pringle
Leader nationale, Connaissances, Incitatifs fiscaux pour les entreprises, EY

Combien d’argent est distribué?

Certaines études laissent entendre que les encouragements qui ciblent des domaines de recherche, des secteurs d’activité ou des régions géographiques spécifiques ont des incidences plus marquées que les financements consentis à quiconque satisfait à des critères d’admissibilité plus souples. Outre ceux destinés à stimuler l’innovation, de nombreux encouragements visent principalement les projets d’expansion et la création d’emplois.

Nous avons examiné les montants versés aux entreprises canadiennes grâce à des encouragements de ce type au cours des cinq dernières années, et nous avons constaté qu’ils avaient varié considérablement.

En 2014, 173 encouragements visant la création d’emplois ou appuyant des projets d’expansion ont été accordés pour un montant total de 1 milliard de dollars1. En 2015, pareils encouragements s’élevaient à seulement 663 millions de dollars. En 2016, le financement a grimpé de nouveau jusqu’à près de 1 milliard de dollars, puis, en 2017, il est passé sous le seuil de 2015. En 2018 néanmoins, le nombre de projets a presque doublé par rapport à celui de 2017, et le montant accordé a presque triplé, alors que 436 projets ont bénéficié d’un encouragement pour un total de 1,8 milliard de dollars.

Le niveau de financement par dollar de dépenses en capital a aussi grandement varié, d’un faible 11,7 % en 2016 à un sommet de 24,6 % en 2015. Sans surprise, ce plus haut pourcentage des encouragements par rapport aux dépenses en capital coïncide avec les dépenses en capital annuelles les plus faibles de 2,2 milliards de dollars. En 2018, les dépenses en capital totales ont atteint le niveau le plus élevé (11,2 milliards de dollars), mais en raison de l’augmentation du total des encouragements accordés, le pourcentage moyen des encouragements par rapport aux dépenses en capital s’est maintenu à 15,2 %, tout juste au-dessus de la moyenne sur cinq ans de 14,9 %.

Quels secteurs ont le plus bénéficié des programmes d’encouragements discrétionnaires gouvernementaux?

Au cours des cinq dernières années, la majeure partie des fonds a été attribuée aux entreprises du secteur des matières premières, qui ont reçu un total de 1,2 milliard de dollars. Ce secteur englobe les produits chimiques, les produits miniers, les plastiques ainsi que les produits de l’acier, de l’aluminium et du bois. Le secteur automobile vient au deuxième rang, avec des encouragements de 833,6 millions de dollars.

Bien qu’il arrive en quatrième position pour ce qui est du total des encouragements reçus, le secteur des énergies non renouvelables (p. ex., le charbon, le pétrole et le gaz naturel) a obtenu le montant d’encouragement moyen par projet de loin le plus élevé, soit 65,1 millions de dollars, ce qui s’explique sans doute par la nature capitalistique de ces entreprises.

Même si le secteur des produits industriels a reçu le plus grand nombre d’encouragements, la valeur moyenne de l’encouragement accordé s’élevait seulement à 1,5 million de dollars.

Le secteur des matières premières a enregistré les dépenses en capital totales les plus élevées au cours des cinq dernières années, mais le ratio encouragements/dépenses en capital ne s’établissait qu’à 14,6 %. Le secteur des technologies de l’information et des télécommunications affichait le ratio encouragements/dépenses en capital le plus faible à 9,7 %.

Comment les fonds sont-ils répartis dans l’ensemble du Canada?

Le Québec et l’Ontario figuraient en tête de liste pendant la période de cinq ans, les entreprises québécoises et ontariennes ayant reçu respectivement 2,5 milliards de dollars et 1,8 milliard de dollars, soit respectivement 47 % et 34 % de l’ensemble des encouragements accordés au Canada. Les entreprises de ces provinces viennent aussi aux premiers rangs quant au nombre de projets acceptés, soit 486 pour le Québec et 450 pour l’Ontario.

Les entreprises de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick sont aussi bien représentées, avec respectivement 184 et 141 projets. Bien que l’Alberta se soit classée en troisième position avec des encouragements accordés totalisant 415,4 millions de dollars, les fonds ne concernaient que 6 projets.

Les projets en Alberta ont mobilisé les encouragements les plus élevés avec 69,2 millions de dollars par projet en moyenne, constituant aussi les projets avec les dépenses en capital moyennes les plus imposantes (1 612 millions de dollars). Avec 57,2 %, Terre-Neuve-et-Labrador a pour sa part enregistré le plus haut ratio encouragements/dépenses en capital. Le Manitoba affichait le ratio le plus faible avec 4,0 %.

Combien de programmes existe-t-il?

Le nombre de programmes d’encouragements est variable. En effet, certains programmes disparaissent après un certain temps, et de nouveaux programmes sont souvent annoncés en fonction des facteurs économiques dans les différentes régions. Un programme toujours en vigueur peut par ailleurs n’offrir que quelques périodes d’inscription par année.

Vu le grand nombre de programmes et leur durée variable, il est difficile de demeurer au courant des programmes offerts et de respecter les dates limites pour présenter une demande. Les entreprises doivent y consacrer du temps et des ressources qui seraient plus utiles aux fins de leur croissance.

Au cours des cinq dernières années, des encouragements ont été versés dans le cadre de 82 programmes municipaux, provinciaux et fédéraux différents.

Comment se positionne le Canada par rapport aux autres pays?

Il va de soi que, sur le marché mondial de plus en plus concurrentiel d’aujourd’hui, le Canada n’est pas le seul pays à déployer des efforts pour soutenir les entreprises au moyen d’encouragements discrétionnaires.

Nul ne s’étonnera que les États-Unis affichent le plus gros montant investi au titre des encouragements, soit 68,5 milliards de dollars entre 2014 et 2018. Le nombre de projets visés est, bien entendu, sans commune mesure avec celui observé dans les autres pays.

La Turquie et le Brésil viennent derrière les États-Unis, mais avant le Canada, ayant dépensé respectivement 12,5 milliards de dollars et 5,7 milliards de dollars au cours de cette période. En ce qui concerne le nombre de projets, il importe toutefois de noter que seules six entreprises ont reçu des encouragements en Turquie. Le Brésil a, quant à lui, distribué ses encouragements à 83 entreprises seulement.

Bien que le Canada se classe au quatrième rang mondial au chapitre du montant des encouragements et au troisième rang pour ce qui est du nombre de projets, il est plus révélateur d’utiliser un chiffre normalisé comme le montant moyen de l’encouragement accordé par dollar de dépenses en capital engagées par l’entreprise bénéficiaire. Pour les dix premiers pays au chapitre des encouragements accordés, nous constatons que ce ratio encouragements/dépenses en capital oscille entre 9,3 % et 25 %. Le Canada se classe en troisième position dans le monde, derrière la République tchèque et le Brésil, avec un pourcentage de 14,7 %, bien au-dessus de la moyenne.

Quelle est l’efficacité des encouragements?

Pour les programmes d’encouragements qui récompensent la création d’emplois ou l’établissement de consortiums avec le gouvernement ou les universités, le nombre d’emplois créés ou d’alliances établies peut être facilement quantifié.

Il est possible de quantifier les programmes visant à offrir de meilleurs débouchés aux diplômés, à renforcer les partenariats et la collaboration, à établir des réseaux pour garder les chercheurs au Canada ou à faire progresser la commercialisation de nouveaux produits et procédés. Chacun de ces programmes peut, à sa façon, favoriser la compétitivité des entreprises en leur permettant d’offrir des produits et des services de façon plus efficace. Les frais d’administration de chaque programme peuvent également être déterminés.

Par contre, certaines mesures sont plus difficiles à établir, comme la capacité accrue des entreprises de livrer concurrence sur des marchés internationaux et les répercussions sur les revenus des entreprises. Il serait utile, à l’échelle nationale, de pouvoir mieux mesurer des éléments comme l’incidence des dépenses sur le marché canadien des exportations ou de savoir si un encouragement donné s’avère plus efficace dans certains secteurs particuliers.

Il s’agit toutefois d’un défi de taille pour les gouvernements puisqu’il n’existe pas de méthodes claires pour évaluer le rendement d’un encouragement et déterminer s’il a effectivement eu les répercussions attendues.

Pour véritablement évaluer l’efficacité des encouragements, l’idéal est une approche d’analyse holistique, ce qui est facilité si des résultats mesurables sont recensés dès le début.

Que nous réserve l’avenir?

Étant donné le grand nombre de programmes, il est très difficile de s’y retrouver. Plusieurs programmes peuvent, en réalité, avoir pour but d’encourager la même conduite. Il peut être ardu de savoir où concentrer ses efforts pour obtenir des encouragements.

Récemment, des tentatives ont été faites pour instaurer une approche coordonnée au niveau fédéral par la création des six tables sectorielles de stratégies économiques. Ces tables représentent les six secteurs qui, selon le gouvernement fédéral, ont le meilleur potentiel de croissance : agroalimentaire, ressources de l’avenir, sciences biologiques et santé, technologies propres, industries numériques et fabrication de pointe.

Ces tables de stratégies étaient chargées de créer des plans d’action sectoriels à long terme visant à atteindre des cibles de croissance d’ici 2025. Ces plans d’action comprennent :

  • une approche permettant de définir les points forts des secteurs, de surmonter les obstacles ainsi que d’améliorer la compétitivité et la croissance;
  • l’élaboration de solutions dirigées par le monde des affaires, de recommandations en matière de politiques et de partenariats publics-privés fondés sur des objectifs réalisables à court, moyen et long terme;
  • une plus grande inclusion de ceux qui sont sous-représentés, comme les Autochtones, les femmes, les Canadiens handicapés et les travailleurs âgés;
  • un mécanisme permettant de promouvoir les résultats et les stratégies en matière de croissance des secteurs et d’en assurer un suivi.

Cet effort accru pour orienter les encouragements et la coopération en vue d’atteindre des objectifs communs qui engagent les provinces et les municipalités aidera les entreprises à manœuvrer dans l’univers des encouragements et augmentera les chances de réaliser les objectifs de croissance et d’accroître la compétitivité globale à l’échelle nationale. Cependant, comme les évaluations fondées sur les résultats s’avèrent encore plus importantes que les analyses s’appuyant sur des projections, faire en sorte que les données nécessaires soient recueillies et disponibles et s’assurer que les méthodes d’évaluation adéquates existent constituent des éléments déterminants dans la capacité d’évaluer pleinement l’efficacité d’une stratégie en matière d’encouragements1.

Résumé

Les niveaux de financement discrétionnaire au Canada ont fluctué au cours des cinq dernières années, le secteur des matières premières ayant obtenu le plus d’argent. L’Ontario et le Québec ont quant à eux bénéficié de la majeure partie des fonds discrétionnaires attribués.

Le Canada est le quatrième pays au monde en ce qui concerne les montants totaux des encouragements discrétionnaires accordés, tandis qu’il vient au troisième rang pour ce qui est du ratio encouragements/dépenses en capital.

Néanmoins, le manque de modèles appropriés permettant d’évaluer véritablement l’efficacité de ces programmes reste un problème. Des stratégies en matière de programmes d’encouragements qui définissent des objectifs économiques et/ou socio-économiques précis et qui ont recours à des méthodes spécifiques pour mesurer l’efficacité nous permettront de mieux cerner la véritable valeur des programmes d’encouragements au Canada.

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Elizabeth Pringle

Associée déléguée, RS&DE et incitatifs fiscaux pour les entreprises, EY Canada

Professionnelle de la fiscalité digne de confiance qui aide les entreprises à s’y retrouver parmi les crédits d’impôt et autres incitatifs fiscaux. Elle adore voyager et s’adonner au canoë.

Fred O’Riordan

Leader national, Politique fiscale, EY Canada

Économiste chevronné. Administrateur fiscal. Professionnel de la fiscalité. Ardent défenseur de la préservation de la culture matérielle et de l’architecture canadiennes.