Les pressions auxquelles sont soumises les chaînes d’approvisionnement mondiales ont suscité beaucoup d’attention au cours des derniers mois. Les gouvernements à l’échelle mondiale ont récemment consacré plus de 11,5 billions de dollars américains pour le financement de mesures de relance, afin de stimuler la demande insatiable de consommation. Or, les répercussions persistantes du coronavirus et de ses variants ont eu pour effet de compromettre la fiabilité des sources d’approvisionnement internationales, notamment en exerçant une pression indue sur la planification, la production et l’approvisionnement des biens et services. Cela a contribué de manière importante aux niveaux d’inflation les plus élevés que nous ayons connus depuis des décennies. Par conséquent, l’économie mondiale est encore plus fragile qu’elle ne l’était auparavant.
La période de pandémie a été particulièrement marquée par la fermeture quasi complète des frontières et un moratoire sur les voyages. Cette réalité a particulièrement touché les milliers de professionnels qui se déplacent à l’échelle mondiale par suite d’une mutation temporaire. Ces professionnels, ainsi que leurs prédécesseurs en affectation, ont été les premiers à structurer et à soutenir les chaînes d’approvisionnement mondiales dans plusieurs pays.
Plusieurs rondes d’investissement dans la mondialisation semblaient avoir favorisé la base d’un processus de provision. Au cours des premiers mois de la pandémie, les chaînes d’approvisionnement ont tenu bon. La nourriture a continué d’affluer, les pièces ont circulé et les composants ont continué d’être réunis pour un assemblage destiné aux utilisateurs finaux.
Avec le temps, les faiblesses des chaînes d’approvisionnement ont commencé à se manifester. L’obsession récente à l’égard de la production allégée et des livraisons reposant sur une approche du juste‑à‑temps a été de plus en plus exposée. Selon le New York Times, juste avant l’éclatement de la pandémie, la société moyenne figurant à l’indice S&P 500 ne conservait que l’équivalent de 66 jours de stocks. Comptant sur des composants provenant de pas moins de 49 pays en vue de fabriquer ses produits, Apple avait réduit ce chiffre sans relâche, jusqu’à ce qu’il atteigne neuf jours au printemps 2020. Par ailleurs, à l’heure actuelle, de nombreuses entreprises dépendent régulièrement de centaines de fournisseurs, lesquels sont souvent répartis dans plusieurs pays, afin d’obtenir les composants dont ils ont besoin dans le cadre de leur production et d’assurer la prestation de leurs services.
Ces approches ont été réunies pour exposer l’économie moderne au danger que représentent les perturbations prolongées des chaînes d’approvisionnement mondiales. Cette fragilité est devenue de plus en plus apparente, alors que la crise se prolongeait, marquée par de constantes restrictions visant les frontières et les programmes de mobilité. À l’automne 2021, les failles des chaînes d’approvisionnement négligées ont commencé à se manifester, des pressions s’exerçant en matière d’approvisionnement international, de sourçage de composants et de transport de marchandises. En octobre 2021, le Fonds monétaire international a signalé que « les contrôles aux frontières et les restrictions visant les déplacements […] étaient réunis pour créer une tempête parfaite où la production mondiale perdra de son élan en raison du retard des livraisons, les coûts et les prix connaîtront une augmentation et la croissance du PIB mondial ne sera pas aussi solide en conséquence. » [traduction]. L’augmentation de l’inflation et sa persistance en ont été une conséquence prévisible.
Toutes ces difficultés ne pourront être résolues que par l’adoption d’une approche transfrontalière intégrée. L’accent doit à nouveau être mis sur la facilitation des déplacements des professionnels spécialisés en vue d’améliorer, d’enrichir et d’étendre la portée des chaînes d’approvisionnement qui se sont formées au cours des 40 dernières années. Autrement dit, la présence du personnel en affectation et l’innovation dont il fait preuve présentent des lacunes, et le mouvement du personnel est nécessaire en vue de retrouver l’équilibre entre une demande stimulée et une offre compromise.
Le ralentissement en matière d’offre est apparent depuis plusieurs mois. Confrontés à cette réalité, plusieurs ont été appelés à adopter « un nouveau mantra [national] de résilience et d’autonomie » [traduction], tel que mis de l’avant par The Economist. Or, d’autres affirment qu’il existe un meilleur moyen de parvenir à l’état de sécurité convoité. Les partisans de ce courant de pensée sont d’avis que la puissance et la confiance économiques véritables proviennent de sources d’approvisionnement qui sont à la fois bien pesées et variées. La dépendance excessive à l’égard d’une source d’approvisionnement particulière, même à l’intérieur de son propre territoire, représente un risque. Dans le contexte de la montée des tensions politiques et économiques, un accès à des sources d’approvisionnement mondial variées, plutôt qu’un repli de la coopération internationale, s’impose. Ce n’est qu’en parvenant à un équilibre entre l’amélioration des chaînes d’approvisionnement mondiales et le recours à l’approvisionnement local et à l’accumulation de stocks, que la prospérité future pourra être assurée. Les chaînes doivent être améliorées, adaptées et modifiées afin de répondre aux circonstances actuelles et futures.
Pour ce faire, nous devons nous pencher sur le manque de soutien et d’investissement actuel à l’égard de la gestion de la chaîne d’approvisionnement. L’absence de professionnels spécialisés qui se déplacent dans le monde a eu des répercussions importantes sur la rareté récente de toutes sortes de biens et de services. Pour le meilleur ou pour le pire, ces chaînes sont désormais comparables à des organismes vivants; elles ont été négligées pendant trop longtemps et leurs faiblesses commencent à devenir apparentes.