Comment en arriver à ce que les emballages préservent la fraîcheur des produits, sans générer d’effets néfastes persistants?

Par EY Canada

Organisation de services professionnels multidisciplinaires

11 minutes de lecture 17 mars 2022

Personnes‑ressources au Canada : Ryan Beck et Lokesh Chaudhry.

Tandis que les entreprises cherchent à mettre au point des emballages plus durables, elles doivent prendre les bonnes décisions d’investissement et établir des partenariats appropriés, de façon à pouvoir procéder aux adaptations requises.

En bref
  • Elles doivent prendre en compte le cycle de vie des emballages, tout autant que leurs contenus, de sorte que le volume de pellicules de plastique souple aboutissant dans l’environnement et dans les sites d’enfouissement s’en trouve réduit.
  • Les entreprises du secteur des produits de consommation doivent innover dans la recherche de nouvelles matières durables, tout en se dotant des systèmes et de l’infrastructure nécessaires pour assurer leur viabilité.
  • Face à une multitude de parties prenantes et à un large éventail de solutions durables possibles, elles doivent forcément s’appuyer sur leur écosystème et sur des partenariats pour s’adapter rapidement, de façon à pouvoir procéder à leur adoption à l’échelle nationale ou mondiale.

Nous acceptons volontiers que les tablettes de magasin soient pleines d’articles aux couleurs éclatantes conçus pour attirer notre attention et aiguiser nos appétits. Après avoir assouvi notre frénésie de consommation, nous fermons les yeux sur ce qu’il adviendra des emballages. Tandis que les entreprises attachent désormais une plus grande importance à leur stratégie à l’égard des enjeux ESG et du développement durable, il s’agit d’une question à laquelle elles doivent s’attaquer.

La mise au point d’emballages en plastique souple durables est un enjeu particulièrement difficile, auquel il n’y a pas de solution unique. Les systèmes mécaniques de recyclage des plastiques rigides actuels ne peuvent pas prendre en charge le traitement des pellicules de plastique souple. Il s’agit d’une matière très légère, dont la valeur unitaire est faible et qui est souvent contaminée par des huiles alimentaires, sans compter que la récupération de grands volumes de matières de haute qualité s’avère difficile. Les emballages en pellicule de plastique souple sont souvent constitués de plusieurs couches de pellicule, ce qui en complique encore davantage le recyclage. Les efforts d’innovation doivent porter sur la mise au point de nouvelles matières (faciles à recycler ou biodégradables) ou de nouveaux procédés d’élimination (recyclage chimique ou compostage à grande échelle), voire sur une combinaison des deux approches. Néanmoins, toutes les options envisageables requièrent l’adoption de nouveaux modèles d’affaires et de nouvelles infrastructures en permettant la prise en charge, de même que la mise en œuvre d’un programme de sensibilisation des consommateurs. Elles exigent toutes l’exécution de tests poussés et l’engagement d’importantes dépenses d’investissement, de même que la prise en compte de l’évolution des cadres de réglementation locaux.

Étant donné qu’il s’agit d’un grand nombre d’enjeux complexes s’avérant difficiles à cerner et à gérer en concertation, il n’est pas surprenant que, depuis trop longtemps, ils aient été relégués au rang des « problèmes trop difficiles à régler ». Maintenant que des pressions émanent de toutes parts, la prise de décisions en vue de l’élaboration d’une stratégie de transition s’impose.

Hautement conscientes de ces enjeux, les entreprises du secteur des produits de consommation se sont engagées à faire de la réduction des volumes d’emballages de plastique une priorité, en en réduisant l’utilisation, en recourant davantage à des emballages recyclables et en mettant au point des solutions biodégradables. Un tel équilibre n’est pas facile à obtenir, car les emballages sont essentiels à la préservation de la qualité des produits. Ils jouent aussi un rôle important dans le renforcement de l’image de marque des entreprises, de sorte que les fabricants de produits de marques très renommées doivent impérativement faire figure de chefs de file de la transition. Dans le cas de ces fabricants, sans la mise en place d’options d’élimination durables adéquates, les emballages attrayants sur les tablettes peuvent vite devenir une pollution visuelle portant leur marque et susceptible de ternir leur réputation.
 

Les emballages attrayants sur les tablettes peuvent vite devenir une pollution visuelle portant leur marque et susceptible de ternir leur réputation.

Les consommateurs sont plus nombreux à se soucier de ce qu’ils consomment

Les consommateurs opèrent un changement d’attitude Selon les résultats du sondage sur lequel repose l’indice EY de l’évolution des habitudes des consommateurs, les jeunes générations sont critiques, sceptiques et disposées à délaisser les marques qui ne sont pas à la hauteur de leurs attentes. C’est dans une proportion de 24 % que les consommateurs des générations Z et Y s’assurent que les fabricants des produits de marque qu’ils consomment se conforment à leurs engagements en matière de développement durable, tandis que seulement 4 % des baby boomers en font autant.

En fait, ils sont plus enclins non seulement à faire l’effort d’enquêter sur le bilan d’une entreprise en la matière, mais aussi à prendre les mesures qu’ils jugent nécessaires. Déjà, 21 % des consommateurs des générations Z et Y ont cessé d’acheter des produits dont le fabricant ne contribue pas suffisamment aux efforts de protection de l’environnement (comparativement à 6 % des baby boomers). Les entreprises réfractaires à l’idée de remplacer de façon proactive leurs emballages par des emballages plus durables risquent de voir les consommateurs de demain leur tourner le dos, au bénéfice de leurs concurrents.

De leur côté, les gouvernements s’intéressent aussi à la question, en établissant des cibles de réduction des volumes de plastique et de déchets, de façon à contribuer à l’atteinte des objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU, tout en veillant à ce que les entreprises y contribuent également. Les investisseurs se montrent inquiets quant aux risques imminents potentiels. Les entreprises doivent prendre les décisions qui s’imposent pour faire en sorte que les bons choix à long terme soient faits, aussi bien dans leur propre intérêt que dans celui de la planète.

Dans quelle mesure les entreprises du secteur des produits de consommation respectent‑elles donc leurs engagements à réduire leur consommation de plastiques?

Indice EY de l’évolution des habitudes des consommateurs

21 %

des consommateurs des générations Z et Y ont cessé d’acheter des produits de marque dont le fabricant ne contribue pas suffisamment à la protection de l’environnement (comparativement à 6 % des baby boomers).

Des options claires, sans solutions évidentes à privilégier

Le point de départ habituel consiste à réduire le volume d’emballages et de plastique utilisé et à introduire davantage de matières recyclables. Actuellement, en termes d’économies de ressources et d’énergie, le recyclage mécanique est la méthode la plus efficace pour parvenir à la circularité des matières. Les centres de recyclage mécanique ne sont toutefois pas en mesure de traiter les pellicules de plastique souple. En raison de leur haute résistance au déchirement, ces pellicules peuvent s’entortiller dans les machines rotatives et congestionner ainsi l’équipement, qui doit alors être arrêté pendant toute l’opération de nettoyage. Si elles ne sont pas retirées, elles peuvent réduire l’efficacité des tamis de tri, occasionnant ainsi des problèmes de contamination (p. ex., introduction indue de plastiques dans les flux de production de papier).

Au moment d’aborder la question des emballages en pellicule souple durables, les entreprises sont amenées à soupeser sérieusement les avantages du recyclage chimique par rapport à l’utilisation de matières biodégradables, les deux approches comportant des avantages et des inconvénients.

Le marché du recyclage chimique en est à un stade précoce de développement, et plusieurs technologies en voie d’être mises au point permettront de transformer les emballages de plastique souple en matières premières utilisables dans la production de polymères qui sont indiscernables du plastique vierge et qui conviennent pour un emploi dans le secteur de l’alimentation. La production d’une matière dotée d’une valeur commerciale permet non seulement d’éviter que les emballages aboutissent dans des sites d’enfouissement, mais aussi de créer un nouveau marché, tout en réduisant l’utilisation du plastique vierge. Néanmoins, le recyclage chimique nécessite de faire appel à des procédés de tri et de décontamination additionnels, et les efforts d’adaptation requis font en sorte qu’il faudra énormément de temps pour en arriver à des coûts de production comparables à ce qu’il en coûte pour créer de nouveaux plastiques à partir de combustibles fossiles.

L’approche consistant à adopter des matières d’emballage finissant par se décomposer en composants organiques est tout aussi séduisante. Il est possible d’obtenir des biopolymères à partir de sources de biomasse renouvelables, telles que les huiles végétales, l’amidon et les protéines. Le recours aux biopolymères présente le double avantage de permettre tant la conservation des ressources fossiles que la réduction des émissions de CO2, bien qu’il requière une utilisation considérable de précieuses ressources en terres agricoles. Étant donné que le deuxième objectif de développement durable de l’ONU porte sur l’élimination de la faim dans le monde, comment pourrait‑on justifier de consacrer des terres agricoles aux fins de l’industrie de l’emballage, plutôt qu’à la production de nourriture? Les coûts de production et d’extraction associés à l’utilisation des polymères sont élevés, du fait que le procédé de polymérisation est coûteux et qu’il repose sur une technologie toute nouvelle. L’établissement et l’adaptation de l’écosystème nécessaire à la production des volumes de matières d’emballage requis, ainsi que l’obtention de flux d’approvisionnement constants, représenteront tout un défi. En outre, le temps et le taux de décomposition seront variables selon chaque polymère biodégradable ou compostable. Lorsqu’un emballage est constitué de multiples couches de matières différentes, dont chacune a une fonction distincte, il faut procéder à des tests rigoureux pour déterminer les conditions (chaleur, humidité et concentration de microorganismes) et les délais nécessaires à la biodégradation de ces matières, ainsi qu’à leur transformation en « matériaux d’amendement des sols ».

Les entreprises réfractaires à l’idée de remplacer de façon proactive leurs emballages par des emballages plus durables risquent de perdre contact avec de futurs consommateurs.

Conditions de réalisation de la vision

Dans un monde idéal, les emballages de plastique souple présenteraient les caractéristiques suivantes :

  • Les matières d’emballage durables seraient moins coûteuses que les matières utilisées actuellement, tout en permettant de préserver la qualité des produits et en captant l’attention des consommateurs.
  • Les déchets deviendraient ultimement des extrants comportant une valeur économique, soit parce qu’ils seraient recyclés dans un système en circuit fermé, soit parce qu’ils seraient compostables ou biodégradables, ce qui en permettrait la transformation en des matières organiques inoffensives ou non polluantes.
  • Les produits chimiques et les matières nécessaires seraient disponibles en quantités suffisantes, et leur production n’aurait pas d’incidence négative sur l’environnement ou la société.
  • Les technologies seraient soumises à des bancs d’essai et à des tests, tandis que l’on procéderait aux bons choix d’investissement dans les machines et l’équipement complexes nécessaires à leur fonctionnement.
  • De nouvelles venues collaboreraient avec des entreprises bien établies, de façon à constituer de nouveaux écosystèmes.
  • Les procédés seraient adaptés uniformément, à l’échelle de l’ensemble des régions géographiques, conformément à un cadre et à une infrastructure de réglementation mondiale cohérente.
  • Le recyclage et le compostage seraient ancrés dans les habitudes de consommation, grâce à la mise en place de mécanismes de collecte.

 

Les entreprises du secteur des produits de consommation sont aux débuts de leur cheminement vers la réalisation de cette utopie et elles ne peuvent pas agir seules ou en vase clos dans la recherche de solutions aux problèmes. Pour favoriser la génération de valeur à long terme non seulement pour elles‑mêmes, mais également pour les consommateurs et la société en général, elles peuvent prendre les mesures suivantes :

  1. Favoriser la concertation entre les experts internes
    Qu’il s’agisse de remplacer la pellicule de résine actuellement utilisée par une matière biodégradable ou de mettre au point un système de recyclage en circuit fermé des emballages en plastique souple, les entreprises doivent pouvoir s’appuyer sur une grande diversité d’experts internes orientés vers un but commun. Les équipes affectées à la gestion de produits, à la chaîne d’approvisionnement, aux activités de R&D, aux achats et à la réalisation de la stratégie, de même que – évidemment – l’équipe de développement durable, doivent travailler en concertation pour établir le meilleur plan de transition possible. Comme chaque option fait appel aux technologies émergentes, il est essentiel que les efforts internes convergent vers l’établissement des orientations et du plan de test requis.

  2. Réexaminer leurs produits et le profil des consommateurs auxquels elles s’adressent
    Il faut saisir l’occasion pour revoir les principes fondamentaux, déterminer les exigences d’emballage optimales et prendre en compte des options et solutions plus novatrices. C’est en se familiarisant avec les exigences précises associées à leurs produits, ainsi qu’avec l’utilisation qu’en font les consommateurs et les préférences de ces derniers, que les entreprises pourront plus facilement établir des stratégies axées sur la réduction de la quantité de plastique souple utilisée dans leurs emballages.

  3. Rester à l’avant-garde de l’évolution de la réglementation
    Pour s’y retrouver parmi la panoplie de règles, de mesures incitatives et de dispositions fiscales et législatives à l’appui des mesures gouvernementales, elles devront constamment en suivre l’évolution. Idéalement, les investissements dans les initiatives axées sur la mise au point d’emballages durables doivent avoir une longueur d’avance sur l’évolution du cadre législatif – notamment dans le cas du bannissement des plastiques à usage unique, de la taxation des emballages en plastique et des mécanismes d’ajustement carbone aux frontières – et tirer parti des incitatifs réglementaires à l’instauration de matières et de procédés durables. Les entreprises ont aussi un rôle positif à jouer, en conseillant les gouvernements et en exerçant des pressions sur eux pour qu’ils procèdent à des changements à grande échelle.

  4. Établir des partenariats dans une optique de création de solides écosystèmes
    Elles doivent choisir le modèle d’affaires écosystémique qui leur convient, tout en déterminant quels sont les écosystèmes où elles doivent agir en tant que leaders et ceux où elles doivent simplement exercer un rôle de participant. La collaboration avec des pairs et des concurrents favorise la création d’économies d’échelle, dans un contexte où la gestion des préoccupations en matière de concurrence peut reposer sur l’adhésion à des règles claires quant au partage des risques et avantages. Il est possible de tirer parti de l’établissement de partenariats avec des organismes sans but lucratif, des organismes gouvernementaux, des universités et des institutions de recherche, de façon à partager les efforts et le fardeau de coûts initial associés à la réduction de la consommation de plastique, ainsi qu’à établir des normes de recyclage, de compostage et d’étiquetage communes. Les entreprises du secteur des produits de consommation peuvent aussi faire équipe avec des partenaires de toute la chaîne de valeur, en procédant à des investissements en collaboration avec des entreprises de recyclage chimique ou avec des fabricants de plastiques biodégradables, en vue de l’obtention de matières à un coût rentable et de la sécurisation des approvisionnements à venir.

  5. Mobiliser les consommateurs pour qu’ils fassent partie intégrante de la solution
    Les entreprises du secteur des produits de consommation cherchent à influer sur les habitudes de consommation, s’agissant d’une importante compétence qu’elles seront amenées à exercer en temps opportun, lorsque les consommateurs et les collectivités devront faire leur part. Elles devront encourager, mobiliser et former les consommateurs pour qu’ils adoptent des habitudes et routines nouvelles. Par exemple, le recyclage chimique des plastiques souples exige que les consommateurs pensent à recycler correctement les matières de plastique souple qu’ils utilisent. Il exige également la mise en place par les municipalités d’un système de recyclage à flux unique reposant sur la collecte de porte‑à‑porte, ainsi que d’un système de tri permettant l’acheminement des matières à traiter jusqu’à une entreprise de recyclage chimique. Il est possible que l’adoption d’emballages biodégradables oblige les consommateurs à s’engager dans le compostage à domicile, sans quoi ces emballages finiraient forcément par aboutir dans des sites d’enfouissement, comme d’autres types de plastiques. Peu importe le scénario, les entreprises feront forcément partie intégrante de la solution, en mettant à contribution leurs compétences dans la promotion de bonnes habitudes de consommation et la production d’étiquettes informatives facilitant l’application de pratiques de recyclage précises.

Bien que le statu quo ne soit plus envisageable, il se pourrait bien que les initiatives mises en œuvre ne s’avèrent pas économiquement viables avant plusieurs années, du fait que les technologies de production d’emballages durables en sont encore à un stade de développement précoce. À un tel stade, l’engagement de dépenses d’investissement dans plusieurs types de technologies, dans l’optique de déterminer la viabilité technique et la rentabilité de celle qui convient le mieux, représente probablement l’approche la plus prudente. Par la suite, des investissements ciblés seront requis pour permettre l’adaptation rapide de la technologie choisie et la sécurisation des approvisionnements en matières nécessaires. 

Grâce à la collaboration avec des pairs et des intervenants de toute la chaîne de valeur, les entreprises seront plus à même de gérer leurs risques et leurs coûts, surtout dans le cadre du processus d’approvisionnement, ainsi que de stimuler la demande, de façon à obtenir des économies d’échelle.

Merci aux personnes suivantes pour leur contribution : Mark Weick, Matt Handford, Minhaj Baqai, Morgan Cole et Melissa Harari d’Ernst & Young LLP.

Résumé

Le resserrement des dispositions réglementaires et l’accroissement des exigences des consommateurs concourent à l’émergence d’un contexte où l’emploi d’emballages de pellicule de plastique souple non recyclables ou non biodégradables ne sera plus acceptable. Les entreprises du secteur des produits de consommation doivent trouver des solutions de rechange durables leur permettant de préserver la qualité de leurs produits. Mais il n’y a pas de solution simple Les entreprises doivent prendre dès maintenant des décisions qui ne sont pas sans comporter des risques, nécessiter des investissements ou générer des conséquences importantes. Elles doivent opter pour une solution optimisée pour leurs gammes de produits d’emballage, en appliquant une méthode de gestion à volets multiples qui en permet la réalisation. L’obtention de progrès rapide reposera nécessairement sur l’établissement de partenariats solides et d’écosystèmes efficaces.

À propos de cet article

Par EY Canada

Organisation de services professionnels multidisciplinaires