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Questionsfiscales@EY – février 2025

Questionsfiscales@EY : un bulletin canadien publié régulièrement pour rester au fait des nouveautés en fiscalité et en jurisprudence, des publications, etc.‑ Des questions liées à la fiscalité des particuliers et des entreprises aux nouveautés législatives et jurisprudentielles, nous vous présentons l’information d’actualité pertinente.

En quoi une planification fiscale efficace aujourd’hui peut‑elle vous permettre de façonner l’avenir en toute confiance?

Le bulletin Questionsfiscales@EY compile des nouvelles et de l’information sur des sujets d’actualité en fiscalité pour vous aider à vous tenir à jour. Dans ce numéro, nous abordons ce qui suit :

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Chapitre 1

Ne pas comprendre vos droits de cotisation au REER et au CELI pourrait s’avérer coûteux

Krista Fox, Toronto, et Gael Melville, Vancouver

En vue d’épargner pour leur retraite, les Canadiens utilisent deux outils d’investissement courants : le régime enregistré d’épargne‑retraite (« REER ») et le compte d’épargne libre d’impôt (« CELI »). Toutefois, la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») prévoit des restrictions concernant les cotisations à ces régimes. Si vous enfreignez les règles, vous pourriez encourir des pénalités importantes, et il existe peu de recours.

Selon de récentes décisions des tribunaux, les particuliers qui soutiennent n’avoir pas compris leurs plafonds de cotisation ou avoir mal interprété les renseignements indiqués sur leur avis de cotisation ou ceux figurant dans Mon dossier de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») pourraient quand même être redevables des pénalités connexes et, le cas échéant, des intérêts.

Examinons les règles régissant les cotisations au REER et au CELI, découvrons comment trouver vos droits de cotisation disponibles et abordons les conséquences associées aux cotisations excédentaires ainsi que les décisions récentes des tribunaux qui illustrent l’importance de vérifier et de comprendre vos droits de cotisation disponibles avant d’effectuer des cotisations.

Comment sont calculés les droits de cotisation au REER et au CELI

REER

Le maximum déductible au titre des REER détermine les cotisations maximales déductibles d’impôt permises chaque année. Dans la mesure où elles n’ont pas été déduites pour une année précédente, vous pouvez déduire de votre revenu les cotisations versées à un REER avant la fin de l’année ou dans les 60 jours suivant la fin de l’année. Cette limite s’applique aux cotisations versées, soit à votre REER, soit à celui de votre époux ou conjoint de fait.

Sans entrer dans le détail, votre cotisation à un REER déductible pour 2024 est plafonnée à 18 % du revenu que vous avez gagné pour 2023 ou à un montant maximal de 31 560 $, selon le moins élevé des deux montants. Chaque année, le montant du plafond REER est indexé en fonction de l’inflation. Pour 2025, le plafond passera à 32 490 $. Outre ce montant, vous inclurez vos droits de cotisation inutilisés au titre d’un REER de l’année précédente. En général, si vous cotisez moins que le maximum déductible au titre des REER, vous pouvez reporter prospectivement l’excédent jusqu’à l’année où vous atteindrez 71 ans.

Si vous participez à un régime de pension agréé (« RPA ») ou à un régime de participation différée aux bénéfices (« RPDB »), la cotisation maximale annuelle au titre des REER calculée ci‑dessus est réduite du facteur d’équivalence pour l’année précédente et de tout facteur d’équivalence pour services passés pour l’année courante1.

De plus, il peut y avoir une hausse ou une réduction de votre maximum déductible au titre des REER si votre employeur révise les droits à prestations de son régime de pension.

En outre, vous pouvez reporter prospectivement le montant d’une cotisation déductible pour laquelle vous n’avez pas demandé de déduction. Certains transferts admissibles peuvent être effectués sans qu’il y ait d’incidence sur votre plafond de cotisation.

Un particulier peut verser des cotisations excédentaires à un REER jusqu’à concurrence de 2 000 $ sans s’exposer à une pénalité. Il s’agit de la marge pour cotisations excédentaires.

Si vous détenez plusieurs comptes REER, comme un REER autogéré et un REER collectif par l’entremise de votre employeur, il importe de se rappeler que le plafond de cotisation s’applique aux cotisations effectuées à tous les comptes, ce qui comprend les cotisations correspondantes que votre employeur verse à votre compte de REER collectif.

CELI

En termes généraux, les droits de cotisation à un CELI dont vous disposez dans une année donnée correspondent à la somme de trois montants :

  • Le plafond de cotisation au CELI pour l’année (7 000 $ en 2025)
  • Les droits inutilisés de cotisation à un CELI provenant d’une année précédente
  • Le montant total des retraits du CELI effectués au cours de l’année précédente

Contrairement au REER, les cotisations versées à un CELI ne sont pas déductibles, et il n’existe pas de marge pour cotisations excédentaires (voir ci-dessus)2. Des retraits peuvent être effectués en tout temps et à toute fin.

Comme nous l’avons mentionné, les sommes retirées d’un CELI, dont le revenu et les gains en capital gagnés dans le compte, sont ajoutées à vos droits de cotisation l’année suivante. Si vous retirez une somme de votre CELI dans une année, puis que vous versez de nouveau cette somme à un CELI dans la même année, ces opérations pourraient donner lieu à une cotisation excédentaire si vous aviez déjà versé des cotisations atteignant le maximum des droits de cotisation dont vous disposiez. Certains transferts admissibles et des cotisations exclues peuvent être effectués sans toucher à vos droits de cotisation.

Vous pouvez détenir plus d’un CELI en même temps, mais le montant total des cotisations que vous pouvez verser à l’ensemble des CELI dans une année est limité au plafond CELI pour l’année donnée, plus les montants susmentionnés.

Où trouver l’information concernant les droits de cotisation au REER et au CELI disponibles

REER

L’ARC indique le calcul de votre maximum déductible au titre des REER pour l’année courante dans l’avis de cotisation à l’égard de votre déclaration de revenus de l’année précédente. Vous pouvez également vérifier votre maximum déductible au titre des REER au moyen du service Mon dossier de l’ARC ou par téléphone.

CELI

Le plafond de cotisation à un CELI peut être vérifié au moyen du service Mon dossier ou par téléphone.

Sachez qu’il est important de faire le suivi de vos propres cotisations à un CELI et retraits du compte, car l’émetteur du CELI déclare les transactions à l’ARC une seule fois par année. Par conséquent, l’information que donne l’ARC pourrait être périmée.

Vous pouvez demander un Relevé de cotisations CELI à l’ARC, ou un Sommaire de transactions CELI, indiquant les renseignements que l’ARC a reçus à l’égard de vos cotisations et retraits. Le formulaire RC343, Feuille de calcul – Droits de cotisation à un CELI, peut aussi servir à calculer vos droits de cotisation pour l’année.

Pénalités pour cotisations excédentaires

REER

Les cotisations au REER au-delà de la marge pour cotisations excédentaires sont assujetties à un impôt de pénalité de 1 % par mois jusqu’à ce que le montant excédentaire soit retiré du régime. Vous devez produire le formulaire T1‑OVP, Déclaration des particuliers pour 2024 – Cotisations excédentaires versées à un REER, RPAC et RPD, pour déclarer l’impôt à payer sur les cotisations excédentaires à un REER. La déclaration doit être produite, et l’impôt, payé, au plus tard dans les 90 jours de la fin de l’année d’imposition.

Si vous constatez que vous avez versé une cotisation excédentaire, vous pourriez être en mesure de redresser la situation en effectuant un retrait au moyen du formulaire T3012A, Renonciation à l’impôt retenu sur le remboursement de vos cotisations inutilisées versées à un REER, un RPAC ou un RPD à partir de votre REER, RPAC ou RPD. Dans la mesure où vous n’avez pas demandé de déduction pour les cotisations et que vous remplissez les autres conditions, ce formulaire autorise l’émetteur du REER à ne pas retenir l’impôt sur les retraits. Rappelez‑vous simplement de remplir votre partie du formulaire et de le soumettre à l’ARC avant de l’envoyer à l’émetteur de votre REER.

Il convient de noter que dans certains cas, il pourrait être opportun d’attendre que de nouveaux droits de cotisation deviennent disponibles dans l’année suivante plutôt que d’effectuer un retrait, notamment si la cotisation excédentaire est versée près de la fin de l’année et que les nouveaux droits de cotisation absorberont cette cotisation excédentaire, étant donné que l’impôt de pénalité pourrait être négligeable. Vous serez tout de même redevable de l’impôt de pénalité sur le montant excédentaire dans le compte, et assujetti à l’obligation de production connexe.

Vous pourriez aussi demander une renonciation à l’impôt de pénalité ou une annulation de cet impôt au moyen du formulaire RC2503, Demande d’annulation ou de renonciation – impôt de la partie X.1 sur les cotisations excédentaires versées à un REER, à un RPAC ou à un RPD. Vous devez décrire les circonstances et les faits à l’appui de votre demande, expliquer pourquoi vous avez versé des cotisations excédentaires et en quoi il s’agissait d’une erreur raisonnable. Toutefois, comme le démontrent les récentes décisions des tribunaux présentées plus loin, l’ARC pourrait nier que la cotisation excédentaire découle d’une erreur raisonnable, surtout lorsque la mesure corrective n’est pas prise rapidement.

CELI

Les cotisations excédentaires à un CELI sont aussi assujetties à un impôt de pénalité de 1 % sur le montant excédentaire de cotisation, impôt qui est calculé chaque mois en fonction de l’excédent CELI le plus élevé pour le mois en question. L’impôt de 1 % s’applique jusqu’à ce que le montant excédentaire soit retiré du régime.

Vous pouvez corriger une cotisation excédentaire et réduire l’impôt à payer en effectuant un ou plusieurs retraits de votre CELI, de façon à réduire ou à éliminer l’excédent CELI. Dans certains cas, si vous avez effectué des cotisations excédentaires à un CELI, l’ARC pourrait aussi envoyer une lettre ou une déclaration CELI proposée.

L’ARC pourrait également renoncer, en totalité ou en partie, à l’impôt de 1 % ou annuler cet impôt, sur demande, si vous agissez rapidement et que vous retirez de votre CELI une somme suffisante, correspondant à l’excédent CELI et au revenu et aux gains en capital connexes, et que l’ARC est convaincue que la cotisation excédentaire et l’impôt de pénalité qui y est associé découlent d’une erreur raisonnable.

Des règles connexes régissent l’imposition des avantages ainsi que les placements non admissibles ou interdits détenus dans un REER, un CELI et d’autres régimes enregistrés d’épargne. Pour en savoir davantage, consultez l’article « Éviter les pénalités à l’égard des placements dans des régimes enregistrés » paru dans le numéro de juin 2020 du bulletin Questionsfiscales@EY : spécial patrimoine familial.

Décisions récentes des tribunaux

Trois récentes décisions de la Cour fédérale démontrent que les contribuables qui soutiennent qu’ils ne savaient pas qu’ils avaient effectué des cotisations excédentaires à leur CELI ou à leur REER, ou qu’ils n’avaient pas compris les règles concernant les cotisations excédentaires, n’obtiennent pas souvent d’allégement relativement à l’impôt de pénalité et aux intérêts.

Dans l’affaire Fang v AGC (2024 FC 1399), la contribuable avait effectué, en 2020 et en 2021, des cotisations excédant ses droits de cotisation à un CELI. L’ARC avait envoyé un avis de cotisation au compte en ligne de l’ARC de la contribuable établissant l’impôt et les intérêts payables à l’égard des cotisations excédentaires. La contribuable avait omis de consulter son compte en ligne jusqu’en février 2022 et, après avoir pris connaissance de l’avis de cotisation, avait sur‑le‑champ retiré la somme excédentaire et présenté une demande de renonciation à l’impôt et aux intérêts. La demande avait été refusée, tout comme l’a été une seconde demande.

En rejetant la demande de contrôle judiciaire de la contribuable à l’égard de la décision de l’ARC, la Cour a conclu que, même si les cotisations excédentaires n’étaient pas intentionnelles et avaient été retirées dès que la contribuable en avait eu connaissance, il était raisonnable pour l’ARC de s’attendre à ce que la responsabilité incombe à la contribuable de comprendre son CELI et d’examiner ses avis de cotisation

De façon similaire, dans l’affaire Uddin v CRA (2024 FC 1603), le contribuable avait présenté à l’ARC une demande de renonciation à l’impôt sur les cotisations excédentaires à son CELI au motif que ces dernières avaient été versées par erreur et qu’il n’était pas au courant du plafond de cotisation. Le contribuable avait initialement versé des cotisations excédentaires en 2020. Il avait choisi de recevoir des avis électroniques de la part de l’ARC. Bien que l’ARC eût envoyé un avis de cotisation électronique en juillet 2021 l’informant des cotisations excédentaires, le contribuable ne l’avait pas consulté avant septembre 2022. À ce moment, la valeur du placement avait été réduite à zéro, et le contribuable ne pouvait donc pas retirer les cotisations excédentaires.

En rejetant la demande de contrôle judiciaire de la contribuable à l’égard de la décision de l’ARC, la Cour a conclu que, même si les cotisations excédentaires n’étaient pas intentionnelles et avaient été retirées dès que la contribuable en avait eu connaissance, il était raisonnable pour l’ARC de s’attendre à ce que la responsabilité incombe à la contribuable de comprendre son CELI et d’examiner ses avis de cotisation.

Enfin, l’affaire McFadden v The King (2024 FC 1105) concernait un contribuable qui s’était vu refuser la renonciation à l’impôt sur des cotisations excédentaires effectuées à son REER de 2008 à 2014. Le contribuable s’était retiré du régime de pension de son employeur en 2008, et, conformément à une entente conclue avec ce dernier, chaque année, il recevait une somme forfaitaire ou des cotisations étaient directement versées à son REER ou à celui de sa conjointe. La somme annuelle reçue était équivalente à la cotisation admissible maximale au REER pour l’année donnée. Le premier de ces versements avait eu lieu en janvier 2008 et donné lieu à une cotisation excédentaire puisque le plafond de cotisation au REER pour 2008 n’avait pas encore été rajusté pour tenir compte du fait que le contribuable avait choisi de se retirer du régime de pension. Par conséquent, en raison du libellé des dispositions législatives, le rajustement n’allait prendre effet qu’en 2009.

Bien que l’avis de cotisation de 2009 du contribuable indiquât qu’il pourrait avoir à payer un impôt de pénalité à l’égard de la cotisation excédentaire au REER, le contribuable avait continué de cotiser le maximum annuel autorisé qui figurait sur son avis de cotisation annuel. En 2014, l’ARC avait envoyé au contribuable une lettre l’avisant des cotisations excédentaires continuelles. En 2015, le contribuable avait expliqué à l’ARC qu’une partie de la cotisation de 2009 avait été effectuée par erreur. Le contribuable n’avait pris aucune mesure pour corriger l’erreur hormis ne pas effectuer de cotisation à son REER en 2015 de sorte que le plafond de cotisation annuel puisse absorber les cotisations excédentaires. 

En rejetant la demande de contrôle judiciaire du contribuable, la Cour a conclu qu’il était raisonnable pour l’ARC de conclure qu’un contribuable qui ne comprend pas les règles relatives au REER ou ne demande aucun renseignement relativement à son plafond de cotisation ne puisse démontrer qu’une erreur entraînant des cotisations excédentaires était, elle, raisonnable.

Conclusion

À ce moment‑ci de l’année, les gens envisagent souvent d’effectuer des cotisations de rattrapage à leur REER qu’ils déduiront de leurs revenus pour la dernière année d’imposition ou de tirer parti de nouveaux droits de cotisation à un CELI disponibles pour la nouvelle année.

Toutefois, il est important d’être à l’affût des communications de l’ARC. Du fait que ces communications sont de plus en plus envoyées par voie électronique, vous devez veiller à passer soigneusement en revue vos avis de cotisation et à réagir rapidement en cas de cotisations excédentaires. Vous devez également faire le suivi de vos droits de cotisation disponibles et respecter les plafonds de cotisation applicables, sous peine de devoir payer un important montant d’impôt, que votre erreur soit intentionnelle ou non.

Pour en savoir davantage sur le REER et le CELI, consultez le chapitre 5, « Investisseurs », et le chapitre 11, « Planification de la retraite », de la plus récente version du guide d’EY Comment gérer vos impôts personnels – Une perspective canadienne.

  1. Le facteur d’équivalence correspond au montant total de vos crédits de pension pour l’année. Il permet de mesurer le niveau d’épargne-retraite accumulé dans une année par vous ou pour votre compte dans le RPA ou le RPDB de votre employeur.
  2. Cependant, le revenu et les gains en capital gagnés dans le CELI ne sont pas assujettis à l’impôt lorsqu’ils en sont retirés.

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Chapitre 2

Explorez nos calculatrices et taux d’impôt utiles disponibles en ligne

Lucie Champagne, Alan Roth, Candra Anttila et Yiyun Chen, Toronto

Souvent mentionnées par les chroniqueurs sur la planification financière, nos calculatrices compatibles avec les mobiles offertes sur ey.com/fr_ca vous permettent de comparer le total de l’impôt fédéral et de l’impôt provincial des particuliers à payer en 2023 et 2024 dans toutes les provinces et tous les territoires. Une deuxième calculatrice vous permet de comparer le total de l’impôt fédéral et de l’impôt provincial des particuliers à payer pour 2024.

Vous trouverez également des outils de planification fiscale des particuliers utiles pour 2025 et pour 2024 aux fins de comparaison :

  • La calculatrice REER calculant l’économie d’impôt découlant de votre cotisation
  • Les taux et crédits d’impôt des particuliers par province et territoire pour toutes les fourchettes de revenu

De plus, vous trouverez dans ce site de précieux outils de planification fiscale des sociétés pour 2025 et pour 2024 aux fins de comparaison :

  • Les taux d’impôt sur le revenu des sociétés fédéraux et provinciaux combinés applicables au revenu admissible au taux des petites entreprises, au revenu de fabrication et de transformation et au revenu assujetti au taux général
  • Les taux d’impôt sur le revenu des sociétés provinciaux applicables au revenu admissible aux taux des petites entreprises, au revenu de fabrication et de transformation et au revenu assujetti au taux général
  • Les taux d’impôt sur le revenu des sociétés applicables au revenu de placement gagné par les sociétés privées sous contrôle canadien et par d’autres sociétés

Vous trouverez ces ressources utiles et bien d’autres – notamment nos plus récents points de vue, nos documents de leadership éclairé, les bulletins FiscAlerte, des renseignements à jour sur les budgets de 2025, nos bulletins Questionsfiscales@EY et plus encore – sur ey.com/ca/calculatriceimpot.

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Chapitre 3

La Cour canadienne de l’impôt précise la portée du secret professionnel de l’avocat

Coopers Park Real Estate Development Corporation v His Majesty the King, 2024 TCC 122

Evelyn Tang, Calgary

Dans la décision Coopers Park Real Estate Development Corporation v His Majesty the King, la Cour canadienne de l’impôt (la « CCI ») a réitéré les principes relatifs à l’interrogatoire préalable et les circonstances restreintes dans lesquelles le secret professionnel de l’avocat peut être invoqué.

La CCI a confirmé que le secret professionnel de l’avocat s’applique aux communications entre un avocat et son client qui visent des consultations juridiques ou des avis donnés, ainsi qu’aux documents visés par la communication continue au cours de laquelle l’avocat dispense des conseils. Cependant, il n’existe aucun secret professionnel du comptable.

Contexte et faits

La question sous‑jacente dans cet appel était l’application de la règle générale anti‑évitement. Toutefois, la CCI s’est aussi penchée, dans cette décision, sur une requête de la Couronne demandant une ordonnance obligeant le contribuable à :

  • répondre aux questions en suspens;
  • demander des renseignements à des tiers au sujet des opérations en cause;
  • produire les documents pour lesquels le contribuable avait invoqué le secret professionnel de l’avocat.

Réponses incomplètes et refus de répondre

Pendant le processus d’administration de la preuve dans le cadre d’une poursuite judiciaire, chaque partie a l’occasion de poser des questions à l’autre et de lui demander de produire des documents.

Conformément au paragraphe 95(1) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »), la personne interrogée au préalable répond aux questions pertinentes à une question en litige. Un principe général veut que la question de la pertinence, dans le cadre de l’interrogatoire préalable, soit interprétée d’une façon large et libérale; et que le critère applicable soit encore moins rigoureux à l’instruction de l’affaire. La pertinence d’une question est déterminée en fonction des faits et des points litigieux soulevés par les parties dans leurs actes de procédure.

La CCI a examiné les réponses incomplètes du contribuable à certaines des questions ainsi que les questions auxquelles il avait refusé de répondre, et elle a établi si d’autres réponses devaient être fournies de manière ponctuelle.

À l’issue de son examen, la CCI a conclu que la propre conduite du contribuable avait contribué à étirer l’interrogatoire préalable. Par exemple, le contribuable fournissait de l’information de façon fragmentaire, ce qui entraînait d’autres questions de suivi quand de nouveaux renseignements étaient reçus. De plus, le contribuable a fourni des réponses vagues ou incomplètes à des questions pertinentes, a renvoyé la Couronne à des documents qu’elle devait analyser pour établir sa position ou sa réponse; et a fait fi du contexte des questions ayant trait à des documents, à des évènements ou à des opérations spécifiques.

Par conséquent, la CCI a ordonné au contribuable de répondre à la majorité des questions contestées.

Demandes de renseignements et demandes de documents à des tiers

Dans la partie de sa requête portant sur les demandes de renseignements et de documents à des tiers, la Couronne a demandé des documents que le contribuable n’avait pas en sa possession. Néanmoins, la Couronne a soutenu que ces documents, qui étaient des copies de documents de planification et de conseils fournis par les anciens conseillers du contribuable, étaient « sous la garde » de ce dernier.

Puisque les parties s’étaient entendues sur une communication partielle des documents en vertu de la règle 81 des Règles et non sur une communication intégrale selon la règle 82, la CCI a conclu que son pouvoir d’obliger le contribuable à demander d’autres renseignements ou documents était limité, d’autant plus que le contribuable avait déjà répondu aux questions initiales et à deux séries de questions de suivi.

Selon la règle d’interprétation générale énoncée à la règle 4 des Règles, les règles « doivent recevoir une interprétation large afin d’assurer la résolution équitable sur le fond de chaque instance de la façon la plus expéditive et la moins onéreuse ». Cependant, comme il n’est pas exigé à la règle 81 que les parties produisent la liste de tous les documents pertinents en leur possession, sous leur contrôle ou sous leur garde, la CCI ne pouvait pas recourir à l’interprétation large et générale permise par la règle 4 pour élargir l’interprétation de la règle 81 dans la mesure dans laquelle la Couronne le demandait.

La CCI a tout de même souligné que la Couronne pouvait se tourner vers d’autres voies de recours prévues dans les Règles pour obtenir l’information en cause, en se prévalant soit de la règle 99 pour interroger un tiers – en l’espèce, les anciens conseillers du contribuable –, soit de la règle 86 pour demander la production d’un document en la possession d’un tiers.

Secret professionnel de l’avocat

Le contribuable a invoqué le secret professionnel de l’avocat à l’égard des documents en cause, au motif que ces documents faisaient partie d’une chaîne de communication avec son avocat visant à obtenir des conseils juridiques. Plus précisément, le contribuable a déclaré que, lorsque son cabinet d’experts‑comptables rédigeait un document ou transmettait de l’information, ledit cabinet agissait à titre de mandataire du contribuable dans ses communications avec l’avocat.

La Couronne a toutefois soutenu que les conseils de planification fiscale fournis par un comptable ne sont pas protégés par le secret professionnel; et que le contribuable n’avait pas présenté suffisamment d’éléments de preuve montrant que le cabinet d’experts‑comptables agissait à titre de mandataire du contribuable.

La CCI a énoncé les principes juridiques établis suivants concernant le secret professionnel de l’avocat et que les parties ont acceptés :

  • Le secret professionnel de l’avocat s’applique à une communication entre l’avocat et son client qui comporte une consultation ou un avis juridiques et que les parties considèrent de nature confidentielle.
  • Le secret professionnel de l’avocat s’applique aux documents visés par la communication continue au cours de laquelle l’avocat dispense des conseils.
  • Bien qu’il n’existe aucun secret professionnel du comptable, le secret professionnel de l’avocat s’applique lorsqu’un comptable agit à titre de représentant ou de mandataire d’un client en obtenant les conseils juridiques de la part d’un avocat.
  • Le secret professionnel de l’avocat ne s’applique pas lorsque le comptable fournit ses propres conseils ou des conseils indépendants en matière de fiscalité, que ce soit à l’avocat ou au client, et ce même si l’avocat porte globalement la responsabilité lorsqu’il fournit des conseils sur une opération.

La jurisprudence récente a établi une approche « fonctionnelle » qu’il convient d’appliquer au moment d’évaluer si le secret professionnel de l’avocat s’étend aux communications avec un tiers. Selon cette approche, la question de savoir si une communication est soumise au secret professionnel dépend de la fonction que remplit le tiers relativement à cette communication. Pour que le secret professionnel de l’avocat s’applique, la communication doit avoir été effectuée dans l’exécution d’une fonction essentielle à la relation avocat‑client ou dans le continuum des conseils juridiques que donne l’avocat. Plus précisément, aucun secret professionnel ne se rattache à une communication faite à un comptable qui doit l’examiner et fournir sa propre opinion comptable.

Lorsqu’il s’agit de prétentions au privilège du secret professionnel, la CCI a précédemment conclu que, en cas de défaut d’une des parties de présenter des éléments de preuve à l’appui de cette prétention, la CCI doit alors rendre une décision seulement au vu du document.

Dans l’affaire Coopers Park, lors de son examen des documents pour déterminer s’ils étaient protégés par le secret professionnel de l’avocat, la CCI a constaté que le contribuable n’avait présenté aucun affidavit ni témoignage de vive voix à l’appui de son assertion concernant le secret professionnel. Plutôt, le contribuable a déposé un tableau contenant une liste avec description des documents contestés. La CCI a fait remarquer que ce tableau ne constituait pas un élément de preuve; elle s’est donc fiée aux documents et a rendu ses décisions en se fondant uniquement sur ce qui avait été déposé.

Au bout du compte, le fait de s’en remettre au pouvoir discrétionnaire de la CCI s’est avéré fatal à la cause du contribuable, dans laquelle de nombreux documents ne contenaient ni date ni nom d’auteur ou de destinataire. La CCI a souligné que, en l’absence de preuve par affidavit de la part des parties directement en cause, il lui était impossible de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que ces documents s’inscrivaient dans le continuum de l’obtention de conseils juridiques; il ne suffit pas de présenter de simples assertions pour s’acquitter du fardeau de la preuve. La CCI a conclu que, sur les 19 documents à l’égard desquels le contribuable a invoqué le secret professionnel de l’avocat, seules une chaîne de courriels et certaines parties d’une lettre de mandat étaient protégées par le privilège du secret professionnel.

Leçons tirées

Il est important de retenir que même si la planification fiscale exige souvent, de nos jours, les compétences et les connaissances de nombreux types de professionnels, il n’existe aucun secret professionnel du comptable; de plus, une communication n’est pas protégée par le secret professionnel de l’avocat simplement parce qu’un avocat a participé à la discussion.

Si l’intention est que le secret professionnel de l’avocat s’applique, il faut veiller tout particulièrement à ce que celui‑ci soit adéquatement protégé et à ce que les professionnels qui participent au processus de planification fiscale, mais qui ne sont pas des avocats, n’outrepassent pas leur rôle en formulant des conseils indépendants.

Enfin, il incombe à la partie qui revendique le secret professionnel de l’avocat de présenter suffisamment d’éléments de preuve à l’appui de sa prétention. Publications et articles

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Chapitre 4

Les bulletins FiscAlerte – Canada récents

Nos bulletins FiscAlerte traitent des nouvelles, événements et changements législatifs de nature fiscale touchant les entreprises canadiennes. Ils présentent des analyses techniques sommaires vous permettant de rester bien au fait de l’actualité fiscale.

FiscAlerte – Canada




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Dans ce numéro : Conseils pour la production de déclarations de revenus des particuliers; décision de la CCI sur une stratégie de « pipeline post‑mortem »

    Résumé

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