Krista Fox et Alan Roth, Toronto
La saison des impôts des particuliers 2022 vient tout juste de se terminer, et si vous devez verser des acomptes provisionnels pour l’année d’imposition 2023, vous devez faire votre prochain versement d’ici le 15 juin.
Étant donné la récente hausse des taux d’intérêt entraînée par les pressions inflationnistes, il est particulièrement important de choisir la méthode de calcul des acomptes provisionnels qui conviendra le mieux à votre situation. Si vous n’appliquez pas correctement la méthode appropriée, vous pourriez faire l’objet d’une cotisation d’intérêts à des taux élevés (le taux est de 9 % pour le deuxième trimestre de 2023) et, dans certains cas, de pénalités également.
Contexte
De façon générale, si la différence entre l’impôt à payer et l’impôt retenu à la source est supérieure à 3 000 $ (1 800 $ pour les résidents du Québec) pour l’année en cours et l’une ou l’autre des deux années antérieures, vous êtes tenu de verser des acomptes provisionnels trimestriels.
À cet égard, l’impôt à payer combine l’impôt à payer sur le revenu provincial ou territorial et fédéral, sauf au Québec. Si vous êtes résident du Québec, vous êtes tenu de verser des acomptes provisionnels d’impôt fédéral si la différence entre l’impôt fédéral à payer et l’impôt fédéral retenu à la source est supérieure à 1 800 $ pour l’année en cours et l’une ou l’autre des deux années antérieures. On appelle généralement impôt net à payer ou solde exigible la différence entre l’impôt à payer et le total des retenues à la source. L’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») vous enverra un rappel d’acomptes provisionnels s’il a été déterminé à ce moment que les montants d’impôt net à payer des années antérieures atteignent le plafond des acomptes provisionnels.
Pour les particuliers qui ne sont ni agriculteurs ni pêcheurs, les acomptes provisionnels trimestriels doivent être versés le 15 mars, le 15 juin, le 15 septembre et le 15 décembre. Le rappel de février concerne les versements de mars et de juin, tandis que le rappel d’août concerne ceux de septembre et de décembre.
Si la date d’exigibilité d’un acompte provisionnel tombe un samedi, un dimanche ou un jour férié, l’ARC considère que le versement est effectué à temps s’il est reçu le jour ouvrable suivant ou que le cachet de la poste porte cette date.
Méthodes de calcul
Trois méthodes sont permises pour le calcul des acomptes provisionnels. L’information qui suit porte sur l’application de ces trois méthodes pour l’année d’imposition 2023 :
Méthode sans calcul
Vous pouvez simplement choisir de payer le montant indiqué sur les rappels d’acomptes provisionnels que l’ARC vous envoie. De façon générale, dans ses rappels, l’ARC utilise la méthode sans calcul, selon laquelle chacun de vos deux premiers versements d’acomptes provisionnels de 2023 correspond à un quart de votre solde exigible pour l’année d’imposition 2021, tandis que chacun de vos troisième et quatrième versements de 2023 correspond à 50 % de l’excédent de votre solde exigible pour 2022 sur les montants de vos deux premiers versements.
En utilisant la méthode sans calcul et en versant les acomptes provisionnels indiqués lorsqu’ils sont exigibles, vous évitez que des intérêts ou des pénalités s’appliquent sur des acomptes insuffisants. Même si le montant final d’impôt à payer est plus élevé que les acomptes provisionnels indiqués et versés pour l’année, l’ARC n’imposera pas d’intérêts ni de pénalité à l’égard de vos acomptes provisionnels. Toutefois, si vous prévoyez que votre impôt net à payer pour l’année courante sera considérablement inférieur à celui des deux années précédentes, la méthode sans calcul pourrait se traduire par des acomptes provisionnels versés en trop. L’une des autres méthodes pourrait être plus appropriée à votre situation.
Méthode de l’année précédente
Vous pouvez choisir plutôt de calculer chaque versement d’acompte provisionnel pour qu’il corresponde à un quart de votre solde exigible total de 2022. Si les acomptes provisionnels ont été correctement calculés à l’aide de cette méthode, des intérêts ne vous seront pas imposés même si le montant réel d’impôt net à payer pour l’année courante est supérieur à la somme des acomptes provisionnels versés.
Méthode de l’année courante
La troisième méthode vous permet de calculer vos acomptes provisionnels pour que chaque versement corresponde à un quart de votre solde exigible estimatif de 2023. Cette méthode peut permettre de réduire vos acomptes provisionnels s’il est prévu que votre impôt sur le revenu à payer pour 2023 sera inférieur à celui de 2021 et de 2022; toutefois, vous devrez payer des intérêts et peut‑être des pénalités dans certains cas si vous versez des acomptes provisionnels insuffisants parce que vous avez sous‑évalué votre solde exigible de 2023. Par conséquent, cette méthode de calcul peut être la plus risquée.
Intérêts sur les acomptes provisionnels
L’ARC impose des intérêts non déductibles sur les acomptes provisionnels si vous étiez tenu d’en verser pour l’année et que vous avez reçu un rappel d’acomptes provisionnels, mais que vous n’avez pas effectué les versements ou les avez effectués en retard, ou que le montant versé était insuffisant. Les acomptes en retard ou insuffisants donnent lieu à des intérêts composés quotidiennement et calculés à l’aide de taux prescrits qui varient d’un trimestre à l’autre. Pour le deuxième trimestre de 2023, le taux fédéral prescrit pour les impôts en souffrance s’élève à 9 %.
Les frais d’intérêts sont calculés à partir de la date à laquelle chaque acompte est exigible. Cependant, vous pourriez être en mesure de réduire, voire d’éliminer les intérêts et les pénalités débités sur les acomptes provisionnels insuffisants ou en retard en effectuant un versement anticipé ou un versement excédentaire pourvu qu’il vise la même année d’imposition.
Pénalité sur les acomptes provisionnels
En plus des intérêts sur les acomptes en retard ou insuffisants, des pénalités s’appliquent également si la somme des intérêts à payer pour l’année dépasse 1 000 $. Dans ce cas, la pénalité correspond à la moitié de l’excédent éventuel des intérêts payables sur les acomptes provisionnels insuffisants ou en retard pour l’année, sur le plus élevé de 1 000 $ et de 25 % des intérêts qui auraient été payables si aucun acompte provisionnel n’avait été payé pour l’année.
Par exemple, si le total des intérêts à payer sur les acomptes provisionnels d’un particulier pour 2023 s’élève à 1 500 $ et que la somme des frais d’intérêts aurait été de 2 300 $ si aucun acompte provisionnel n’avait été payé pour 2023, la pénalité sur les acomptes provisionnels s’élèverait à 250 $ selon le calcul suivant :
50 % x (1 500 $ – (le plus élevé de 1 000 $ et de (25 % x 2 300 $))
= 50 % x (1 500 $ - 1 000 $) = 250 $.
Cette pénalité ne s’applique pas aux fins du calcul de l’impôt du Québec. Dans cette province, lorsque le montant versé est inférieur à 75 % des acomptes qui auraient dû être versés, des intérêts additionnels de 10 % par année, composés quotidiennement, en plus des intérêts habituels, sont imputés à la partie impayée de ces acomptes.
Gagnon c. Le Roi
Rendue dans le cadre de la procédure informelle, cette récente décision de la Cour canadienne de l’impôt (la « CCI ») souligne les conséquences de l’application de la mauvaise méthode de calcul des acomptes provisionnels pour une année d’imposition et, plus particulièrement, les risques associés au choix de la méthode de l’année courante.
Les contribuables, un couple marié, devaient verser des acomptes provisionnels pour l’année d’imposition 2019 puisque leur impôt net à payer pour chacune des trois années d’imposition précédentes était supérieur au plafond de 3 000 $. Les contribuables avaient choisi la méthode de l’année courante pour calculer leurs versements d’acomptes provisionnels de 2019. En choisissant cette méthode, l’épouse avait notamment pu réduire de près de 50 % la somme totale de ses trois premiers versements d’acomptes provisionnels de 2019, puisqu’elle a versé 70 500 $ au lieu des 133 470 $ qu’elle aurait dû verser selon la méthode sans calcul proposée dans les rappels d’acomptes provisionnels envoyés par l’ARC.
En novembre 2019, la société de portefeuille des contribuables avait déclaré un dividende à verser avant le 15 décembre 2019, s’appuyant sur l’hypothèse qu’une modification du traitement fiscal des revenus de dividendes canadiens serait prévue dans le budget fédéral à venir. Par conséquent, les contribuables avaient chacun reçu un dividende de 300 000 $, faisant ainsi augmenter de façon substantielle leurs revenus et impôts à payer respectifs, et donc les acomptes provisionnels à payer selon la méthode qu’ils avaient choisie. Les contribuables avaient augmenté le montant de leur versement du 15 décembre en raison du revenu supplémentaire tiré du dividende. Toutefois, leurs trois premiers versements pour 2019 étaient désormais insuffisants.
L’ARC avait imposé des intérêts sur les acomptes provisionnels insuffisants versés en mars, en juin et en septembre 2019 et, dans le cas de l’un des contribuables, imposé une pénalité sur les versements insuffisants.
Les contribuables ont soutenu que le dividende de novembre 2019 était non anticipé et imprévu, et que, sans celui‑ci, leurs estimations initiales de l’impôt à payer auraient été exactes, de sorte que les versements selon la méthode de l’année courante auraient été suffisants. Ainsi, selon eux, ils ne devraient pas être tenus de payer des intérêts sur les sommes dues pour les acomptes de mars, de juin et de septembre, puisqu’au moment où ces acomptes ont été versés, ils ne s’attendaient pas à recevoir ce revenu de dividende plus tard dans l’année, et il leur aurait été impossible de verser ces acomptes en se basant sur des renseignements futurs inconnus. Ils ont également fait valoir que, si des intérêts étaient applicables, ils ne devraient l’être que sur le montant payable pour la période allant du moment de la déclaration du dividende à la date de versement des acomptes provisionnels du 15 décembre 2019.
Rejetant leurs appels, la CCI a conclu que les contribuables avaient délibérément fait le choix de déclarer un dividende important par le biais de leur société de portefeuille à titre de plan fiscal provisoire de fin d’année, et que les intérêts et les pénalités étaient « les coûts de ce choix évitable ».
Conclusion
En passant en revue vos obligations d’acomptes provisionnels pour l’année, il faut tenir compte des conséquences possibles liées au choix de la méthode de calcul de vos acomptes provisionnels. Bien que la méthode de l’année courante puisse donner lieu à des versements d’acomptes provisionnels moins élevés si vous prévoyez que votre revenu imposable pour l’année courante sera inférieur à celui des années précédentes, le fait de sous‑estimer votre solde exigible pour l’année courante pourrait être une erreur coûteuse étant donné la récente hausse du taux d’intérêt prescrit. Si vous ne savez pas quelle option est la mieux adaptée à votre situation, consultez votre conseiller professionnel.