15 minutes de lecture 7 avr. 2020
EY - Femme travaillant de la maison

Questionsfiscales@EY – Avril 2020

Par EY Canada

Organisation de services professionnels multidisciplinaires

15 minutes de lecture 7 avr. 2020
Questionsfiscales@EY est un bulletin canadien mensuel qui vous aide à rester au fait des nouveautés en fiscalité, de l’évolution jurisprudentielle, des publications et plus encore.

Comment les nouvelles fiscales pourraient aider à planifier?

Les questions fiscales nous concernent tous. Pour vous aider à rester au fait des sujets de l’heure, le numéro d'avril du bulletin canadien Questionsfiscales@EY est maintenant disponible. Le numéro d’avril aborde les sujets suivants :

EY - Cybersécurité
(Chapter breaker)
1

Chapitre 1

Communications de l’ARC : êtes-vous plus futé que les fraudeurs?

Krista Fox et Lucie Champagne, Toronto

L’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), l’Internal Revenue Service des États-Unis et d’autres autorités fiscales mettent depuis longtemps le public en garde contre les communications frauduleuses, communément appelées arnaques ou techniques d’hameçonnage. Des milliers de Canadiens ont été victimes de ces fraudes qui leur ont fait perdre des millions de dollars.

Malheureusement, les stratagèmes des fraudeurs sont de plus en plus sophistiqués. Les groupes organisés sont établis à divers endroits au Canada et à l’étranger et peuvent rapidement s’installer ailleurs s’il y a lieu, de sorte qu’il est encore plus difficile pour les forces de l’ordre de protéger les Canadiens.

Comme la saison des impôts bat son plein, le moment est propice pour rappeler les types de fraudes liées à l’ARC les plus courants et la façon de les distinguer des communications légitimes de l’ARC.

Types de fraudes courants

Les communications frauduleuses liées à l’ARC s’effectuent de diverses manières, notamment au téléphone, par la poste, par courriel et par messagerie instantanée. Une fraude courante prend la forme d’un appel téléphonique ou d’un courriel provenant prétendument d’un employé de l’ARC qui vous informe que vous avez une dette fiscale impayée et vous menace d’accusations criminelles ou d’emprisonnement si vous ne la remboursez pas immédiatement par virement Interac ou au moyen d’une carte de crédit prépayée.

D’autres fraudeurs peuvent communiquer avec vous par courriel en prétendant devoir mettre à jour ou vérifier vos renseignements personnels ou financiers afin que vous puissiez recevoir votre remboursement d’impôt de l’ARC. Ces courriels peuvent vous demander de fournir votre numéro d’assurance sociale, votre numéro de carte de crédit ou les renseignements liés à votre compte bancaire, ou de numériser votre permis de conduire ou votre passeport.

Une autre fraude courante prend la forme d’un courriel ou d’un message texte prétendument envoyé par l’ARC qui vous annonce que vous avez droit à une prestation ou au remboursement d’un trop-payé d’impôt. Le courriel comprend une pièce jointe ou un lien vers une fausse page de l’ARC où l’on vous demande de fournir des renseignements personnels ou financiers pour recevoir la prestation ou le remboursement en question.

Distinguer les communications légitimes de l’ARC des communications frauduleuses

Il peut être difficile de faire la distinction entre une communication authentique de l’ARC et une tentative de fraude. Les fraudeurs les plus sophistiqués peuvent avoir recours à une fausse identification de l’appelant (faux nom affiché et faux numéro de téléphone) pour donner l’impression que la communication provient vraiment de l’ARC. Les communications frauduleuses comportent souvent des images, des liens, des pages de renvoi et des formulaires qui ressemblent à ceux de l’ARC.

Afin de lutter contre ces arnaques, l’ARC fournit sur son site Web des conseils généraux pour déceler les communications qui ne proviennent pas d’elle1.

Au téléphone – L’ARC peut parfois téléphoner aux contribuables pour amorcer un processus de vérification ou pour offrir, sans frais, aux petites entreprises des services pour les aider à comprendre leurs obligations fiscales. Tel qu’il est mentionné sur le site Web de l’ARC, lors d’appels téléphoniques, les agents de l’ARC peuvent demander des renseignements personnels, comme une adresse, un numéro d’assurance sociale ou un numéro de compte d’entreprise, pour vérifier l’identité du contribuable. Comme nous le verrons ci-après, certains comportements et demandes de l’appelant, comme un langage agressif ou menaçant, peuvent vous aider à repérer une arnaque, mais ce n’est pas toujours le cas. Si vous doutez de la légitimité de l’appel, demandez à l’appelant de vous fournir son nom et son numéro de téléphone, la section où il travaille et l’adresse de son bureau pour pouvoir vérifier son identité avant de fournir des renseignements personnels au téléphone2.

Par courriel – Des communications légitimes de l’ARC peuvent être envoyées par courriel afin de vous aviser d’un nouveau message ou d’un document à consulter dans ses portails sécurisés, tels Mon dossier, Mon dossier d’entreprise ou Représenter un client. L’ARC peut également vous envoyer un courriel contenant un lien vers une de ses pages Web, un de ses formulaires ou une de ses publications, si vous le lui aviez demandé pendant un appel ou une réunion avec elle. Le site Web de l’ARC indique clairement que c’est le seul cas où l’ARC vous enverra un courriel contenant un lien.

Par la poste – Les communications légitimes de l’ARC envoyées par la poste peuvent comprendre un avis de cotisation ou de nouvelle cotisation, une demande de renseignements, comme le nom et l’adresse de la banque du contribuable, ou une demande de paiement d’un montant dû au moyen d’une option de paiement offerte par l’ARC. L’ARC peut écrire à un contribuable pour l’informer que des mesures prévues par la loi sont prises pour recouvrer une dette, pour amorcer un processus de vérification ou pour offrir sans frais à une petite entreprise une aide concernant ses obligations fiscales. Si vous recevez de la correspondance qui semble douteuse ou qui ne cadre pas avec votre situation fiscale, vous pouvez communiquer avec l’ARC pour en confirmer la légitimité. Ces renseignements peuvent aussi être disponibles dans les portails sécurisés de l’ARC tels que Mon dossier et Mon dossier d’entreprise ou via les applications mobiles MonARC et MesPrestations ARC.

Par message texte / messagerie instantanée – L’ARC ne communique pas avec les contribuables par message texte ou messagerie instantanée, comme Facebook Messenger ou WhatsApp.

Pour donner plus de précisions, l’ARC indique clairement sur son site Web ce qu’elle ne fera jamais :

  • Utiliser un langage agressif ou menaçant
  • Menacer de vous faire arrêter ou emprisonner
  • Exiger le paiement immédiat d’un montant dû par virement Interac ou au moyen d’une carte de crédit prépayée, d’une carte cadeau ou de bitcoins
  • Organiser une rencontre dans un lieu public pour que vous lui fassiez un paiement en personne
  • Donner ou demander des renseignements personnels ou financiers par courriel
  • Envoyer un courriel contenant un lien qui vous demande de fournir des renseignements personnels ou financiers dans un formulaire en ligne, ou un courriel vous demandant de cliquer sur un lien pour obtenir un remboursement
  • Envoyer des documents ou des formulaires que vous ne lui avez pas expressément demandés
  • Demander des renseignements figurant sur votre passeport, votre permis de conduire ou votre carte santé
  • Divulguer les renseignements d’un contribuable à une autre personne sans autorisation officielle du contribuable
  • Laisser des messages vocaux menaçants ou donnant des renseignements personnels
  • Demander de laisser un message vocal contenant vos renseignements personnels

L’ARC fournit également sur son site Web divers exemples et scénarios d’appels téléphoniques, de courriels, de lettres, de messages texte et de formulaires de demande de remboursement en ligne frauduleux.

Protégez-vous et protégez les autres

Même si les stratagèmes frauduleux ne cessent de se raffiner, les contribuables peuvent se protéger de diverses façons.

Même si la communication « de l’ARC » semble légitime, prenez un instant pour vous demander si les renseignements fournis ou demandés sont raisonnables à la lumière de votre situation fiscale. Vous ne devriez pas vous sentir pressé d’agir immédiatement. Les fraudeurs suscitent souvent la peur en créant un faux sentiment d’urgence. Par contre, si vous devez bel et bien de l’argent à l’ARC et que nous n’êtes pas en mesure de payer la somme au complet, communiquez de façon proactive avec un agent des recouvrements de l’ARC pour conclure un arrangement.

Si vous doutez de la légitimité d’une communication « de l’ARC », vous devriez consulter votre compte en ligne dans les portails de l’ARC ou appeler la ligne des demandes de renseignements générales de l’ARC avant de faire quoi que ce soit. Si vous ne l’avez pas déjà fait, vous devriez vous inscrire à Mon dossier ou à Mon dossier d’entreprise et demander à recevoir les avis par courriel qui vous informeront notamment que des changements ont été apportés à votre compte, notamment à votre adresse ou aux renseignements bancaires pour le dépôt direct, ou que du courrier envoyé par l’ARC a été retourné.

En cas de doute, posez-vous les questions suivantes :
  • Est-ce que je sais avec certitude qui me demande ces renseignements?
  • Est-ce que j’attends un autre remboursement de l’ARC ou ai-je une dette fiscale?
  • Est-ce que cela semble trop beau pour être vrai?
  • Est-ce que je fournirais les renseignements demandés dans ma déclaration de revenus?
  • Les renseignements demandés sont-ils liés à ma dette fiscale?
  • Est-ce qu’on me demande de fournir des renseignements que l’ARC a déjà dans ses dossiers?
  • Comment le demandeur s’est-il procuré mon adresse courriel ou mon numéro de téléphone?
  • L’URL du lien contenu dans le courriel m’apparaît-elle douteuse lorsque je place mon curseur dessus?
  • La communication contient-elle des erreurs grammaticales évidentes?
  • Ai-je déjà reçu mon remboursement ou mon avis de cotisation?
  • Me suis-je inscrit au service de courrier en ligne dans Mon dossier ou Mon dossier d’entreprise?
  • Ai-je déjà reçu de l’ARC une communication écrite à ce sujet?

Restez vigilant afin de protéger votre identité, y compris vos mots de passe et vos codes d’accès. Les fraudeurs ne se font pas toujours passer pour l’ARC ou l’Internal Revenue Service. Ils peuvent aussi, par exemple, se faire passer pour d’autres organismes gouvernementaux, des sociétés de services publics ou des entreprises.

Vous devriez toujours faire preuve d’une grande prudence lorsque vous fournissez des renseignements personnels, et vous ne devriez jamais donner de renseignements personnels ou financiers en ligne ou par la poste. Face à toute demande de renseignements personnels, il faut se demander pourquoi les renseignements sont requis et si ceux-ci seront protégés.

De plus, vous ne devez pas cliquer sur des liens ou ouvrir des pièces jointes se trouvant dans des courriels douteux ou envoyés par des expéditeurs inconnus. Vous pouvez aussi recevoir des liens par message texte, qui peuvent constituer une technique d’hameçonnage pour dérober vos renseignements personnels ou peuvent contenir un logiciel malveillant pouvant endommager votre ordinateur et compromettre la sécurité de vos renseignements personnels. De plus, assurez-vous que vos antivirus, correctifs de sécurité et programmes de sécurité internet sont à jour.

Tout le monde peut être victime de fraude, mais les aînés sont souvent ciblés par les fraudeurs. Ces derniers sont souvent perçus comme ayant davantage d’épargnes et de placements, et sont plus susceptibles d’être isolés socialement ou de souffrir d’un trouble influant sur leur capacité à prendre de bonnes décisions financières. Les aînés sont plus vulnérables aux fraudes axées sur la peur et les pressions, et sont souvent moins informés des cyberrisques. Leur famille et leurs amis devraient parler avec eux pour s’assurer qu’ils sont au courant des arnaques les plus courantes, qu’ils comprennent pourquoi ils peuvent être particulièrement vulnérables et qu’ils savent comment éviter d’être victimes de fraudes. Les services de police locaux tiennent souvent des séances d’information sur la prévention de la fraude dans les résidences de soins de longue durée et les maisons de retraite.

Les personnes qui ont été victimes d’une fraude, ou qui croient l’avoir été, devraient communiquer avec le Centre antifraude du Canada et leur service de police local. Elles devraient aussi communiquer avec l’ARC si un nom d’utilisateur ou un mot de passe permettant d’accéder aux services en ligne de l’ARC sont en cause, afin de désactiver ou réactiver l’accès à ces services.

Conclusion

Même si les fraudes semblent plus fréquentes durant la saison des impôts, elles peuvent survenir à tout moment de l’année, et les fraudeurs trouvent toujours de nouvelles méthodes pour profiter des victimes ciblées. La vigilance est de mise toute l’année. Soyez prudent lorsque vous transmettez des renseignements personnels ou financiers, assurez-vous de bien avoir affaire à un agent de l’ARC, et veillez à garder en lieu sûr les versions imprimées et électroniques de vos documents.

L’ARC continue d’être proactive en mettant en garde les contribuables contre des arnaques récentes notamment dans les médias sociaux. En plus de l’information fournie par l’ARC, les bulletins de nouvelles et les sites Web dignes de confiance, dont ceux des gouvernements fédéral et provincial, du Centre antifraude du Canada, du Bureau de la concurrence et de la Gendarmerie royale du Canada, constituent de bonnes sources d’information.

EY - Cabane en rondins près d'un lac
(Chapter breaker)
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Chapitre 2

Les dépôts d’un époux dans un compte conjoint ne constituent pas des transferts de biens

White v. The Queen, 2020 TCC 22

Par Winnie Szeto, Toronto

La Cour canadienne de l’impôt (la « CCI ») a conclu qu’un dépôt de fonds fait par l’époux dans un compte détenu conjointement avec son épouse ne constitue pas un transfert de biens aux fins de l’article 160 de la Loi de l’impôt sur le revenu1 (la « LIR ») et de l’article 325 de la Loi sur la taxe d’accise2 (la « LTA »). Ces deux dispositions confèrent à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») de vastes pouvoirs pour recouvrer des sommes dues au titre de l’impôt sur le revenu et de la taxe sur les produits et services / taxe de vente harmonisée (la « TPS/TVH ») par un contribuable auprès d’une personne à qui le contribuable a transféré des biens.

Faits

M. et Mme A s’étaient mariés en 1984 et avaient un compte conjoint depuis cette date. Depuis 35 ans, M. et Mme A utilisaient les fonds du compte conjoint pour acquitter leurs dépenses personnelles et les dépenses relatives à la famille.

En 1993, M. A était devenu propriétaire à 50 % d’une société forestière. En 2004, la société avait commencé à éprouver des difficultés financières, et en 2006, elle avait vendu l’intégralité de ses actifs et avait cessé ses activités. Au moment où la société avait cessé ses activités, elle n’avait pas remis à l’ARC les sommes qu’elle avait retenues à la source en vertu de la LIR et les sommes qu’elle devait au titre de la taxe nette en vertu de la LTA.

À la suite des difficultés financières de la société, Mme A avait vendu la maison de son enfance dont elle avait hérité de son père. Elle avait utilisé environ 500 000 $ du produit de la vente de la maison pour rembourser une marge de crédit qui était garantie par une hypothèque sur la résidence. M. A avait utilisé les fonds de la marge de crédit pour effectuer des apports de capital à la société. Mme A avait ensuite utilisé la majeure partie du reliquat du produit de disposition pour acheter une plus petite résidence pour la famille. Mme A était la seule propriétaire de cette nouvelle résidence.

En 2009, l’ARC avait établi une première cotisation à l’endroit de M. A, à titre d’administrateur de la société, pour des déductions à la source non remises, des pénalités et des intérêts en vertu de l’article 227.1 de la LIR et pour un montant de taxe nette, des pénalités et des intérêts en vertu du paragraphe 323(1) de la LTA.

Après la cessation des activités de son entreprise, M. A n’avait occupé un emploi à temps plein qu’à partir de mars 2013. Entre le 15 mars 2013 et le 26 mars 2014, M. A avait reçu un revenu d’emploi de 89 806 $, qu’il avait déposé dans le compte bancaire conjoint. Le 26 mars 2014, M. A avait fait une proposition de consommateur en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité3.

À la fin des années 1990, Mme A avait ouvert un compte bancaire à son nom. À cette époque, elle recevait un salaire de 500 $ par mois de la société. Elle déposait ce montant dans son compte bancaire personnel et se servait des fonds pour acheter des articles pour ses enfants et elle-même. De mars 2013 à mai 2015, Mme A avait travaillé dans un magasin de détail local. Elle déposait les gains tirés de son emploi dans son compte bancaire personnel et utilisait les fonds pour acquitter les dépenses relatives à la famille.

Pendant la période en cause, des sommes avaient été transférées du compte bancaire conjoint au compte personnel de Mme A, laquelle acquittait les dépenses relatives à la famille à l’aide des fonds transférés.

Les remboursements du prêt hypothécaire, de même que les paiements des services publics et de l’assurance de la résidence familiale, ainsi que de l’assurance pour certains véhicules appartenant à Mme A, étaient prélevés sur le compte bancaire conjoint.

L’ARC avait établi qu’au 1er mars 2016, M. A lui devait 49 962 $ au titre de la cotisation pour retenues à la source non versées établie en vertu de la LIR et 90 886 $ pour ce qui est de la cotisation pour la taxe nette établie en vertu de la LTA. Par conséquent, le 1er mars 2016, l’ARC avait établi à l’endroit de Mme A une cotisation de 49 962 $ en vertu de l’article 160 de la LIR et une cotisation de 90 886 $ en vertu de l’article 325 de la LTA, étant d’avis que M. A avait transféré ces sommes à Mme A entre le 15 mars 2013 et le 30 octobre 2015.

Mme A a fait appel des deux cotisations devant la CCI.

Au procès, le ministre du Revenu national a abandonné sa poursuite de 49 962 $ en vertu de l’article 160 de la LTA, ayant accepté l’argument de Mme A selon lequel aucun des prétendus transferts effectués après la date de la proposition de consommateur ne pouvait faire l’objet des cotisations en cause. De plus, le ministre a réduit le montant réclamé en vertu de l’article 325 de la LTA à 89 806 $, soit le véritable montant que M. A avait prétendument transféré à Mme A entre le 15 mars 2013 et le 26 mars 2014.

Décision de la CCI

D’entrée de jeu, la CCI a souligné que l’un des objets du paragraphe 160(1) de la LIR et du paragraphe 325(1) de la LTA est d’empêcher un contribuable de transférer des biens à son conjoint pour que l’ARC ne puisse pas recouvrer des dettes fiscales du contribuable.

La CCI a renvoyé à l’arrêt Canada c. Livingston4, où la Cour d’appel fédérale (la « CAF ») a énoncé les quatre critères suivants devant être pris en compte aux fins de l’application du paragraphe 160(1) de la LIR :

  1. L’auteur du transfert doit être tenu de payer des impôts en vertu de la LIR au moment du transfert.
  2. Il doit y avoir eu transfert direct ou indirect de biens au moyen d’une fiducie ou de toute autre façon.
  3. Le bénéficiaire du transfert doit être :
    1. soit l’époux ou le conjoint de fait de l’auteur du transfert au moment de celui ci, ou une personne devenue depuis son époux ou conjoint de fait;
    2. soit une personne qui était âgée de moins de 18 ans au moment du transfert;
    3. soit une personne avec laquelle l’auteur du transfert avait un lien de dépendance.
  4. La juste valeur marchande des biens transférés doit excéder la juste valeur marchande de la contrepartie donnée par le bénéficiaire du transfert.

La CCI a indiqué que ces quatre critères s’appliquaient également au paragraphe 325(1) de la LTA. De plus, la seule question lors du procès portait sur le deuxième critère, à savoir si M. A avait transféré des biens, directement ou indirectement, au moyen d’une fiducie ou de toute autre façon, à Mme A5.

Le ministre faisait valoir qu’il y avait eu transfert de biens lorsque M. A avait déposé son revenu d’emploi de 89 806 $ dans le compte bancaire conjoint. Cependant, Mme A soutenait qu’il n’y avait pas eu transfert à cette époque, car M. A avait toujours le contrôle des fonds, qui pouvaient être saisis par l’ARC ou un tiers.

Dans son raisonnement, la CCI a d’abord cité l’affaire Fasken Estate v. Minister of National Revenue6 :

Le mot « transfert » n’est pas un terme technique et n’a pas de sens technique. Il n’est pas nécessaire qu’un transfert de biens d’un mari à sa femme revête une forme particulière ou qu’il soit fait directement. Il suffit que le mari se départisse des biens en faveur de sa femme, c’est-à-dire qu’il lui cède les biens. Le moyen par lequel il parvient à ce résultat, que ce soit directement ou indirectement, peut à juste titre être appelé un transfert. [Traduction]

En appliquant Fasken Estate, la CCI s’est dite d’avis que le dépôt de fonds dans un compte conjoint ne constitue pas en soi un transfert de biens. M. A ne s’est pas départi des fonds lorsqu’il les a déposés dans le compte bancaire conjoint. Il a continué à y avoir pleinement accès, et il se servait des fonds pour acquitter les dépenses relatives à la famille ainsi que ses dépenses personnelles.

La CCI a également conclu qu’en déposant ses gains dans le compte bancaire conjoint, M. A ne contrecarrait pas les tentatives de recouvrement des impôts/taxes dus de la part du ministre. La CCI a souligné que le ministre aurait pu prendre des mesures de recouvrement à l’égard des fonds dans le compte bancaire conjoint. Cependant, la CCI a conclu qu’il y avait eu transfert lorsque Mme A a retiré les fonds du compte bancaire conjoint.

La CCI a mentionné que sa conclusion était conforme à la décision rendue dans White v. The Queen7, où la CCI, en s’appuyant sur la jurisprudence antérieure8, avait conclu qu’un dépôt de fonds fait par un époux dans un compte bancaire détenu conjointement avec son épouse ne constituait pas un transfert de biens aux fins de l’article 160 de la LIR. Toutefois, la CCI avait conclu qu’il y avait eu transfert de bien lorsque l’épouse avait par la suite utilisé les fonds pour rembourser un prêt hypothécaire qui grevait une résidence dont elle était l’unique propriétaire.

La CCI a également précisé que sa conclusion était conforme à la décision de la CAF dans Yates c. Canada9. Dans cette affaire, la CAF avait conclu qu’il n’y avait pas eu transfert de biens lorsque le contribuable avait déposé des sommes dans les deux comptes bancaires conjoints, mais seulement au moment où il s’était départi plus tard du droit à l’argent dans les comptes bancaires en retirant son nom de ces comptes bancaires conjoints.

Compte tenu de ce qui précède, la CCI a conclu que parmi toutes les sommes déposées par M. A dans le compte bancaire conjoint entre le 1er mars 2013 et le 26 mars 2014, seules les sommes suivantes constituaient un transfert à son épouse :

  • Les sommes transférées du compte bancaire conjoint au compte bancaire personnel de Mme A
  • Les sommes transférées du compte bancaire conjoint à un compte de marge de crédit détenu par Mme A; les fonds dans ce compte avaient servi à acheter un terrain sur lequel le couple espérait faire construire une nouvelle résidence familiale
  • Les sommes transférées du compte bancaire conjoint pour effectuer les remboursements du prêt hypothécaire grevant la résidence familiale; ces paiements représentaient un transfert à Mme A, puisqu’elle était l’unique propriétaire de la résidence familiale

La CCI a jugé que la somme totale transférée du compte conjoint à Mme A s’établissait à 34 052 $. Par conséquent, Mme A devait cette somme en vertu du paragraphe 325(1) de la LTA.

Leçons tirées

Les contribuables doivent être conscients du pouvoir de l’ARC de recouvrer les dettes fiscales impayées en vertu de l’article 160 de la LIR et de l’article 325 de la LTA, car ces dispositions sont souvent négligées dans la conduite des affaires financières.

Bien que cette affaire confirme que le dépôt de fonds dans un compte bancaire conjoint par l’un des époux ne constitue pas automatiquement un transfert à l’autre époux aux fins de ces articles, il est important de reconnaître que l’utilisation finale des fonds est l’élément décisif pour déterminer s’il y a eu transfert de biens.

    1. L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), dans sa version modifiée.
    2. L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa version modifiée.
    3. L.R.C. (1985), ch. B-3,  dans sa version modifiée.
    4. 2008 CAF 89, paragraphe 17.
    5. Le respect des trois autres critères n’était pas contesté.
    6. [1948] Ex. C.R. 580, page 592, [1948] C.T.C. 265, page 279.
    7. [1995] 1 C.T.C. 2538. [Les deux affaires ne semblent pas être liées – l’appelante dans l’affaire de 1995 était Doris White, et non Tammy White, comme dans l’affaire en cause].
    8. Tevine v. Tevine [1953] 2 D.L.R. 125, Re Hodgson (1921), 67 D.L.R. 252 et Banff Park Savings & Credit Union Ltd. v. Rose et al. (1982), 139 D.L.R. (3d) 764.
    9. 2009 CAF 50, [2010] 1 RCF 436.

   

EY - Montgolfières
(Chapter breaker)
3

Chapitre 3

Les bulletins FiscAlerte – Canada récents

Nos bulletins FiscAlerte traitent des nouvelles, événements et changements législatifs de nature fiscale touchant les entreprises canadiennes. Ils présentent des analyses techniques sommaires vous permettant de rester bien au fait de l’actualité fiscale.

FiscAlerte 2020 numéro 9 – Budget du Yukon de 2020-2021

FiscAlerte 2020 numéro 10 – Budget du Québec de 2020-2021

FiscAlerte 2020 numéro 11 – Budget du Nouveau-Brunswick de 2020-2021

FiscAlerte 2020 numéro 12 – Le Canada ratifie l’ACEUM
Le 13 mars 2020, le projet de loi C-4, Loi portant mise en œuvre de l’Accord entre le Canada, les États-Unis d’Amérique et les États-Unis mexicains, a franchi l’étape de la dernière lecture au Parlement du Canada, puis a été sanctionné, de sorte que l’Accord est maintenant ratifié.

FiscAlerte 2020 numéro 13 – Nouvelles règles québécoises en matière de transparence corporative
Le budget du Québec de 2020-2021 déposé le 10 mars 2020 instaure de nouvelles règles et procédures concernant l’immatriculation des entreprises afin d’améliorer la transparence corporative au Québec.

FiscAlerte 2020 numéro 14 – Le Canada annonce certaines mesures fiscales pour venir en aide aux Canadiens et aux entreprises – COVID‑19
Dans la foulée des récents événements, le gouvernement fédéral a annoncé, le 18 mars 2020, des mesures importantes se rapportant au plan d’intervention du Canada pour venir en aide aux Canadiens et aux entreprises.

FiscAlerte 2020 numéro 15 – Plan d’intervention économique du Canada
Le 18 mars 2020, le gouvernement fédéral a annoncé des mesures importantes se rapportant au plan d’intervention du Canada pour venir en aide aux Canadiens et aux entreprises.

FiscAlerte 2020 numéro 16 – Budget du Manitoba de 2020-2021

FiscAlerte 2020 numéro 17 – Soutien du gouvernement de l’Alberta – COVID‑19
Le 18 mars 2020, le gouvernement de l’Alberta a annoncé de nouvelles mesures de financement et de soutien afin d’offrir des aides financières immédiates aux Albertains et aux employeurs de la province.

FiscAlerte 2020 numéro 18 – Le Québec annonce des mesures d’intervention économique – COVID‑19
Chaque jour entre le 16 et le 19 mars 2020, le gouvernement du Québec a dévoilé diverses mesures d’intervention économique, totalisant jusqu’à présent 11 milliards de dollars, pour venir en aide aux particuliers et aux entreprises touchés par la situation actuelle.

FiscAlerte 2020 numéro 19 – Mesures d’intervention économique dans les provinces atlantiques – COVID-19
Les provinces atlantiques et les agences de développement régional concernées sont en train de mettre en œuvre des mesures d’aide aux entreprises et aux employés touchés par l’actuel ralentissement économique découlant des préoccupations sanitaires à l’échelle mondiale. Ces mesures s’ajoutent à celles annoncées par le gouvernement fédéral dans le plan d’intervention économique du 18 mars 2020.

FiscAlerte 2020 numéro 20 – Plan d’intervention économique du Canada : mesures fiscales supplémentaires et lignes directrices – COVID-19
L’Agence du revenu du Canada a annoncé de nouvelles mesures et d’autres renseignements relatifs au plan d’intervention économique du Canada, qui a été annoncé le 18 mars  2020. De plus, certaines précisions ont été apportées par les représentants du gouvernement. Ce bulletin résume les renseignements et les lignes directrices les plus récents.

FiscAlerte 2020 numéro 21 – Mesures d’intervention du gouvernement de la Saskatchewan – COVID‑19
Le 20 mars 2020, le gouvernement de la Saskatchewan a annoncé de nouvelles mesures d’aide financière et de soutien pour réduire les coûts pour les entreprises et les particuliers. Une aide aux travailleurs autonomes qui ne sont pas visés par les nouvelles mesures de soutien fédérales est en outre offerte, et une équipe d’intervention (Business Response Team) a été mise sur pied pour aider les entreprises saskatchewanaises en cette période d’incertitude.

FiscAlerte 2020 numéro 22 – Plan d’intervention de la Colombie-Britannique – COVID‑19
Le 23 mars 2020, le gouvernement de la Colombie-Britannique a annoncé un plan d’intervention de 5 milliards de dollars pour les résidents et les entreprises de la province touchés par la situation actuelle. Ce plan comprend une aide financière de 2,8 milliards de dollars pour aider les particuliers à surmonter la crise et des mesures totalisant 2,2 milliards de dollars pour soutenir les entreprises et relancer l’économie.

FiscAlerte 2020 numéro 23 – Plan d’action de l’Ontario ‑ COVID‑19
Le 25 mars 2020, le gouvernement de l’Ontario a rendu publique sa mise à jour économique et financière pour l’exercice 2020‑2021. Fait à souligner, le gouvernement de l’Ontario a annoncé un plan d’action de 17 milliards de dollars pour faire face aux bouleversements économiques découlant des inquiétudes sanitaires mondiales, soit des ressources supplémentaires de 3,3 milliards de dollars destinées aux soins de santé, une aide de 3,7 milliards de dollars pour soutenir la population et protéger les emplois, et un montant de 10 milliards de dollars pour aider les résidents et les entreprises de la province à améliorer leurs liquidités.

FiscAlerte 2020 numéro 24 – Programme fédéral de subvention salariale ‑ COVID‑19
Pour éviter les mises à pied, le gouvernement fédéral a instauré un programme de subvention salariale. Des précisions supplémentaires concernant le programme ont été rendues publiques dans le cadre du projet de loi C‑13, Loi sur les mesures d’urgence visant la COVID‑19, qui a été adopté le 25 mars 2020.

FiscAlerte 2020 numéro 25 – Plan d’intervention économique du Canada : nouveaux reports des dates limites de production ‑ COVID‑19
Le 26 mars 2020, l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a annoncé certains reports des dates limites de production, en plus de ceux annoncés dans le plan d’intervention économique du Canada, qui a été rendu public le 18 mars 2020 (consulter les bulletins FiscAlerte 2020 numéro 15 et 2020 numéro 20 d’EY pour en savoir davantage).

FiscAlerte 2020 numéro 26 – Mise à jour concernant la PCU et le programme Travail partagé du Canada ‑ COVID‑19
Le 25 mars 2020, le gouvernement fédéral a mis à jour les mesures économiques rendues publiques la semaine précédente, et la loi pour les mettre en œuvre a été adoptée. Les mises à jour annoncées prévoient l’instauration de la Prestation canadienne d’urgence (la « PCU »), qui remplace l’Allocation de soutien d’urgence et l’Allocation de soins d’urgence annoncées la semaine précédente (et présentées dans le bulletin FiscAlerte 2020 numéro 15 d’EY), et une simplification du processus de demande d’une entente de Travail partagé dans le cadre des mesures spéciales temporaires du programme Travail partagé du Canada.

FiscAlerte 2020 numéro 27 – Le Canada annonce le report des droits de douane et de la TPS pour les importateurs ‑ COVID‑19
Lors d’une conférence de presse le 27 mars 2020, le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a annoncé que la date limite des versements de fin de mois des droits de douane et de la taxe sur les produits et services (la « TPS ») sur les produits importés est reportée au 30 juin 2020.

FiscAlerte 2020 numéro 28 – Subvention salariale d’urgence du Canada : mise à jour ‑ COVID‑19
Le 1er avril 2020, le ministre des Finances, Bill Morneau, a présenté des mises à jour importantes concernant le programme de subvention salariale, instaurant un nouveau programme appelé Subvention salariale d’urgence du Canada (la « nouvelle subvention salariale »), qui coexistera avec la subvention salariale initiale de 10 %.

Résumé

Pour plus d’information sur les Services de fiscalité d’EY, veuillez nous visiter à ey.com/ca/fiscalite. Vous pouvez nous transmettre par courriel vos questions ou commentaires relativement au présent bulletin à questions.fiscales@ca.ey.com.

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Par EY Canada

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