7 minutes de lecture 16 févr. 2021

            Un système de messagerie vocale sur fond de ciel bleu

Comment un cadre robuste de dénonciation peut-il contribuer à la création de valeur à long terme?

Par Andrew Gordon

Leader mondial d’EY, Services de juricomptabilité et de soutien à l’intégrité

Leader mondial en juricomptabilité, concentrant ses efforts sur l’aide aux entreprises pour qu’elles renforcent leur stratégie d’intégrité de façon à mieux prévoir les risques et à les atténuer.

7 minutes de lecture 16 févr. 2021

Les programmes de dénonciation efficaces ne sont pas uniquement justifiés d’un point de vue légal et éthique, ils permettent également aux entreprises de se distinguer nettement de leurs concurrents.

En bref

  • L’importance que joue la dénonciation dans la mise au jour des actes répréhensibles va vraisemblablement s’accroître alors que les organisations relèvent les défis que pose la pandémie de COVID‑19.
  • Il incombe aux entreprises et à leurs dirigeants de créer la bonne « culture de prise de parole » pour permettre aux dénonciateurs de se manifester.
  • Les programmes de dénonciation forment le pilier central du cadre de gouvernance d’une organisation et peuvent contribuer à la création de valeur à long terme.

La maxime picturale japonaise des trois singes de la sagesse (le premier se couvre les yeux, le deuxième, la bouche et le troisième, les oreilles) incarne le principe de « ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire ». Différentes significations sont accolées aux singes et à la maxime, mais celle qui est la plus souvent évoquée se rapporte au fait que les gens ferment les yeux sur les irrégularités. Heureusement, les gens veulent de plus en plus prendre la parole lorsqu’ils voient des actes répréhensibles ou en entendent parler, c’est pourquoi les organisations ne doivent plus seulement souhaiter aider les dénonciateurs, elles doivent passer à l’acte.

Parallèlement, la pandémie de COVID‑19 a amené son lot de défis pour les organisations qui veulent établir un cadre robuste d’intégrité, y compris des procédures de dénonciation, et en assurer l’application. Les politiques et les procédures doivent être examinées en prenant en considération que la main‑d’œuvre est de plus en plus dispersée et en télétravail. À la question Est‑ce le moment de vérité pour l’intégrité des entreprises? du rapport mondial d’EY sur l’intégrité (EY Global Integrity Report (pdf)), neuf répondants sur dix croient que la pandémie présente un risque accru de non-respect d’une conduite éthique des affaires au sein de leur organisation.

Avec le constat que la pandémie mondiale et ses répercussions se feront ressentir à court terme, les organisations doivent en faire plus pour repérer les comportements contraires à l’éthique et y mettre fin ainsi que pour protéger ceux qui les ont dénoncés.

Les dénonciateurs, employés qui dénoncent les comportements au sein de leur propre organisation, jouent un rôle essentiel pour mettre au jour les cas d’inconduite. Ce n’est qu’une des raisons pour lesquelles les politiques visant à protéger les dénonciateurs sont sorties de l’ombre pour devenir des priorités pour bien des professionnels d’expérience en matière de droit et de conformité. Ce qui n’était abordé que brièvement dans le cadre de plus vastes discussions à propos de l’intégrité est dorénavant de plus en plus au cœur des préoccupations des entreprises, peu importe leur taille.

Ces préoccupations sont soulevées tant à l’intérieur des organisations qu’à l’extérieur de celles‑ci, les employés ayant de plus en plus d’attentes et de nouveaux mandats de nature juridique entrant en vigueur. Les gouvernements en Europe sont en voie d’appliquer des lois obligeant les entreprises à rehausser le niveau de protection offert à leurs employés, y compris les entreprises des secteurs hautement réglementés, comme les services financiers et les soins de santé.

De plus en plus de lois étant adoptées, les organisations devront élaborer des politiques efficaces et concrètes visant à renforcer l’intégrité et se pencher tout particulièrement sur la dénonciation. Malgré les progrès réalisés, les politiques ne sont pas toujours appliquées globalement ou systématiquement.

Les données colligées dans le rapport mondial d’EY sur l’intégrité de 2020 (EY Global Integrity Report (pdf)) ont révélé que la vaste majorité des répondants (94 %) de près de 3 000 entreprises participantes avait mis en place au moins une procédure de dénonciation robuste. La plus courante était un code de conduite sur la façon dont les employés doivent se comporter au travail (47 %), suivie par la formation régulière sur les normes professionnelles, juridiques ou réglementaires applicables en matière de comportement (38 %).

À un niveau général, 39 % des personnes sondées ont mentionné qu’il était plus facile de signaler leurs préoccupations depuis les trois dernières années. Malgré tout, un répondant sur cinq mentionne être plus inquiet à l’égard du niveau de protection accordée aux dénonciateurs qu’il y a trois ans et moins du tiers (27 %) des répondants croient que la protection offerte est plus robuste qu’auparavant.

Les organisations doivent bien comprendre l’ensemble du processus, la politique à elle seule ne suffit pas. Les lois et règlements sur la dénonciation sont de plus en plus répandus, c’est pourquoi les entreprises autour du monde doivent étoffer et renforcer leurs procédures actuelles.

Un concept essentiel pour les entreprises est leur capacité à écouter ce que leurs employés ont à leur dire, à recueillir les suggestions et les commentaires provenant des personnes d’échelons inférieurs à celui de dirigeant. Cela favorise un environnement où les employés sont à l’aise de parler lorsqu’ils voient des choses qui selon eux vont à l’encontre des valeurs de l’entreprise.

Favoriser le bon environnement

Les organisations doivent élaborer des processus complets de dénonciation qui énoncent la façon dont un employé doit signaler les situations jugées problématiques et les mettre à jour régulièrement. Ces processus doivent indiquer comment et à qui divulguer ces activités. La formation et la communication sont tout aussi importantes pour ces processus. Il ne suffit pas pour les entreprises d’énoncer une politique et de l’intégrer en douce dans un manuel rarement consulté ou difficile d’accès, elles doivent plutôt donner de la formation continue à l’échelle de leur entreprise pour faire en sorte que tous les employés connaissent leurs droits en vertu de la politique de dénonciation.

C’est la responsabilité de la direction de l’entreprise de voir à ce que les programmes de dénonciation soient perçus autrement que comme un artifice. Il est important d’intégrer à long terme une politique de dénonciation dans la culture et les valeurs d’une entreprise. Les employés se sentent en sécurité lorsque l’ensemble de la culture au sein de l’organisation est axée sur l’intégrité et que les gens savent que l’entreprise s’est engagée à respecter cette valeur.

Un concept essentiel connexe est la capacité à écouter pour pouvoir réellement recueillir les suggestions et les commentaires provenant des personnes d’échelons inférieurs à celui de dirigeant. Cela favorise un environnement où les employés sont à l’aise de parler lorsqu’ils voient des choses qui selon eux vont à l’encontre des valeurs de l’entreprise. En effet, les organisations devraient favoriser une culture qui considère la dénonciation comme un devoir et une responsabilité lorsque des actes répréhensibles ou des comportements contraires à l’éthique sont constatés.

Favoriser la sécurité

Un programme de dénonciation efficace devrait être pérenne. Les employés qui auront utilisé le programme et dont l’expérience sera positive deviendront des ambassadeurs du programme pour ceux qui voudront l’utiliser par la suite.

Une approche courante de traitement des plaintes est la mise en place d’un service d’assistance téléphonique au moyen duquel les employés peuvent porter plainte. C’est un bon point de départ, mais ce n’est qu’un début. Il faut également prendre en considération qui examine les informations. Un comité impartial doit être mis sur pied, dont les membres possèdent l’expertise pour comprendre les exigences légales et morales ainsi que la gravité des faits pour faire des recommandations qui seront prises au sérieux. Il pourrait s’agir de partenaires externes, selon le secteur dans lequel l’entreprise exerce ses activités.

La communication tout au long du processus est souvent un facteur qui peut compliquer la situation. Pour qu’une enquête sur les faits demeure « impartiale », bon nombre de processus doivent demeurer confidentiels. Bien que le maintien de la confidentialité des renseignements sur l’accusé et le dénonciateur soit important, tout processus de dénonciation doit comporter une procédure standard selon laquelle on doit faire rapport au plaignant initial. Un dénonciateur devrait savoir idéalement avant même d’avoir porté plainte ou lorsqu’il le fait, quand et comment il sera informé de l’issue de sa plainte.

Les dénonciateurs ont en général les deux mêmes craintes lorsqu’ils déposent une plainte : que leur plainte soit ignorée ou qu’ils doivent assumer les conséquences ou subir des représailles en raison de leur plainte. C’est ce que démontre le rapport mondial d’EY sur l’intégrité de 2020 (EY Global Integrity Report), qui révèle que 53 % des répondants qui avaient signalé une situation ont subi des pressions les incitant à se taire. Toutefois, la proportion des répondants ayant mentionné avoir subi des pressions n’est pas uniforme, elle atteint 83 % au Japon et 38 % au Mexique. Le contexte et les coutumes du territoire, comme toujours, sont des facteurs importants.

Informer le dénonciateur tout au long du processus permettra de dissiper la crainte qu’il soit ignoré, tandis que les organisations peuvent atténuer la peur de représailles en communiquant les mesures de protection pour les dénonciateurs qui sont en place et en soulignant les situations où le signalement a mené à des réformes.

(rapport mondial sur l’intégrité)

53 %

des répondants qui avaient signalé une situation ont dit avoir subi des pressions les incitant à se taire.

La dénonciation et la stratégie en matière d’intégrité

Peu importe les exigences réglementaires, les entreprises et leurs dirigeants ont la responsabilité de créer un environnement propice pour que les dénonciateurs puissent prendre la parole. En fait, les dénonciateurs ne sont ni rares ni les ennemis de l’entreprise. Selon le rapport mondial d’EY sur l’intégrité de 2020 (EY Global Integrity Report (pdf)), 37 % des répondants avaient signalé des cas d’inconduite directement à la direction ou au moyen de la ligne téléphonique de dénonciation. Le changement de culture profond, qui va au-delà du discours et du respect des exigences minimales, prend du temps, mais il en vaut la peine.

En plus d’être justifié d’un point de vue légal, ce changement pourrait contribuer à la création de valeur à long terme par l’entreprise. Les programmes de dénonciation forment le pilier central du cadre de gouvernance d’une organisation. Il est essentiel que les entreprises conçoivent des processus éthiques et humains de traitement des plaintes.

En les incorporant dans leur stratégie en matière d’intégrité, les organisations peuvent s’assurer que leurs gens ne ferment pas les yeux sur les actes répréhensibles, sont encouragés à prendre la parole et sont récompensés, et non pénalisés, lorsqu’ils le font. Au final, les entreprises en sortiront plus fortes que leurs concurrents, elles auront fidélisé les meilleurs talents et attiré de nouveaux clients même en périodes de turbulence.  

Résumé

Avec l’évolution des attentes des employés et la multiplication des lois sur la dénonciation, les organisations doivent renforcer leurs procédures actuelles. Les politiques en matière de dénonciation sont importantes, mais elles ne sont pas suffisantes. Les entreprises doivent offrir de la formation continue pour faire en sorte que tous leurs employés connaissent leurs droits et se sentent en sécurité grâce à une culture axée sur l’intégrité. Un changement de culture profond prend du temps, mais il en vaut la peine, car il pourrait contribuer entre autres à maintenir en poste les gens les plus talentueux et à attirer de nouveaux clients.

À propos de cet article

Par Andrew Gordon

Leader mondial d’EY, Services de juricomptabilité et de soutien à l’intégrité

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