Les thèmes en jeu
Les principaux thèmes, comme l’accent sur le changement structurel vers la transition énergétique, la hausse des dépenses gouvernementales, l’accélération de l’inflation et les questions géopolitiques, ne sont que certains facteurs qui expliquent la phase ascendante actuelle des produits de base. Les métaux ont plus de chances de générer de meilleurs rendements au cours de la phase ascendante du présent supercycle alors que les pays s’efforceront d’atteindre les cibles de l’Accord de Paris, ce qui devrait accroître la demande pour les métaux écologiques.
Bien que les prix des produits de base aient fortement progressé et qu’un grand nombre de facteurs des supercycles passés soient présents, certains facteurs nous incitent à la prudence avant de qualifier la phase ascendante de supercycle
La demande pour les produits de base chinois pourrait avoir atteint un plateau.
- La hausse de la demande pour les produits de base affichée au dernier supercycle afin de développer l’économie chinoise, sous l’effet des mesures prises par la Chine pour stimuler la croissance à l’égard de certains produits de base, devrait être bien plus basse cette fois‑ci, la Chine ayant déjà atteint une consommation par habitant parmi les plus élevées à l’égard de différents produits de base industriels.
- En outre, la Chine est passée d’une économie basée sur la production de biens à une économie basée sur la consommation, ce qui devrait vraisemblablement se traduire par un recul généralisé de la consommation de métaux.
Financialisation des produits de base
- Les marchés des dérivés sur produits de base ont fortement progressé après le dernier supercycle, favorisant une véritable révélation des prix des produits de base.
- Les positions des contrats à terme ou des dérivés sur la plupart des produits de base représentent plusieurs fois la livraison réelle de ces produits de base, menant à une grande volatilité et à de brusques fluctuations. Les prix des produits de base ne sont plus régis par la dynamique traditionnelle de la demande et de l’offre. Par exemple, le nickel a cessé d’être négocié à la London Metal Exchange (LME) le 7 mars lorsque les prix ont grimpé de plus de 250 % en 24 heures après qu’un investisseur chinois n’a pas été en mesure de rembourser les appels de marge en garantie d’une importante position à découvert découlant de ses contrats à livrer. ⁶
- La financialisation des produits de base suscite un certain scepticisme quant à l’idée de ne qualifier de supercycle que la fluctuation des prix.
Macroéconomie
- L’inflation a déjà atteint des sommets inégalés au cours des deux premières années du cycle ascendant actuel. Les banques centrales partout dans le monde ont été très énergiques dans leur fixation des taux pour juguler l’inflation, mais cela se fait au détriment de la croissance mondiale et de la reprise.
- Les hausses en cours des taux d’intérêt de la Réserve fédérale américaine, les risques géopolitiques et les inquiétudes suscitées par la nouvelle vague de COVID‑19 ont poussé l’indice en dollar américain à un niveau record de 105 le 13 mai 2022, nuisant ainsi aux prix des produits de base7. La plupart des métaux ont subi une correction de 15 % à 40 % par rapport à leur récent sommet. Bien que cette correction puisse n’être que temporaire, la vitesse à laquelle elle est survenue indique que les prix sont en baisse pour le reste du cycle.
- Les niveaux inégalés de l’endettement et du taux de chômage pourraient entraver une croissance économique soutenue.
Conséquences indésirables des supercycles des produits de base
Habituellement, tout supercycle comporte des conséquences indésirables. Ces effets secondaires sont attribuables à différents facteurs en action tant dans le microenvironnement que dans le macroenvironnement. Nous avons déjà été témoins de certaines de ces conséquences au cours de la dernière année. La gravité de ces conséquences indésirables déterminera l’avenir du cycle actuel.
Appels à l’action
Opérations de couverture
Les produits de base, y compris les métaux, ont tendance à être efficaces pendant les supercycles, offrant une couverture contre l’inflation et la disruption. Les opérations de couverture sont donc perçues comme faisant partie d’une stratégie viable pour fixer les prix négociés sans égard au fait qu’un produit de base soit dans un supercycle ou non. Étant donné la volatilité des prix des derniers mois, les sociétés devraient adopter une stratégie de couverture prudente de sorte que les minières et les consommateurs puissent se prémunir contre la volatilité. Par exemple, depuis avril 2022, 31 sociétés chinoises du secteur des mines et métaux ont publié leur stratégie de couverture, soit une augmentation de 14,8 % par rapport à la période correspondante de 202111.
Revoir son programme de dépenses en immobilisations
Un changement est survenu dans le scénario économique, surtout au cours des derniers mois, en raison du ralentissement économique qui se fait sentir. Les sociétés qui accroissent audacieusement leur portefeuille sans tenir compte du ralentissement doivent revoir leur programme de dépenses en immobilisations dans le scénario actuel de hausse des taux d’intérêt.
Les sociétés pourraient devoir ralentir leurs dépenses en immobilisations en fonction de l’état de la demande. Par exemple, lors de sa conférence téléphonique sur les résultats du premier trimestre, Kinross Gold a réduit sa prévision des dépenses en immobilisations, la faisant passer de 939 millions de dollars américains à 850 millions de dollars américains pour 202212.
Adopter une approche prudente
Les minières doivent être prudentes, puisque chaque supercycle apporte un nouveau panier de produits de base qui connaît une phase ascendante dans un cycle particulier. Bien que la plupart des produits de base aient connu une forte hausse, les minières devraient se méfier de certains produits de base qui pourraient reculer en raison de facteurs structurels, particulièrement les combustibles fossiles comme le charbon.
L’envolée actuelle des prix des produits de base touche surtout les métaux liés à la transition énergétique, y compris l’aluminium, le cuivre, le cobalt et le lithium, tout particulièrement en raison de la popularité des énergies renouvelables et des véhicules électriques. Toutefois, leur part en regard de l’ensemble de la consommation pourrait demeurer faible compte tenu d’un ralentissement structurel affectant les projets d’infrastructure à l’échelle mondiale.
À court et moyen terme, nous constatons que la dynamique de l’offre et de la demande tend à favoriser l’offre de façon générale. Une approche prudente serait de se mettre en mode survie en gardant les prix inférieurs aux prix moyens du secteur pendant un ralentissement et d’augmenter la production pendant une reprise pour en tirer profit.
Penser à long terme en intégrant la planification de scénarios
- En raison de la nature cyclique du secteur des mines, les minières devraient tenir compte des perspectives à long terme, prévoir plus loin que la phase ascendante et la phase descendante d’un supercycle et se concentrer sur les actifs à long terme qui génèrent de la valeur.
- Les sociétés devraient intégrer une planification détaillée de scénarios à long terme pour tenir compte de différentes situations géopolitiques et de la volatilité des prix mieux préparer leurs activités à faire face à la volatilité à court terme.
Envisager le partage de l’infrastructure
Habituellement, le secteur des mines est en retard sur les autres secteurs, comme le pétrole et le gaz, pour ce qui est d’infrastructure partagée. Les minières devraient envisager le partage de l’infrastructure ou la création de coentreprises pour réduire le risque et améliorer la productivité du capital, tout particulièrement pendant un supercycle. Les voies ferrées, les lignes de navigation, les routes, les liens entre la mine et le port, les concentrateurs, les lignes de transport, les parcs de résidus et les usines de dessalement sont quelques secteurs où les sociétés pourraient réduire le risque financier et leur empreinte environnementale en partageant les infrastructures.